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1137. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Avec un auteur aussi peu naïf que Jean-Baptiste, chez qui tout vient de labeur et rien d’inspiration, il n’est pas inutile de rechercher, avant l’examen des œuvres, quelles furent les idées d’après lesquelles il se dirigea, et de constater sa critique et sa poétique. […] Je me suis trompé en disant que Rousseau ne s’inquiétait jamais de l’idée ; il a fait une ode sur les Divinités poétiques, dans laquelle est exposé en style barbare un système d’allégorisation qui ne va à rien moins qu’à mettre Bellone pour la guerre, Tisiphone pour la peur. […] Boileau en est la preuve : il imite, il traduit, il arrange à chaque instant les idées et les expressions des anciens ; mais tous ces larcins divers sont artistement reçus et disposés sur un fond commun qui lui est propre : son style a une couleur, une texture ; Boileau est bon écrivain en vers. […] Le pire, c’est que l’auteur manque d’idées et qu’il se traîne pour en ramasser de toutes parts. […] Nul mieux que lui ne semble propre à vérifier ce propos du malin : Faute d’idée, il allait faire une ode !

1138. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

C’est un jeune écrivain ayant les idées jeunes de ce temps, qui sont des sensations plus ou moins raffinées, et un scepticisme plus ou moins spirituel. […] V Est-ce pour sa peine d’avoir eu une idée généreuse que le livre éclate de talent ? […] Tels le titre et l’idée du livre. […] L’auteur d’Autour d’une source, en peignant son abbé Roque et en le faisant si grandiose, ne nous a pas donné que l’idée d’un homme exceptionnel ; il nous a donné — ce qui est bien plus profond — l’idée qu’il a de la grandeur du sacerdoce. […] … J’ose revenir à cette idée, et ce sera ma conclusion : ce roman renferme surtout une œuvre de théâtre.

1139. (1883) Le roman naturaliste

Mais la logique ne gouverne pas les hommes comme elle fait les idées. […] ou pourquoi les loue-t-il tant, s’il a vraiment de telles idées ? […] Mais il représentaient des idées vers 1830, et des idées entre lesquelles depuis lors le siècle a fait son choix. […] L’idée première du roman de M.  […] Tant les idées s’enchaînent sous la loi d’une logique intérieure !

1140. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Il n’y a donc rien à dire de cette pièce ni au point de vue des idées, ni au point de vue de l’intrigue, puisqu’il n’y a ni intrigue ni idées. […] Voilà l’idée de l’ouvrage, voilà la thèse et voilà la moralité de la pièce. […] L’idée de Diderot n’est donc point une nouveauté. […] Et il y a de la vérité dans cette idée. […] Il a cette intelligence impersonnelle qui consiste à n’avoir pas d’idées, mais à avoir sûrement, avec une justesse de coup d’œil absolue, les idées de tout le monde, les idées où la pluralité, au moins, se range ou va se ranger.

1141. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

C’est par la comparaison, par la méditation, par l’esprit de suite, que nos idées se multiplient, se rectifient, et que toutes nos forces s’agrandissent. […] N’eût-il pas été si vieux, il aurait encore reculé à l’idée d’une expédition lointaine inconnue. […] Enfin, il y a dans mon âme naturellement douce quelque chose d’indompté qui brise avec fureur et à leur seule idée les chaînes misérables de nos institutions humaines. […] Nos idées nouvelles sur la propriété littéraire, idées avares, illibérales et d’une mesquinerie jalouse, voudront-elles s’y prêter ? […] Mais je suis d’avis que vous en conserviez le mouvement, la même série dans les idées et l’accumulation des traits contre Hamlet dans la dernière partie de sa défense.

1142. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Il en avait ; c’étaient les mêmes idées violentes et hardies, les idées inflexibles, me disais-je, exprimées avec cette hauteur de parole et cette insolence de conviction du prophète de Chambéry, qui n’admettait le doute que comme une impiété. Supposer que Dieu lui-même eût pu avoir une autre idée que celle d’un montagnard de Savoie lui eût paru un blasphème impardonnable de notre risible orgueil. […] On voyait du premier coup d’œil que c’était écrit à la manière hébraïque, où chaque verset porte avec lui son idée ou son image. […] certainement, me répondit-il, jamais une pareille idée ne s’est présentée à mon esprit. […] Il avait fait le tour des idées sans s’arrêter jamais dans la modération.

1143. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Glasenapp dit : « Dans la scène d’amour du second acte, les idées du philosophe ont été exprimées à la perfection dans le langage de la poésie et de la musique. » (I, 385) ; M.  […] Jullien nous apprend que Wagner « a fait des deux amants les interprètes de l’école philosophique de Schopenhauer » (Richard Wagner, 148.)… Or, c’est là une idée qui ne peut supporter le moindre examen. […] On chercherait en vain chez lui un enchaînement logique des idées. […] Les artistes ont exécuté vaillamment cette partition difficile, qui, pour en donner une idée sommaire, semble se rapporter à la tradition musicale de Gluck et de Spontini. […] Jullien, dans son récent livre, montre jusqu’où peut mener une idée préconçue et superficielle.

1144. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

L’idée en est agréable. […] Cette association des couleurs du printemps et des grâces de l’enfance rappelle et rassemble des idées d’espérance. […] Un des amis de M. de Latouche, en causant, lui avait donné l’idée d’un roman psychologique sur ce sujet. […] La Correspondance de Clément XIV et de Carlin, par M. de Latouche, est née d’une idée piquante de l’abbé Galiani. […] La reconnaissance alors se peignait si vive dans ce regard-là, que toute idée de pour quittait les timides.

1145. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Bonsoir le plaisir de cette nuit, et, les nerfs montés, il nous vient des idées d’exil volontaire, et la tentation d’aller fonder en Belgique un journal, où nous montrerons aux gouvernants du moment, que nous avons certaines qualités de pamphlétaires. […] Un petit homme à la figure énergique, aux moustaches grises, à l’aspect d’un grognard ; marchant en boitaillant, et sans cesse, d’un coup de plat de main sec relevant ses manches sur ses bras osseux, diffus, débordant de parenthèses, zigzaguant d’idées en idées, déraillé, perdu, mais se retrouvant et reprenant votre attention avec une métaphore de voyou, un mot de la langue des penseurs allemands, un terme savant de la technique de l’art ou de l’industrie, et toujours vous tenant sous le coup de sa parole peinte et comme visible aux yeux. […] Style haché, coupé, tronçonné, où la trame et la liaison de la phrase ne sont plus, avec des idées jetées comme des couleurs sur la palette, et quelquefois une sorte d’empâtement au pouce… Mais plus haut, et au fond, une terrible menace que ce dernier livre du grand poète, et un peu l’ouverture de la grande Ruine qui sera demain. […] » C’était le grand moment de la restauration des idées catholiques, et le pauvre père Cerceau disait sur un ton lamentable, à ses élèves : « Messieurs, vous serez cause de ma ruine. […] Ces âmes d’hommes de lettres-là font tache dans ce libre xviiie  siècle par la bassesse sourde du caractère, sous la hauteur des mots et l’orgueil des idées.

1146. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Je demande, à cet effet, que l’on oublie toutes les opinions, toutes les injures, tous les éloges conventionnels, toutes les hypocrisies, la foule des banalités écrites ou proférées autour de cet homme, pour ne se souvenir que de son œuvre et de ses idées, de ce qu’il a dit et pensé véritablement. […] Sans chercher à la caractériser pour le moment, nous allons voir comment Zola, traduisant les idées du physiologiste, se les assimile intégralement. […] La « matière » n’est pas telle que se la figure l’idée populaire, un bloc inerte ou un pur mécanisme. […] Illustrée par des savants tels que le naturaliste d’Iéna, Ernest Haeckel, cette philosophie nouvelle occupe déjà dans le monde des idées une place enviable. « Notre conception du Monisme ou philosophie de l’unité, nous dit Haeckel, est claire et sans équivoque. […] Nous sommes donc en droit de rechercher par-delà son œuvre, l’idée maîtresse dont elle dépend.

1147. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Il s’en éloigne plus encore, dans l’idée qu’il se fait de la royauté toute-puissante. […] L’idée de la justice absolue dans le pouvoir était rappelée à cette cour détestable, où le vice préludait au crime, où des enfants pervers avaient hâte de régner, et où, pendant deux siècles, l’inceste et le parricide servaient d’accompagnement à l’hérédité royale. […] Sans doute, ces émanations de l’esprit judaïque étaient surtout accueillies, selon le rapport plus ou moins grand qu’elles offraient avec les idées païennes. […] L’isolement absolu, le secret prolongé des croyances et des idées hébraïques, quand l’obstacle du langage avait disparu, serait bien peu vraisemblable : il s’accorderait bien peu avec le fréquent prosélytisme que dès lors exercèrent les Juifs. […] Ils se sont inquiétés à l’idée de faire le Dieu de bonté auteur du mal.

1148. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 127-131

Il leur apprit à douter, c’est-à-dire, à se détacher des sens, à se défier de leurs idées, à suspendre leur jugement, à n’admettre, en un mot, dans la Philosophie, que ce qui porte avec soi le caractere de l’évidence. Ces principes établis, le Philosophe ne marcha plus au hasard & selon le gré d’une imagination vagabonde : il suivit des guides sûrs & infaillibles, qui, lui découvrant la vérité, lui apprirent, par une chaîne non interrompue de conséquences, à agrandir le cercle de nos idées. Descartes possédoit, dans un degré supérieur, l’art du raisonnement & celui d’en trouver les principes, le talent d’analyser les idées, d’en créer de nouvelles & de les multiplier par une méditation profonde ; talent unique & sublime qu’on ne peut devoir qu’à la Nature, que le travail & l’étude peuvent aider quelquefois, mais qu’ils ne sauroient donner ni suppléer.

1149. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Préface » pp. -

Et, dans ce travail qui voulait avant tout faire vivant d’après un ressouvenir encore chaud, dans ce travail jeté à la hâte sur le papier et qui n’a pas été toujours relu — vaillent que vaillent la syntaxe au petit bonheur, et le mot qui n’a pas de passeport — nous avons toujours préféré la phrase et l’expression qui émoussaient et académisaient le moins le vif de nos sensations, la fierté de nos idées. […] Daudet prenait plaisir à la lecture, s’échauffait sur l’intérêt des choses racontées sous le coup de l’impression, me sollicitait d’en publier des fragments, mettait une douce violence à emporter ma volonté, en parlait à notre ami commun, Francis Magnard, qui avait l’aimable idée de les publier dans Le Figaro. […] Je refonds dans notre Journal le petit volume des Idées et sensations qui en étaient tirées, en les remettant à leur place et à leur date.

1150. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Autobiographie » pp. 169-176

Et, dans ce travail qui voulait avant tout faire vivant d’après un ressouvenir encore chaud, dans ce travail jeté à la hâte sur le papier et qui n’a pas été toujours relu — vaillent que vaillent la syntaxe au petit bonheur, et le mot qui n’a pas de passeport — nous avons toujours préféré la phrase et l’expression qui émoussaient et académisaient le moins le vif de nos sensations, la fierté de nos idées. […] Daudet prenait plaisir à la lecture, s’échauffait sur l’intérêt des choses racontées sous le coup de l’impression, me sollicitait d’en publier des fragments, mettait une douce violence à emporter ma volonté, en parlait à notre ami commun, Francis Magnard, qui avait l’aimable idée de les publier dans le Figaro. […] Je refonds dans notre Journal le petit volume des Idées et Sensations qui en étaient tirées, en les remettant à leur place et à leur date.

1151. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Mais que ces révélations, d’ordinaire fugitives et rares, se succèdent et se reproduisent incessamment dans une âme ; qu’elles se mêlent à toutes ses idées et à toutes ses passions ; qu’elles jaillissent, éblouissantes et lumineuses, de chaque endroit où se porte la pensée, des récits de l’histoire, des théories de la science, des plus vulgaires rencontres de la vie ; que, cédant enfin à ces innombrables sensations qui l’inondent, l’âme se mette à les répandre au dehors, à les chanter ou à les peindre, là est le signe, là commence le privilège du poète. […] La plupart des idées de M.  […] Plus de divagations alors, plus d’exagération ; il ne perd point de vue, il n’altère point ce qu’il sent ; le tableau se compose sans efforts, et chaque idée apporte avec elle sa couleur. […] Si telle a été son idée, il s’est mépris sur le génie de notre langue, qui, à tort ou à raison, repousse expressément ces combinaisons sonores. […] Ajoutons quelques métaphores mal suivies, de l’impropriété dans les termes, trop d’ellipses dans la série des idées, des incidences prosaïques au milieu d’une éclatante poésie, et nous aurons terminé avec M. 

1152. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Je ne l’insulterai pas au point de penser qu’il croit naïvement mettre dans ses travaux une grande unité, parce qu’il donne un seul titre à plusieurs récits ; il sait bien, tout autant que nous, que ce qui fait l’ensemble de toute composition, c’est une idée. Mais il n’a point l’idée… Or, quand l’idée manque, l’idée autour de laquelle on centralise les faits et par laquelle on les explique, peu importe alors que les histoires ramassées à toutes places dans les annales des États, et qu’on enfile les unes au bout des autres, s’appellent les Reines de la main gauche, sujet galant, ou les Couronnes sanglantes, sujet sinistre. […] Ceci donc équivaudrait à dire, dès les premières lignes, que ce pauvre Léouzon-Leduc n’est point un véritable historien, et que l’emploi de ses procédés donne juste (ce qui serait bien dur) l’idée exacte de sa manière.

1153. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Mais, nous devons le dire, nous souhaitons que celui-ci soit aussi ferme que celui-là est pur, et qu’il ressorte avec la même clarté d’idées et la même expérience de style, calme et simple, sur le même fond de renseignements et de lumière. […] Les idées et les sentiments de ce siècle, si splendidement civilisé, se réfléchissaient et se raffinaient en ces jeunes personnes chez qui l’éducation s’ajoutait à la race, de même que les choses les plus grandes qui nous environnent peuvent se réfléchir dans une des facettes de la pierre précieuse qu’on porte au doigt, tout en s’y opalisant des propres couleurs de la pierre. […] Si admirablement élevés qu’aient été nos officiers sortis de Saint-Cyr depuis 1805, — et même en raison de cette éducation militaire qui passe l’uniforme à l’esprit, — ils ne représentent pas la société de leur temps dans toutes ses nuances, comme ces belles jeunes filles, qui touchaient, elles, par tous les points de leur éducation et de leur vie, à toutes les idées et à tous les sentiments du xviie  siècle, représentent celle du leur et la traduisent à l’imagination charmée. […] Du reste, on laisserait de côté cette explication inattendue du xviie  siècle, trop fine peut-être pour frapper et pour attirer la majorité des esprits, qu’on ne pourrait pas oublier la grande personnalité historique qui remplit le livre, et qui, à elle seule, aurait suffi pour appeler et justifier, dans l’esprit d’un homme ayant l’instinct des grandes choses humaines, l’idée d’une histoire de l’institution de Saint-Cyr. […] Le calme et la solidité qui nous donnent l’idée des choses éternelles, et qui faisaient comme la substance de l’esprit de madame de Maintenon, n’attirent guères que les esprits qui savent ce que valent, et quelquefois ce que coûtent, de telles qualités.

1154. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

C’est en regard du Pape idéal, mendiant, vagabond et besacier, qu’il convenait de montrer les Papes réels… Quand cette histoire de M. de L’Épinois parut, il y a quelques années, peu de critiques s’en occupèrent, et peut-être parce qu’elle répondait trop bien aux malheureuses idées contemporaines ! […] Telle est l’idée des haïsseurs de l’Église, qui fut souvent réalisée dans l’Histoire et qui peut l’être encore par des politiques ennemies et victorieuses de l’Église, — mais de l’Église jamais vaincue ! — et telle l’idée de Victor Hugo, quand il a fait, dans son poème du Pape, son tintamarre de mots et de faux hoquets contre la Papauté, et qu’il y pleure sur elle et sur l’humanité avec la sensibilité d’un crocodile… Or, c’est cette idée-là dont M. de L’Épinois fait implicitement l’histoire. C’est cette idée, qui, en définitive, pour tous ceux qui pensent et qui savent conclure, est battue en brèche et mise en ruines ici, et cela sans presque y toucher.

1155. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

On verra s’il peut y avoir quelque chose de commun entre le Rédempteur des hommes qui nous a relevé de la chute et ceux qui, repoussant l’idée de la chute comme une calomnie à la nature humaine, nient que le monde eût besoin d’être relevé ; entre Celui qui a dit : « Bienheureux ceux qui souffrent !  […] D’ailleurs, pour un chrétien et pour un prêtre, l’idée de l’éternité rabougrit singulièrement la gloire, et s’il écrit son nom sur son œuvre, c’est plus pour le signaler aux fraternités de la prière que pour le livrer à ces bouffées de vent léger qui lèvent de terre un nom et l’emportent dans la renommée. […] Plus d’un courageux esprit a lutté avec elles ; car ce n’est pas une idée d’aujourd’hui ou d’hier, mais un besoin qui date de loin dans l’Église, qu’une concorde lumineuse des Évangiles devant laquelle la mauvaise foi et la mauvaise science fussent obligées de baisser le ton et les yeux. […] Comme un de ces grands artistes lapidaires du Moyen Âge, il a incrusté de pierres précieuses le tabernacle… Mais c’est moins un but d’adoration et de rayonnement splendide qu’il a eu en vue, que la pensée plus mâle de la propagation des idées et des faits qui sont pour nous la vérité. […] Nous l’avons dit en commençant et nous le répétons en finissant ; car c’est l’idée qui doit incessamment planer sur tous les esprits religieux.

1156. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Et de fait, c’est là l’idée humaine, l’idée raisonnable au sens philosophique du mot, que d’imputer à l’Église romaine des modes d’action, des combinaisons et des ressources semblables à ceux des autres gouvernements. […] Et, d’un autre côté, si le sort définitif de ces colonies est lié étroitement à la civilisation des peuples sauvages qui les entourent, cette civilisation peut-elle s’obtenir autrement que par un travail fixe et des idées fixes, par une tradition qui persévère de génération en génération, comme la tradition catholique ? […] L’idée chrétienne, qu’il faut saluer partout où elle passe, brille dans le roman américain, mais tronquée, humanisée, et telle qu’elle devient toujours au toucher trop appuyé, du protestantisme. […] , nous avons bien moins songé à faire de la critique qu’à déterminer fortement, en les opposant, la différence de deux idées et de deux doctrines.

1157. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

D’ailleurs, Laboureurs et Soldats et Milianah suffisent pour donner une idée complète de la manière de M.  […] Elle n’enlève pas légèrement sur son front limpide tout un monde d’idées ou de sentiments comme les cariatides de Goujon enlèvent leurs corbeilles. […] Il est difficile, en effet, de donner à distance une idée très-exacte de cette poésie consciencieuse et bien intentionnée, mais qui n’a guère pour elle que son intention et sa conscience. […] de me voir quitter par intervalle (ce n’est donc qu’un instant) les régions purement lyriques pour aborder le terrain de la réalité. » Et il ajoute, en chiffonnant une idée juste : « A l’origine des littératures, les scènes de la vie agricole et de la vie militaire constituent les plus fécondes sources d’inspiration (constituent une source, quelle poésie !)  […] Si cet homme qui dans sa préface a eu, probablement après coup, une idée juste, l’avait abordée dans ses poèmes, s’il portait quelque part l’influence ou l’empreinte des récits bibliques !

1158. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

L’abbé Julio de la Clavière est ce prêtre que l’Église, toujours au Moyen Age, persécute, traque et maudit, parce qu’il a dans la tète et dans la poitrine l’idée et le sentiment de l’Église transformée. […] L’homme de génie n’a, en somme, d’autres idées que celles de l’abbé Trois-Étoiles, et c’est, en fait de génie, coucher à la belle étoile, cela ! Or, les idées de notre mystérieux abbé ne lui appartiennent pas plus qu’à son héros. Ce sont les idées qui, depuis trente ans, grouillent dans les bas-fonds d’un monde tombé, et qui étaient déjà jugées et déshonorées alors que des plumes plus puissantes que celles de l’auteur ou des auteurs du Maudit les remuaient. […] … Le livre qu’il commet n’est ni médiocre ni mauvais ; il est nul, puisque l’on n’y trouve que des idées qu’on a vues ailleurs et qui y sont noyées dans un style bien moins ridicule qu’ennuyeux.

1159. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Si quelqu’un a rendu possible de repeupler en idée Versailles et de le repeupler sans ennui, c’est lui. […] Que si on le veut absolument, on peut retrancher et supprimer en idée quelques-uns de ces portraits qui sont suspects, et où il entre visiblement de la haine ; le personnage du duc du Maine est dans ce cas. […] Mais l’idée de force, qui est si essentielle au talent de Saint-Simon, reste absente, et elle est sans doute dissimulée par la jeunesse. […] Cette opinion, dans laquelle Mme de Maintenon resta invariable, atteste l’antipathie des natures et n’était pas propre à donner au roi une autre idée que celle qu’il avait déjà sur ce courtisan médiocrement docile. […] L’idée des conseils à substituer aux secrétaires d’État pour l’administration des affaires, était de lui ; mais elle ne fut pas exécutée et appliquée comme il l’entendait.

1160. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Piéron a émis une idée analogue 38. […] Telle est l’idée émise par M.  […] Les idées que nous exposions à ce sujet furent accueillies avec une certaine réserve ; certains les jugèrent paradoxales. […] Un délire, une hallucination, une idée fixe sont des faits positifs. […] L’idée d’une ressemblance de coloration affective appartient plus particulièrement à M. 

1161. (1900) Molière pp. -283

Elles sont assez piquantes, les circonstances qui amenèrent Weiss à exposer ses idées sur Molière. […] Ils aimaient qu’on répandît, qu’on éparpillât leurs idées, leurs types. […] Mais quand l’idée de la mort s’est mise quelque part, en revanche elle n’en déloge plus ; que cette idée provienne d’un mal réel ou d’un mal imaginaire, ses effets sont absolument les mêmes sur les hommes. […] Molière conçut l’idée, la première idée de se moquer d’un directeur de conscience ; il n’alla pas au-delà. […] Pour lui, ce sera une énigme impossible, et il n’y comprendra rien du tout, avec ses idées de l’an 500 avant Jésus-Christ.

1162. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Là réside vraiment, bien plus que dans ses chagrins ou dans ses périls personnels, la source de la mélancolie de Hamlet ; c’est là son idée fixe et sa folie. […] Mais il a su enrichir l’idée du poëte latin par l’apparence nouvelle qu’il lui donne et les incidents qu’il a multipliés. […] Ce récit fit naître à Nicuola l’idée de s’habiller en homme, et d’entrer chez Lattanzio en qualité de page. […] Une idée domine toute la pièce, c’est celle de la juste punition des crimes qui ont ensanglanté les querelles d’York et de Lancaster. […] Cette différence dans la marche des idées se peint dans tous les détails du caractère et de la destinée des personnages.

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