Le grand scepticisme a toujours été peu caractérisé en France ; à commencer par Montaigne et Pascal, nos sceptiques ont été, ou des gens d’esprit, ou des croyants, deux scepticismes très voisins l’un de l’autre et qui s’appuient réciproquement. […] La politique alors a mené le train du monde ; les gens d’esprit qui aspiraient à autre chose qu’à amuser leurs contemporains devaient se faire hommes d’État, pour exercer sur leur époque leur légitime part d’influence. […] Cinq siècles plus tard, on ne nommera entre les hommes illustres de ce siècle que Pierre, Paul, Jean, Matthieu, pauvres gens qui, assurément, faisaient peu figure. […] Notre Journal des Débats eût fait gorge chaude de ces gens-là, et cependant ils ont vaincu, et, quatre siècles après, les plus beaux génies se sont fait gloire d’être leurs disciples et, au XIXe siècle encore, des intelligences distinguées les tiennent pour des inspirés.
Le bonhomme se retourne, s’imaginant qu’ils parlent à quelqu’un placé derrière lui, Quand il est bien convaincu que ses fils s’adressent à lui, il faut voir comme il se fâche ; et il faut entendre de quel ton son frère lui explique cette mode du grand monde. « C’est, dit-il, que le terme de mon père est trop ignoble, trop grossier ; il n’y a que les petites gens qui s’en servent ; mais chez les personnes aussi distinguées que Messieurs vos fils, on supprime dans le discours toutes ces qualités triviales que donne la nature, et, au lieu de dire rustiquement mon père comme le menu peuple, on dit Monsieur ; cela a plus de dignité89. » L’ironie est visible, et, dans les pièces de Marivaux, les parents tutoient déjà leurs enfants, ce qui est un acheminement à se laisser tutoyer par eux. […] Cet antique dévouement est souvent remplacé par l’arrogance ou même par le talent de plumer le maître au profit des gens qu’il paie et nourrit. […] C’est au théâtre surtout et ensuite dans le roman et la chanson qu’il y a lieu de suivre les gens de maison, et de Scapin jusqu’à Ruy Blas en passant par Figaro, de Martine jusqu’à la servante-maîtresse de Maître Guérin en passant par Lisette et Marton, la liste est longue des personnages en qui les écrivains ont incarné cette classe populaire si intimement liée à la vie des classes supérieures. […] » — Et Lélio n’a plus qu’à rengainer son épée et sa velléité d’effrayer les gens.
Il a dit et vous savez dans quelle fable : Le sage dit, selon les gens : Vive le roi ! […] Il ne faut jamais déclarer son opinion et il faut, selon les gens, être noir ou blanc. […] Le corbeau est un sot qui, voyant l’aigle enlever un agneau, croit qu’il en fera bien autant et reste empêtré dans la toison de l’animal C’est encore de la prudence, de la prévoyance, de la justesse d’esprit que de ne pas juger les gens sur la mine, et nous avons la fable le Cochet, le Chat et le Souriceau. […] Il y a, à la vérité, des gens qui savent prendre tous les tons, même le lyrique, sans conviction intime, mais enfin mon observation subsiste, ou à peu près.
Il est singulier, quand on revient de visiter Mégare, ou en descendant de l’Érymanthe, d’entendre le maître proposer à l’un de ses gens de « faire un culte » le soir. […] Beaucoup peuvent appartenir à des bandits, à des pirates, à des gens de sac et de corde ; mais la plus ingrate a un cachet de vigueur, d’astuce et de passion, qui la sauve de la trivialité. » Les Grecs sont sobres. […] Des gens du peuple lisent couramment Xénophon et Plutarque.
À la mort du premier Dauphin313, pendant que les gens de la chambre se jettent au-devant du roi pour l’empêcher d’entrer, la reine se précipite à genoux contre ses genoux, et lui crie en pleurant : « Ah ! […] Enfermés dans leurs châteaux et leurs hôtels, ils n’y voient que les gens de leur monde, ils n’entendent que l’écho de leurs propres idées, ils n’imaginent rien au-delà ; deux cents personnes leur semblent le public D’ailleurs, dans un salon, les vérités désagréables ne sont point admises, surtout quand elles sont personnelles, et une chimère y devient un dogme parce qu’elle y devient une convention. […] Ils se laisseront prendre, ils iront docilement en prison ; faire du tapage serait une marque de mauvais goût, et, avant tout, il s’agit pour eux de rester ce qu’ils sont, gens de bonne compagnie.
Claretie avait contre lui (dans Monsieur le Ministre) d’abord son sujet, vrai sujet de haute comédie. » Voilà qui va bien. « — Seul sujet de haute comédie, avec Rabagas et Dora, auquel les gens du métier aient songé dans ces douze dernières années. » On se demande : Est-il donc décidément impossible d’en trouver un quatrième, en cherchant bien « M. […] Écoute ceci, et dis-moi si l’esprit, le pur esprit, l’esprit tempéré et fin, l’esprit qui se contient et se gouverne, la plus intime essence de nous-mêmes enfin, gens de Paris, de Gascogne et de Champagne, ne peut pas être une source de poésie tout aussi bien que l’imagination exaltée, les passions furieuses, le cœur qui se ronge et l’hypocondrie ! Je n’aurai pas la candeur d’objecter qu’entre la sauvage hypocondrie d’un vieux poète saxon et l’esprit de Regnard il y a de la place ; que vraiment on peut rêver quelque chose au-delà des fantaisies un peu courtes de Crispin, une vision, un sentiment de la vie et des choses qui nous heurte d’une toute autre secousse et nous insinue un tout autre charme ; qu’enfin il y a des gens qui ne sont point des barbares et que pourtant les vers du Légataire ne plongent point en extase ni ne mettent sens dessus dessous.
Mais non ; ici je l’arrête et je lui dis : Ami, prends garde, tu dogmatises ; tu fais précisément ce que les gens à doctrines et les philosophes des diverses écoles veulent nous obliger de faire. […] On sait que, dans la pastorale de Daphnis et Chloé, à un certain jour les gens de Méthymne déclarent la guerre à ceux de Mytilène, et un capitaine de navire s’empare de la pauvre enfant Chloé et de son troupeau. […] C’est le dieu Pan, ami de Chloé et protecteur des troupeaux, qui cause cette illusion aux gens du navire et qui communique à tous les objets cette sorte de transfiguration et de tourbillonnement universel.
Il aperçoit des gens qui gesticulent et passent, qui pleurent, qui prospèrent, qui nuisent, qui meurent, et rien ne s’explique dans le trouble de son esprit, sinon que très clairement tous soutirent et font souffrir. […] Les gens chez lui se parlent parfois en mots suprêmes, comme dans l’ombre d’un mot obscur et vide, oublieux de tout le convenu, et se communiquant, d’humain à humain, le secret de leur être, en des mots qui retentissent jusqu’aux viscères. […] Les criminels, les débauchés, les filles séduites et les filles souillées, les petites méchantes gens, toute la saleté et les pustules du corps social, sont oints et pansés de ses maigres mains ; avec de simples paroles de compassion, ils sont consolés et attendris par l’articulation de leur sourd et gros murmure.
Ce Moretum, si l’on s’en souvient, est le nom d’une espèce de sauce ou de brouet à l’ail que faisaient les paysans ; à propos de cette sauce et de sa préparation, la vie pauvre et misérable que menaient les gens de campagne se trouve décrite, dès l’aube du jour, avec un détail et une réalité qui semblerait n’appartenir qu’à la poésie d’aujourd’hui, à celle de Crabbe, par exemple, ou encore à celle de Regnier. […] Ce sera à la garde de Dieu, et non plus des barbares, mais des gens de goût de ce temps-là.
M. de Chateaubriand, à plus de trente années de distance, réimprimant son Essai sur les Révolutions et se jugeant çà et là dans de courtes notes comme entièrement désintéressé dans la question, a pu sembler quelquefois usurper les prérogatives de ce chatouilleux public qui se pique de classer œuvres et gens à sa guise, et de ne pas accepter un jugement tout fait d’un auteur sur lui-même. […] se demande-t-il : des gens couverts d’un ridicule indélébile ou d’une obscurité plus funeste encore à la cause qu’ils défendirent.
Il parle souvent de ses mauvaises études, et se réclame d’une adolescence de crétin quand les gens de la décadenèe l’invectivent « normalien ». […] De braves gens qui veillent, par des mois d’échéance, auraient leur intérêt.
J’entends d’ici les gens reprendre : « Mais c’est le symbole, il y a longtemps que ça existe. » Certes, oui, le symbole existait, mais il existait à l’état inconscient. […] Rimbaud, Corbière, Mallarmé ne sont pas gens que prise le vulgaire.
Son père Joseph et sa mère Marie étaient des gens de médiocre condition, des artisans vivant de leur travail 109, dans cet état si commun en Orient, qui n’est ni l’aisance ni la misère. […] Leur nom était inconnu, à tel point que quand l’évangéliste met dans la bouche des gens de Nazareth l’énumération des frères selon la nature, ce sont les noms des fils de Cléophas qui se présentent à lui tout d’abord.
J’augure très bien de ce jeune homme, et voici pourquoi : il se soucie plus de bien penser que de bien écrire, de montrer du bon sens que du style, ce qui est déjà très peu jeune homme, et malgré son inexpérience et sa méprise de respects pour des gens qu’il apprendra promptement à juger et qu’il saluera moins bas plus tard, il ne manque vis-à-vis de son sujet ni de hardiesse ni d’indépendance. […] Il semblait moins difficile, et peut-être l’était-il moins, de constater tous ces gens-là que nous venons d’énumérer dans Alighieri le multiface, que de sentir en lui cette unité et cette simplicité sublime : — le poète !
Saint-René Taillandier, s’ils ne sont pas gens de même doctrine, sont gens de même maison.
Il prouve, ce manifeste ironique ou patelin (et peut-être tous les deux), que le saint-simonisme a gardé la prétention d’être une Église, une Église cachée et qui se croit persécutée sans doute, car le mépris d’un temps, qui a encore à sa disposition les lucidités du ridicule et l’éclat de rire, peut paraître, à certaines gens sensibles, une persécution. […] Enfantin, ni au saint-simonisme ; elles appartiennent à la littérature chrétienne sans laquelle, même comme exposition d’idées, le saint-simonisme n’aurait jamais dit deux mots… Il serait tolérable peut-être que ces gens-là (s’ils le pouvaient) fissent leur affaire sans prendre niaisement notre dogme, nos formules, notre style, obligés à imiter notre manière d’être, pour nous répondre et nous parodier !
Et des gens s’émerveillent du génie humain ! […] Mondains, politiciens, femmes incomprises, gens de club, gens de lettres, gens de théâtre, tous les cabotins, ceux qui ont pris le pli d’une profession ou celui d’un système… c’est en songeant à eux que nous nous sentons attirés par tant de sympathie vers ceux qui sont restés à peu près simples et qui ne se sont pas trop éloignés de la nature. — Qu’est-ce, d’ailleurs, que cette nature et que vaut-elle ? […] Il a contristé de braves gens, tout à fait inoffensifs, et dont l’opinion ne tirait pas à conséquence. […] Ils réussissent par les mêmes moyens qui servent aux conférenciers et aux gens de théâtre. […] Elle a, en outre, dans ses jugements, ce je ne sais quoi de spontané qui nous manque à nous autres gens de métier.
… Mais, pauvres gens, il n’y a rien de plus beau. […] Maurice Donnay, en somme, traite son spectateur comme la vie les pauvres gens. […] Regardez-les mieux : vous verrez des gens beaucoup plus pareils à la réalité, des gens qu’on imagine sans peine cupides, acharnés, vulgaires et tels que l’humanité moyenne. […] Cette espèce de gens florit aux époques de décadence. […] Tu vas être la proie des circonstances et des gens.
Et c’est le même dualisme que maintenant, entre gens de langue française et gens de langue flamande. […] Bruxelles, Lamertin, 1908. — Le Jeu des petites gens. […] Paris, Librairie de la Société des gens de lettres. […] Paris, Librairie de la Société des gens de lettres, 1875. — G. […] Bruxelles, Vromant, 1900. — Les Gens du Tiest.
Ces gens voient donc d’une façon et font d’une autre.
Rien de plus naturel que la haine des gens de métier contre les hommes d’art. […] Pauvres gens, quelle tristesse était la leur ! […] Il était tenté de demander l’aumône aux rares gens qui passaient. […] Devant ce beau résultat, il y a des gens qui se frottent les mains. Ces gens-là ont bien raison.
Et, pour achever de venger les martyrs, quand de bons chanoines veulent recueillir la dîme, des gens de Montpellier, à cheval et masqués, tombent sur leurs gens, enlèvent leur blé : le roi ne peut leur faire justice de leurs pillards ; c’est piété, pour ces huguenots, de dépouiller des chanoines. […] Deux heures, répliquent les gens de théâtre, Corneille et d’Aubignac. […] Les gens qui ont l’idée du bien sans cesse présente à l’esprit ne rient guère, ils se relâchent tout au plus à sourire. […] Sedaine et Beaumarchais ont dressé à la scène deux types qui ne disparaîtront pas de longtemps de notre société : les gens obscurs, qui travaillent ; les gens bruyants, qui parviennent. […] Car, si la condition des gens de lettres est devenue meilleure, ils se sont amoindris en s’élevant.
Sa manie étoit de tenir une table excellente pour les Gens de Lettres, qui ne manquoient pas d’applaudir à ses vers autant qu’à sa prose.
On voit, par la lecture de ses Mémoires, mis son nom à ses Ouvrages, n’est pas moins connu des Gens de Lettres.
M. l’Abbé Irailh y a puisé ce que l’Auteur dit de meilleur sur les Gens de Lettres, pour ne faire usage dans ses Querelles Littéraires.
Ses Idylles & ses Romances le distinguent honorablement de cette foule de Faiseurs de vers qui infestent notre Parnasse, & dont les Ouvrages ne voient le jour que pour recevoir les anathêmes des Gens de goût.