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366. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Il habitua l’homme à considérer séparément la matière et l’esprit, la vie du corps et celle de l’âme. […] Le corps y fait figure assurément, mais comme chair à supplices et comme jouet pour les tortureurs. […] Plus libres déjà, ils ont encore à subir les tyrannies du corps ; — Il oublie le corps et ne met en présence que de purs esprits pour ainsi dire. […] La nature n’impose-t-elle pas à tout homme une autre servitude, celle du corps ? […] Il se peut aussi qu’il ploie et contourne disgracieusement le corps humain.

367. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

C’est à ce titre qu’elle est efficace et populaire ; car, sauf pour une élite imperceptible, une pure idée n’est qu’un mot vide, et la vérité, pour devenir sensible, est obligée de revêtir un corps. […] Mettons donc l’intelligence où elle est, dans le corps organisé ; n’allons pas la détacher de son support, pour la jucher dans le ciel, sur un trône imaginaire. […] Regardons en bas sur la terre ; considérons l’homme lui-même, tel qu’il est aux yeux du naturaliste, c’est-à-dire le corps organisé, l’animal sensible, avec ses besoins, ses appétits et ses instincts. […] » L’homme est libre, capable de choisir entre deux actions, partant créateur de ses actes ; il est donc une cause originale et première, « une substance immatérielle », distincte du corps, une âme que le corps gêne et qui peut survivre au corps  Cette âme immortelle engagée dans la chair a pour voix la conscience. « Conscience ! […] Il suffit d’avoir suivi les corps d’armée et les grands sièges. — Avec des engins différents et des tactiques contraires, les diverses attaques ont abouti au même effet.

368. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Mais peut-être avait-on trouvé son corps étendu à l’écart des autres (sous un pin ?) […] Tu t’affliges de ce que tu as perdu ; tu veux m’avoir quand tu ne peux m’atteindre ; et tu crois que j’ai un œuf d’autruche dans le corps quand mon corps tout entier n’est pas si gros158 ». […] Pourquoi m’as-tu pu croire et t’imaginer qu’un aussi petit corps pût pondre une telle perle, quand, avec tout mon corps, je ne l’égale pas179 ? […] Pulci (XXVII, 220) dit que Charlemagne emmena le corps de Roland et le fit enterrer à Aix-la-Chapelle. […] Notre auteur est le seul à mettre dans la tête de l’oiseau, et non dans son corps, la prétendue pierre précieuse.

369. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLV » pp. 176-182

Il est résulté de cette bizarre péripétie, à propos de flétris, que les républicains et les gens du mouvement sont, pour le quart d’heure, dans le sens et dans l’intérêt du parti légitimiste, et que la jeunesse des écoles, par exemple, est allée en corps faire visite à Chateaubriand, lui offrir compliments et hommages. […]  — Il y a eu l’inauguration de la statue de Molière au carrefour de la rue Richelieu et de la rue Traversière ; le préfet de la Seine, l’Académie en corps, la Comédie française, etc., ont composé la cérémonie ; on a fait des discours en plein air par un froid très-vif.

370. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mort de M. Vinet »

Le corps des pasteurs et le corps académique furent les premiers frappés.

371. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » pp. 238-247

On sent tout ce qu’il dut lui en couter de dégoûts, de travail & d’efforts, pour suivre tous les exercices d’esprit & de corps, sans trahir le secret de son sexe, qu’on ne soupçonna jamais. […] A Osterwick, étant à la tête d’un Corps de quatre-vingts Dragons des Volontaires de St.

372. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

Un bourreau l’embrasse par le corps et le traîne d’une main par sa draperie et de l’autre par les cuisses. […] Une grosse draperie jetée sur le haut de sa tête retombe sur ses épaules ; toute la partie supérieure de son corps est nue par devant.

373. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Il se chercha dans la condensation et l’organisation des corps célestes, dans l’éclosion des végétaux, dans la progression du règne animal ; il se trouva et se connut dans l’homme. […] L’individu comme tel, l’individu séparé du corps social, séparé même de son enveloppe corporelle, acquit à ses propres yeux et à ceux d’autrui une valeur infinie, la valeur d’un être immortel racheté par le sacrifice de l’Homme-Dieu. […] Mais quant à Polynice qui voulait détruire sa ville natale, Créon fait proclamer devant tous les citoyens la défense de l’ensevelir, sous peine de la vie, afin que son corps maudit, exposé nu à la corruption, devienne la pâture des oiseaux et des chiens. […] Grâce à cette faculté de pouvoir prendre toutes les formes sans en avoir aucune, il devient éminemment propre à être l’expression mobile de l’esprit qui se manifeste et agit par le corps. […] Dans notre habillement moderne, au contraire, l’étoffe tout entière est façonnée une fois pour toutes, mesurée, taillée et modelée sur les formes du corps, de sorte qu’elle n’offre plus rien qui flotte et tombe librement.

374. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Le Tasse, il est vrai, n’a donné la vie qu’à des fantômes, mais ces fantômes, qui n’ont point de corps, ont un cœur ; voilà pourquoi ils ne mourront pas. […] Je ne te demande point de grâce pour un corps qui bientôt n’a plus rien à craindre de tes coups ; mais aie pitié de mon âme. […] Sans la croire chrétienne, il ne veut pas laisser ce beau corps à la fureur des bêtes farouches : il les fait porter l’un et l’autre sur les bras de ses soldats, et marche à la tente de Tancrède. […] Le corps de son amante, immobile et glacé, porte partout l’empreinte du trépas. […] Le Tasse se confessa avec larmes, et fut descendu sur les bras des frères de Saint-Onufrio dans la chapelle, pour y recevoir, sur les lèvres, le corps transfiguré de ce Christ dont il avait été le poète.

375. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Celle-là est aussi supérieure à l’autre que l’âme est au-dessus du corps. […] Je ne le comprends pas, mais il en est ainsi tant qu’elle est enfermée dans ce pauvre vase du corps. […] Ses mains jointes sont tellement éloquentes par la pression des doigts contre les doigts et par les veines à travers lesquelles on voit circuler le sang brûlant de se répandre pour l’homme, son frère, que, lors même qu’on ne verrait ni le corps, ni les jambes, ni le buste, ni la tête divine, mais que ces mains seules sortiraient de l’ombre, le tableau aurait suffisamment parlé au cœur ; on aurait pleuré, on aurait compris que ces deux mains tendues par l’enthousiasme de l’agonie triomphante étaient assez fortes pour arracher l’aiguillon à la mort et le salut de l’humanité au ciel. — La passion de ces mains est égale à l’objet. […] « Il ne nous manque au Cayla que toi », écrit-elle à ce frère chéri dans ces notes qu’il n’a jamais lues, « cher membre que le corps réclame. […] occuper le corps qui nuit à l’âme.

376. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Il y a dans le cri de Kaïn une âpreté plus superbe, s’il se peut, que celle du poète de la Nature, et une espérance non plus forte, mais moins vague et plus voisine de son objet, que celle du Titan voleur de feu  La protestation du corps contre la douleur, du cœur contre l’injustice et de la raison contre l’inintelligible, devient, semble-t-il, plus ardente à mesure que l’industrie humaine combat la souffrance, que l’idée de justice passe dans les institutions et que la science entame les frontières de l’inconnu ; comme si l’homme, moins éloigné de son idéal, en subissait plus invinciblement l’attraction et se précipitait vers lui d’un mouvement plus furieux. […] Le pire malheur n’est pas de savoir ou de croire le monde inutile ou mauvais : c’est de pâtir dans son corps et d’être déçu brutalement dans ses passions. […] Contre les tortures de la pensée on a le sentiment vivace de la puissance déployée à penser et aussi, le plus souvent, la protestation tranquille du corps bien nourri. […] Par la parole ou par les contours ils ont traduit les énergies de la Nature et celles du corps et de l’âme sous une forme qui les glorifie sans les altérer, où la plénitude et la spontanéité de l’impression produisent la grâce, qui est la marque de ces divins artistes. […] Attachés à la terre par leur corps robuste plein de désirs grossiers, ils n’en sont pas moins obsédés par la pensée de l’invisible, par le désir de la cité d’en haut ; ils ne la conçoivent pas d’ailleurs d’une façon beaucoup plus raffinée que leurs aïeux ne faisaient le paradis d’Odin  Les Indous, émus par la souffrance universelle, pratiquaient une charité purement terrestre, épanchaient sur leurs frères une immense pitié ; on ne peut dire qu’ils aient sacrifié cette vie à une vie future, puisque ce qu’ils attendaient de la mort ou de l’extase, c’était l’anéantissement de la personnalité.

377. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

Et il se mit même à découper une carte pour nous montrer l’exacte silhouette de son corps. […] La duchesse, une femme très forte avec un peu de la voix d’une harengère, mais avec un beau port de corps et de grandes manières. […] Notre corps et notre esprit ont des lendemains d’un gris que je ne puis dire, et où la vie me semble plate comme un vin éventé. […] Un regard baissé vers la terre, avec des mouvements de corps impérieux et une voix autoritaire. […] L’une, un squelette ; la seconde, un corps de phtisique portant une grosse tête ridicule ; la troisième, une statue de marbre noir.

378. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

On parle du cerveau du mort, qui est chez un tel, de son bras, qui est chez un autre, de je ne sais quoi de son corps, qui se trouve chez un troisième. […] » jette Hébrard, — et comme on cherche à voir dans le blanc de ses yeux, s’il est sérieux ou s’il blague, — le directeur du Temps improvise une théorie, éloquemment paradoxale, dans laquelle il proclame que le café, est une sorte d’école normale d’humanité très parfaite, où l’on arrive de suite au ferraillement et au corps à corps, sans les salamalecs et les exordes de la porte. […] Samedi 17 février Le peintre Munckaczy, ce peintre à la solide et grasse peinture : un grand corps dégingandé, surmonté d’une broussaille grise de cheveux, qui ressemble à un buisson d’automne couvert de toiles d’araignées. De ce long corps qui se laisse tomber sur les divans, avec des affaissements de pantin cassé, sort une voix doucement dolente, se plaignant d’une fatigue qui ne lui permet pas même de soulever les bras. […] Il serait peut-être très agréable de jouir d’un corps de femme, ainsi clairdeluné.

379. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Il en est de ces mets de l’intelligence comme de ceux du corps : il vient un moment où même les plus excellents, à force de reparaître et de nous être servis sous toutes les formes, lassent le goût ; il n’était pas jusqu’à Beuchot, l’éditeur passionné de Voltaire, qui, sur la fin, lorsqu’on lui apportait des lettres nouvelles de son auteur favori, ne criât grâce et ne répondit : « Assez, j’en ai assez !  […] L’un nous prouve qu’il n’y a point de corps, un autre qu’il n’y a point d’âmes, un autre que l’âme n’a nul rapport au corps, un autre que l’homme est une bête, un autre que Dieu est un miroir.

380. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Les réponses que vous ferez, ce seront précisément les idées qu’il fallait inventer ; ce seront les membres du développement dont il faudra faire un corps. […] On ne l’isole pas, mais on l’étudie comme le chimiste fait certains corps, dont il saisit seulement l’action sur d’autres corps qu’on met en leur présence.

381. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Mais Classiques et Romantiques avaient également négligé une part importante de composé humain : le corps organisé. […] C’est qu’il restait, en effet, à étudier, à analyser le « corps social », à mettre en mouvement dans les œuvres littéraires les foules, qui sont toutes physiques, aussi bien dans l’unité de leur ensemble que dans leurs individus. […] Sans rien oublier des conquêtes naturalistes et romantiques, ceux qui viendront, pour mettre une âme dans un corps agissant, retourneront aux traditions spirituelles et classiques, avec cette importante nuance ; qu’ils sauront que le temps des idées générales est passé  Mais ici deux questions se dressent, une question de fond et une question de forme (comme on disait très jadis).

382. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

Ainsi a pu s’accomplir l’opération la plus hardie qui ait été pratiquée dans l’histoire, opération que l’on peut comparer à ce que serait, en physiologie, la tentative de faire vivre en son identité première un corps à qui l’on aurait enlevé le cerveau et le cœur. […] Ils avaient retrouvé, par leur commerce avec l’antiquité, le secret de l’éducation véritable de l’esprit humain, et ils s’y dévouaient corps et âme. […] Il y a dans la nationalité un côté de sentiment ; elle est âme et corps à la fois ; un Zollverein n’est pas une patrie.

383. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

De ce mélange résultait un Dieu d’une mobilité infinie, formé de toutes les contradictions du symbole ; violent et doux, bienfaisant et vindicatif, destructeur et rédempteur, martyr et bourreau, maître des fictions et des illusions, versant, pêle-mêle, à pleine coupe, l’irritation et la joie, la ferveur et la fureur, le délire et l’inspiration, Bacchus abrutissait et illuminait, il exaltait et il ravalait, il agitait les corps pour faire évader les âmes dans le ciel ou l’enfer des songes, comme on brise les portes d’une prison en secouant ses gonds. […] Il mêlait une idée de membres arrachés, de supplices subis, de beaux corps foudroyés ou percés de flèches, de sommeils funèbres et de réveils en sursaut engourdissant et ranimant les divinités nourricières, au spectacle des arbres dénudés, des plantes effeuillées, des stérilités et des éclosions du sillon. […] Frappe cette Phrygienne qui prétend dominer les chants harmonieux du poète ; brûle ce roseau qui dessèche les lèvres, dont la voix criarde outrage le rythme et la mélodie, dont le corps a besoin de la tarière pour se façonner.

384. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

Le mythe souffle sur un ossuaire fait de lambeaux informes, de restes sans nom : l’ossuaire se réveille, tressaille, se redresse, rajuste ses mille membres qui ne font plus qu’un seul corps ; et c’est Atrée ou Thésée, Rustem ou Rama, Siegfried ou Pélage. […] Mais il manquait l’épaule mangée par Déméter ; on lui en refit une en ivoire, que les Pélopides se transmirent : une blancheur éburnéenne marquait toujours sur leur corps l’endroit où la toreutique divine avait opéré. […] Il rappelle Thyeste à Mycènes, feint de se réconcilier avec lui, et l’invite à un banquet où il lui sert les corps de ses fils.

385. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

On ne peut contester qu’il n’y ait des cas où le désordre intellectuel a sa cause dans quelque désordre organique en vertu des lois de l’union de l’âme et du corps ; n’y en a-t-il pas d’autres aussi où il semble que le trouble soit exclusivement moral, et où l’organisme n’intervient qu’incidemment et subsidiairement : par exemple, lorsque la folie est causée, ce qui est très-fréquent, par des chagrins domestiques, un amour contrarié, une ambition déçue, des scrupules religieux portés à l’excès. […] En vérité, je ne vois pas ce qui peut empêcher d’admettre que le trouble initial qui détermine la folie est tantôt dans le corps et tantôt dans l’âme, que les modifications organiques qui l’accompagnent sont tantôt la cause, tantôt l’effet. […] Mais je ne vois pas quel avantage le matérialisme pourrait tirer de cette concession, à moins de poser en principe que toute maladie est une maladie du corps, et c’est précisément ce qui est en question.

386. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Ce n’est pas des éléments de notre corps, mais des vertus de notre âme, que le souverain Juge nous demandera compte un jour. […] Vous ressemblez à un arithméticien qui examine les propriétés des nombres, au lieu de calculer sa fortune… Lorsque Archimède trouva la pesanteur spécifique des corps, il rendit service au genre humain : mais de quoi vous servira de trouver trois nombres tels que la différence des carrés de deux, ajoutée au nombre trois, fasse toujours un carré, et que la somme des trois différences, ajoutée au même cube, fasse toujours un carré ? […] Cette simplicité de la nature qui devrait leur faire supposer, comme Aristote, un premier mobile, et comme Platon, un éternel géomètre, ne sert qu’à les égarer : Dieu n’est bientôt plus pour eux que les propriétés des corps ; et la chaîne même des nombres leur dérobe la grande Unité.

387. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 2, de la musique rithmique » pp. 20-41

Section 2, de la musique rithmique Nous avons déja dit que la musique rithmique donnoit des regles pour assujetir à une mesure certaine tous les mouvemens du corps et de la voix, de maniere qu’on pût en battre les temps. […] On sera bien plus curieux d’apprendre une autre chose, je veux dire la maniere dont la musique metrique marquoit les temps dans toute sorte de mouvemens du corps. […] " chaque temps de la mesure pris en particulier, n’asservit que le recitateur obligé à prononcer quand on lui bat un temps, la sillabe qu’il doit prononcer sous ce temps là ; mais le rithme assujetit tous les mouvemens du corps.

388. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

Mais les autres danses des anciens, où l’on imitoit l’action des gens qui ne sautent pas, et, pour parler à notre maniere, qui ne dansent point, n’étoit qu’une imitation des démarches, des attitudes du corps, des gestes, en un mot de toutes les démonstrations dont les hommes accompagnent ordinairement leurs discours, où dont ils se servent quelquefois pour donner leurs sentimens à comprendre sans parler. […] Le françois fait signe à ceux qu’il veut appeller de s’approcher de lui, en levant la main droite dont les doigts sont tournez en haut, et en la ramenant plusieurs fois vers son corps, au lieu que l’italien, pour faire le même mouvement, baisse la main droite dont les doigts sont tournez vers la terre. […] Nos ancêtres, dit Cassiodore, ont appellé musique muette celui des arts musicaux, qui montre à parler sans ouvrir la bouche, à dire tout avec les gestes, et qui enseigne même à faire entendre par certains mouvemens des mains comme par differentes attitudes du corps, ce qu’on auroit bien de la peine à faire comprendre par un discours suivi ou par une page d’écriture.

389. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

Le dogme de la souveraineté du peuple, enté sur le système représentatif, système ancien dans nos habitudes nationales, mais rétabli dans un autre ensemble d’idées ; le dogme de la souveraineté du peuple, disons-nous, a fait croire que le corps institué comme organe de l’opinion et des besoins actuels du peuple, était investi du droit de concourir à la formation de la loi. C’est ainsi qu’on s’est accoutumé à honorer du nom de loi tous les actes consentis par le corps représentatif. […] On a mis mal à propos dans la confidence ceux qui devaient ignorer à jamais que le corps social était arrivé à un âge de crise.

390. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Eh bien, qu’un tel fait ne soit pas perdu et me soit une raison pour reprendre en sous-œuvre la parole sans alliage du prédicateur, la parole froidie, corrigée, écrite, hors les lèvres qui l’animèrent, hors le corps qui parle au corps, dit Buffon, en parlant de l’éloquence, et pour rechercher ce que cette parole réduite à elle seule, avec la force muette de son verbe, contient d’essentiel, de grand et de vrai. […] Dans tout prêtre qui enseigne, il y a, dans la mesure de son humanité pensante, le moraliste et le théologien : le théologien fait par la méditation et la contemplation des grands problèmes de cette double vie de l’âme et du corps qui nous cernent de toutes parts et qui nous étreignent ; et le moraliste fait par la confession, cette institution qui décuple la valeur d’un homme en ouvrant les cœurs à ses pieds et en l’y faisant regarder !

391. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Ce sont des hommes-filles, vraies courtisanes de mœurs, de corps et de cœur. […] —  Tous les corps célestes ne sont-ils qu’un globe, —  comme cela est pour la substance de cette terre centrale ? […] Je le traînerai dans la poussière ce corps pourri de luxure. […] —  L’étranglement ; voici vos exécuteurs. —  Je leur pardonne : une toux, l’apoplexie, le catarrhe en feraient autant… Vous donnerez mon corps à mes femmes, n’est-ce pas ? […] Lorsqu’on rencontre une structure d’âme si neuve et capable d’aussi grands effets, il faut regarder le corps.

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