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948. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Le génie antisocial, le fils de la terre, doit être étouffé par le génie de la civilisation, par l’enfant des dieux.

949. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Or, malgré la beauté de ces traductions amoureuses, la muse virginale de Vigny n’est faite pour être la Léda de personne, même quand le cygne qui cache le maître des dieux serait Shakespeare.

950. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Il est tel chœur de Sophocle, tel sonnet de la Vita nuova, telle tragédie de Racine, qui résonnent dans l’âme comme le chant d’un dieu d’amour et de douleur ; et tant que l’humanité vivra, elle retrouvera, dans ces syllabes assemblées par un homme disparu, l’immortelle expression d’une âme toujours présente.

951. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Aux époques où l’on semble délaisser les églises, les chapelles ont plus de fidèles que jamais ; et les temples des dieux étrangers se multiplient, dans les cités qui négligent leurs dieux anciens. […] L’œuvre entière a le caractère mystérieux et auguste que les Grecs conféraient au messager ; ils l’appelaient, avec une courtoise déférence, « messager des hommes et des dieux », honorant ainsi la nouvelle imprévue, la confidence, l’émoi des lendemains, tous les secrets dont les dieux sont les gardiens authentiques. […] Et le voici comparable à ces aèdes de l’ancienne Grèce qui, peu à peu, enrichissant le texte d’Homère, composèrent d’une pensée multiple et variée l’histoire des dieux et des héros. […] Les écoliers du Latium y apprenaient l’origine légendaire de leur race, y trouvaient de nobles motifs d’orgueil national, de justes raisons de préférer leur patrie et leurs dieux aux dieux étrangers et aux diverses patries.

952. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Après avoir aux dieux adressé les prières, Tous les ordres donnes, on donne le signal : Les ennemis, pensant nous tailler des croupières, Firent trois pelotons de leurs gens à cheval ; Mais leur chaleur par nous fut bientôt réprimée,              Et vous allez voir comme quoi. […] Tu leur mon : trais des bandelettes couvertes d’images de dieux indiens, et le texte de deux grands poèmes sanscrits que, sauf toi (tu le savais très bien), personne ne pouvait comprendre. […] La statue habillée, qui se penche avec un air rêveur au milieu des fleurs de nos expositions, apparaissait à mon imagination comme proposant à la critique une énigme tout aussi obscure, tout aussi curieuse, tout aussi digne d’être déchiffrée, que celles des sphinx et des colosses égyptiens qui bordaient, il y a quatre mille ans, les avenues des temples de Thèbes, écrasant de leur masse la foule imperceptible, à son approche de la demeure du dieu ; et je me disais : La critique doit comprendre cette énigme, cela suffit.

953. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Il n’aime point la noblesse et la beauté antiques ; les deux dieux deviennent entre ses mains des moines mendiants, Philémon et Baucis des paysans du Kent. […] s’il plaisait aux dieux de couper en deux ta beauté, ta taille, tes années et ton esprit, aucun siècle ne pourrait fournir un couple de nymphes si gracieuses, si sages et si belles993 !  […] Philosophe contre toute philosophie, il a créé l’épopée réaliste, parodie grave, déduite comme une géométrie, absurde comme un rêve, croyable comme un procès-verbal, attrayante comme un conte, avilissante comme un torchon posé en guise de couronne sur la tête d’un dieu.

954. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Molière n’a pas seulement ses fidèles, il a ses dévots ; le culte que nous lui rendons deviendra même bientôt, si nous n’y prenons garde, intolérant comme une superstition ; déjà, fût-ce d’une main délicate et légère, on ne peut plus toucher à son ombre, sans faire crier quelqu’un de ses adorateurs ; on l’a bien dit, il est vraiment en train « de passer dieu ». […] Ce ne sont pas en effet, quoi qu’on en dise, les Britannicus, les Bajazet, les Hippolyte qui sont « galants et damerets » ; ce sont les Rodrigue, les Curiace, les Cinna, les Sévère : Pour moi, si mes destins un peu plus tôt propices Eussent de votre hymen honoré mes services, Je n’aurais adoré que l’éclat de vos yeux, J’en aurais fait mes rois, j’en aurais fait mes dieux. […] On connaît ce passage de la Critique de l’École des femmes : « Je trouve qu’il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments, de braver en vers la fortune, accuser les destins et dire des injures aux dieux, que… de rendre agréablement sur le théâtre les défauts de tout le monde. […] Les dieux ! […] Lui reprocher ce soin de sa fortune serait une pure sottise : il hérita de son père 5 000 ou 6 000 livres de rente ; il en possédait 80 000 vers 1740 ; il en laissa près de 160 000 à sa mort : les dieux en soient loués !

955. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

ô vous, dieux ! […] Un matelot débarqué dans l’île, Stéphano, lui donne du vin ; il lui baise les pieds et le prend pour un dieu ; il lui demande s’il n’est pas tombé du ciel et l’adore. […] Il le bat, et chasse le peuple de l’enceinte ; il se croit parmi les Volsques. « Sur un bon terrain, j’en mettrais quarante à bas. » Et quand on l’emmène, il menace encore, et « parle du peuple comme s’il était un dieu choisi pour punir, non un homme mortel comme eux ». […] les Amours des dieux, au château de Blenheim, par Titien.

956. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth ; Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ; Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l’ombre Brillait à l’occident, et Ruth se demandait, Mobile, ouvrant l’œil à moitié sous ses voiles, Quel dieu, quel moissonneur de l’éternel été Avait, en s’en allant, négligemment jeté Cette faucille d’or dans le champ des étoiles. […] Eh bien, je vous demande si véritablement c’est cela qui vous donne une idée de la langue des dieux. […] Vous, les étoiles, les aïeules Des créatures et des dieux, Vous avez des pleurs dans les yeux… » Elles m’ont dit : « Nous sommes seules… Chacune de nous est très loin Des sœurs dont tu la crois voisine ; Sa clarté caressante et fine Dans sa patrie est sans témoin ; Et l’intime ardeur de ses flammes Expire aux cieux indifférents. » Je leur ai dit : « Je vous comprends, Car vous ressemblez à nos âmes : Ainsi que vous, chacune luit Loin des sœurs qui semblent près d’elle, Et la solitaire immortelle Brûle en silence dans la nuit. » Enfin, voici une pièce de vers qui est une des plus harmonieuses et des plus profondément tendres qu’il y ait dans notre poésie ; c’est une pièce que Sully Prudhomme intitule L’Agonie, et il y exprime cette idée qu’il veut, lorsqu’il viendra à mourir, être bercé par un peu de musique : Vous qui m’aiderez dans mon agonie,               Ne me dites rien ; Faites que j’entende un peu d’harmonie,               Et je mourrai bien. […] Trompettes tout haut d’or pâmé sur des vélins, Le dieu Richard Wagner irradiant un sacre Mal tu par l’encre même en sanglots sibyllins.

957. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Athée du sentiment, insatisfaite par la sensation, elle reste de longues heures, agenouillée devant le dieu Phallus, à cracher des blasphèmes2. […] L’esprit féminin est superficiel, se laisse prendre aux apparences et aux décors, admire volontiers dans le rastaquouère un aventurier, dans l’aventurier un héros, dans le héros un dieu. […] Je sens qu’il faut redescendre pour vous parler comme un homme, non comme un dieu. […] Si elle parvient à soulever le dieu, elle a une moue désappointée. […] Elle refit aux lecteurs de la Revue des Deux Mondes le fameux cours de meurtre, et Pas à pas les conduisit à tuer pour sauver l’honneur bourgeois, dieu digne de tous les sacrifices.

958. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

L’antique mythe du Nord renfermait le dogme effroyable du Crépuscule des Dieux. […] Dans leurs prunelles Rit et pleure — fastidieux — L’amour des choses éternelles, Des vieux morts et des anciens dieux ! […] Il s’approche du soir de sa vie et n’a encore publié, en dehors de quelques plaquettes, telles que Les Dieux de la Grèce et L’Après-Midi d’un Faune, et quelques vers et comptes rendus de livres et de pièces dispersés dans des revues, — en tout à peine un maigre volume, — que quelques traductions de l’anglais et quelques livres scolaires (M. 

959. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Il a des apostrophes « Aux commençants », qui respirent le feu sacré : Fussiez-vous du sang des héros, fussiez-vous du sang des dieux s’il y en avait ; si la gloire ne vous délire pas continuellement, ne vous rangez pas sous ses étendards.

960. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Ce jour-là, avant le débarquement sur la plage d’Alexandrie, l’ordre du jour disait : Soldats…, vous portez à l’Angleterre le coup le plus sensible, en attendant que vous lui donniez le coup de mort… Vous réussirez dans toutes vos entreprises… Les destins vous sont favorables… Dans quelques jours les mamelouks qui ont outragé la France n’existeront plus… Les peuples au milieu desquels vous allez vivre tiennent pour premier article de foi qu’il n’y a pas d’autre dieu que Dieu, et que Mahomet est son prophète !

961. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Une femme, Mme Du Deffand, précisément parce qu’elle n’était pas du métier et qu’elle n’en croyait que son impression, se trompait moins lorsqu’elle écrivait à Horace Walpole (12 mars 1769) : Je ne vous enverrai point Saint-Lambert ; rien, selon mon goût, n’est plus fastidieux, excepté huit vers que voici : Malheur à qui les Dieux accordent de longs jours !

962. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Les caractères, suivant lui, les personnages des fables de La Fontaine, quels qu’ils soient, animaux, hommes ou dieux, ce sont toujours des hommes et des contemporains du poète ; et il s’applique à de démontrer, en parcourant les principales catégories sociales, roi, courtisans, noblesse, clergé, bourgeoisie, peuple, et en les retrouvant en mille traits dans sire lion, dans maître renard, maître Bertrand, ours, loups, chats et rats, mulets et baudets, etc., etc.

963. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Gardant toutes ses délicatesses de cœur, ses empreintes de nature champêtre et de paysage qu’il ravivait de temps en temps par des voyages rapides, Guérin, partagé désormais entre deux cultes, le dieu des cités et celui des déserts, était le mieux préparé à aborder l’art, à combiner et à oser une œuvre.

964. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Au milieu des courses les plus violentes ; il m’arrivait de rompre subitement mon galop », comme si un abîme se fût rencontré à mes pieds, ou bien un dieu debout devant moi.

965. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

. — Mais, pour la plupart du temps, ses vrais goûts sont ailleurs : Shakespeare, Gœthe, Heine, peuplent son ciel et sont ses dieux ; il sent plus volontiers le chef-d’œuvre étranger que le chef-d’œuvre national.

966. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Un ancien poète aurait dit d’elle : « Ils sont favorisés des Dieux ceux qui meurent ainsi. » II.

967. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

. ; comme il vient à quelques pages de là de s’exprimer de ce ton absolu, que va-t-il faire lorsqu’il rencontre dans ces mêmes stances, qu’il proclame les plus admirablement amoureuses de la poésie française, le petit dieu Cupidon en personne : Ne crains rien, Cupidon nous garde… ?

968. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Je vois devant moi les hommes qui, à des degrés divers, ont donné à la scène française son éclat et ses nuances de nouveauté depuis plus de vingt ans ; ce n’est pas devant ces juges du camp, qui ont pratiqué l’arène, ce n’est pas devant le grand poëte qui me fait l’honneur de me recevoir en ce moment au nom de l’Académie, glorieux champion dans bien des genres, et lui-même l’un des maîtres du combat, que je viendrais étaler et mettre aux prises des théories contradictoirement discutables, tour à tour spécieuses, mais qui n’ont jamais de meilleure solution ni de plus triomphante clôture que ce vieux mot d’un vainqueur parlant à la foule assemblée : Allons de ce pas au Capitole remercier les Dieux ! 

969. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

On apprend ainsi qu’il faut dans une tragédie des monologues, des chœurs, des songes, des ombres, des dieux, des sentences, de vastes couplets, de brèves ripostes, un événement unique, illustre, un dénouement malheureux, un style élevé, des vers, un temps qui ne dépasse pas un jour : tout cela pêle-mêle, sans subordination ni sens intérieur.

970. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Car, si tout n’était pas vanité, si toute vie n’était attendue par la mort, il serait horrible de songer que nous ne connaissons qu’une vie médiocre, que nous n’avons pas de génie, que nous ne faisons rien de grand, que nous ignorons même à peu près la vie sensuelle et passionnelle et les « mille et trois » de don Juan, et que nous ne sommes pas « comme des dieux », ainsi que parlent les livres saints.

971. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Et lui : « Non, je veux peindre, j’appartiens à l’art, au dieu farouche : qu’il fasse de moi ce qu’il voudra   Mais je suis vivante, moi !

972. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Ces idées couraient le monde et pénétraient jusqu’à Rome, où elles inspiraient un cycle de poêmes prophétiques, dont les idées fondamentales étaient la division de l’histoire de l’humanité en périodes, la succession des dieux répondant à ces périodes, un complet renouvellement du monde, et l’avénement final d’un âge d’or 147.

973. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Les systèmes, ces dieux hostiles et vaillants, dont le moindre briserait et la tablette frêle et l’étroite cage, n’entrent naturellement au capharnaüm que sous les espèces et apparences de statuettes.

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