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416. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les traductions. » pp. 125-144

. ; car, parmi les auteurs où il y a le plus à changer, c’est assurément chez les romanciers Anglois, & nommément chez le docteur Swift, écrivain plein d’esprit & original ; mais à qui l’on reproche, en Angleterre même, d’être un à low author, un auteur qui tombe souvent dans le bas. […] Tout traducteur, il est vrai, a pour ainsi dire, un maître qui est son auteur ; mais « ce maître ne doit pas exercer sur lui un empire oriental & despotique, ni le changer de chaînes comme un vil esclave.

417. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

J’ai bien changé d’avis depuis ce temps-là ; l’oreille de notre ami D’Alembert est restée la même. […] Lucrèce a dit que les mortels opprimés gémissaient sous l’aspect menaçant de la religion, quoe caput a coeli… etc. changez le vers spondaïque en un vers ordinaire ; rétrécissez le lieu de la scène, en substituant à regionibus une expression petite et légère ; au lieu de ostendebat qui étend sans fin la durée de la prononciation et avec elle la mesure de la tête du monstre, dites montrait ; au lieu d’une tête isolée peignez la figure entière, et il n’y aura plus d’effet.

418. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

Quoique ressemblants, ils nous paraissent changés, maigris, éteints, presque dédoublés, — des espèces de fantômes d’eux-mêmes. […] Aussi prend-il souvent pour des fautes de Louis XIV ce qui fut l’inévitable conséquence d’une situation impossible à changer.

419. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Carlyle alluma certainement le Michelet que nous avons maintenant, mais tout en l’allumant, — et trop, — il n’en changea pas la nature pour lui donner la sienne. […] Roche tout seul, — car ce singulier livre a la singularité de plus d’avoir changé de traducteur à chaque volume, ce qui prouve la difficulté de bien traduire Carlyle, — ce dernier volume commence en Septembre, à l’établissement de la Commune, jusqu’en Vendémiaire, aux mitraillades de Bonaparte, où finit, pour Carlyle, la Révolution.

420. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

On n’imaginait pas qu’elle pût jamais changer dans le poète, et pourtant ce rare phénomène s’est accompli ! […] Il n’a pas modifié son inspiration, il l’a changée.

421. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Le style du poète reste toujours aussi mélodieux de pureté que jamais, mais c’est moins la forme du poète qui est changée que son fond même… Cette coupe d’ivoire, incrustée d’argent, que j’ai tant admirée, je la vois bien encore ici, mais elle ne renferme ni les saveurs ni les senteurs d’autrefois. […] Si vieillir est changer, il a vieilli, mais sa vieillesse est une métamorphose.

422. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Le roi lui donne en souveraineté le pays qu’il a reconquis, et la scène change (Macbeth et Banquo). […] Venez dans mes mamelles changer mon lait en fiel, ministres du meurtre ; venez, quelque part que vous soyez, substances invisibles, occupées à épier le moment de nuire au genre humain. — Viens, épaisse nuit ; enveloppe-toi des plus noires fumées de l’enfer, afin que mon poignard acéré ne voie pas la blessure qu’il va faire, et que le ciel ne puisse, perçant d’un regard ta ténébreuse couverture, me crier : Arrête ! […] Songez seulement à montrer un visage serein : changer de visage est toujours un signe de crainte. — Laissez tout le reste à mes soins. […] Lady Macbeth le rassure et tâche de donner le change à ses convives. […] que votre douleur se change en colère, qu’elle n’affaiblisse pas votre cœur, qu’elle l’enrage !

423. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Il renaquit à l’espérance : il passa en Amérique, non pour se battre avec Lafayette et Rochambeau, mais pour changer de place ; René est remarquable par son incapacité à servir une cause, un parti et à songer aux autres ; son individualisme est féroce : Moi, toujours moi ! […] Le même accident arriva à Mme de Staël : mais dans son cas ce fut la mort du père qui, de la philosophe, fit une chrétienne romantique ; changez le sexe du néophyte et du coup vous changez celui du convertisseur. […] Mme de Staël constatait le même fait : « Depuis que les institutions sont changées et même dans les moments les plus calmes de la révolution, les contrastes les plus piquants, n’ont pas été l’objet d’une épigramme ou d’une plaisanterie spirituelle. » On avait supposé que cette incapacité de rire et de railler était une maladie passagère des esprits, surmenés par les événements révolutionnaires ; il n’en est rien, elle est constitutionnelle, elle tient à des causes organiques, que je ne puis rechercher dans cet article ; je me borne à signaler le fait. […] La Delphine de Mme de Staël s’engage dans un vœu analogue, c’était l’époque des engagements solennels ; les hommes étaient si variables qu’on ne savait quoi inventer pour les empêcher de changer avec les événements, d’opinion, de principes, de sentiments et de conduite : ils juraient une constitution à la fin de l’été et avant la chute des feuilles ils en votaient une autre.

424. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Sa physionomie, ordinairement si ouverte et si répandue sur tous ses traits, changeait tout à coup d’expression ; elle se recueillait, comme la lueur d’une lampe quand on la couvre de la main contre le vent, pour l’empêcher de vaciller çà et là et de s’éteindre. […] Je pourrais la copier ici tout entière ; je me contente de l’abréger sans y rien changer. […] On peut changer d’esprit, on ne doit pas changer de cœur. […] XXXII L’âge en avançant changea la note, mais non l’instrument.

425. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Les Juifs ont mieux aimé crucifier Jésus-Christ que de changer leurs habitudes. […] Quoi, nous avons entendu parler parmi nous les hardis novateurs qui préparent l’avenir, nous avons écouté Saint-Simon, Fourier, Owen et les autres ; nous regardons avec anxiété vers les choses futures ; nous vivons au milieu de ces problèmes sociaux dont l’éclosion va changer la face du monde ; nous voyons la religion qui se lézarde et qui s’étaye sur des dogmes nouveaux pour ne pas s’écrouler comme une ruine ; tous les principes, tous les droits, tous les espoirs sont discutés et remis en question ; nous voyons la jeune Amérique qui fait la part belle à la civilisation prochaine ; nous voyons l’Australie qui se prépare à recevoir l’héritage de l’Amérique ; et nous commentons de mauvaises traductions de Platon, et nous faisons des tragédies sur Ulysse, et nous rimaillons des épîtres à Clio, et nous évoquons dans nos vers tous les dieux morts des Olympes détruits ; cela est insensé ! […] Et pourtant ils sont partout ; ils se tiennent ensemble, ils sont comme une petite armée ; mais leur drapeau a si souvent changé de couleur qu’on ne distingue plus rien sur ce haillon vendu ; ils se reconnaissent à leur cri de ralliement : Gardons-nous bien ! […] Cette forme, il a fallu la changer, la varier, la modifier à l’infini ; il a fallu la rendre bien feuillue, bien plantureuse, bien luxuriante, afin qu’elle pût cacher le vide sans fond qu’elle recouvrait. […] La vie est impitoyable, elle marche, elle marche toujours ; comme le Juif errant, elle est condamnée à ne s’arrêter jamais ; aujourd’hui ici, demain là, elle ne reparaît jamais aux mêmes lieux sous la même forme ; elle va, toujours s’élargissant, se modifiant, s’agrandissant ; à chaque étape elle change de costume ; aujourd’hui c’est la ceinture de palmier des Égyptiens, demain c’est la robe des Persans, après-demain c’est la chlamyde grecque, c’est la toge romaine, c’est le sayon des barbares, c’est la gône de Charlemagne, c’est le vêtement de fer du moyen âge, c’est l’habit à la française, c’est le frac noir.

426. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 74-75

Il n’a changé ni de style ni de caractere dans ses Voyages d’Italie & de Hollande, celui de ses Ouvrages qui a eu le moins de succès, quoique ce soit le plus amusant.

427. (1913) Le bovarysme « Avertissement »

On trouvera donc, au cours de cet ouvrage, composé avec des mots, quelque trace de cette humeur où une volonté humaine, c’est-à-dire malléable, et sujette à changer sous l’empire de causes qu’elle ignore, se prend pour la mesure, des choses.

428. (1818) Essai sur les institutions sociales « Avertissement de la première édition imprimée en 1818 » pp. 15-16

Au reste, ce qui aurait dû être changé ou modifié dans cet écrit, pour qu’il se trouvât au niveau du moment où il paraît, n’en est ni le fond, ni même une partie essentielle.

429. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

On change souvent de scene dans les opera ; et c’est même une regle de cette sorte d’ouvrage. […] Vous changez de visage ! […] Les choses sont bien changées, quand il lui pardonne. […] On nous prédit cependant au quatriéme acte, que cet or pur doit se changer en un plomb vil. […] Je sais trop combien nous tenons à nos habitudes, et que qui entreprendroit de nous en faire changer, n’auroit pas moins besoin d’adresse que de courage.

430. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 193-194

L’Astronomie littéraire a bien changé depuis .

431. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 433-434

« Si ce Livre me survit, dit-elle, je défends à toute personne, telle qu’elle soit, d’y ajouter, ni diminuer, ni changer jamais aucune chose, soit aux mots ou en la substance, sous peine à ceux qui l’entreprendront, d’être tenu pour détestables aux yeux des Gens d’honneur, comme violateurs d’un sépulcre innocent….

432. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

» Le compliment fut reçu sans étonnement et comme par quelqu’un qui pouvait répondre : « Je le sais. » Il ne faudrait pas que nos jeunes gens d’aujourd’hui se réglassent là-dessus dans leurs ambitions futures ; outre que de tels talents sont infiniment rares, les temps aussi sont fort changés. […] Il n’appartient qu’à Pascal sans doute d’oser dire crûment que, si le nez de Cléopâtre avait été plus long ou plus court, la face du monde aurait changé, et de se prévaloir nommément, comme il fait, du grain de sable de Cromwell ; mais il me semble, dans le cas présent, avec Rœderer29, que le renversement du trône au 10 août n’était pas une conséquence inévitable de la révolution de 89 ; qu’il n’était pas absolument nécessaire que l’infortuné Louis XVI se rencontrât aussi insuffisant comme roi ; une dose en lui de capacité ou de résolution de plus eût pu changer, modifier la direction des choses dès le début. […] A chaque mouvement, il faut songer à la veille, au lendemain, à ses flancs, à ses derrières ; mouvoir tout avec soi. munitions, vivres, hôpitaux ; calculer à la fois sur l’atmosphère et sur le moral des hommes ; et tous ces éléments si divers, si mobiles, qui changent, se compliquent sans cesse, les combiner au milieu du froid, du chaud, de la faim et des boulets. […] Thiers conseillait, au contraire, le rejet pur et simple du budget ; « ne pas affaiblir le gouvernement, le changer de mains. » La théorie que soutint constamment le National était celle-ci : « Il n’y a plus de révolution possible en France, la révolution est passée ; il n’y a plus qu’un accident. […] Changer les personnes sans les choses. » Ce que nous résumons en ces termes se lit avec très-peu d’adoucissement en dix ou vingt endroits du National : « Nous ne savons pas l’avenir, disait M.

433. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

L’œuvre faite dit : Je suis, c’est l’éternisation d’un instant, et des siècles n’y sauraient plus rien changer. […] À travers les siècles et les latitudes l’absolu humain change indéfiniment. […] Il change seulement de caractère. […] Il lui faut corriger bien des erreurs, revenir sur ses pas, souvent même changer de route. […] L’église changera de lieu : ce sera le théâtre.

434. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Prométhée, dans la trilogie d’Eschyle, changeait de montagne, du second drame au troisième, comme un patient transporté, dans l’entracte de supplice, sur un chevalet de rechange. […] C’est Io, la fille d’Inachos, la vierge aimée de Zeus, changée en génisse par Héra jalouse, confiée par elle à Argos, le pâtre aux cent yeux ; puis, lorsque le subtil Hermès eut endormi le monstre au son de la flûte, et coupé sa tête, frappée par la déesse de folie furieuse, et courant, effarée, à travers le monde, sous la piqûre du taon collé à son flanc. On comprend bien qu’Eschyle ne faisait point paraître Io changée en bête sur la scène. […] On retrouve déjà chez les Aryens, ses ancêtres, la croyance que le Ciel change comme la terre, qu’il a ses avènements et ses décadences, et que des dynasties divines s’y succèdent dans le cours des temps. — « Chantons », — dit un Hymne du Rig-Veda — « les naissances des dieux qui, célébrés par nos voix, verront le jour dans l’âge à venir. […] Un ciel nouveau s’est déployé sur sa tête, sa montagne a changé de place et de forme ; ses bourreaux le torturent sous d’autres masques et par d’autres fers ; d’autres aigles se relaient sur sa plaie incessamment élargie.

435. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Mais chez toi la pudeur de l’adolescence, qui avait trop aisément cédé par le côté sensuel, s’était comme infiltrée et développée outre mesure dans l’esprit, et, au lieu de la mâle assurance virile qui charme et qui subjugue, au lieu de ces rapides étincelles du regard, Qui d’un désir craintif font rougir la beauté77, elle s’était changée avec l’âge en défiance de toi-même, en répugnance à oser, en promptitude à se décourager et à se troubler devant la beauté superbe. […] — Ghérard jeta les yeux sur elle ; à l’instant toute sa colère se changea en confusion. […] Morin, il la professerait dans un collège royal ; rien d’ailleurs ne serait changé à sa vie modeste, ni à ses pensées ; il n’aurait que quelques illusions de moins, et ce désappointement pénible que le régime héritier de la Révolution de Juillet fait éprouver à toutes les âmes amoureuses d’idées et d’honneur82. […] « Ces goûts changeront ; cette sincérité s’altérera ; le poëte se révélera avec plus de pudeur, il nous montrera les blessures de son âme, les pleurs de ses yeux, mais non plus les flétrissures livides de ses membres, les égarements obscurs de ses sens, les haillons de son indigence morale.

436. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

On a vu comment sa diplomatie a sauvé les immunités du clergé, comment elle l’a racheté de la capitation et des vingtièmes, comment elle a changé sa part d’impôt en un « don gratuit », comment chaque année elle applique ce don au remboursement des capitaux empruntés pour son rachat, par quel art délicat elle est parvenue, non seulement à n’en rien verser dans le Trésor, mais encore à soutirer chaque année du Trésor environ 1 500 000 livres ; c’est tant mieux pour l’Église, mais tant pis pour le peuple. — Maintenant parcourez la file des in-folios où se suivent de cinq ans en cinq ans les rapports des agents, hommes habiles et qui se préparent ainsi aux plus hauts emplois de l’Église, les abbés de Boisgelin, de Périgord, de Barrai, de Montesquiou ; à chaque instant, grâce à leurs sollicitations auprès des juges et du Conseil, grâce à l’autorité que donne à leurs plaintes le mécontentement de l’ordre puissant que l’on sent derrière eux, quelque affaire ecclésiastique est décidée dans le sens ecclésiastique ; quelque droit féodal est maintenu en faveur d’un chapitre ou d’un évêque ; quelque réclamation du public est rejetée102. […] Le ton commandant du roi, l’air soumis du clergé ne changent rien au fond des choses ; entre eux, c’est un marché103 : donnant, donnant ; telle loi contre les protestants, en échange d’un ou deux millions ajoutés au don gratuit. […] Une partie va s’avilir dans la servitude de cour ; l’autre se mélange à la canaille plumière qui change en encre le sang des sujets du roi ; l’autre périt étouffée par de viles robes, ignobles atomes de la poussière de cabinet qu’une charge tire de la crasse » ; et tout cela, parvenus d’ancienne ou de nouvelle race, fait une bande qui est la cour. — « La cour ! […] Un tel régime ne va point sans une attention toujours tendue, sans une énergie infatigable, sans un discernement infaillible, sans une sévérité militaire, sans un génie supérieur ; à ces conditions seulement on peut changer vingt-cinq millions d’hommes en automates, et substituer sa volonté partout lucide, partout cohérente, partout présente, à leurs volontés que l’on abolit.

437. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

J’engage mes lecteurs à les lire ; on y verra combien j’ai changé d’impression sur ce faux prophète d’une liberté anarchique, d’une liberté sans limites, d’une égalité impraticable. […] Ses cheveux blond-cendré étaient longs et soyeux ; son front haut et un peu bombé venait se joindre aux tempes par ces courbes qui donnent tant de délicatesse et tant de sensibilité à ce siège de la pensée ou de l’âme chez les femmes ; les yeux de ce bleu clair qui rappelle le ciel du Nord ou l’eau du Danube ; le nez aquilin, les narines bien ouvertes et légèrement renflées, où les émotions palpitaient, signe du courage ; une bouche grande, des dents éclatantes, des lèvres autrichiennes, c’est-à-dire saillantes et découpées ; le tour du visage ovale, la physionomie mobile, expressive, passionnée ; sur l’ensemble de ces traits, cet éclat qui ne se peut décrire, qui jaillit du regard, de l’ombre, des reflets du visage, qui l’enveloppe d’un rayonnement semblable à la vapeur chaude et colorée où nagent les objets frappés du soleil : dernière expression de la beauté qui lui donne l’idéal, qui la rend vivante et qui la change en attrait. […] Je changeai le mot dès que je m’aperçus de sa mauvaise interprétation à la seconde édition ; mais il était trop tard pour la susceptibilité des royalistes du parti de la reine. […] C’était la foule avec ses mouvements inattendus et tumultueux, sa mobilité, son inconséquence, ses fureurs interrompues par le rire ou soudainement changées en attendrissement et en pitié pour les victimes mêmes qu’elle immolait.

438. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Puisque l’homme, en traversant des latitudes différentes, voit changer en même temps la terre et les astres, suivant la belle expression du poète élégiaque Garcilaso de la Vega, les voyageurs devaient, en pénétrant vers l’équateur, le long des deux côtes de l’Afrique et jusque par-delà la pointe méridionale du Nouveau Monde, contempler avec admiration le magnifique spectacle des constellations méridionales. […] « Par suite de la rétrogradation des points équinoxiaux, l’aspect du ciel étoile change sur chaque point de la terre. […] Les mots sont changés. — Oui. […] Ce sont les racines aériennes des épiphytes (aroïdées), qui vivent sur les cimes, en plein air, qui se passent fort bien d’emprunter leur nourriture à la terre et sont comme une seconde forêt par-dessus la première, qui s’attachent à demeure aux plus fortes et aux plus hautes mères branches, et retombent droit comme un fil à sonde, tantôt isolément, tantôt en paquets, s’arrêtant ici à moitié chemin du sol, finissant ailleurs par y toucher et par y enfoncer leurs radicules. » XXII « Le taillis de la forêt vierge change d’un endroit à l’autre.

439. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

… Parce que j’ai changé tous les quinze jours d’opinion… Si je disais toujours la même chose, il n’y aurait plus d’intérêt, plus de curiosité de mon feuilleton… on me saurait par cœur, avant de me lire. » — Je lis dans un journal que Valentin, le dessinateur de L’Illustration, est mort d’une attaque d’apoplexie, à Strasbourg. […] Quant à la fortune d’aujourd’hui, qui est presque toute dans des opérations de bourse, de courtage, d’agiotage, de coulisse ou d’agences de change, rien n’a été prévu pour la protéger ou la défendre, cette fortune moderne : nulle réglementation de ces trafics journaliers ; les tribunaux incompétents pour toutes transactions de bourse ; l’agent de change ne donnant pas de reçu. […] Mais, déjà, que de choses changées, disparues !

440. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

L’x latin se change volontiers en sc, sq, au lieu de s et ss. […] Mais nous n’avons plus à différencier i et y et il suffira de noter que l’i latin, lui aussi, s’est changé jadis assez volontiers en u 127 : Affiblare Affubler Sibilare Subler128 Fimarium Fumier Piperata Purée Casibula, Casib’la : Chasuble Zizyphum Jujube Ce dernier mot est à lui tout seul la justification de nos deux monstres modernes. […] Mais comparution et parution, tout court, que l’on commence à rencontrer, prouvent du moins qu’il n’est pas nécessaire d’être du bas peuple pour changer les i en u. […] Changer un mot à une signification nouvelle, c’est, en somme, un autre mot.

441. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Ferrari, voilà toute l’Italie, la voilà organiquement, constitutionnellement, sans que les révolutions de l’avenir qui la sillonneront, pas plus que celles du passé qui l’ont sillonnée, puissent changer cet état de choses qui est la forme de l’Italie ! […] Fera-t-elle surgir, du fond des faits, de cette myriade de petits faits qu’elle accumule, une notion, une seule notion sur l’Italie qui change ou altère, sur le compte de ce pays, le jugement du monde ? […] Selon lui, l’univers se partage et se partagera jusqu’à la fin des siècles, — en supposant que les siècles aient une fin, — en deux espèces d’États, toujours et incompatiblement hostiles, la monarchie et la république ; et ces États, sortis d’un hasard primitif, ne peuvent pas changer et se trouvent toujours vis-à-vis l’un de l’autre dans un rapport d’antagonisme qui est leur loi. […] Ferrari ne nie pas, des faits ne prouvent rien ; demain ils peuvent changer, se modifier, s’altérer et emporter la théorie !

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