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343. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Les grands poëtes contemporains, ainsi que les grands politiques et les grands capitaines, se laissent malaisément suivre, juger et admirer par les mêmes hommes dans toute l’étendue de leur carrière. […] Heureux qui, l’ayant découverte et pressentie avant la foule, y sait demeurer intérieur et fidèle, la voit croître, s’épanouir et mûrir, jouit de son ombrage avec tous, admire ses inépuisables fruits, comme aux saisons où bien peu les recueillaient, et compte avec un orgueil toujours aimant les automnes et les printemps dont elle se couronne !

344. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Sabbatier admire et que nous n’admirons pas du tout, et dans les divers écrits qu’il composa depuis lors, nous ne cessons de retrouver le contraire précisément de l’exquis : le lourd, le pénible, l’enchevêtré gagnent à chaque pas ; et, pour mon compte, je n’irais pas chercher, si l’on me pressait, d’autre exemple plus sensible de ce mot d’Horace : In crasso jurares æthere natum.

345. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Quand les soirées littéraires entre poëtes ont pris une tournure régulière, qu’on les renouvelle fréquemment, qu’on les dispose avec artifice, et qu’il n’est bruit de tous côtés que de ces intérieurs délicieux, beaucoup veulent en être ; les visiteurs assidus, les auditeurs littéraires se glissent ; les rimeurs qu’on tolère, parce qu’ils imitent et qu’ils admirent, récitent à leur tour et applaudissent d’autant plus. […] Rêver plus, vouloir au-delà, imaginer une réunion complète de ceux qu’on admire, souhaiter les embrasser d’un seul regard et les entendre sans cesse et à la fois, voilà ce que chaque poëte adolescent a dû croire possible ; mais, du moment que ce n’est là qu’une scène d’Arcadie, un épisode futur des Champs-Elysées, les parodies imparfaites que la société réelle offre en échange ne sont pas dignes qu’on s’y arrête et qu’on sacrifie à leur vanité.

346. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Mais c’est un spectacle trop grandiose et trop rare en ce temps-ci pour ne pas l’admirer et s’incliner d’abord devant, dût-on argumenter et analyser ensuite, que cette trempe de caractère poétique, cette vaillance presque fabuleuse dans l’art qui, depuis tantôt douze ans, combat, construit et conquiert. […] Admirez donc l’équité de ces messieurs !

347. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

Combien n’admire-t-on pas dans l’éloquence antique les sentiments respectueux que faisaient naître les regrets consacrés aux morts illustres, les hommages rendus à leur mémoire, les exemples offerts en leur nom à leurs successeurs ! […] Rome l’admirait, de cette admiration libre qui honore la nation qui l’éprouve, et présente à la tyrannie mille fois plus d’obstacles que la confusion des noms, des actions et des caractères.

348. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Ce n’est pas Rutebeuf qui admirerait avec Joinville comme saint Louis a « enluminé » son royaume de belles abbayes. […] Et en général, quelque sujet qu’il touche, lieu commun de morale, hypocrisie ou vice des moines, exhortation à la croisade, on ne saurait manquer d’admirer l’ampleur, le mouvement, la vigueur de sa poésie.

349. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

Nous avions les anciens, nous les lisions, nous les admirions : nous ne savions pas ce qu’il y fallait admirer et prendre, ce qui nous était utile et nécessaire pour nous développer.

350. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Qu’est-ce que ça me fait qu’ils admirent mes livres, puisque c’est ce qu’ils ont mis dedans qu’ils admirent ?

351. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Au regard d’esprits plus préoccupés des choses intellectuelles que des choses morales dans l’histoire, il y a certainement dans quelques-unes de ces sociétés américaines des côtés formidables et brillants que tous les adorateurs de la force doivent admirer et même avec terreur, ce qui est pour la lâcheté humaine le dernier degré de l’admiration ! […] Ce raconteur à la suite d’historiens plus ou moins suspects, qui va à la cueillette des civilisations et s’ébahit de ce qu’il trouve, se fût alors épargné bien des anecdotes compromettantes pour les civilisations qu’il admire.

352. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Boswell, au fond, n’est qu’un laquais, d’une espèce très rare, qui adore et admire son maître. La biographie de Nelson, si fort admirée en Angleterre, est moins épique que son héros et même que le visage de son auteur, la seule chose épique qu’il y eut en Southey, disait lord Byron.

353. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

et nous pouvons toujours admirer ce coup de pinceau. […] « J’admirai — dit-il — dans ce simple détail, dans cette indifférence profonde, toute la superbe résumée de ce grand peuple. » Et, cependant, malgré l’anecdote, que nous acceptons parce que nous sommes trop Européen pour ne pas être poli, ce grand peuple, indifférent et superbe, n’est pas si bien encore pétrifié par l’orgueil qu’il ne pratique le terrible duel au fusil et qu’il ne se boxe dans ses assemblées législatives, ou ne s’y tire des coups de pistolet à bout portant !

354. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

Il ne faudrait pas qu’ils fussent de très purs imbécilles, commettant, sur le grand homme qu’ils veulent faire admirer en toutes ses parties et paroles, la trahison des perroquets. […] Enfin, parce qu’il était spinoziste et athée, — non pas comme Shelley, le poète, qui s’écrivait athée sur la cime du Mont-Blanc et voulait qu’on lui donnât ce titre sur l’adresse de ses lettres, mais discrètement, sans inconvénient, dans la pénombre, la main fermée, comme Fontenelle, sur la dangereuse vérité, — les athées Tartufes ont admiré ce gouvernement sur soi-même, cette domination sur sa pensée.

355. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

C’était déjà une humilité de sentiment bien touchante et bien admirée que le mot de Juliette à Roméo : « Pardonne-moi de t’aimer, beau Montagu !  […] C’est un temps trop athée à l’amour pour admirer cette dévote à l’amour d’un homme, et d’un homme qui ne méritait certes !

356. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

« J’ai eu », dit-il dans une lettre à M. de Montalembert, « le fanatisme de l’expression, le fanatisme de la beauté dans les formes, et ce fanatisme est passé… Je dédaigne plutôt que je n’admire ce talent qui est plus une maladie de nerfs qu’un talent de l’esprit… », ce qui est assez insolent et assez faux, par parenthèse, et au moment même où il écrit cela, sans transition et comme pour se punir, il ajoute ce mot de rhéteur inconséquent, de rhéteur incorrigible, qui tout à coup reparaît « les formes d’une lettre ne sont ni littéraires ni belles », misérable axiome de rhétorique, non moins faux ! […] Il ne l’eut point, et comme tant d’autres, il vint trop tard : mais n’admirez-vous pas cette louange amère ?

357. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Parmi tous les bonheurs et toutes les somptuosités de cette prodigieuse destinée que Dieu, après sa mort, continue à cet heureux, qui aurait pu jeter sa bague aux poissons du Jardin des Plantes, le meilleur, c’est cette gloire plus intelligente et plus pure, incarnée dans l’admiration d’un rare esprit qui sait, lui, pourquoi il admire, et qui se détache de ce fond d’éloges traditionnels et de sots respects qui compose le gros de toute renommée. […] Seulement, nous l’avons dit, c’est bien moins l’hypothèse qui est à admirer dans ce majestueux manieur d’hypothèses que l’ordre dans lequel il les dresse et fait avec elles de grands spectacles !

358. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

Byron lui-même l’admirait. […] et on admire la pureté des larmes et la sûreté de la main !

359. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Gabriel de Chénier, lequel ne se doutait pas du tort qu’il fait à l’homme qu’il admire, tombe, dans son récit, au rang des hommes de lettres, des honnêtes gens de lettres du xviiie  siècle. […] On ne vit dans son œuvre et on n’admira que la vie grecque, évoquée et ressuscitée avec une précision de contour et une délicatesse de coloris incomparables.

360. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

La Bruyère l’a fasciné, La Bruyère, cet opulent misanthrope, sans violence et sans brusquerie, poli et méprisant, triste au fond comme Chateaubriand, et qui a les mêmes raisons de l’être ; La Bruyère, qui sait le néant de la vie, mais qui, comme les gens du xviie  siècle qui n’étaient pas de Port-Royal comme Pascal, avait trop de convenance mondaine pour montrer sa tristesse, cette coquetterie des temps égoïstes et débraillés ; La Bruyère est une terrible menace pour l’originalité de l’homme qui l’admire. […] La vie, cette blonde fade, au grand jour si impudiquement découverte, est si laide qu’il ne nous faut pas faire avec tant de détail admirer les beautés de la mort, cette brune chastement voilée… On l’aimerait trop, et la passion nuit au devoir !

361. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Gorgias, né en Sicile, avait le premier donné cet exemple dans Athènes ; Critias et Alcibiade, encore jeunes, Thucydide et Périclès, déjà vieux, venaient l’entendre et l’admiraient ; Eschine, le rival et l’ennemi de Démosthène, eut le même talent. […] Il parcourut ainsi la Mœsie et la Thrace, pénétra jusque chez les Scythes, se fit quelquefois admirer par des peuples barbares, et se fixa enfin, pendant la plus grande partie de son exil, chez les Gètes.

362. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

où retentit comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt, Madame est morte. » Et quelques moments après, ayant parlé de la grandeur d’âme de cette princesse, tout à coup il s’arrête ; et montrant la tombe où elle était renfermée : « La voilà, malgré son grand cœur, cette princesse si admirée et si chérie ; la voilà telle que la mort nous l’a faite ! […] Après avoir admiré les beautés générales, et surtout le grand caractère qui se trouve dans ces éloges funèbres, on est fâché d’avoir des défauts à y relever.

363. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Cet homme haï de ses concitoyens, mais admiré, ayant péri dans un combat par la main de Callondas, surnommé le Corbeau, lorsque celui-ci voulut faire une offrande à Delphes, la Pythie le rejeta comme un sacrilège qui avait tué le serviteur des Muses et le sien. […] Nous voyons l’empereur Julien, dans sa défense et sa réforme du polythéisme, interdire la lecture d’Archiloque, dont il admire d’ailleurs la force d’âme à lutter, en se servant de la poésie, dit-il, pour alléger, par l’opprobre jeté sur ses ennemis, les maux que lui faisait le sort. » L’esprit chrétien fut encore plus sévère au poëte impur et diffamateur.

364. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVI » pp. 183-185

Grâce à elle on admirera, on comprendra d’autant mieux les chefs-d’œuvre du grand siècle qu’on se les représentera plus franchement à distance, dans le lointain où ils sont, et à leur vrai jour.

365. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 219-221

Ce défaut, essentiel à la vérité, une fois reconnu, il n’en reste pas moins à admirer le Génie qui a enfanté cette concorde idéale, & qui l’a suivie, pour ainsi dire, dans tous les moyens propres, selon les idées de l’Auteur, à la procurer.

366. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 346-348

A cela près, on ne sauroit trop admirer l'étendue des connoissances, des recherches, & la littérature qu'elle offre à l'esprit du Lecteur, étonné de voir tant d'événemens traités sans confusion & avec une rare supériorité.

367. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre premier. De l’Écriture et de son excellence. »

Déistes et athées, grands et petits, attirés par je ne sais quoi d’inconnu, ne laissent pas de feuilleter sans cesse l’ouvrage que les uns admirent, et que les autres dénigrent.

368. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Parvenu à son sommet, il admire le riche tableau qui se déroule devant lui: « Vois-tu, dit-il, ces rochers escarpés, ces forêts sauvages, ce ruisseau bordé de fleurs qui serpente dans la vallée, ce fleuve majestueux qui court baigner les murs de cent villes ? […] Bernardin de Saint-Pierre admirait l’éclat et la force entraînante des écrits de Jean-Jacques, mais il condamnait ses paradoxes, et l’on peut dire qu’il ne cessa de les combattre. […] L’écrivain qui vous enflamme pour le mensonge peut vous faire admirer la supériorité de son éloquence ; mais il vous prouve en même temps la faiblesse de ses arguments et la nullité de votre raison. […] Aimé Martin, qui le respectait comme un sage et qui l’admirait comme un écrivain, l’aidait à préparer les éditions de ses œuvres, le patrimoine futur de sa femme et de ses enfants. […] Le plus grand des écrivains de notre langue, Bossuet, a la force et l’élévation, mais c’est la force écrasante du prophète plutôt que la force persuasive de la vérité: il est terrible, il n’est pas bon ; on ne l’admire pas seulement, on le craint.

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