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626. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Elle lui donne ainsi le droit d’aimer tout ce qui respire, tout ce qui se meut dans le firmament ou sur la terre. […] Nous avons, comme un autre, les passions nobles et collectives du temps où nous vivons ; nous aimons avec une sainte ardeur la liberté régulière, le patriotisme honnête renfermé dans les bornes du droit public, la grandeur irréprochable de notre pays, pourvu que cette grandeur de la patrie ne soit pas l’abaissement des autres nations, qui ont le même droit que nous de vivre grandes sur le sol et sous les lois que le temps a légitimées pour tous les peuples. Nous détestons les servitudes militaires, qui font prévaloir par la conquête la force sur le droit ; la gloire corruptrice, qui fait adorer au bas peuple des victoires au lieu de vertus, nous dégoûte : ces grands homicides d’armées qu’on appelle des batailles ne nous paraissent que d’illustres crimes, quand ces batailles ne sont que des jeux de l’ambition. […] et par le droit chemin, À mon chaste foyer j’apprends le cœur humain ; Et je lis mieux que vous dans ses pages suprêmes.

627. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

C’est là la question : la première semaine après sa défaite, la presse se tait ; la seconde, elle rallie par le droit de réunion ses forces disséminées ; la troisième, elle fermente et se révèle en symptômes menaçants par des mots d’ordre et par des rassemblements sur les boulevards, au sortir des clubs ; la quatrième, elle éclate et le sang coule. […] Non ; aucun homme d’État ne pouvait, de bonne foi, se faire une illusion pareille ; la guerre à mort entre l’ordre public, qui est l’intérêt et le droit de tous, et la presse libre, qui n’est que l’intérêt d’un petit nombre d’hommes de plume sans mandat et sans responsabilité, était évidemment l’état sauvage, au lieu de l’état régulier d’une nation en état légal. […] LXI On répond : Mais vous interdisez donc à un écrivain le droit de se corriger et de penser le lendemain autrement qu’il ne pensait la veille ? […] C’est ce que les lecteurs du Génie du Christianisme eurent le droit de conclure, surtout en ne voyant pas éclater, dans la vie de ce Tertullien, les vertus chrétiennes dont il faisait profession dans son livre. […] Nous en connaissons les objets sans avoir le droit de les nommer.

628. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Cette dernière comprenait, dès l’époque de l’invasion, les chefs de paroisse, les premiers du peuple, de même race que lui, possédant par héritage le droit de marcher à sa tête et de le représenter. […] » La règle des mœurs était le point sur lequel ces bons prêtres insistaient le plus, et ils en avaient le droit par leur conduite irréprochable. […] Anciennement il n’y en avait qu’un dans chaque paroisse : ils étaient les têtes de colonne de la population ; personne ne leur contestait ce droit et on leur rendait de grands honneurs 5. […]  » Il était plongé dans les plus sombres pensées, quand il vit entrer le broyeur de lin, droit en sa haute taille et plus pâle que la mort. […] Le broyeur de lin entra, droit et ferme, la figure résignée.

629. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Ils ne voient pas que ces tristes excès les conduisent tout droit à l’abîme, au néant ! […] Vivant au xixe  siècle, dans un temps de suffrage universel, de démocratie, de libéralisme, nous nous sommes demandé si ce qu’on appelle « les basses classes » n’avait pas droit au Roman ; si ce monde sous un monde, le peuple, devait rester sous le coup de l’interdit littéraire et des dédains d’auteurs, qui ont fait jusqu’ici le silence sur l’âme et le cœur qu’il peut avoir. […] Et qu’il cherche l’Art et la Vérité ; qu’il montre des misères bonnes à ne pas laisser oublier aux heureux de Paris ; qu’il fasse voir aux gens du monde ce que les dames de charité ont le courage de voir, ce que les Reines autrefois faisaient toucher de l’œil à leurs enfants dans les hospices : la souffrance humaine, présente et toute vive, qui apprend la charité ; que le Roman ait cette religion que le siècle passé appelait de ce vaste et large nom : Humanité ; — il lui suffit de cette conscience : son droit est là. […] Nous avons acquis depuis le commencement du siècle, il me semble, le droit d’écrire pour les hommes faits, sinon s’imposerait à nous la douloureuse nécessité de recourir aux presses étrangères, et d’avoir comme sous Louis XIV et sous Louis XV, en plein régime républicain de la France, nos éditeurs de Hollande. […] cette pénalité du silence continu, ce perfectionnement pénitentiaire, auquel l’Europe n’a pas osé cependant emprunter ses coups de fouet sur les épaules nues de la femme, cette torture sèche, ce châtiment hypocrite allant au-delà de la peine édictée par les magistrats et tuant pour toujours la raison de la femme condamnée à un nombre limité d’années de prison, ce régime américain et non français, ce système Auburn, j’ai travaillé à le combattre avec un peu de l’encre indignée qui, au xviiie  siècle, a fait rayer la torture de notre ancien droit criminel.

630. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Ferrari, lui, finit par voir le bien dans le mal même qu’il vient de signaler, et l’anxiété qu’il produit est si grande, que son lecteur est en droit de lui dire : Auquel de vos deux Charlemagne croirons-nous ? […] En ces quatre volumes à peine, — par l’histoire des Révolutions d’Italie s’arrête vers le milieu du quatrième, où l’auteur nous apprend tout à coup que sa tâche est finie parce qu’il touche à l’époque de Charles-Quint, et qu’à cette époque l’ère des révolutions est fermée, — il n’y a pas moins (l’auteur s’en est assez vanté) que sept mille révolutions qu’il a mesurées « à l’équerre et au compas », nous dit-il, avec l’orgueil d’un Képler de l’Histoire, Assurément, sept mille révolutions, poussées, bousculées en quinze cents pages à peu près, font un entassement formidable, et on aurait vraiment le droit de se demander comment elles sont passées sous l’angle d’un compas si peu ouvert, pour peu qu’elles méritent le nom qu’on leur donne et qu’elles soient réellement des révolutions ! […] Pour écrire et même pour bien peindre l’histoire, nul critique n’est en droit d’exiger de l’historien qu’il s’élève à une pareille hauteur ; mais quand il s’y élève, il est plus qu’un historien ; il monte jusqu’au poète, le poète qui n’est peut-être que l’expression la plus intense de toutes les espèces de génie et que vous avez au-dessus de toutes les spécialités de la pensée, même de celles qui paraissent le plus prosaïques et le plus abstraites, depuis Newton jusqu’à Burdach et depuis Kant jusqu’à Cuvier ! […] Ferrari a bien le droit de mépriser, d’autres moyens ne manquaient pas et qu’il ne les a pas employés. […] Ferrari pourra répéter sa pensée, il ne la fera jamais plus nette ; mais ce fatalisme, sans honte et presque radieux, lequel n’explique rien, quand la tentative de toute philosophie est d’expliquer au moins quelque chose, ce fatalisme qui, après s’être affirmé, doit, s’il est conséquent, s’ensevelir dans le néant d’un éternel silence, et auquel il n’y a pas à faire même le mince honneur de l’appeler la dernière des philosophies, ce fatalisme-là n’est pas une excuse, au contraire, c’est un mai de plus et un mal suprême — un mal tel, qu’on est en droit de s’étonner que M. 

631. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Le ton solennel y domine trop ; il y a trop de mélancolies d’étalage pour qu’on ne croie pas à quelque modulation de vengeance dans tout cela, mais, quant au droit, le droit n’apparaît dans cette fumée de larmes que sous la forme d’un cauchemar, et à travers l’indécision d’un ménagement. […] Au point de vue de la vérité, cette femme de trente-cinq ans, qui n’a pas le droit de mener la vie de garçon, et qui la mène, n’a pas dû attendre la première jalousie de son amant en voyant son mari, pour savoir que le bonheur qu’elle s’était fait dans le désordre avait ses ombres, et pour n’avoir pas senti le regret de l’honneur trahi lui passer quelquefois sur le front. […] Feydeau a tout eu, et tout de suite, dans les bénéfices de la renommée, et la quantité qu’il ne méritait pas, et la qualité qu’il ne méritait pas davantage, car seul un écrivain de moralité irréprochable pouvait goûter, comme un raffinement légitime dans les jouissances de sa gloire, l’injure exquise des hommes qui n’ont pas le droit d’avoir une pudeur. […] Après avoir, comme Childe-Harold et comme René, promené ça et là sa noire misanthropie, Daniel (c’est Daniel sans autre nom, Daniel, toujours comme René et comme Childe-Harold) rencontre au bord des mers une jeune fille qu’il décrit pendant tout le roman et qu’il ne nous montre pas une seule fois avec ce trait qui grave une image dans notre âme ; et, cette jeune fille, il se met à l’aimer dès la première vue avec la passion de l’épigraphe du livre, une de ces passions qui font deux êtres l’un à l’autre de par la nature et de droit divin, plus légitimes par conséquent que les lois et les conventions !

632. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Par un abandon de ses droits à de petites sœurs très cadettes, Laforgue se trouvait sans fortune aucune, et il n’avait aucune espèce d’économies. […] A-t-on le droit de se faire un fils hors la nature ? […] Qu’on en sourie plus tard, lorsqu’on aura oublié leurs droits à se plaindre, c’est possible ; le mot pourra rester un des meilleurs pour les définir (sauf M.  […] C’était son droit. […] Lazare, de pauvres esprits, des mystiques de nul intérêt, on n’a pas le droit de les représenter comme l’élite de l’humanité… : ceci est de l’appréciation purement personnelle.

633. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

On y tourne en dérision les droits des pères sur leurs enfants, des maris sur leurs femmes, des maîtres sur leurs serviteurs, etc. […] L’égalité n’est pas un droit (quoique la Révolution en ait fait le premier des « droits de l’homme ») ; et elle n’est pas un fait de nature, ô Jean-Jacques, prêtre de la nature ! […] Elle n’est pas un droit. — « Vous imaginez-vous qu’un homme puisse dire en venant au monde : — J’ai droit à ce qu’aucun homme ne me soit supérieur, n’ait plus de puissance que moi » ! […] Le mot droit n’a de sens qu’en corrélation avec le mot devoir. […] (C’est le « droit divin » de la majorité.)

634. (1899) Arabesques pp. 1-223

Et si quelques revendications puériles se produisirent touchant les droits de celui qui « avait commencé », elles n’eurent d’autre résultat que de ridiculiser les candidats à l’initiation. […] On l’envisage volontiers comme une sorte de voyant hagard dont les intuitions et les rêves n’offrent que de lointaines analogies avec les qualités qu’on se croit en droit d’exiger de l’historien. […] Au lieu de donner trois vieilles croûtes de pain à vos enfants, ne leur en donnez que deux. » On leur dit aussi : « Vous avez le droit de grève. […] Le peuple souverain a beau dire : « Tel règlement nous régira parce qu’il nous plaît », l’homme libre aura toujours le droit de répondre : « Quant à moi, il ne me plaît pas. […] On a tout essayé ; droit divin, gouvernement aristocratique, avec castes ou sans castes, gouvernement électif, etc., on n’a jamais rien obtenu de satisfaisant.

635. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

C’est une étrange situation, et à laquelle nous ne pensons guère, nous qui ne pensons volontiers qu’à nous-mêmes, que celle de ces écrivains qui, sans être Français, écrivent en français au même titre que nous, du droit de naissance, du droit de leur nourrice et de leurs aïeux. […] Voilà de l’injustice ; nous abusons du droit du plus fort ; des deux voisins, le plus gros écrase l’autre ; nous nous faisons le centre unique ; il est vrai qu’en ceci nous le sommes devenus un peu. […] Théologie, droit public, sciences, philosophie et philologie, morale, toutes ces branches sont admirablement représentées et portent des fruits comme disproportionnés à l’œil avec le peu d’apparence du tronc ; c’est un poirier nain qui est, à lui seul, tout un verger. […] Töpffer, et à quel point nous avons droit de la revendiquer. […] Celle-ci encore a droit de sembler du moka.

636. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Maintenant, attaqués à droite et à gauche, attaqués en même temps par le Siècle et par l’Union, par l’Avenir national et par la Gazette de France, sans oublier le Monde ; fusillés par un premier Paris de la France, arrêtés par l’administration, — que nous reste-t-il à faire pour une pièce à laquelle les sympathies de la grande critique, les feuilletons de Jules Janin, de Théophile Gautier, de Nestor Roqueplan, de Paul de Saint-Victor, de Louis Ulbach, de Francisque Sarcey, la presse et le public, des recettes de quatre mille francs, une location de huit jours à l’avance, devaient assurer, semblait-il, le droit de vivre ? […] Quant à ceux du parterre, ils ne sifflèrent pas, j’en suis bien sûr, étant de ceux pour qui Boileau n’a pas fait ce vers : C’est un droit qu’à la porte on achète en entrant. […] * * * 11 décembre 1865, Monsieur, Nous avons l’honneur de vous envoyer la copie ci-jointe d’une note qui a couru aujourd’hui à l’École de droit, au cours de M.  […] La voici : « MM. les étudiants en droit sont invités à se rendre ce soir lundi au Théâtre-Français pour siffler la nouvelle pièce, Henriette Maréchal. […] Ramier, d’Aigremont, Étudiant en droit, Étudiant en droit.

637. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

De quel droit supposer que la mémoire choisit l’un d’eux, divise la vie psychologique en périodes tranchées, attend la fin de chaque période pour régler ses comptes avec la perception ? […] De chacune on est en droit de dire que son objet disparaît au fur et à mesure ; comment le souvenir ne naîtrait-il que lorsque tout est fini ? […] D’une manière générale, en droit, le passé ne revient à la conscience que dans la mesure où il peut aider à comprendre le présent et à prévoir l’avenir : c’est un éclaireur de l’action. […] Tous les autres souvenirs invoqueraient plutôt des droits, car ils apportent au moins avec eux quelque information, fût-elle sans intérêt actuel. […] Si l’inattention à la vie peut prendre deux formes inégalement graves, n’est-on pas en droit de supposer que la seconde, plus bénigne, est un moyen de se préserver de l’autre ?

638. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

On pouvait espérer sauver du naufrage des théories métaphysiques certaines vérités d’expérience intime qui ont toujours fait la base des sciences morales, comme le libre arbitre, la responsabilité, le devoir, le droit ; mais il s’agit maintenant d’un débat tout autrement sérieux que le dialogue éternel entre le spiritualisme et le matérialisme. […] A cette science nouvelle, un spiritualisme exigeant pourra objecter que c’est l’animal et non l’homme qui est le sujet de toutes ces expériences, et qu’on n’est point en droit de conclure de l’un à l’autre. […] L’expérience physiologique leur en donne-t-elle le droit ? […] Que ces phénomènes extraordinaires de la vie humaine appartiennent à la psychologie, laquelle seule a le droit de les définir et de les qualifier, tout en laissant à la physiologie la tâche d’en déterminer les conditions organiques et d’en décrire les effets pathologiques. […] Mais ici le matérialisme a-t-il le droit de parler au nom de la science ?

639. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Il les voyait, voilà tout, et raisonnait avec eux, ce qui était son droit et son devoir. […] Il dit aux hommes de l’Assemblée de 1848 qui, naturellement, l’écoutent comme feraient les députés de 1904, que, de ce principe que la souveraineté réside dans l’universalité des citoyens, on peut faire sortir une constitution ultra-monarchique ; que c’est au nom de ce principe qu’on bâillonne la presse et qu’on légitime la guillotine ; que, comme le gouvernement n’est que l’expression de la volonté générale, la majorité s’attribue un pouvoir sans limite sur la minorité ; que le droit du grand nombre, substitué au droit du plus fort, n’est encore que le droit du plus fort et que ce droit ne justifie rien. […] C’était son droit. […] Michel Breuil, docteur en droit, avocat à la cour d’appel de Paris. […] On avait élevé extrêmement les droits à verser au Trésor pour anoblissement.

640. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Mais quand tout s’écroule et se renouvelle, quand les institutions antiques tombent en ruines et que l’état futur n’est pas né, que toutes les règles de conduite et d’obéissance sont confondues, que la justice et le droit hésitent entre les cupidités, les intérêts révoltés qui courent aux armes, c’est alors que le don de sagesse est bien précieux en quelques-uns, et que les hommes qui le possèdent sont bientôt appréciés des chefs dignes de ce nom, qu’ils sont appelés, écoutés longtemps en vain et en secret, qu’ils ne se lassent jamais (ce trait est constant dans leur caractère), qu’ils attendent que l’heure du torrent et de la colère soit passée pour les événements et pour les hommes, et qu’habiles à saisir les instants, à profiter du moindre retour, ils tendent sans cesse à réparer le vaisseau de l’État, à le remettre à flot avec honneur, à le ramener au port, non sans en faire eux-mêmes une notable partie et sans y tenir une place méritée. […] Il y soutenait les droits et privilèges de la ville d’Autun, à laquelle les habitants de Beaune (d’autres disent de Châlons) disputaient la préséance qu’elle prétendait sur toutes les autres villes lorsque les états étaient assemblés. Autun, par un arrêt solennel, fut maintenu dans ses droits.

641. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Sans s’arrêter à des sièges, tournant nos défenses, elles se sont donné rendez-vous sur la Haute-Marne, entre Chaumont et Langres, d’où, réunies, elles doivent se porter en masse vers Paris, droit au cœur et à la tête de l’Empire. […] Thiers, qui revient plus d’une fois sur ce noble et patriotique ouvrage, et qui en fait honneur à qui de droit, nous permettra de lui en attribuer à lui-même, à lui le grand promoteur, une très bonne part. […] En lisant cette belle histoire qui sans doute a ses défauts, ses redites et ses longueurs, mais où rien n’est oublié ; où toutes les sources contemporaines se sont versées dans un plein et vaste courant ; où se déploie, sous air de facilité, une si grande puissance de travail ; où tout est naturel, — naturellement pensé —, naturellement dit ; si magnifique partout de clarté et d’étendue, et qui offre dans le détail des touches de la plus heureuse finesse ; où le style même, auquel ni l’historien ni le lecteur ne songent, a par endroits des veines rapides et comme des venues d’autant plus charmantes ; — en achevant de lire cette histoire, à laquelle il ne manque plus qu’un ou deux volumes de complément et de surcroît, je dirai encore ce que diront à distance tous ceux qui la liront : c’est que, quelque regret qu’ait droit d’avoir l’historien dans l’ordre de ses convictions politiques, la postérité trouvera qu’il n’eût pu employer les années fécondes de son entière maturité à rien de mieux qu’à édifier un tel monument.

642. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Biot la portait encore sur bien des objets, astronomie, physique, chimie, agriculture, et les plaisirs actifs, chasse, pêche, nage ; vieux, il disait en souriant : « J’ai aimé dans ma vie bien des choses. » Faudrait-il en conclure qu’il s’est trop dispersé, et qu’il ait eu le droit de se dire à lui-même comme La Fontaine : J’irais plus haut peut-être au Temple de Mémoire, Si dans un genre seul j’avais usé mes jours… ? […] Il réussit cette fois au-delà peut-être de ses vœux : se voyant accueilli avec cette aigreur et presque censuré au nom de la morale et de la religion scientifique, au lieu de recevoir les remerciements auxquels il se croyait des droits, le professeur de Leyde fut découragé et en resta là, ne donnant pas la suite de cette Correspondance si intéressante pour les géomètres. […] Je ne puis que courir sur des sujets où j’ai si peu le droit de parler en mon nom.

643. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

C’est un plaisir pour nous de le rencontrer aujourd’hui sur un terrain si différent, et d’avoir le droit de le louer par un côté où il est accessible à tous. […] De la théologie il passa au droit. […] Les nouveaux convertis étaient de droit exemptés ; les opiniâtres et récalcitrants étaient chargés, pressurés jusqu’à extinction.

644. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Dans l’Assemblée Constituante, les membres du côté droit auraient pu faire passer quelques-uns des décrets qui les intéressaient, s’ils eussent laissé la parole à des hommes plus modérés qu’eux, et par conséquent plus agréables au parti populaire ; mais ils aimaient mieux perdre leur cause, en la faisant soutenir par l’abbé Maury, que de la gagner en la laissant défendre par un orateur qui ne fut pas précisément de leur opinion sous tous les autres rapports. […] Si l’on s’était convaincu d’un principe simple, c’est que les hommes n’ont pas le droit de faire le mal pour arriver au bien, nous n’aurions pas vus tant de victimes humaines immolées sur l’autel même des vertus. Mais depuis que ces transactions ont existés entre le présent et l’avenir, entre le sacrifice de la génération actuelle et les dons à faire à la génération future, il n’y a point eu de bornes qu’un nouveau degré de passion ne se crut en droit de franchir ; et souvent des hommes, enclins au crime, croyant s’enivrer des exemples de Brutus, de Manlius, de Pison, ont proscrit la vertu, parce que de grands hommes avaient immolé le crime ; ont assassiné ceux qu’ils haïssaient, parce que les Romains savaient sacrifier ce qu’ils avaient de plus cher ; ont massacré de faibles ennemis, parce que des âmes généreuses avaient attaqué leurs adversaires dans la puissance, et ne prenant du patriotisme que les sentiments féroces qu’il a pu produire dans quelques époques, n’ont eu de grandeur que dans le mal, et ne se sont fiés qu’à l’énergie du crime.

645. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

Durkheim des sociétés individualistes, c’est-à-dire fondées sur la reconnaissance de certains droits à l’individu et dans ces sociétés une éducation plus libérale se substituera à l’éducation unitaire. […] La liberté de la presse est au fond une réglementation de la presse : la liberté d’association est au fond une réglementation du droit d’association ; la liberté du vote une réglementation du vote, et ainsi de suite. […] Quant aux points contestés ou flottants de la morale (droits de la femme, de l’enfant, conception de la famille, etc.), l’éducateur ne peut guère trancher ces questions à l’école.

646. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Dans de telles circonstances on est donc, jusqu’à un certain point, en droit d’exiger d’un écrivain le tact même de l’avenir ; car nous ne sommes plus au temps des théories consacrées par l’expérience, et des doctrines revêtues de l’autorité imposante des traditions : toutes nos destinées se sont en quelque sorte réfugiées dans le nuage de l’avenir. […] La grande question qui s’agite roule sur le fait et sur le droit, sur le juste et sur l’utile ; elle roule enfin sur l’origine du pouvoir. […] Le père de famille est revenu au milieu des siens ; il est revenu, envoyé par la Providence, pour consacrer nos droits, pour nous remettre en pleine possession de tant de belles prérogatives que nous étions menacés de perdre, à cause du mauvais usage que nous en avions fait ; dès lors nous avons pu jouir sans trouble d’une émancipation de fait, qui est devenue, par cette haute investiture, une émancipation légale.

647. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Pour cela nous prendrons du sang dans le cœur droit d’abord. […] Alors, avec une seringue, dont la canule est ajustée dans le bout évasé E de la sonde, nous aspirons une certaine quantité de sang du cœur droit de l’animal. […] On arrive ainsi sur le rein droit, immédiatement au-dessus du foie, et un peu au-dessous des veines rénales. […] On a généralement observé dans ces conditions que le ventricule gauche avait une température plus élevée que le ventricule droit. […] Liebig, avaient déjà dit que le sang du ventricule gauche leur avait paru moins chaud que celui du ventricule droit.

648. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Raskolnikoff défend le droit au crime, il décide que tel ou tel individu n’a pas le droit de vivre, la vieille usurière par exemple, et il la tue par raisonnement. […] C’est bien un droit qu’il croit exercer, le droit même de la vie, puisque ce sang d’un autre est indispensable a son existence même. […] Il ne se sent pas le droit de tuer, et il aura beau faire, il n’arrivera pas à se persuader qu’il peut le prendre. […] Bien que fort de son droit, se trouvant dans des conditions à être absous par un tribunal, ce mari s’est fait son propre juge et ne s’est pas acquitté. […] Il faut qu’une seule main, ferme au dedans, afin d’avoir le droit de l’être au dehors, dirige les affaires.

649. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Pour chacun le droit existe d’analyser ses actes comme des résidus. […] Ceux-ci sont-ils méconnus ou violés, aussitôt l’homme s’indigne, alléguant les droits imprescriptibles du Réel, et proteste par des œuvres nouvelles, où s’affirme son vouloir de demeurer humain intensément. […] L’essentiel est que nous plongions nos racines dans la nature, pour nous élancer droits vers l’Absolu. […] Je ne veux pas qu’on me demande si cette intrusion des idées classiques outrepassa ses droits, en brisant les frontières de notre tradition nationale. […] Un philosophe lyonnais, trop humble et trop pur pour quémander les faveurs et la réputation auxquelles son génie a droit, a écrit dans un livre admirable : « Le penseur est un esprit vaste, qui ne recule pas devant les larges synthèses.

650. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Le suffrage universel était la seule base du droit politique en France ; lui résister, c’était faire un acte insurrectionnel, un coup d’État. « Le dernier butor, écrit-il le 10 janvier 1852, a le droit de disposer de son champ et de sa propriété privée, et pareillement une nation d’imbéciles a le droit de disposer d’elle-même, c’est-à-dire de la propriété publique. […] Il jugeait en outre nécessaire d’acquérir en législation, en droit administratif, en matière financière, la compétence d’un spécialiste. […] Il avait droit d’être écouté, lui qui toute sa vie avait prêché le patriotisme, comme on fait d’une religion. […] Il traduit Vico ; il scrute les Origines du droit.

651. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Je vois que je ne finirai pas comme ces messieurs de la ville, qui se tiennent droit jusqu’au bout, debout jusqu’au bout, et même un peu plus droits quand ils sont vieux que quand ils sont jeunes. […] Il ressaisit le droit régalien. […] C’est plus droit. […] Nous avons bien le droit de faire au moins comme les géographes. […] Où en aurais-je pris, de qui en aurais-je le droit.

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