Flourens jetait aux Bichats de l’avenir, pour le développer, le germe d’une nouvelle chirurgie, et ce n’était là qu’un profit de la physiologie ; mais la théorie posant l’axiome superbe : « la matière passe et les forces restent », frappait le matérialisme, d’un premier coup, au ventre même.
Renan, quand il arriva à la Vie des Apôtres, sentit bien que ce cri ne recommencerait pas… Il ne frappait alors que sur un tambour défoncé, qu’il avait crevé dès son premier coup de baguette.
Physiologiste donc avant tout et d’étude première, ce qui l’a d’abord frappé, c’est le vice de l’École de Médecine d’où il est sorti, et qui n’a cessé, depuis le commencement de ce siècle, de vouloir justifier scientifiquement la misérable idéologie de l’Encyclopédie, qui, sans cette École, n’eût pas eu de portée ; car, ainsi que l’a dit le Dr Athanase Renard dans un éclair : « Le Matérialisme n’est pas français. » Il vient de Bacon et de Locke.
Ainsi, impuissance, infécondité, voilà, pour une critique qui dédaigne les apparences et les mots d’ordre, ce qui frappe d’abord dans Cousin, le chef d’école et le philosophe, et ce qui sape, du premier coup, la prétention la plus étalée et la plus fastueuse de sa vie !
C’est la hache qui l’a frappé !
Cette forme du conte, plus dure à manier dans sa brièveté que celle du roman dans sa longueur, cette forme concentrée, dans laquelle il faut se ramasser sans rien perdre de sa sveltesse, pouvait, par le seul fait de sa concentration, éclater sous sa main et le frapper dans sa prétention de conteur, qu’il n’en serait pas moins pour cela resté lui-même, avec sa valeur d’idées prouvée par les livres que j’ai énumérés : l’Homme, — Physionomies de saints, — la Parole de Dieu, ce dernier livre de Hello, qui échappe à la compétence de la critique profane, mais que des prêtres n’ont pas craint de lire dans leurs chaires, comme si c’était là de la littérature sacrée !
J’ignore et je veux ignorer ce que le public a pensé de cette perle, mais je sais bien que les connaisseurs l’ont enchâssée dans leur souvenir et qu’il n’est pas de poète, et, ce qui est aussi rare que les poètes, d’esprits sensibles à la poésie, qui ne connaissent maintenant Jules de Gères, quoiqu’il n’habite point Paris, ce Paris où l’on travaille en renommée, et qu’il ait dédaigné de frapper sur ce timbre de la publicité qui fait retentir tant de sottises et tant de sots, avec l’impudent éclat de son cuivre menteur.
Oui, laissons là pour un moment la personne et le talent de Mme Valmore, mais ce cri qui jaillit du fond du cœur frappé, comme le sang jaillit d’une veine ouverte, mais cette éloquence irrésistible de la blessure ou de la caresse, mais cette émotion qui doit être, en poésie, prépondérante même à la pensée, à plus forte raison à l’image, à la phrase, au rythme, à l’harmonie, enfin à tout ce qui entre nécessairement à n’importe quel degré dans la trame d’une poésie quelconque, cette émotion ne constitue-t-elle pas certainement et dans la mesure où elle existe la poésie la plus élevée et la plus profonde, et par la raison souveraine que l’homme mesure tout à lui-même et que c’est le battement de son cœur qui donne le branle à l’univers !
Parmi les poèmes qu’elle a laisses, deux surtout me frappent ; Magdelaine, d’une largeur de touche étonnante avec la tendresse du sujet, et parfois d’une vigueur d’invention encore plus étonnante pour un cerveau de femme, dont le destin est d’imiter, et Napoline, poëme personnel publié, il est vrai, en 1833, à l’époque où Mme Delphine Gay était devenue Mme Émile de Girardin, mais qui fut composé, croyons-nous, lorsqu’elle était jeune fille, et dans lequel, d’ailleurs, si elle ne l’était plus, elle exprimait des sentiments de jeune fille pour la dernière fois.
Je ne résistai pas à cette folle envie : Je me frappai le front et je maudis la vie ; Je chantai comme un fanfaron ; Je crus faire trembler l’air de mon aventure, Comme un damné, jetant à l’immense nature Des relavures de Byron.
Le vis-à-vis de la mère qui n’aime pas sa fille et de la fille qui ne se sent pas aimée par sa mère, voilà tout l’intérêt du livre, et la nuée sombre d’où doit sortir la foudre qui frappera cette mère aux mamelles de bronze, l’altière marquise de Penarvan.
Le sujet accepté ou subi, car le talent, cette vibration, c’est parfois la vibration d’un horrible coup qui nous fut porté, le sujet accepté ou subi, l’auteur a-t-il au moins varié le sujet tombé dans sa tête, qui n’a pensé que sous le coup qui l’a frappée ?
En dehors des sens sur lesquels il frappe, il n’existe plus comme portée.
La Bible, — cette éducation de l’Angleterre, ce livre grand et terrible où le Dieu jaloux frappe Satan, l’autre jaloux, — la Bible a empreint pour jamais l’imagination anglaise de sa grandeur et de sa terribilité, et c’est elle que je vois rayonner de son feu sombre et âpre aussi bien dans Richardson, qui a fait Lovelace, que dans Milton qui a fait Satan, aussi bien dans ce nouvel écrivain d’aujourd’hui qui vient d’ajouter dans Livingstone une grande figure à ces grandes figures aimées et hantées par l’imagination de son pays, que dans ce Byron dont il est l’enfant intellectuel.
On connaît d’ailleurs la malédiction éternelle dont est frappé l’esprit d’imitation ; et cet esprit, comme nous l’avons vu, était la maladie dominante du siècle.
Mais, si en rappelant le souvenir de ces batailles, monuments de deuil et de grandeur, si en retraçant les actions et la mort de tant de guerriers, on voyait une larme s’échapper de l’œil du souverain ; si l’orateur, s’interrompant tout à coup, la faisait remarquera la jeune noblesse qui l’écoute, croit-on qu’un jour, dans les combats, elle n’eût pas sans cesse présent le spectacle qui l’eût frappée dans son enfance ?
S’il m’arrive, chose d’ailleurs assez rare, de revenir pendant le sommeil à des scènes de la vie réelle qui m’avaient frappé, je ne les retrouve dans mes songes que déformées, transposées. […] Nous nous rappelons une excursion que nous avons faite autrefois, un site qui ressemblait à celui-là et dont le caractère sauvage nous avait frappés, les incidents de la route. […] Il faut qu’il nous présente une œuvre vivante et passionnée, qui frappe l’imagination en touchant le cœur ; il n’y réussira pas, s’il est lui-même rebelle à l’émotion et incapable d’aimer. […] Il tient moins à transmettre intégralement la pensée qu’il a dans l’esprit qu’à frapper l’imagination. […] Quand on compare la musique et la poésie au point de vue du rythme, on est frappé de l’immense supériorité de la musique.
Témoin, l’assassinat de Jurgen par Kees Doorik : Il (Kees) lui plongea le couteau dans le corps, retira l’arme, le frappa de nouveau. […] De sa grande fourchette de fer elle frappe sur le lourd couvercle comme sur une joyeuse cymbale… Voilà ! […] Verhaeren aime frapper nos sens, soit en isolant à la fin d’une longue strophe le mot essentiel, bref et saillant, soit au moyen d’harmonies imitatives fort impressionnantes qui résultent des sonorités obtenues par le rapprochement immédiat de syllabes à désinences analogues et, généralement, rudes. […] Je m’offre aux poings qui frapperont Et aux pierres qui blesseront De leur rage, mon front156. […] Mais il s’oppose au mariage de son fils, puisque, selon toute vraisemblance, le même mal le frappera un jour.
Ils frappèrent ses chevaux, ils le frappèrent lui-même, et il s’enfuit, ayant manqué d’être lapidé ; alors il les convoqua, « et resta longtemps debout devant eux en pleurant » ; puis il leur dit qu’il ferait leur volonté. […] La description des villages va montrer qu’il ne travaille pas plus à frapper l’imagination que le cœur. […] L’apparence extérieure et sensible, traversant l’imagination de l’artiste, est allée frapper jusqu’à son cœur. […] Quand nous eûmes frappé à la porte, il ouvrit, et nous ayant vus : « Allons, dit-il, des sophistes ! […] Tout le monde fut frappé et troublé lorsqu’il entra.
Cette enseigne bizarre, qui subsiste encore, si nous ne nous trompons, nous frappa beaucoup ; la Recherche de l’absolu n’eut peut-être pas d’autre point de départ. […] Pierre et Jaffier de la Venise sauvée, d’Otway, l’avaient beaucoup frappé et il en parle à plusieurs reprises. […] Qui va être frappé : parmi cette troupe naguère si gaie, car on n’envoie un télégramme nocturne que pour une raison grave ? […] Les maisons qui bordent ces deux rues sont vieilles, rechignées et sombres ; elles frappent par un air d’incurie et d’abandon. […] Gérard de Nerval les regardait et donnait des conseils Théodore avait peint une Diane au bain avec ses nymphes, d’un charme sauvage et d’une grâce étrange, qui nous frappa singulièrement.
Elle a trouvé sa véritable expression avec le cinéma actuel, qui frappe les yeux, en effleurant à peine l’esprit. […] Frappé par les contradictions du code napoléonien et de la vie contemporaine, il extrait, de ces heurts, des drames qui passèrent pour généraux, et qui ne sont que circonstanciels. […] Ont été d’ailleurs frappés de stérilité, en vertu du principe ci-dessus, tous les efforts faits pour relever la famille et les mœurs, en partant d’elles et en remontant vers l’État. […] Mais le père de famille, frappé et molesté par des lois iniques et aveugles, a cessé de le comprendre et de le sentir. […] Enfin, quiconque réfléchit est frappé de la pauvreté de conception de la sélection sexuelle et de la lutte pour la vie, comme agents principaux du prétendu transformisme.
Peut-être y avait-il en lui, dès cette époque, cet obscur pressentiment de l’artiste frappé à mort et qui ne veut pas s’en aller sans avoir donné sa pleine mesure. […] Francis Charmes nous le rappelait, jeudi dernier, au cours de l’éloquente improvisation dans laquelle il nous apprenait le deuil qui frappait notre Compagnie. […] Il a été frappé de constater que des tuberculeux font du rhumatisme et qu’il n’y a dans ces rhumatismes aucune des caractéristiques de la tuberculose. […] Je demeure frappé de l’analogie que ses méthodes présentent avec les vôtres. […] C’est alors que le sous-lieutenant, debout sur le parapet, tombe frappé d’une balle à la tête.
Il avait frappé et déchiré bien des gens ; mais le vieux lion était mort, personne ne le redoutait plus ; et ceux qui portaient encore les stigmates des blessures qu’il leur avait faites, ont fait semblant de ne plus se souvenir de lui. […] Attentifs à tout ce qui pouvait frapper l’imagination des élèves, les jésuites n’avaient point écarté de l’instruction des jeux de la scène ; ce n’était pas, il est vrai, des ouvrages mondains qu’ils donnaient en spectacle, mais ils composaient eux-mêmes des tragédies et des comédies : leurs bons écoliers ne sortaient point de leurs mains sans être en état d’apprécier les beautés des théâtres grec et latin. […] Cet admirable tableau des malheurs de l’anarchie, tracé d’une main si ferme dans la scène de la délibération, ne frappait les regards de personne : dans les dernières années de la monarchie, tous les spectateurs étaient aveuglés par l’anglomanie et par une fausse métaphysique, alors à la mode. […] C’est ici qu’il faut reconnaître la magie du théâtre et la nature du cœur humain : plerique mortales postrema meminêre , dit Salluste : les dernières impressions sont les plus vives : les hommes oublient les crimes passés en faveur des bonnes actions qui frappent leurs yeux. […] L’ancienne comédie, qui établissait cette espèce d’hypothèque des militaires sur les femmes, et frappait de ridicule l’étude de la jurisprudence et des lois, ne pouvait être regardée comme une école de bonnes mœurs : c’est une nouvelle preuve que son esprit fut toujours de flatter les préjugés agréables et les goûts dominants, au lieu de les réformer.
Les sciences physiques et naturelles, dont les conquêtes rapides frappent et éblouissent les plus ignorants, doivent leurs progrès à la méthode expérimentale. […] Ce n’est pas, je le sais, le manque de loi et de règle, mais ce n’est pas non plus la règle et la loi ; souvent même ce qui frappe d’abord est une apparente irrégularité. […] Contemplons la nature avec les yeux de l’âme aussi bien qu’avec les yeux du corps : partout une expression morale nous frappera, et la forme nous saisira comme un symbole de la pensée. […] Ce qui frappe d’abord, dans ce gigantesque ouvrage, est l’ordonnance et l’harmonie. […] Alors on ne punit pas le coupable ; on le frappe ou même on le tue, comme on tue sans scrupule l’animal qui nuit au lieu de servir.
Ce coup inattendu, venant frapper ma vanité à l’heure même où je me croyais enfin entré dans le rang des auteurs dont le nom et la marque suffisent pour que leur marchandise soit acceptée d’emblée, m’a touché d’un étonnement plus sensible peut être et plus douloureux que tous les autres. […] Songez à l’obsession d’une ligne, d’un mot qui, tous les jours, vient frapper nos yeux ! […] Un nom de rue, un numéro, ce sont des choses transitoires qui ôteraient au chocolat Perron ce qu’il a d’éternel et d’immuable… Avez-vous réfléchi à l’énorme puissance d’une même phrase qui vient sans cesse frapper le cerveau à coups réguliers ? […] Mais, en somme, on ne s’y dispute guère, et ce qui me frappe beaucoup plus que quelques cris discordants, c’est l’ordre et le silence. […] Comme en toutes choses l’exception est ce qu’on remarque, les hérésies individuelles de quelques hommes d’élite nous frappent beaucoup, et nous en faisons un peu plus d’état que de raison.
Une pareille lecture frappe l’âme de stupeur, comme Prométhée, ou la mort d’Ugolin. […] Trémouille et Foix sont frappés à mort. […] François Sforce, frappé de terreur, meurt subitement ; mais bientôt Charles-Quint revient et reprend l’Italie. […] Ici, je le sens, il ne faut pas se prononcer à la légère ; il faut mesurer ses coups, pour ne pas frapper à faux. […] La première fois l’oreille est frappée du gracieux andante, ou du solennel adagio.