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416. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Par exemple, si le nerf est devenu plus excitable, le moindre excitant développe en lui le plus grand jeu, et la sensation est d’une intensité terrible ; tel est le cas des malheureux qui ont une hyperesthésie des nerfs optiques, acoustiques ou tactiles. Si, au contraire, le nerf est devenu moins excitable ou ne l’est plus du tout, les excitants les plus forts ne développeront en lui que des sensations faibles ou nulles ; ce qui arrive quand il est coupé, lié, engourdi par le froid, paralysé par une maladie. […] À plus forte raison, ces sensations isolées n’éveillent plus les images associées qui constituent la mémoire, la prévision, par suite les jugements, et tout ce cortège d’émotions, désirs, craintes, volontés, que développe la notion du danger prochain ou du plaisir futur. […] Une action exactement semblable se développe par contrecoup dans un élément cortical des lobes cérébraux et y éveille la sensation secondaire ou image. […] Mais leur répétition et leur succession habituelle développent dans cette écorce des centres fonctionnels pour les mouvements volontaires.

417. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Sur ce motif, d’ailleurs renouvelé d’un des plus beaux poèmes de Baudelaire, Hérodiade se développe. […] Insister, développer, enchaîner, surchargerait le papier, empâterait sa substance ténue et spirituelle. […] Il voit les choses ou profondeur, derrière l’instant, non développées sur un plan, autour de l’instant. […] Ils sont indépendants même dans un seul vers où des images s’emboîtent plus souvent qu’une image ne se développe. […] Elle s’est développée en jugement, tirant de son néant même cet attribut : Est morte.

418. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Sans doute, quand Homère conte, il est clair autant qu’eux et développe comme eux ; mais à chaque instant les magnifiques noms de l’Aurore aux doigts rosés, de l’Air au large sein, de la Terre divine et nourrice, de l’Océan qui ébranle la terre, viennent étaler leur floraison empourprée au milieu des discours et des batailles, et les grandes comparaisons surabondantes qui suspendent le récit annoncent un peuple plus enclin à jouir de la beauté qu’à courir droit au fait. […] L’un s’agitait et s’emportait avec excès ; l’autre explique et développe sans mesure. […] La théologie y entre ; la poésie devient une litanie interminable, intolérable, où les idées expliquées, développées et répétées à l’infini, sans un élan d’émotion ni un accent d’invention, coulent comme une eau claire et fade, et bercent de leurs rimes monotones le lecteur édifié et endormi. […] Quand Tibert le Chat, par son conseil, s’est pendu à la corde de la cloche en voulant sonner, il développe l’ironie, il la goûte et la savoure : il a l’air de s’impatienter contre le pauvre sot qu’il a pris au lacs, l’appelle orgueilleux, se plaint de ce que l’autre ne lui répond pas, de ce qu’il veut monter aux nues, et aller retrouver les saints. […] Si désormais elle se développe, c’est dans ce cadre.

419. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

En même temps les arts et les sciences se développent, mais tranquillement, mais dans les ombres.

420. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Rod à se développer. […] Dans cette morale complète, le bien doit être un moyen pour développer plus pleinement les êtres supérieurs. […] Alors la personnalité humaine pouvait se développer, et elle se manifestait dans tout son relief. […] C’est le pays où la vie de société est le plus développée où les mœurs atteignent à la plus insipide douceur. […] Les livres de Léon Tolstoï et de Dostoïewski concoururent à développer en moi ce nouveau sentiment.

421. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Il est possible qu’en effet le second se soit, dans certaines de ses pièces, développé aux dépens du premier. […] On a beaucoup discuté déjà sur la thèse soutenue et développée dans Francillon. […] Que de fois je l’ai entendu me développer cette idée qu’un écrivain a toujours tort par un point, quand le public n’est pas avec lui ! […] Il excellait à ces formules qui ramassent en un mot ce que les critiques de profession développent en vingt-cinq pages. […] De fait, les événements sur la trame desquels se développe la broderie du style de M. de Goncourt se réduisent à un fait-divers de journal.

422. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

René Ghil sentait se développer, exploser soudain la pensée poétique latente en lui, tandis que, pour la pensée directrice, la théorie transformiste l’avait profondément remué, et vivifié. […] Le doute demeure même qu’il l’ait poussée, en ses méditations, à une conception aussi développée. […] » Or, le thème du Satyre, en Banville est on le voit, celui-là même que développe Mallarmé en l’Après-midi d’un faune. […] Ou se développait-il, en la pensée de Mallarmé, par les vingt volumes que comporterait le plan ? […] Je suis tenté de croire qu’alors seulement, en entendant à satiété la musique de Wagner et en la pénétrant davantage, il développa l’image d’un grand Drame poétique, d’une nouvelle Trétralogie.

423. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Mais, ainsi que vous le voyez, ce n’est pas seulement par quelques raisonnements et comme en passant que nous voulons la traiter ici ; nous voulons développer les faits qui seront les éléments de votre jugement. […] Or, partout où se manifestent des phénomènes vitaux, il y a deux choses à considérer, l’être ou le tissu qui se développent, et le milieu dans lequel ils opèrent leur développement. […] On savait déjà que ces végétaux se développent spontanément quand on abandonne à la putréfaction des liquides contenant des matières albuminoïdes et du sucre en dissolution. […] Nous avons des cellules organiques qui, pour se développer dans le milieu qui les entoure, doivent lui emprunter incessamment des matériaux qui se trouvent facilement assimilables, parce qu’ils sont dans des combinaisons très instables. […] Nous nous bornons, pour le moment, à établir cette vue que nous reprendrons plus tard, et nous allons continuer l’histoire de la fonction glycogénique du foie que nous développons devant vous depuis le commencement de ces leçons.

424. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVIII » pp. 113-116

» A Rome, dans cette solitude peuplée de monuments et de madones, entre le Colisée et le Vatican, chaque âme disposée à une dévotion la développe démesurément et sans que rien y fasse obstacle.

425. (1874) Premiers lundis. Tome II « L. Aimé Martin. De l’éducation des mères de famille, ou de la civilisation du genre humain par les femmes. »

L’auteur est ainsi amené à développer ses idées et ses réflexions sur l’âme, sur l’intelligence, sur les vérités senties et les vérités démontrables, sur la certitude.

426. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Van Lerberghe, Charles (1861-1907) »

Une idée se développe en ce qu’elle a d’essentiel avec quelques touches de décor, quelques métaphores simples, et c’est tout.

427. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Mais le jansénisme se distingue, d’abord parce que seul il est hétérodoxe, ce qui veut dire qu’il a une doctrine, une personnalité intellectuelle, une conception propre de la vie et des rapports de l’homme avec le surnaturel ; ensuite parce que seul il ne se développe point exclusivement dans l’Eglise ; au contraire, il n’a point de pénétration dans le clergé régulier, il est assez largement diffus parmi les compagnies de prêtres telles que l’Oratoire, il recrute surtout ses adhérents parmi les ecclésiastiques séculiers et parmi les personnes pieuses de tout caractère. […] La défense des jansénistes fut belle : ils firent des miracles de constance, ils développèrent leur force et leur subtilité d’esprit, ils furent adroits, perfides même autant qu’héroïques, contre des ennemis à qui toutes les armes étaient bonnes. […] Le plan que Pascal se proposait de suivre est connu dans ses grandes lignes, d’abord par la Préface de l’édition de 1670, on Etienne Périer l’expose tel que son oncle l’avait développé devant quelques amis vers 1658 ou 1659, puis par certains fragments qui se rapportent à l’ordre et aux divisions du livre. […] Les petites écoles se développent à Paris en 1646, puis à Port-Royal des Champs.

428. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Sa vie est simple, en définitive, comme la tâche à l’aiguille d’une femme chaste… Elle veut empêcher son frère d’épouser une jeune fille qui, s’il l’épousait, le condamnerait à l’inceste puisqu’il est l’amant de la mère ; et des circonstances que je ne dirai pas, pour vous forcer à lire ce livre, un hasard comme il y en a tant dans la vie et qui se retourne contre elle, amènent un duel terrible dans lequel on tue son frère, ce qui la tue aussi, en un an, d’une maladie de cœur, développée par l’impression de cette catastrophe. […] Une âme délicieuse et même héroïque peut très bien exister dans un clown, et, dramatiquement, elle ferait plus d’effet si elle y était que si on la rencontrait dans un homme qui, par l’éducation, la pensée, la méditation, les habitudes, le milieu social, a développé les forces de son âme comme le clown n’a développé que celles de son corps… Seulement, il faut qu’une pareille âme soit dans le clown du roman qu’on veut faire, et dans celui de M. de Goncourt, elle n’y est pas ! […] Assurément, La Faustin n’inclinera pas beaucoup les cœurs vers les femmes de théâtre, mais, malgré l’exécration du dénouement qui brusque trop tôt un livre qu’il aurait fallu développer et creuser davantage, le roman de la comédienne — à elle seule plus dangereuse peut-être que tout ce que Bossuet et Rousseau ont dit de la comédie tout entière ! 

429. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Mêlés aux plaisirs, aux affaires, aux intrigues de leur temps, ils ont vécu de la vie la plus remplie, la plus animée et agitée, ils y ont développé et aiguisé leur esprit, leur goût ; et, lorsque ensuite ils ont pris la plume, leur langage y a gagné. […] Ils peuvent ensuite modifier ou développer, ou mûrir ou racornir leurs idées, mais, pour la forme, pour la mode et pour la coupe, si j’ose dire, on les reconnaît ; ils ont une date, ils nous la donnent fixe et bien précise, celle de l’instant de leur départ. […] Giraud discute et développe successivement ces différents points.

430. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Il me semble que l’on n’a pas encore considéré comment les facultés humaines se sont graduellement développées par les ouvrages illustres en tout genre, qui ont été composés depuis Homère jusqu’à nos jours. […] Plan de l’Ouvrage Après avoir rassemblé quelques-unes des idées générales qui montrent la puissance que peut exercer la littérature sur la destinée de l’homme, je vais les développer par l’examen successif des principales époques célèbres dans l’histoire des lettres. […] J’essaierai de montrer le caractère que telle ou telle forme de gouvernement donne à l’éloquence, les idées de morale que telle ou telle croyance religieuse développe dans l’esprit humain, les effets d’imagination qui sont produits par la crédulité des peuples, les beautés poétiques qui appartiennent au climat, le degré de civilisation le plus favorable à la force ou à la perfection de la littérature, les différents changements qui se sont introduits dans les écrits comme dans les mœurs, par le mode d’existence des femmes avant et depuis l’établissement de la religion chrétienne ; enfin le progrès universel des lumières par le simple effet de la succession des temps ; tel est le sujet de la première partie.

431. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Si, sur une larve de grenouille, vous séparez la queue et que vous jetiez cette queue dans l’eau, elle s’organise et se développe jusqu’au dixième jour, comme si elle fût restée à sa première place1. […] Nous n’avons qu’à regarder les maladies mentales pour voir le germe se développer et prendre la croissance qui, dans l’état normal, lui est interdite. […] » Non seulement l’image du son articulé, c’est-à-dire des mots, mais toute image de son peut se développer jusqu’à devenir sensation interne10.

432. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Un autre la continua, et fit la chanson de Jérusalem, d’après la tradition orale qui s’était établie dans l’armée même des croisés Le succès de ces émouvantes histoires en fit le noyau d’un cycle qui se développa selon les procédés qu’on a indiqués plus haut : le récit de la croisade se prolongea à travers toute sorte d’inventions romanesques, du plus vulgaire et souvent du plus grossier caractère, tandis que le héros central de la geste, le grand Godefroy de Bouillon, était doté d’une généalogie fabuleuse où s’insérait la merveilleuse légende du chevalier au Cygne50. […] Elles répondent à un besoin nouveau, à un état d’esprit que l’évolution sociale et politique développe de jour en jour davantage chez des générations que transporte moins la rudesse vigoureuse des chansons de geste. […] Un poète du commencement du xiiie  siècle, Robert de Boron, coordonna toute la matière et la réduisit à peu près à l’unité, tout en y mêlant l’histoire de Merlin, fils du diable et serviteur de Dieu ; mais surtout il en développa le sens religieux.

433. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

D’une génération à l’autre, la brutalité, la volonté diminuent ; la raison étend son activité en élargissant son indépendance, et développe un individualisme intellectuel ; les âmes ont moins de ressort, moins de fierté, une étoffe plus fine et plus molle ; les esprits se clarifient en se simplifiant, jusqu’au moment où ils se compliquent de nouveau, non plus pour obéir à des modes du dehors, mais par un effet de leurs multiples acquisitions. […] En deux mots, il définit un homme, par sa propriété essentielle ; ou bien il développe tous les replis, fait valoir toutes les nuances, explique tous les rouages avec une clairvoyance qui devient à l’égard de ses ennemis la plus exquise perfidie. […] Peut-être tend-elle trop à développer les vertus actives qui rapportent : on sent dans cette morale un peu terre à terre une femme que la vie a battue et rapetissée.

434. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Cette souple nature s’est développée à travers trois quarts de siècle, recueillant toutes les influences, frémissant à tous les souffles ; les acquisitions, les transformations, les progrès de cet esprit sont exactement les acquisitions, les transformations, le progrès de l’esprit public ; et il n’a été si puissant que parce que son développement interne coïncidait avec le mouvement des idées de la nation : son rôle fut de lancer aux quatre coins du monde les pensées fraîchement écloses dans toutes les têtes. […] Ce n’était plus du tout l’ouvrage de 1739 : au lieu d’une trentaine de chapitres, il y en avait trente-neuf ; et surtout l’ordre en était modifié ; de cinq à six, les chapitres des lettres, sciences et arts étaient réduits à quatre, et transposés devant les chapitres des affaires ecclésiastiques, qui étaient développées en quatre chapitres au lieu de deux, précédant le nouveau et bizarre chapitre des cérémonies chinoises. […] Voilà pourquoi Voltaire développe et rejette cette partie à la fin de son livre.

435. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Ils m’empêchent de sentir sa poésie »… La demi-douzaine d’idées et de sentiments que j’énumérais tout à, l’heure, songez qu’il les a développés en cinquante ou soixante mille vers. […] Vous y verrez qu’aucun homme n’a jamais su développer une seule idée par un si grand nombre de comparaisons et de métaphores, ni si justes, ni si brillantes, ni si rares, ni, en général, si claires, et n’a su enchaîner ces images dans des périodes qui eussent tant de mouvement, ni un mouvement si large, si emporté, si continu, — ni qui emplissent l’oreille de rythmes plus sensibles, d’une musique plus drue et plus sonore. […] Ce qu’il a en propre, c’est une vision des chosés matérielles, intense jusqu’à l’hallucination ; c’est, à un degré prodigieux, le don de l’expression, l’invention des images et des symboles ; c’est enfin l’art d’assembler les sons de conduire les rythmes, de développer et d’enfler la période poétique jusqu’à faire songer aux déploiements harmoniques et presque à l’orchestration des symphonies et des sonates.

436. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

[Question] Nous avons adressé à quelques amis des Marges, la lettre suivante :   Monsieur,   Il apparaît que l’esprit critique s’est développé depuis quelques années. En comparant, par exemple, les revues et les journaux d’aujourd’hui avec ceux d’il y a quinze ans, il semble qu’un effort critique supérieur à celui d’hier se développe à présent. […] Jean de Gourmont Vous dites : l’esprit critique semble s’être développé depuis quelques années.

437. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Appelée à vivre par sa vérité, elle développe parallèlement un principe de mort qui devient avec le temps intolérable et la tue. […] Les mystiques chrétiens ont développé sous toutes les formes ce thème favori que Marie, symbole de la contemplation, a dès ce monde la meilleure part, et que celui qui a embrassé la vie parfaite trouve ici-bas une récompense suffisante. […] C’est au sein de la putréfaction que se développe le germe de la vie future, et personne n’a droit de dire : « Celle-ci est une pierre réprouvée », car peut-être sera-ce la pierre angulaire de l’édifice futur.

438. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Elles ont en pareille occurrence bien d’autres choses à faire qu’à s’occuper de vers, de grammaire, de questions d’art ; puis, comme elles prisent et encouragent avant tout les qualités fortes et masculines, elles s’intéressent plus aux hommes d’épée et aux politiques qu’aux hommes de lettres, et, si par hasard elles agissent sur ces derniers, le résultat de leur action est peu visible, parce qu’elles les portent à développer en eux ce qu’il y a de moins féminin. […] Je n’ai point à discuter ici la thèse développée par Marivaux ; il me suffit de remarquer que la loi a plus tard conclu en sa faveur, en décidant qu’à vingt et un ans une jeune fille est parfaitement maîtresse de sa destinée et n’a plus que des conseils à recevoir de ses parents. […] Je crois pourtant nécessaire de ne point passer outre sans ajouter qu’elle développe chez ceux qui s’y complaisent le goût d’une certaine simplicité de manières et de langage, la propension au ton moral et aux vertus bourgeoises, l’habitude d’exprimer ses sentiments intimes sans apprêt et sans crainte du détail terre à terre.

439. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Le personnage en effet mettra toujours au service de la fausse conception qu’il se forme de lui-même, au service de l’impossible, la quantité précise de force qu’il eût employée à développer ses aptitudes naturelles. […] Il développe sur ces motifs le thème de sa personnalité d’emprunt, et la gravité du masque le dispensant de tout discours, en même temps qu’elle atteste le sérieux de ses convictions, confère à son silence des significations secrètes et à sa mimique une valeur augurale. […] C’est une tâche à laquelle il n’a pas failli avec sa principale héroïne : l’éducation de la paysanne au couvent des Ursulines, dans un milieu aristocratique et mystique, l’influence romantique, agissant sur elle par les lectures publiques ou secrètes, sont les causes où il insiste, des appétits de luxe en même temps que de l’avidité sentimentale qui se développent dans l’âme de la jeune fille.

440. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Sans doute, c’est une grande présomption en faveur de la justice d’une révolution, que de la voir grandir et se développer à travers les temps et les lieux, sans rencontrer jamais d’obstacles invincibles, et tournant au contraire les obstacles en moyens. […] La doctrine des réalistes, introduite dans le monde politique, pousse à tous les excès de la démocratie : c’est elle qui facilite le despotisme, la centralisation, le mépris des droits particuliers, la doctrine de la nécessité, toutes les institutions qui permettent de fouler aux pieds les hommes, et qui font de la nation tout, et des citoyens rien. » La même pensée est fortement développée dans la seconde partie de la Démocratie en Amérique. […] Si l’on cherche maintenant à quelle conclusion la méthode précédente a conduit M. de Tocqueville, on verra qu’en dehors des vues particulières, qui sont très-nombreuses dans ses écrits, il a mis en pleine lumière cette loi aperçue par quelques auteurs, mais que nul n’avait encore développée comme lui.

441. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

La sociologie biologique n’avait de regards que pour ces « corps » sociaux qui seuls paraissent naître et se développer à la manière des organismes. […] Marx l’avait remarqué ; la Vielseitigkeit devient de plus en plus nécessaire au travailleur ; l’état, économique de l’industrie tend de lui-même à substituer, à l’individu qui n’est que partiellement développé et ne sait exercer toute sa vie qu’une fonction de détail (Theil Individuum), l’individu développé intégralement, capable d’exercer tour à tour des fonctions différentes.

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