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224. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Mais l’homme isolé y naît aussi nécessairement esclave de la société préexistante, que l’homme isolé dans l’état de nature y naît esclave des éléments et des autres hommes ! […] Au lieu de lire : l’homme naît libre, et partout il est dans les fers, lisez : l’homme naît esclave, et il ne devient relativement libre qu’à mesure que la société l’affranchit de la tyrannie des éléments et de l’oppression de ses semblables par la moralité de ses lois et par la collection de ses forces sociales contre les violences individuelles. […] Il le mène fatalement à l’inverse de toute sociabilité et de tout gouvernement, c’est-à-dire à l’inverse de toute perfection sociale, à la liberté absolue de l’individu, ce qui veut dire, comme nous venons de le voir, à l’esclavage absolu de tous ses semblables et de tous les éléments, à l’isolement, à l’égoïsme, à la tyrannie, à l’abrutissement, à la mort ! […] Si Dieu avait voulu que l’homme naquît et vécût isolé, il l’aurait fait enfant de la terre ou de lui-même, sans l’intervention mystérieuse des sexes, et sans l’intervention féconde de ce second créateur qu’on nomme l’amour, et qui est la première et la plus irrésistible sociabilité des éléments et des âmes. […] XX L’homme physique est un être qui ne subsiste que des éléments qu’il s’approprie dans toute la nature en venant au monde et en s’y développant jusqu’à la mort.

225. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

Il a pour éléments, aussi bien que le vers régulier (que M.  […] des successions de longues et de brèves équilibrées selon le mouvement et l’émotion, des assonances et des allitérations, parmi lesquelles la rime est comprise, et il diffère de la prose dans la mesure où il maintient un emploi continu, avec des retours, de ces éléments. […] Il semble ainsi que le vers rythmique de Viélé-Griffin, le mètre plus ou moins détendu de Régnier et de Jammes, trouvent leur élément propre dans une forme poétique que l’on ne peut concevoir autrement que parlée.

226. (1842) Discours sur l’esprit positif

Cette heureuse disposition, aussi favorable à l’ordre universel qu’à la vraie félicité personnelle, acquerra un jour beaucoup d’importance normale, d’après la systématisation des rapports généraux qui doivent exister entre ces deux éléments extrêmes de la société positive. […] Il suffit ici d’indiquer sommairement l’application. de ce grand principe à la détermination rationnelle de la vraie hiérarchie des études fondamentales, directement conçues désormais comme les différents éléments essentiels d’une science unique, celle de l’Humanité. […] Mais, même quand on condense le plus possible les vraies conceptions encyclopédiques, on ne saurait réduire la philosophie inorganique à cet élément principal, parce qu’elle resterait alors complètement isolée de la philosophie organique. […] L’ensemble de cette formule encyclopédique, exactement conforme aux vraies affinités des études correspondantes et qui d’ailleurs comprend évidemment tous les éléments de nos spéculations réelles, permet enfin à chaque intelligence de renouveler à son gré l’histoire générale de l’esprit positif, en passant, d’une manière presque insensible, des moindres idées mathématiques aux plus hautes pensées sociales. […] La combinaison rationnelle de ces deux idées mères, en constituant l’unité nécessaire du système scientifique, dont toutes les parties concourent de, plus en plus à une même fin, assure aussi, d’une autre part, la juste indépendance des divers éléments principaux, trop souvent altérée encore par de vicieux rapprochements.

227. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Elle dirige et prépare nos relations avec nos semblables ; et quant à cette relation de l’homme avec lui-même qui est le mystère et la donnée fondamentale de notre existence, quant à la conscience, elle a pour élément, non pas nécessaire a priori [ch. […] VI, § 8], ajoutant à cette occasion, ce qui est une vue très féconde, que la parole aide puissamment l’attention aux idées, et, par suite, l’analyse de leurs éléments et de leur rapports [ch. […] La volonté mentale ne fournit donc pas les éléments d’une division quelque peu précise de la parole intérieure. […] II, § 6], la description de Bain, et ramené l’élément tactile de la parole intérieure à ses justes proportions. […] Il est le traducteur en 1797 des Essais philosophiques d’Adam Smith et en 1808 des Eléments de la philosophie de l’esprit humain de Dugald Stewart.

228. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Ne lui demandons pas non plus les procédés de style créés par Chateaubriand ou perfectionnés de nos jours, l’expression intense, violente, l’idée étouffée sous l’image, la phrase tronquée et pittoresque, débarrassée de ses appuis grammaticaux, réduite à ses éléments « sensationnels », et toute en « notes extrêmes ». […] A-t-on réfléchi que lorsque Boileau rejette le fatras des rimes banales, chères aux copistes maladroits de Malherbe, et déclare Qu’il ne saurait souffrir qu’une phrase insipide vienne à la fin du vers remplir la place vide, c’est la preuve qu’il ne comprend pas le rôle de la rime autrement que M. de Banville et tous nos Parnassiens, qui en font l’élément constitutif du vers, et s’efforcent de la faire porter sur les mots caractéristiques de la phrase ? […] Plus d’exaltation lyrique, plus de fantaisie truculente : nul élément subjectif ne s’insinue dans cette poésie. […] Seul il représente le réalisme pittoresque, qui ne mêle aucun élément sensible ni moral dans ses peintures.

229. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Il y a dans l’invention industrielle, comme dans l’invention littéraire, artistique ou philosophique, un élément proprement personnel : la cérébralité de l’individu, qui est irréductible aux influences sociales. […] Mais ces valeurs se sont, depuis l’époque de la Renaissance, médiatisées à l’excès : elles sont recherchées aujourd’hui non plus comme éléments nécessaires d’une culture harmonique destinée à augmenter la puissance totale de l’être humain, mais comme si elles étaient un bien en soi. […] « Ce qui caractérise la culture d’une époque comme la Renaissance, c’est qu’elle est nécessaire dans toutes ses parties, c’est qu’elle forme comme un tout organique dont les divers éléments constitutifs sont autant de parties intégrantes et indispensables. […] Chez des hommes de ce type, la culture n’est pas un luxe, une vaine parure, mais la condition même de leur puissance et cette culture elle-même n’est pas un assemblage fortuit de qualités disparates, mais une synthèse organique dont tous les éléments se commandent et se conditionnent l’un l’autre. » 87.

230. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Elle aboutira à la distinction de divers groupes formés d’après la ressemblance de leurs éléments composants. […] L’élément ancien et l’élément moderne se fondent en un tout harmonieux. […] Clovis, roi des Francs, leur apparaît comme un petit Louis XIV ; ils lui prêtent une cour, des palais splendides, un pouvoir presque absolu ; ils suppriment si bien l’élément pittoresque, ils se donnent si peu la peine de se figurer le costume et les usages des hommes d’autrefois, et surtout ils imaginent si naïvement la persistance à travers les âges d’un « cœur humain » identique à lui-même, que le tissu de l’histoire devient quelque chose de terne et de grisâtre où rien ne se détache en relief.

231. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Il faut courir les bibliothèques, acheter, obtenir communication, rassembler, par mille moyens et par mille fatigues, les éléments uniques et dispersés du travail. […] Il faudra que sans lassitude il rassemble de toutes parts les éléments de son œuvre, divers comme son œuvre même. […] Aux éléments usuels de l’histoire, nous avons ajouté tous les documents nouveaux, et jusqu’ici ignorés, de l’histoire morale et sociale. […] J’avais espéré découvrir dans les Papiers de Bélanger, acquis par le Musée de la Ville de Paris, à la vente Dubrunfaut, quelques nouvelles copies de lettres d’Adanson, de Noverre, de Beaumarchais, etc., donnant des détails circonstanciés sur la chanteuse ; mais, sauf quatre lignes d’une lettre de « l’ami Moyreau », je n’ai rien trouvé que les éléments d’une curieuse biographie de Bélanger, et des réflexions, des projets, des mémoires de l’amant de Sophie sur le goût, sur l’établissement d’échaudoirs, sur le prix du cuivre, sur les enterrements des condamnés révolutionnaires.

232. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

C’est à des écoles diverses et hostiles qu’il a puisé quelques-uns des éléments de son art. […] Avec ces éléments, en puisant au trésor poétique de toute une race, il a composé ses œuvres les plus pures, les plus impersonnelles, les plus lues en Allemagne, des lieds vagues et charmants que pénètre toute la songerie diffuse et la mélancolie des populations du Nord, de merveilleuses petites pièces, d’un dessin moins arrêté que les quelques joyaux de l’Anthologie, mais plus émues et d’un chant plus profond. […] Par tous ces grand traits Henri Heine tient aux lettres germaniques ; les éléments constitutifs de sa poésie sont allemands, pris à la moelle même de l’art savant ou populaire d’Outre-Rhin. […] Rien n’a pu entamer ce peuple ; et sa destinée tragique ne fait que rendre plus forte sa cohésion et plus purs ses éléments.

233. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

« Dans la première, on n’examine que des phénomènes dont on règle toutes les circonstances, pour arriver par leur analyse à des lois générales ; dans l’autre, les phénomènes se passent dans des conditions qui ne dépendent pas de celui qui étudie… Il ne lui est pas permis de les soustraire successivement, et de réduire le problème à ses éléments, comme fait l’expérimentateur ; mais il faut qu’il le prenne tout entier avec toutes ses conditions à la fois et ne l’analyse que par la pensée. […] C’est trop, sans doute, de dire avec Cuvier que la vie disparaît pour peu qu’on touche à l’un de ses éléments (car on ne voit pas que l’homme meure quand on lui coupe une jambe, ce qui est cependant pour lui une révolution assez grave) ; mais on peut croire que, tout étant lié à tout dans l’organisme, il n’est pas possible de bien étudier les parties en dehors du tout et de leurs relations naturelles avec le tout. […] A l’aide de l’expérimentation analytique, j’ai pu transformer des animaux à sang chaud en animaux à sang froid pour mieux étudier les propriétés de leurs éléments histologiques. » Toutefois, après avoir ainsi fait l’analyse, il faut faire la synthèse et ne pas perdre de vue l’unité de l’organisme. […] D’une part en effet, la vie ne se manifeste que dans la matière, et dans une matière dont les éléments, séparés par la chimie, sont identiquement les mêmes que ceux de la matière inerte.

234. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

C’est que former son talent compte aujourd’hui pour peu de chose ; c’est un génie qu’il faut être d’emblée, et le préjugé court qu’un génie est nécessairement un esprit indompté, tumultueux, semblable aux éléments déchaînés, de préférence un peu fou… « Ce que je regrette aujourd’hui, c’est qu’aucune voix ne soit assez forte ou assez autorisée pour rétablir un peu d’ordre dans la confusion générale, remettre la littérature à sa place, et dans la littérature, apprendre, sans pédanterie et avec le ton persuasif d’une belle foi d’artiste, à discerner la beauté propre à chaque genre. » De cette confusion, la responsabilité se répand de Victor Hugo à M.  […] « Si, comme nous l’avons vu, le poète est prédestiné, le poème aussi a ses lois, et il doit être consubstantiel à l’objet qu’il célèbre : car un hymne est un élément de la nature. […] Elle m’apparaît cette théorie (la théorie naturiste) bien plutôt comme une lumineuse méthode d’interpréter la vie quotidienne, de s’intéresser avec une égale allégresse aux successives représentations de l’heure et du jour — que comme un moyen de fixer dans leur détail la multiplicité des réalités vivantes… Où donc M. de Bouhélier trouverait-il les éléments d’un roman ? […] Eléments d’une Renaissance Française par Saint-G.

235. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Ce passage de l’abstrait au tangible, et de l’obscur au saisissant est marqué avec la plus noble énergie, dans la pièce En plantant le Chêne des États-Unis d’Europe, où le poète, dans un des plus larges déploiements lyriques qui soient, adjure les éléments, les cieux et la mer, de corroborer le jeune plant mis en terre : Vents, vous travaillerez à ce travail sublime, Ô vents sourds qui jamais ne dites : c’est assez. […] Les strophes se suivent ainsi, bondissantes et fuyantes, emportant le lecteur à ne plus voir le chêne que quelques proscrits ont planté sur une plage, et l’idée révolutionnaire qu’il figure, mais un lutteur monstreux à forme demi-humaine opposant à l’assaut d’éléments passionnés, des racines douées d’obstination et des branches volontairement noueuses. […] L’Homme qui Rit est fait du contraste de la passion idéale et de la passion voluptueuse ; les Misérables sont la lutte de l’individu contre la société, les Travailleurs de la Mer, celle de l’homme contre les éléments. […] Victor Hugo sait faire du sublime, son génie atteint de plus hauts sommets encore dans toutes les scènes auxquelles se mêle un élément de mytère. […] C’est par cette synthèse finale, réunissant en un ensemble homogène les éléments que notre analyse a dissociés, que l’on pourra reconstruire logiquement l’œuvre immense de M. 

236. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

Soit S le système de référence : S′ aura des vitesses variables, dont chacune sera conservée par lui pendant des périodes finies ou infiniment petites ; à chacun de ces mouvements uniformes s’appliqueront naturellement les formules de Lorentz ; et nous obtiendrons, soit par une addition de parties finies soit par une intégration d’éléments infiniment petits, le temps t’ qui est censé s’écouler en S′ pendant que le temps t s’écoule en S. […] Elle se comprend, sans qu’il y ait rien à ajouter à ce que nous avons dit en traitant du mouvement uniforme : l’accélération ne saurait créer ici des conditions nouvelles, puisque ce sont nécessairement les formules de Lorentz qu’on applique encore (en général à des éléments infinitésimaux) quand on parle de Temps multiples et ralentis. […] On a donc, dans ce système où dx = dy = dz = 0, ds = c d équation , équation est l’élément de temps propre de la portion de matière considérée et de tout le système qui lui est lié. […] Aux époques t et t + dt, le second mobile M₂ est repéré x, y, z, t ; x + dx, y + dy, z + dz, t + dt dans le système S ; ces coordonnées déterminent, sur la ligne d’Univers de M₂, deux événements C et D infiniment voisins, dont l’intervalle est ds ; on a 62 équation , mais on a aussi équation , équation étant l’élément de temps propre du mobile M2. […] Si l’on résout la secousse en ses éléments visuels, et si l’on tient présent à l’esprit le sens du mot « système », la réciprocité de l’accélération redevient évidente.

237. (1890) Dramaturges et romanciers

Tous les éléments nécessaires à cette fusion existent, mais elle-même n’est pas accomplie. […] Le second est d’exécution plus facile, car les éléments en existent et n’attendent qu’un poète qui leur donnera l’unité et l’harmonie. […] Mille agents ont travaillé à sa formation, mille éléments sont entrés dans sa composition, et cependant nul œil n’a rien surpris de ce travail latent. […] Cette réalité est-elle dans chacun de ces éléments pris isolément, ou bien dans l’âme qui naît de leur association ? […] Augier que parce qu’il lui permettait plus facilement que tout autre de donner corps aux éléments particuliers de génie comique qu’il sentait en lui.

238. (1908) Après le naturalisme

La partie a été prise pour le tout, et aussi le modifiable a passé pour l’élément modificateur en ce sens que le milieu poétique a servi d’élément extérieur. […] L’ennemi, c’est l’élément destructeur, agent de la mort. […] Ce n’est pas une coordination où les éléments entrent chacun à leur place et concourent tous à un même but. […] Le Livre doit offrir de la Vie et non pas des éléments bruts. […] N’hésitons pas devant de pareils éléments, devant de telles chances de succès.

239. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Nous sommes toujours tentés d’introduire un élément dramatique dans notre vie ou dans celle des gens que nous aimons. […] Et c’est là encore un autre élément de l’amour que Proust semble avoir négligé, ou voulu ignorer : le besoin de saisir, de captiver au sens fort. […] On pourrait dire encore que Proust élimine de la vie et de la conscience l’élément dramatique. […] Oui, c’est bien quelque chose d’analogue que nous trouvons chez Proust ; l’analogie serait à pousser et à mettre au point ; j’en vois encore un aspect que je vous indique en courant : dans le cubisme mélange d’éléments idéaux ou psychologiques de l’objet avec des éléments au maximum concrets ; je fais allusion aux fameux trompe-l’œil, bouts de carton collés sur la toile, lettres de journaux, etc… ; chez Proust constant mélange, dans la description, d’un élément intérieur, émotif, d’ailleurs construit comme s’il faisait partie des choses, et d’un élément photographique (conversations, gestes, attitudes reproduites avec une fidélité absolue, presque servile). […] En d’autres termes, sa tendance métaphysique se transforme en une tendance positive, en un effort pour découvrir au sein de cette masse énorme de sensations et d’émotions dont il est encombré les éléments reconnaissables par tous les hommes, les éléments humains.

240. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Mais il la rend toute, c’est-à-dire non pas seulement l’idée pure, l’élément intelligible, mais tous les éléments sensibles qui l’enveloppent, lui donnent corps et couleur, émotions du cœur, formes de l’imagination, et jusqu’aux plus délicates vibrations de la personnalité intime. […] Vers 1666, cette éloquence s’atténue pour ainsi dire sans s’amoindrir, elle se subtilise, se fait plus délicate, plus limpide, plus dégagée d’éléments matériels, étonnante de lumière abstraite et de pureté intellectuelle. […] Il y a un élément personnel et lyrique encore dans ces admirables discours, envers qui l’on n’est pas juste, faute de les regarder d’assez près. […] Ces portraits ne sont point abstraits précisément, mais purement moraux et psychiques, absolument dépourvus de couleur et d’éléments sensibles. […] La sincérité de son zèle et de sa charité unit, fond tous ces éléments, et maintient la simplicité dans cette éloquence que l’on sent un peu lourdement voulue.

241. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Rien ne sera plus facile, car nous avons affaire cette fois à un élément simple. […] Il suit de là que les éléments du caractère comique seront les mêmes au théâtre et dans la vie. […] Mais dans les deux cas, soit qu’il affaiblisse la société soit qu’il renforce la nature, il poursuit le même objet, qui est de nous découvrir une partie cachée de nous-mêmes, ce qu’on pourrait appeler l’élément tragique de notre personnalité. […] Voilà bien les éléments à fondre ensemble. […] Ainsi la vanité, cette forme supérieure du comique, est un élément que nous sommes portés à rechercher minutieusement, quoique inconsciemment, dans toutes les manifestations de l’activité humaine.

242. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Mais sachons du moins de quels éléments il disposait à l’origine, afin d’être à même de juger ce qu’il en a fait et ce qu’il y a ajouté de son propre fonds. […] Or, je demande déjà (et chacun en est juge) si introduire et répandre sur le petit nombre de faits positifs donnés par Polybe et répétés par d’autres historiens un élément religieux et mystique de cette nouveauté conjecturale, et bientôt un élément de passion amoureuse et tout à fait romanesque, ce n’est pas faire un poème, une invention au premier chef. — Mais je continue d’exposer.

243. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Tant qu’il en a été ainsi, une grande poésie lyrique ne pouvait sortir chez nous des éléments ni des circonstances qui ailleurs la produisaient. […] Ainsi les éléments intellectuels et moraux dominent dans l’amour courtois. […] A travers les romans chevaleresques et pastoraux, les élégies et les tragédies, la conception des troubadours s’étalera, s’épanouira, jusqu’à ce qu’elle rencontre ses formules définitives, philosophique dans Descartes et poétique dans Corneille, qui en feront saillir un élément de vérité.

244. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Le journalisme est donc l’élément destructeur méthodique de toute critique. […] L’organisation de la presse ne permettant même plus à leurs jugements d’avoir une influence sur la vente des livres, on s’accoutume à les négliger ; on ne tient plus guère qu’à l’opinion et au compte rendu d’une dizaine de personnes dans les grandes revues et les grands quotidiens, et l’amitié, les relations personnelles sont des éléments précieux pour les obtenir dans la cohue. […] S’ils tentent, en travaillant, de s’apprécier eux-mêmes et de réunir les éléments les plus propres à influer, ils altèrent leur conception et glissent vite sur une pente dangereuse.

245. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

De plus, il y a dans la plastique même un élément plus objectif, un autre plus subjectif Les formes comme les masses lumineuses n’existent jamais que selon l’espace, cela n’exige pas d’être démontré, mais la ligne éveille une idée de direction : arrêtée et comme pétrifiée dans l’Attitude — effective et d’un mouvement sensible dans le Geste qui participe donc aussi de la durée. […] Si nous examinons les formes en elles-mêmes, en tant que « lignes », indépendamment de la « couleur », de la lumière, nous voyons que l’attitude en est l’élément le plus objectif. […] Pour la « couleur » même, l’élément le plus objectif doit être évidemment cherché dans la proportion des valeurs lumineuses, dans l’harmonie aérienne des plans, car cette harmonie, cette proportion dérivent des rapports constants de la lumière et ne sont point régies par l’artiste.

246. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Notre substance ne se renouvelle-t-elle pas plusieurs fois au cours d’une existence moyenne, si bien que le vieillard a dans son corps bien peu. des éléments qui composaient les membres de l’enfant ? […] Mais d’après quelles règles, quels motifs conscients ou inconscients une époque opère-t-elle ce triage parmi les éléments que lui fournit l’époque précédente ? […] Chacun de ces ensembles, où un principe commun unit opinions, croyances, institutions, tendances, peut être considéré comme le produit d’une force unique qui agit sur les hommes durant une longue période, et l’on peut dire que cette force va d’abord croissant, s’assimilant ce qui l’entoure, conquérant et organisant à son profit le milieu où elle évolue, jusqu’au moment où elle atteint son maximum d’extension ; après quoi, épuisée par son effet même (car vivre, c’est se tuer à petit feu), elle décline, perd de sa vigueur et finit par laisser se désagréger les éléments de tout genre dont elle était l’âme et le Jien.

247. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Je m’attache au seul personnage de Julie, qui fait l’âme du livre, et je lui applique ce que M. de Lamartine lui-même, dans l’un des beaux passages du volume, dans sa visite aux Charmettes, nous a dit de Mme de Warens : Je défie un homme raisonnable, affirme-t-il, de recomposer avec vraisemblance le caractère que Rousseau donne à son amante, des éléments contradictoires qu’il associe dans cette nature de femme. L’un de ces éléments exclut l’autre. Je dirai donc, en raisonnant exactement comme M. de Lamartine, et en opposant les éléments contradictoires dont il compose l’amante de Raphaël : Si Julie est incrédule, elle ne doit point parler de Dieu à chaque instant.

248. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

A mesure qu’on monte, on lit les meilleurs auteurs, on compose, on apprend les éléments de la versification latine, on fait de la prose et des vers dans cette langue, tant bien que mal ; on étudie le grec. […] J’oubliais encore de dire que dans ces écoles on étudie aussi les éléments de l’histoire, de la géographie ; on prend une teinture du blason, des généalogies des maisons souveraines, enfin de tout ce qui est nécessaire à un homme qui veut servir sa patrie avec quelque distinction8. […] Ordinairement chaque professeur a un livre élémentaire imprimé qui sert de fondement à ses leçons, qu’il explique à ses auditeurs, et aux principes duquel il ramène toutes les digressions dont il se sert pour rendre les éléments de chaque science plus frappants et plus sensibles.

249. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

Qu’on parte de l’école sicilienne (à demi provençale et française), ou de la poésie religieuse de l’Ombrie, ou qu’on admette encore (comme il faut le faire, à mon avis) une poésie populaire, primitive et demeurée orale, on aboutit toujours, vers 1260, à Guinizelli et au « dolce stil nuovo », où l’Italie affirme son originalité, par la fusion de ces éléments divers : réalisme, philosophie, mysticisme. […] Par contre, dans les poèmes de Boccace, c’est l’élément lyrique qui domine. Nous avons ainsi une personnalité très complexe, dont il faudrait démêler les éléments divers et parfois contradictoires : le fonds individuel, la tradition populaire de la nouvelle, le lyrisme venu de Pétrarque, l’influence de Dante et des poèmes allégoriques, l’influence classique, et, d’une façon générale, le désarroi de l’époque.

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