/ 1885
1817. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Gandar retrouvait l’École bien en progrès, la bibliothèque agrandie et complétée, le petit jardin ayant gagné en verdure et en fleurs, d’autres jardins encore (ceux de la reine) créés et embellis par une habile culture : « Bien que deux hivers désastreux, dit-il, aient ravagé toute la plaine, brûlé les jeunes orangers d’Athènes comme les oliviers séculaires du Céphise, la reine est parvenue à doubler ses plantations où l’on trouve de l’eau, des fleurs, de l’herbe, presque de l’ombre, et quelques arbustes exilés de nos pays, mêlés à ceux des montagnes de l’Attique et aux palmiers de l’Orient.

1818. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

La route est battue ; y faire remarquer, chemin faisant, deux ou trois points de vue nouveaux, les montrer, non point les créer, je ne prétends pas à plus.

1819. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

À l’exception de quelques institutions financières d’un mérite contesté, il ne créa rien en Angleterre ; il se trompa souvent sur les forces relatives de l’Europe, sur la marche des événements ; mais il joignit aux talents d’un grand orateur politique l’amour ardent de son pays, la haine passionnée de la Révolution française.

1820. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Car enfin ce n’est pas le hasard, ce n’est pas une cause aveugle qui nous a créés : mais nous devons l’être certainement à quelque puissance, qui veille sur le genre humain.

1821. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Ce n’était pas un gouvernement qu’il fallait créer à la minute, il n’en aurait pas duré deux.

1822. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Concevoir, créer : il y a dans ces deux mots pour l’homme de lettres un monde d’efforts douloureux et d’angoisses.

1823. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

» Samedi 7 août J’étais, ce soir, dans la douce absorption d’une cervelle qui recommence à créer.

1824. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Mercredi 30 août Dans leurs romans et leurs nouvelles, les tout jeunes romanciers, avec leur actuel mépris de l’étude d’après nature, ne créent plus des personnages humains, ils fabriquent des êtres métaphysiques.

1825. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Ce dernier a moins à faire pour créer, car les images fantastiques peuvent nous charmer par des rencontres de hasard comme dans les rêves, tandis que, pour qui ne sort pas du réel, la poésie et la beauté ne sauraient guère être une rencontre heureuse, mais sont une découverte poursuivie de propos délibéré, une organisation savante des données confuses de l’expérience, quelque chose de nouveau aperçu là où tous avaient regardé.

1826. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Il est moins nécessaire qu’une fibre sympathique me relie à ce magnifique scélérat en écharpe rouge et plumet vert qu’à ce vulgaire citoyen qui pèse mon sucre, en cravate et en gilet mal assortis… Je ne voudrais pas, même si j’en avais le choix, être l’habile romancier qui pourrait créer un monde tellement supérieur à celui où nous vivons, où nous nous levons pour nous livrer à nos travaux journaliers, que vous en viendriez peut-être à regarder d’un œil indifférent, et nos routes poudreuses et les champs d’un vert ordinaire, les hommes et les femmes réellement existants… » Certes la vie est une partout et toujours ; sous tels dehors qu’il vous plaira de l’observer, vous la trouverez avec ses mêmes joies et ses mêmes peines.

1827. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Si l’excitation intérieure continue à croître, l’état de l’âme doit s’exprimer par un phénomène qui lui soit égal en intensité ; alors la parole intérieure vive ne suffit plus ; l’âme a besoin de sensations fortes, de bruit et de mouvement ; la parole extérieure, qui ébranle fortement les nerfs du toucher comme ceux de l’ouïe, jaillit des lèvres ; aux mouvements de la phonation se joignent ceux de la physionomie, des bras, des jambes : on gesticule, on se promène sans but, uniquement pour se sentir vivre, comme si le degré maximum de la sensation était pour l’état mental le plus intense un complément esthétique à l’attrait irrésistible ; l’âme envahie par un sentiment violent ou par une conception vive de l’imagination n’a plus de conscience pour le milieu qui l’entoure ; elle l’oublie, elle l’ignore momentanément, et, avec lui, les convenances, la réserve, les habitudes sociales qu’il impose ; par les sensations qu’elle se donne, elle se crée un milieu artificiel en accord avec le phénomène dominant et exclusif qui la possède ; elle est tout à son rêve ou à sa passion, et ce qui s’est emparé d’elle tout entière est par là même maître absolu du corps comme de l’âme220.

1828. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Gœthe n’est pas capable de créer une Italienne ou une Française.

1829. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

on peut inventer, on peut créer, mais on ne peut pas copier… On a beau sentir en écrivant, il n’en résulte que mots communs : bois, montagnes, ciel, lune, etc., etc. […] Et gagne-t-on à se faire un présent triste pour se créer des bonheurs à l’état d’espérances… Ne me blâmez pas et au revoir.

1830. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Elle nous rappelle que l’amour est divin ; elle nous enseigne à quelles conditions l’amour se crée son propre droit et réalise l’égalité des âmes, et comment il est « plus fort que la mort », et comment il se passe de la possession et n’est même proprement l’amour qu’à ce prix. […] Si c’est, comme on a dit, le besoin qui « crée l’organe », c’est l’organe qui perpétue le besoin. […] le droit de « se créer sa morale, sa règle », de « remplir toute sa destinée divine », d’être à soi-même son propre dieu ! […] Et cette impatience, qui me fait lui manquer de respect, est un hommage au génie du premier Dumas, puisque c’est lui qui l’a créée.

1831. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Ce pélagianisme moderne aboutit en dernier lieu à la doctrine d’un père aimant qui a créé le monde, pour que tout s’y passe à la satisfaction et à l’agrément de chacun, — en quoi, à la vérité, il n’aurait guère réussi, — et qui, dans la suite, pour peu que nous nous accommodions à sa volonté sur certains points, nous ouvrira un monde plus agréable encore. […] Non pas à la vérité que la littérature crée aucune de ces choses, mais elle les accompagne, et elle en est tellement la condition qu’on ne les conçoit pas sans elle. » Voilà le premier principe de sa critique, et non pas le moins original, ni surtout le moins fécond. […] Comme rien, dit-on, ne se perd dans la nature, rien aussi ne s’y crée. […] Et, en vérité, si l’on voulait bien y réfléchir, puisque l’on loue les parnassiens d’avoir créé pour eux un vers nouveau, qui n’est pas le vers romantique, et les romantiques, encore davantage, d’avoir émancipé le vers classique des entraves que lui avaient forgées les Malherbe et les Boileau, n’est-il pas plaisant qu’on dispute aux symbolistes le droit de chercher à leur tour un nouveau vers, dont la complexité, l’harmonie savante, et la fluidité réponde à l’idée qu’ils se font la poésie même ?

1832. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Ce qui manque à Le Sage, c’est l’invention, la véritable invention, celle qui crée les grands ensembles et qui les crée en quelque façon d’eux-mêmes, avec rien, l’invention, — je ne veux pas même dire des Cervantès, — mais l’invention des Daniel Defoe et des Samuel Richardson, celle à qui nous devons Robinson et Clarisse. […] Quelques-uns seulement, de même que quelques autres pour le malheur ou pour le crime, sont créés pour l’amour : telle fut, dans la vie réelle, Mlle de Lespinasse, tel peut-être Prévost lui-même, et tel est bien son des Grieux.

1833. (1802) Études sur Molière pp. -355

Oui, Molière, j’ose entreprendre de te montrer sous ces divers rapports, et le lecteur, impatient de te connaître par les traits qui te caractérisent le mieux, me saura gré sans doute de passer légèrement sur les trente-huit premières années de ta vie ; ton génie ne s’y manifestant que par intervalles, préparait plus de vingt chefs-d’œuvre, et moins de trois lustres devaient les créer comme par enchantement. […] Thalie ne créa jamais un rôle plus beau, et peut-être Melpomène n’en a-t-elle pas de plus varié, de plus difficile à saisir. […] La pièce que nous allons analyser est un chef-d’œuvre d’imitation ; rien n’y est de l’invention de Molière, cependant tout paraît avoir été créé par lui et jaillir de la même source.

1834. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

— Il veut que nous méritions le bonheur, et cela fait une grande différence, Kobus ; car pour mériter le bonheur, soit dans ce bas monde, soit dans un autre, il faut commencer par remplir ses devoirs, et le premier de ces devoirs, c’est de se créer une famille, d’avoir une femme et des enfants, d’élever des honnêtes gens, et de transporter à d’autres le dépôt de la vie qui nous a été confié.

1835. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Deux cents ans de ce mélange du sang caucasien avec le sang tartare ont créé la plus belle et la plus élégante nation qui soit sur le globe.

1836. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Cependant que de choses créées par l’homme ; depuis, depuis… jusqu’au céleste d’un air d’orgue.

1837. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Si les trois poètes qui ont fait Marion de Lorme a, Chatterton et Antony se taisent, c’est que tant de dégoûts les ont abreuvés sur la route du théâtre, qu’ils ont été contraints ou de garder le silence, ou de se créer une autre tribune.

1838. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Ce beau dévouement fut payé ; il eut bientôt une pension sur la cassette et fut créé comte de Falmouth. […] Quoi qu’il fasse et quoi qu’il dise, qu’il crée ou qu’il copie, qu’il blâme ou qu’il loue, son théâtre est une diffamation de l’homme, qui rebute en même temps qu’elle attire, et qui écœure quand elle corrompt.

1839. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Pour qu’un tel caractère devienne possible, il faut que la poésie lyrique ait créé Werther et René, Lara et Childe-Harold ; il faut qu’Uhland et Lamartine aient touché les dernières limites de la rêverie. […] Les personnages créés par sa fantaisie concourent merveilleusement à l’expression de la pensée que nous signalons ; mais aucun ne porte écrit sur le front le principe qu’il représente.

1840. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

En revanche, il avait besoin d’aide et d’appui pour faire exempter les domestiques de ses fermes, et, tous les deux ou trois ans, il fallait qu’il s’ingéniât pour sauver de la milice une couple ou deux de beaux garçons robustes et fleuris, que Dieu semblait avoir créés et mis au monde tout exprès pour le service du roi.

1841. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Avertissement. Il y a plusieurs années que l’ouvrage que je présente aujourd’hui au public est composé, mais différentes raisons m’en ont fait différer la publication jusqu’à ce jour ; la principale a toujours été le choix du moment où je pourrais trouver le public disposé à accueillir cette histoire du peintre Louis David et de son école. L’admiration pour les ouvrages de cet illustre artiste a été si exclusive jusqu’au moment de sa mort, et ils ont été critiqués, dénigrés même avec tant de violence et d’injustice pendant les quinze ou seize années qui ont suivi son exil, qu’il m’a paru indispensable d’attendre que le temps eût calmé l’effervescence de ces passions contraires, et qu’il devînt ainsi possible de porter sur les travaux de David un jugement impartial, et de le faire accepter avec calme aux lecteurs. Si je ne me trompe, ce moment est venu, et les compositions de David, après un examen rigoureux de près de vingt années, sont sorties triomphantes de cette rude épreuve. Ses défauts, car quel est le maître qui n’en ait pas ?

1842. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Si vous joignez à ces trois grands bourgeois Giboyer, le marquis d’Auberive, Séraphine Pommeau, Mme Guérin, d’Estrigaud, M. de Sainte-Agathe, vous reconnaîtrez qu’Emile Augier est, depuis Molière, l’auteur comique qui a dressé sur les planches le plus de « caractères », celui qui a le plus souvent réussi à créer (selon la vieille formule, un peu mystérieuse, mais très juste quand on y songe) des figures d’une vérité à la fois générale et individuelle. […] Ainsi un nouvel état social crée des vertus nouvelles ou modifie, tout au moins, la hiérarchie des vertus. […] Mais ce choix judicieux prouve au moins une chose : c’est que son amour pour le comte, si violent et si éperdu qu’il soit, n’est pourtant pas de ces amours plus forts que tout, « plus forts que la mort », qui paraissent aussi beaux que la vertu et qui se créent à eux-mêmes leur propre droit ; de ces amours comme on en voit fort peu dans la vie, et à peine un peu plus dans les livres.

/ 1885