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1185. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

C’est ainsi, pour ne faire entrer en ligne de compte que des exemples invoqués déjà et familiers, c’est ainsi que les anciens Hindous, les premiers Grecs et les premiers Romains pourvoyaient à la satisfaction du vœu de l’espèce par la croyance que l’on a décrite en une vie posthume et souterraine.

1186. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

  Si l’on en croit les Grecs, le poète est celui qui fait, celui qui crée ; il faut les croire ; — ΠΟΙΗΤΗΣ — dans ce simple mot tient tout son art et toute sa fonction.

1187. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

On y voit rapprochées, dans la plus étonnante confusion, les sociétés les plus disparates, les Grecs homériques mis à côté des fiefs du xe  siècle et au-dessous des Bechuanas, des Zoulous et des Fidjiens, la confédération athénienne à côté des fiefs de la France du xiiie  siècle et au-dessous des Iroquois et des Araucaniens.

1188. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Il est monothéiste, comme plusieurs de ses prédécesseurs en philosophie ; il est monothéiste ; que le monde soit susceptible d’être ramené à une seule loi, c’est une idée qui a commencé à envahir l’esprit humain et à s’imposer à lui ; mais, d’autre part, il est trop Grec pour ne pas rester un peu polythéiste, pour ne pas croire que des forces multiples et diverses gouvernent le monde et se le disputent.

1189. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Pour l’écrivain français, dont la plume pouvait universaliser le blâme ou l’éloge, la fine Russie avait pris son plus beau sourire grec et revêtu toutes ses grâces de Cléopâtre asiatique.

1190. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

Comme les Grecs du Bas-Empire, le Chinois est un peuple extérieur, cérémonieux, attaché aux rites comme il dit, et tout est rite pour lui, depuis sa religion, à laquelle il ne croit pas, jusqu’à sa politesse, qui est une formule sans bonne foi et dont le vide fait contraste avec un égoïsme si plein !

1191. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

Et si, dans ses autres poésies, — Les Recueillements, Jocelyn, La Chute d’un ange, où le poète fut l’ange même dans sa chute, le Dernier chant de Child-Harold, dans lequel il lutta avec ce Byron qui avait affecté de ne pas l’entendre, quand il avait parlé de lui en termes dont une fierté si royale et si satanique même qu’elle fût, aurait dû être reconnaissante, La Mort de Socrate, où la beauté du texte de Platon est vaincue et divinisée par une forme inconnue aux Grecs, — si enfin partout, dans tous ses poèmes, Lamartine se sentit au niveau du poète des premières Méditations, jamais il ne monta plus haut que dans les Harmonies.

1192. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Ces têtes romaines, organisées pour la politique, comme les têtes grecques l’étaient pour l’art, admettaient que le droit du magistrat fût absolu ; et il l’était à tous les degrés de la magistrature, pour le censeur comme pour le tribun, pour le préteur comme pour le consul.

1193. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Les Grecs l’eurent du temps de leurs sophistes.

1194. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

avec lesquels, pour un homme vivant, il semble trop ajuster l’Académie des Inscriptions, ce cimetière orné de ces momies dont il n’est pas… Il a, en effet, écrit une Histoire des Perses d’après les auteurs orientaux, grecs et latins, et les manuscrits inédits !

1195. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Brune aux yeux de lotus, blonde à paupière noire, Ô Grecque de Milet, sur l’escabeau d’ivoire            Pose tes beaux pieds nus. […] Considéré en tant qu’artiste pur, il modifie sans cesse son genre et sa manière. — Est-ce un adepte de l’antiquité grecque ? […] « De ce Grec de la fin de la Grèce et du crépuscule de l’Olympe213 », comme ils disent, il n’y a ni un volume, ni un chapitre, ni une page qui ait subsisté à travers les siècles, pas un fragment qui, par son mérite propre, ait survécu de générations en générations, pas une pensée qui soit citée encore. […] C’est en notre siècle seulement qu’a surgi une école de paysagistes sans comparaison possible avec celles du passé, et qu’un sculpteur comme Barye a osé prendre ses modèles dans une classe d’êtres dont les Grecs eux-mêmes s’étaient à peine occupés. […] On en peut parler comme du marbre grec connu sous le nom de Vénus de Milo.

1196. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Certains dialogues de la Vie parisienne, du Journal ou de l’Echo de Paris vous donnent une idée fort exacte de ce que furent les mimes grecs. […] Les personnages qu’Hérondas met en scène sont des hommes et des femmes, — des femmes surtout, — de la classe moyenne d’une petite ville grecque d’il y a deux mille deux cents ans et de la campagne environnante. […] Il n’a même pas pris la peine d’indiquer ce que c’était, pour les anciens Grecs, que d’être privé de sépulture, et qu’ils craignaient ce malheur comme les chrétiens craignent l’enfer. […] Qu’il est vivant, ce chœur qui, selon l’usage de la tragédie grecque, est, au fond, le chœur des « mufles », si j’ose m’exprimer ainsi. […] Aliadme, « petite esclave grecque venue du fond de l’Arcadie », était fiancée au vieux roi Ablamore, et le jeune chevalier Palomides devait épouser la bonne Astolaine, fille du roi.

1197. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Nous disions aux classiques : “Vos Grecs ne sont point des Grecs, vos Romains ne sont point des Romains. […] L’italien, le grec ancien et moderne, l’anglais lui étaient familiers. […] Elle avait un diadème en diamants et un peigne en diamants d’où s’échappait un chignon à la grecque. […] Il enseigna le grec à l’historien Taine, à l’humoriste Edmond About, au chroniqueur Sarcey. […] Il flétrit les Grecs.

1198. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Il n’était ni sans études ni sans lettres ; il sut écrire et parler la langue grecque ; il était orateur et historien élégant dans la sienne. […] On prononce devant lui le proverbe grec, Que tout périsse après ma mort (SUETON. […] Hybride ou ybride vient du grec flëpic ;, tache, honte ; celui dont l’origine était tachée, honteuse. […] Le suspirium n’est point l’asthme ; car les Grecs avaient le mot ào6u.a. […] Bayle appelle la secte des stoïciens, la secte la plus noble et la plus auguste qui ait été parmi les Grecs.

1199. (1890) Dramaturges et romanciers

Est-ce toujours parce qu’ils croient comme les anciens poètes grecs à l’existence d’une divinité implacable contre laquelle l’homme lutterait en vain, ou parce qu’ils nient la liberté humaine ? […] Oui le cheval barbe était considéré par les Grecs comme le type accompli de la beauté chevaline, car c’est celui que sculpta Phidias et que décrivit Xénophon. […] Et, en effet, ne vous semble-t-il pas qu’il y a une analogie très frappante entre les formes du cheval barbe et les caractères du génie grec ? […] non, ce cheval est redevable de son âme non au sculpteur, mais aux méthodes grecques d’équitation. […] Cependant on est bien forcé d’admettre cette conclusion, que, s’il n’avait pas étudié les philosophies grecque et allemande, l’esprit de M. 

1200. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Avant d’atteindre sa perfection, la tragédie française classique, celle de Corneille et de Racine, a essayé, comme la grecque, de plusieurs moyens d’y atteindre, et, quand elle y a eu touché, ἐπαύσατο, comme dit. […] Cette mauvaise langue de Furetière n’a-t-il pas insinué qu’on payait pour être peint, sous quelque nom grec ou babylonien, dans ces romans célèbres ? […] Aussi, toutes les formes du romanesque et du chevaleresque, partout ailleurs contraintes et gênées, plus ou moins asservies à l’imitation du modèle grec et latin, se sont-elles ici librement épanouies. […] L’âge d’or que ses contemporains, à l’imitation des Romains ou des Grecs, mettaient toujours dans le passé, c’est dans l’avenir qu’il nous en montre la vision confuse. […] Ceux-ci, en particulier, « savent, la plupart, de fort belles humanités, savent parler en beau latin, savent nommer en grec toutes les maladies, les définir et les diviser ».

1201. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Cet homme de haute et fine érudition, et le moins gourmé des doctes, très-gourmet d’ailleurs, qui se régalait à huis clos avec son ami La Monnoye de tous les erotica et pædica de l’Anthologie grecque copiés par Saumaise sur le manuscrit d’Heidelberg, fit venir Piron et lui dit : « Jeune homme, vous êtes un imprudent ; si l’on vous presse trop fort pour savoir l’auteur du délit, vous direz que c’est moi. » Qu’il lui ait fait sa leçon en ces termes, parlant à lui-même, ou qu’il la lui ait fait faire par le canal de M.  […] Les Boissonade, les Hase, s’en gaudissaient hier encore, s’y délectaient à plaisir, et le premier en tirait mainte citation impunément ; mais c’était en grec. […] Il faut bien connaître aussi cette race de critiques d’autrefois dont l’abbé Des Fontaines était le père ou l’oncle, et que nous avons vue finir : lui, Des Fontaines ; — Fréron, qu’on a voulu réhabiliter de nos jours et regalonner sur toutes les coutures (une courageuse entreprise), — Geoffroy, — Duviquet ; voilà la filiation, le gros de l’arbre ; il y en avait, à droite et à gauche, quelques rameaux perdus ; tous plus ou moins gens de collège, ayant du cuistre et de l’abbé, du gâcheux et du corsaire, du censeur et du parasite ; instruits d’ailleurs, bons humanistes, sachant leurs auteurs, aimant les Lettres, certaines Lettres, aimant à égal degré la table, le vin, les cadeaux, les femmes ou même autre chose ; — Etienne Béquet, le dernier, n’aimait que le vin ; — tout cela se passant gaîment, rondement, sans vergogne, et se pratiquant à la mode classique, au nom d’Horace et des Anciens, et en crachant force latin ; — critiques qu’on amadouait avec un déjeuner et qu’on ne tenait pas même avec des tabatières ; — professeurs et de la vieille boutique universitaire avant tout ; — et j’en ai connu de cette sorte qui étaient réellement restés professeurs, faisant la classe : ceux-là, les jours de composition, ils donnaient régulièrement les bonnes places aux élèves dont les parents ou les maîtres de pension les invitaient le plus souvent à dîner : Planche, l’auteur du Dictionnaire grec, en était et bien d’autres ; race ignoble au fond, des moins estimables, utile peut-être ; car enûn, au milieu de toute cette goinfrerie, de cette ivrognerie, de cette crasse, de cette routine, ça desservait, tant bien que mal, ce qu’on appelait le Temple du Goût ; ça vous avait du goût ou du moins du bon sens.

1202. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Il y entendait parler de bien des choses, surtout de littérature, de Corneille et de Racine, de Geoffroy et de Voltaire, des Grecs et des Romains, de tout ce dont on causait volontiers alors, après les excès de la Révolution, avant le réveil de 1814, à l’ombre du soleil de l’Empire, « à cette époque, nous dit-il, où l’on avait de l’esprit, mais où l’on ne pensait pas. » Penser, en effet, c’est n’être jamais las, c’est recommencer toujours, et l’on avait horreur de rien recommencer. […] Son goût semblait ne le porter d’abord que vers la littérature proprement dite, vers l’érudition grecque et latine ; l’histoire en particulier l’attirait peu. […] Comme souvenir littéraire du temps de cette éducation, j’ai entre les mains une rare brochure, un petit poëme (Lysis) censé trouvé par un jeune Grec sous les ruines du Parthénon, et dont M. 

1203. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Aux inspirations, que le théâtre français, dit Bauër, a tirées de la tragédie grecque, de la comédie latine, des pièces espagnoles, et du bénéfice qu’il y aurait pour notre théâtre d’emprunter des inspirations au Nord, j’aurais voulu répondre que les inspirations grecques, latines, espagnoles étaient des inspirations de cervelles de la même famille, aux circonvolutions identiques, de cervelles latines et non hyperboréennes. […] Une figure plate, un nez qui n’a rien de grec, des yeux à l’éclair fauve, des sourcils à la remontée un peu satanique, un enroulement autour de la tête de cheveux potassés, un buste aux seins attachés très bas : voilà la femme.

1204. (1925) La fin de l’art

Qu’est-ce qu’une tragédie grecque ou une pièce de Shakespeare, un portrait du Titien, une statue de Rodin, des choses qui passionnent les uns, quelques-uns, laissent tous les autres indifférents ? […] La littérature du moyen âge fut plusieurs fois renouvelée par l’apport étranger, influences bretonnes, influences grecques. […] Ô naïveté de croire que les petites Grecques et les petites Romaines faisaient des mariages d’amour !

1205. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Qu’elles ne fussent pas très nettes ou du moins très développées, c’est ce qu’indique ce passage du Phèdre : « Je suis un devin, non pas, il est vrai, fort habile ; je ressemble à ceux dont l’écriture n’est lisible que pour eux-mêmes209 » ; et, si la voix eût prononcé en bon grec des phrases entières, elle n’eût pas eu besoin de s’y reprendre à plusieurs fois, comme il semble qu’elle le fit, pour s’opposer à la participation de Socrate aux affaires publiques et à la préparation de son apologie. […] Dans cet ordre d’idées, l’auteur grec a ouvert la voie à MM.  […] Ce n’est pas moi qui voudrais être un philosophe, un Arcésilas, un Solon morose, de ces gens qui s’en vont la tête baissée, l’œil fixé à terre, murmurant, rongeant, rageant » : Arcésilas, philosophe grec (Pitane, Eolide −315 ou −314 — −241 ou −240), sans doute cité ici parce qu’il prôna entre autres, contre le dogmatisme des stoïciens, la suspension universelle du jugement ; Solon, le célèbre législateur athénien (v.-640 — v. 558) qui est est à l’origine de la vaste réforme sociale et politique qui fonde le commencement de la démocratie athénienne.

1206. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Les théories de la Pléiade, condensées dans la Défense et Illustration de Du Bellay, parue en 1549, ont pour fin de substituer les beautés virginales de l’antiquité grecque retrouvées aux décrépitudes du moyen âge. […] Voici que se précipitent les romantiques à l’assaut du temple grec. […] Cette poésie, la vraie, la pure, dont pas n’est besoin de donner d’exemples parce qu’on saura bien en trouver dans les chœurs des tragiques grecs, dans la Divine Comédie, dans Shakespeare, dans Wordsworth, dans Victor Hugo, — cette poésie possède le droit de s’asseoir aux côtés de la métaphysique sa sœur et peut se définir une métaphysique manifestée par des images et rendue sensible au cœur 19.

1207. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Incontestablement, le théâtre classique avait eu grand tort de renoncer à cette heureuse liberté dont les tragiques grecs ne se sont pas fait faute d’user, et l’école romantique a bien fait de secouer une réserve nuisible ; cependant Lorenzaccio passe les bornes de ce qui est permis, et non seulement l’action est surchargée de personnages qui tous ne sont pas utiles, mais encore la brièveté fatigante des scènes, et le changement continuel de sujet et de lieu, aboutissent à multiplier tellement les fils de la composition, que le livre achevé, il devient très difficile de résumer ce qu’on a lu. […] Les trépieds, les boîtes d’or, les surtouts de Laconie, et même quelquefois des mots grecs, peu nécessaires à la clarté du récit, papillotent devant les yeux d’une manière qui pourrait devenir fatigante. […] Ce sont là des costumes grecs, mais sur des corps vivants ; quant à cette inerte enluminure de Fortunio, elle n’appartient guère aux plus nobles travaux de l’esprit que les prospectus de M.  […] Mais l’idée seule de retremper dans l’idiome grec un langage issu du latin, suffît à condamner le bon sens et le goût du poète, et pour quelques vers semés dans ses nombreux volumes, auxquels on reconnaît avec plaisir des agréments de naïveté, débris gaulois restés debout malgré les efforts du maître, il est impossible de nier que Ronsard est à cent lieues de mériter l’honneur qu’on lui a voulu faire.

1208. (1940) Quatre études pp. -154

Songeons à l’intensité évocatrice de Shelley, à la discrétion de Keats, et relisons le début de l’Ode à une urne grecque : Les mélodies que l’on entend sont douces, mais celles que l’on n’entend pas sont plus douces encore ; donc, suaves pipeaux, continuez de jouer non pour l’oreille sensuelle, mais des ballades plus chéries, des ballades pour l’esprit, sans sonorités ! […] ) Ces « aerial minds », pour me servir de l’expression de Keats, ces esprits aériens ne se trouvent tout à fait à leur aise qu’en compagnie des Grecs, qu’en compagnie de Platon, le constructeur d’idées. […] Du personnage qu’il emprunte à la légende grecque, Hölderlin fait le Sage, le Puissant, « le grand Confident de la nature ». […] Il a péché par cet orgueil que les Grecs estimaient être le plus grand de tous les crimes, et qui attirait la vengeance des dieux ; et plus profondément encore en s’extériorisant, en s’individualisant, en cessant d’être une force de la nature parmi les forces de la nature, pour s’exprimer, pour devenir un être distinct du Tout cosmique. […] Car il se jette à corps perdu dans l’érudition, apprenant tout ce que les hommes ont appris, les Grecs, les Latins, les Français, les Anglais, les Allemands.

1209. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

La corruption grecque, l’oppression romaine et la dissolution du monde antique l’avaient fait naître ; à son tour elle avait fait naître la résignation stoïque, l’insouciance épicurienne, le mysticisme alexandrin et l’attente chrétienne du royaume de Dieu. « Le monde est mauvais et perdu : échappons-lui par l’insensibilité, par l’étourdissement, par l’extase. » Ainsi parlaient les philosophies, et la religion, arrivant par-dessus elles, avait ajouté qu’il allait finir : « Tenez-vous prêts, car le royaume de Dieu est proche. » Mille ans durant, les ruines qui se faisaient de toutes parts vinrent incessamment enfoncer dans les cœurs cette pensée funèbre, et quand du fond de l’imbécillité finale et de la misère universelle l’homme féodal se releva par la force de son courage et de son bras, il retrouva pour entraver sa pensée et son œuvre la conception écrasante qui, proscrivant la vie naturelle et les espérances terrestres, érigeait en modèles l’obéissance du moine et les langueurs de l’illuminé. […] Il faut choisir dans cette foule de poëtes ; en voici un, l’un des premiers, qui montrera par ses écrits comme par sa vie les grandeurs et les folies des mœurs régnantes et du goût public ; sir Philip Sidney, neveu du comte de Leicester, un grand seigneur et un homme d’action, accompli en tout genre de culture, qui, après une éducation approfondie d’humaniste, a voyagé en France, en Allemagne et en Italie, a lu Aristote et Platon, étudié à Venise l’astronomie et la géométrie, médité les tragédies grecques, les sonnets italiens, les pastorales de Montemayor, les poëmes de Ronsard, s’intéressant aux sciences, entretenant un commerce de lettres avec le docte Hubert Languet ; avec cela, homme du monde, favori d’Élisabeth, ayant fait jouer en son honneur une pastorale flatteuse et comique, véritable « joyau de la cour », arbitre, comme d’Urfé, de la haute galanterie et du beau langage ; par-dessus tout chevaleresque de cœur et de conduite, ayant voulu courir avec Drake les aventures maritimes, et, pour tout combler, destiné à mourir jeune et en héros. […] Ce n’est pas assez d’un idéal pour un pareil poëte ; auprès de la beauté de l’effort, il met la beauté du bonheur ; il les assemble toutes les deux, non par un parti pris de philosophe et avec des intentions d’érudit comme Gœthe, mais parce qu’elles sont toutes deux belles, et çà et là, au milieu des armures et des passes d’armes, il dispose les satyres, les nymphes, Diane, Vénus, comme des statues grecques parmi les tourelles et les grands arbres d’un parc anglais. […] Enfin, le plus souvent, ils sont pédants, encore tout roidis par la rouille de l’école ; ils divisent et subdivisent, ils posent des thèses, des définitions ; ils argumentent solidement et lourdement, ils citent leurs auteurs en latin, et même en grec ; ils équarrissent des périodes massives, ils assomment doctement leur adversaire, et par contre-coup le lecteur. […] Lillye, en 1500, le premier enseigne publiquement le grec.

1210. (1896) Études et portraits littéraires

Que doit nous figurer une tragédie grecque ? […] Les Grecs ne sont pas le seul peuple qui ait vécu dans des conditions favorables de climat. […] Il a tâché, dit-il, de se faire Grec avec Aristote, et il y paraît au tour de plusieurs de ses pages, qui se peuvent classer, je pense, parmi les plus parfaites de notre littérature philosophique. […] Ollé-Laprune l’a montré en un chapitre de la facture la plus grecque. […] Michelet regrette la vie antique, particulièrement la vie grecque, « si terrible d’action, de lutte, de péril, de guerres », mais qui eut cela d’admirable et qui compensait tout : elle était une fête… Cela reviendra-t-il ?

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