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1092. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

La tête de l’orateur se détache, à demi encadrée par le capuchon noir, pendant que les bras étendus déploient les manches de la robe, larges et blanches.

1093. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

La vallée est étroite et sombre ; une eau noire sort des rochers percés de tombeaux, qui en forment les parois.

1094. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

… [Maurice Montégut] Ouvrier qui prend des échafaudages pour un monument, Maurice Montégut dressa en vers hâtifs et rauques des drames qu’il croyait shakspeariens et qui, en effet, étaient peints noir et rouge.

1095. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Cette petite fille, qui se montre d’abord toute laide, qui ne se soigne pas plus qu’un méchant garçon, et qui est la bête noire du village, mais qui, au fond, se trouve avoir toutes les qualités de l’esprit, de l’imagination et du cœur, et qui finit même, sous l’éclair de l’amour, par se métamorphoser en beauté, cette petite Fanchon Fadet qui, sous sa verve de lutinerie, cache des trésors de sagesse, remplit ici le rôle qui est volontiers réparti aux femmes dans les romans de Mme Sand ; car elles y ont toujours le beau rôle, le rôle supérieur et initiateur.

1096. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Et il nous représente Florian, non pas du tout en doux Abel au teint blanc, avec des yeux bleus, mais au teint basané, avec une physionomie très peu sentimentale, animée par des yeux noirs et scintillants : « Ce n’étaient pas ceux du loup devenu berger, mais peut-être ceux du renard ; la malice y dominait… » Dans sa première jeunesse, Florian s’était livré à ce goût de contrefaire dans le rôle d’Arlequin, sa vraie création.

1097. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Dans le monde on pouvait sourire quand on le voyait arriver d’un air de conquête, « bien poudré, en habit de velours noir, avec sa veste dorée et ses manchettes de filet brodé », dans sa double coquetterie d’homme galant et de bel esprit, comme il était enfin quand il allait faire une de ces cent lectures de son drame de Mélanie, pour lesquelles on se l’arrachait.

1098. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Son début poétique fut un certain Portrait d’Iris, que Quinault trouva si joli qu’il s’en fit honneur auprès d’une demoiselle dont il était amoureux : Ses cheveux longs et noirs, luisants et déliés, Par boucles épandus et galamment liés, Ombragent doucement la fraîcheur de sa joue… Ce sont, en un mot, de ces vers à ravir Quinault et à mettre Boileau hors de lui.

1099. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Elle se contenta donc d’égayer tout ce monde, de le consoler, d’inspirer la fermeté et une sorte de joie autour d’elle, de ne pas trop voir les choses en noir de son œil malade, d’obéir plutôt à sa douce humeur et à une certaine inclination d’espérer qui lui venait de la nature : Il arrive souvent, madame, écrit-elle à Mme de Maintenon, que lorsqu’on croit tout perdu, il survient des choses heureuses qui changent absolument la face des affaires. — Je pense, dit-elle encore, que la fortune peut nous redevenir favorable ; qu’il est de ses faveurs comme du trop de santé, c’est-à-dire qu’on n’est jamais si près d’être malade que lorsqu’on se porte trop bien, ni si proche d’être malheureux que quand on est comblé de bonheur.

1100. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Dès le moment où Virginie s’est sentie agitée d’un mal inconnu et où ses beaux yeux bleus se sont marbrés de noir, nous sommes dans la passion, et ce charmant petit livre que Fontanes mettait un peu trop banalement entre le Télémaque et La Mort d’Abel, je le classerai, moi, entre Daphnis et Chloé et cet immortel IVe livre en l’honneur de Didon.

1101. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Pour jouir de tout l’agrément du Lutrin, j’aime à me le figurer débité par Boileau avec ses vers descriptifs et pittoresques, tantôt sombres et noirs comme la nuit : Mais la Nuit aussitôt de ses ailes affreuses Couvre des Bourguignons les campagnes vineuses ; tantôt frais et joyeux dans leurs rimes toutes matinales : Les cloches dans les airs, de leurs voix argentines, Appelaient à grand bruit les chantres à matines ; avec ces effets de savant artifice et de légèreté, quand, à la fin du troisième chant, après tant d’efforts, la lourde machine étant replacée sur son banc, Le sacristain achève en deux coups de rabot, Et le pupitre enfin tourne sur son pivot ; ou avec ces contrastes de destruction et d’arrachement pénible, quand le poète, à la fin du quatrième chant, nous dit : La masse est emportée, et ses ais arrachés Sont aux yeux des mortels chez le chantre cachés.

1102. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Lorsqu’il eut été nommé secrétaire général des Suisses, place qui, à elle seule, rapportait au moins 20 000 livres (janvier 1768), on vit, peu de jours après, dans un des bals du carnaval, un grand homme maigre, sec, dégingandé, qui le représentait en caricature, masqué et à moitié costumé en suisse, avec une calotte et un manteau noir ; et une scène se joua entre un compère et le masque : « Qu’est-ce que cela, beau masque ?

1103. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Frédéric gronde son ami de s’être formalisé et d’avoir pris au sérieux un badinage ; il continue quelque temps encore ces plaisanteries qui, si elles ne sont pas de très bon goût, ne sont point du tout d’un mauvais cœur ; il essaye, tandis que la guerre se prolonge, de calmer les inquiétudes de son ami, d’adoucir son humeur noire et de lui insinuer de cette philosophie qui se sent déjà du voisinage de la politique : Je vous prie, mettez-vous l’esprit en repos sur l’Europe.

1104. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Trop strictement, peut-on répondre, et nous voulons rendre les estampes non pas moins nettes, mais plus claires et qu’entre les traits noirs se joue plus de soleil, et aussi que les traits soient un peu tremblés comme, fabriquées par la nature, les feuilles sont découpées, quoique uniformes, selon un tel caprice, que l’on ne vit jamais deux feuilles pareilles.

1105. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

On étonnerait fort Solon, fils d’Exécestidas, Zenon le Stoïcien, Antipater, Eudoxe, Lysis de Tarente, Cébès, Ménédème, Platon, Épicure, Aristote et Epiménide, si l’on disait à Solon que Ce n’est pas la lune qui règle l’année ; à Zenon, qu’il n’est point prouvé que l’âme soit divisée en huit parties ; à Antipater, que le ciel n’est point formé de cinq cercles ; à Eudoxe, qu’il n’est pas certain qu’entre les Égyptiens embaumant les morts, les Romains les brûlant et les Pæoniens les jetant dans les étangs, ce soient les Pæoniens qui aient raison ; à Lysis de Tarente, qu’il n’est pas exact que la vue soit une vapeur chaude ; à Cébès, qu’il est faux que le principe des éléments soit le triangle oblong et le triangle isocèle ; à Ménédème, qu’il n’est point vrai que, pour connaître les mauvaises intentions secrètes des hommes, il suffise d’avoir sur la tête un chapeau arcadien portant les douze signes du zodiaque ; à Platon, que l’eau de mer ne guérit pas toutes les maladies ; à Épicure, que la matière est divisible à l’infini ; à Aristote, que le cinquième élément n’a pas de mouvement orbiculaire, par la raison qu’il n’y a pas de cinquième élément ; à Epiménide, qu’on ne détruit pas infailliblement la peste en laissant des brebis noires et blanches aller à l’aventure, et en sacrifiant aux dieux inconnus cachés dans les endroits où elles s’arrêtent.

1106. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

même aux heures de sa gaieté, son œil noir garde une mélancolie résignée qui vous expliquera son œuvre.

1107. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Quoi qu’il en soit, ils puisèrent leurs faits dans le chaos des anciennes chroniques ou dans le fatras des vieilles légendes ; ils demandèrent leur merveilleux à la féerie, à la sorcellerie, à la magie noire ; ils ne dédaignèrent pas même l’absurdité des contes les plus populaires, et ils offrirent à l’admiration des hommes ce qu’en tout autre pays on n’exposerait pas impunément à la moquerie des enfants.

1108. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Quoiqu’il y ait sur plusieurs d’entre eux des vérités cruellement exquises, l’auteur a trop l’air d’en demander pardon dans les éloges atténuants qui les suivent… « Jamais visage d’homme ne m’a fait trembler », disait Chateaubriand, à propos de Washington, qu’il avait regardé à vingt ans avec ces beaux yeux que nous lui avons connus à soixante, et qui avaient toujours été si noirs de mélancolie indifférente.

1109. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

L’Idée de Dieu ne passe pas une seule fois dans le cœur ou dans la pensée de ces vagabonds et de ces mendiants dont il est le rhapsode, — dont il chante les Odyssées et les Idylles sur ce noir violon de ménétrier, brûlant et sinistre, qui vous émeut tant, et qui met jusque dans les airs de l’amour toutes les férocités de la vengeance contre la misère de la vie.

1110. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Pourvu que notre nerf optique et notre cerveau soient touchés à l’endroit convenable, ce soleil subsistera en l’absence de l’autre, et nous le verrons luire dans le ciel noir et désert.

1111. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

D’autres, arrivés au bord, n’osaient descendre ; le trou leur semblait trop noir ; mieux valait accepter la doctrine que tenter l’aventure.

1112. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Dans ces temps où la superstition se mêlait à la fureur, on voyait d’un côté des empoisonnements, des assassinats, et les crimes de la plus flétrissante volupté ; de l’autre, des processions, des confréries et des pénitents blancs et noirs ; comme si des cérémonies, sans le remords et la vertu, pouvaient expier les crimes ; comme si elles n’étaient pas un nouvel outrage pour la divinité, qu’on faisait semblant d’apaiser en la déshonorant.

1113. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Elle a bel et bien trahi son vieux père, « la brebis blanche », et pour courir « après son noir bélier ». […] … Le poète gémit ainsi ; mais ce gémissement autorise-t-il la critique à le ranger dans la troupe des pessimistes, c’est-à-dire de ceux qui soupirent vers le gouffre noir du néant ? […] On y devine une prodigieuse mobilité du regard, et, derrière la nouveauté incomparable du pittoresque, par-delà les frémissements du mot, une vibration presque inquiétante de tout l’être : « On voyait dans cette pièce, à la fin, un ballet charmant, un ballet d’ombres couleur de chauve-souris, avec un loup noir sur la figure, agitant de la gaze autour d’elles comme des ailes de nuit. […] Qu’on relise les chefs-d’œuvre de ces maîtres : Eugénie Grandet, le Rouge et le Noir, Silas Marner, Anna Karénine, après avoir lu Charles Demailly et Manette Salomon, par exemple. […] Jugez plutôt : la Princesse de Clèves, Manon Lescaut, ces mêmes Liaisons, Marianne, et puis René, Obermann, Adolphe, le Rouge et le Noir.

1114. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Ils reçoivent en payement du poison, de la cire d’abeilles presque aussi blanche que celle de Cuba, des fécules colorantes et du vernis qui peut être comparé à celui du Japon. » Le curare contenu dans les petits pots de terre cuite et dans les calebasses est un extrait noir à cassure brillante, présentant assez bien l’aspect de l’extrait du jus de réglisse noir de nos droguistes. […] Le cœur gauche, nommé encore cœur à sang rouge, est destiné à recevoir dans son oreillette par les veines pulmonaires le sang pur et rutilant qui vient des poumons, pour le faire passer ensuite dans son ventricule, qui le lance dans toutes les parties du corps, où il devient impur et noir. Le cœur droit, appelé aussi cœur à sang noir, est destiné à recevoir dans son oreillette par les veines caves le sang impur qui revient de toutes les parties du corps et à le faire passer ensuite dans son ventricule pour le lancer dans le poumon, où il devient pur et rutilant. […] Ce ne sont là que les préludes de changements plus horribles : les chairs passent au bleu, au vert, au noir ; elles attirent l’humidité, et pendant qu’une portion s’évapore en émanations infectes, une autre s’écoule en sanie putride qui ne tarde pas à se dissiper aussi ; en un mot, au bout d’un petit nombre de jours, il ne reste plus que quelques principes terreux et salins ; les autres éléments se sont dispersés dans les airs et dans les eaux pour entrer dans d’autres combinaisons. » « Il est clair, ajoute Cuvier, que cette séparation est l’effet naturel de l’action de l’air, de l’humidité, de la chaleur, en un mot de tous les agents extérieurs sur le corps mort, et qu’elle a sa cause dans l’attraction élective des divers agents pour les éléments qui le composaient.

1115. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Modeste Mignon a paru dans les Débats, comme chacun sait et, dès son apparition, la mauvaise fortune s’est acharnée à ce malheureux livre, très froidement accueilli par les abonnés ; il fut interrompu pendant longtemps, et on l’avait presque oublié quand il revint à la lumière ; tout ce qu’il y a de points noirs dans le talent si étincelant d’ailleurs du romancier, avait été mis à contribution pour former cet ouvrage. […] La politique, et l’industrie, et les arts et la littérature elle-même entraînent dans leur orbite la partie la plus notable des hommes de nos jours ; et quant à ceux dont la fortune suffit à entretenir une vie oisive, ils sont moins portés que tous les autres aux jouissances de l’humeur noire : les petits soupers et les plaisirs britanniques les absorbent trop complètement pour qu’ils aient le loisir de se faire les mille questions assez peu nouvelles dont la recherche occupe uniquement les sublimes personnages que nous critiquons. […] Comme défunt Frédéric-Guillaume III de Prusse, le seigneur Gaspar, roi des Nègres, a peut-être payé son pauvre peuple d’une ingratitude plus noire que sa peau.

1116. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Il est né pour la lutte, il luttera toujours ; mais sa logique ardente consistera à savoir triompher toujours des noires pensées et des amers abattements qui le torturent. […] De là peut-être ces angoisses, ces troubles mortels à l’idée de la destruction, ces noires imaginations, ces frissons sur le trépied sacré. […] « Glissons sous sa tête un noir duvet », disent-ils, « chantons… bien doucement… ne l’effrayons pas !  […] … les souffrances l’avaient fait laid, noir, maigre ; mais que de noblesse dans ses traits ! […] Elle surgissait du milieu de la foule noire de tant de têtes, comme, du sein des flots, celle du dauphin prophète de l’orage.

1117. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

« Je suis bien fâché, écrit l’auteur, que vous n’ayez vu que la première représentation de Zaïre : les acteurs jouaient mal ; le parterre était tumultueux… J’ai bien peur de devoir aux grands yeux noirs de mademoiselle Gaussin, au jeu des acteurs, à ce mélange nouveau des plumes et des turbans, ce qu’un autre croirait devoir à son mérite. » Et dans une autre lettre : « Jamais pièce, dit-il, ne fut si bien jouée que Zaïre à la quatrième représentation. […] Tout le monde ne devine pas sans doute quel est ce malheureux Childebrand, coupable d’un si noir attentat : c’est le maréchal de Richelieu, que Voltaire avait choisi pour son héros. […] On venait d’essayer sur le même théâtre une chambre tendue de noir, où se trouve une fille seule avec le cadavre de son amant qu’elle contemple à la lueur d’une lampe sépulcrale ; mademoiselle Clairon, avec son échafaud, avait la noble ambition de l’emporter sur la tenture noire et sur le cadavre. […] Voltaire avait enlevé tous les suffrages en prêtant son coloris aux sentiments de la-nature ; il n’inspira que de l’horreur, lorsque son pinceau noir et sombre entreprit de nous tracer un monstre de barbarie et de férocité : malgré la réputation de l’auteur de Zaïre et de Mérope, le public ne put supporter que sept représentations de cet odieux assassinat, l’opprobre du sénat romain, sur lequel la postérité avait depuis longtemps prononcé. […] Crébillon, naturellement noir et terrible, a peint sa Sémiramis endurcie dans le crime, comme Sophocle a peint Clytemnestre : elle refuse de reconnaître son fils Agénor qu’elle aime.

1118. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

C’est celle du Louvre….Il recule pour pouvoir la contempler, mais il heurte contre des huttes sales et noires, et ne peut prendre du champ pour jouir de ce magnifique aspect. […] Mais la vallée, comme une rose fraîchement épanouie, me montrait ses bois, ses coteaux, ses plaines vertes du blé naissant ou noires d’un récent labourage ; ses étages nombreux couverts de hameaux et de pâturages, ses bosquets flétris, mais conservant encore leur feuillage jaunâtre ; enfin des glaces et des rochers menaçants.

1119. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

hélas, puisque les chambres d’Olympe sont vides et que l’aveugle tonnerre, en errant aux flancs des noires nuées et des montagnes, lance à la fois l’épouvante au sein de l’innocent et du coupable ; puisque le sol natal, devenu étranger à sa race, ne nourrit que des âmes contristées, c’est à toi d’accueillir les plaintes amères et les indignes destinées des mortels, ô belle nature ; à toi de rendre à mon esprit l’antique étincelle, si toutefois tu vis, et s’il existe telle chose dans le ciel, si telle chose sur la terre féconde ou au sein des mers, qui soit, oh ! […] On se rappelle, au livre IV de l’Odyssée, le beau passage où Ménélas exprime devant Télémaque sa tendre amitié pour Ulysse, et le vœu qu’il avait autrefois formé de le réunir à lui : « Je lui aurais, dit-il, fondé une ville dans le pays d’Argos et bâti des palais, le faisant venir d’Ithaque avec ses biens et son fils et tous ses peuples… et là nous aurions vécu unis ensemble, et rien autre chose ne nous aurait pu séparer dans cette douceur de nous aimer et de nous conjouir, avant que le noir nuage de la mort nous vînt envelopper. » Ici s’exprime et déborde dans sa plénitude le sentiment de bonheur des deux amis.

1120. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Par-dessus tout cela on lui met un costume noir, une perruque à nœud1103, une petite épée ; ainsi équipé, il va prendre place à table avec son grand ami lord Oxford. […] Que serait-ce si j’entrais dans le détail, si je décrivais la poëtesse proposée en prix, « avec ses yeux de bœuf et ses mamelles de vache », si je racontais les sauts des poëtes qui barbottent dans Fleet-Ditch, le plus ignoble égout de la ville, si je traduisais jusqu’au bout les vers extraordinaires où « les nymphes de la fange, charmées de la mine du plongeur l’attirent sur leur cœur, où la jeune Lutetia plus douce que le duvet, Nigrina la noire, et… se disputent son amour dans les palais de jais de leurs bas-fonds1118. » Il faut s’arrêter ; il y a tel passage, par exemple la chute de Curl, que Swift seul eût semblé capable d’écrire ; encore on l’excuserait dans Swift ; l’extrémité du désespoir, la rage de la misanthropie, le voisinage de la folie ont pu le porter à de tels excès.

1121. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Les cèdres qui pyramident en noir sur votre tête sont aussi immobiles que les flèches noirâtres d’une cathédrale détachées sur le bleu cru du firmament. […] Ajoutez à cela quatre habits noirs neufs, et vous ne serez plus étonné que notre voyage de Versailles nous revienne à vingt-six ou vingt-sept louis.

1122. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

. — Dans un de ses rêves il dit : « Voyez… voyez cette belle tête de femme… avec ses boucles noires… un coloris splendide… sur un fond noir… » À un autre moment, voyant sur le sol une feuille de papier, il demanda : « Pourquoi laisse-t-on par terre une lettre de Schiller ?

1123. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Le plus noir pessimisme est répandu dans le chapitre de l’Homme. […] Au-dessus de la lucarne aux ombres chinoises est peint un chat noir, à la queue en tringle, aux contours simplifiés, un chat de blason ou de vitrail, qui pose, une patte dédaigneuse sur une oie effarée.

1124. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Hugo C’est pour vous sauver, que la France m’a armé, avec les armes, une cuirasse et un bouclier, instruments de la civilisation. » Arrivée de Flourens, de Mégy, et de Turcos qui proclament la République noire ; grand désordre ; invasion de rats, tumulte. […] ô noir, calleux nain souffré !

1125. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

ERRATA — Du dernier numéro de la Revue Wagnérienne (IV, mai 1886), quelques fautes à corriger dans les « notes sur la Peinture Wagnérienne » : page 103  3e ligne  lire : touffes      au lieu de : souffles id    25    à l’homme noir      à l’homme de voir ; 105  10      Dehodencq      Dehodeucq id    18      à son tour      à leur tour 110  18      rêche        riche id    24      poignante      prévoyante 113  1      intéressantes donc,    intéressantes, donc           intéressantes      intéressantes L’œuvre de Bayreuth — 1871-1876 Les lettres et les documents que nous allons analyser ont été réunis par le baron Hans de Wolzogen et publiés par lui dans les Bayreuther Blaeter (1886, janvier). […] Alors l’autre jeune femme, sous le rire chaud de ses yeux noirs, et ce ses dents, et de sombres chevelures dénouées, révéla qu’elle était la Joie ; elle enseignait les tendresses parfumées, le délice des longues nuits, comment les âmes se courroucent en des tumultueux frissons et les hurlements éperdus d’un bonheur qui angoisse, et les sommeils tranquilles, après la tourmente.

1126. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

L’astronome qui, par des raisonnements quantitatifs élaborés que nous appelons calculs, conclut que le passage de Vénus commencera tel jour, à telle heure, à telle minute, et qui au temps indiqué tourne son télescope vers le soleil et ne voit aucune tache noire entrant dans son disque, conclut à la fausseté de son calcul, — et non à la fausseté de ces actes de pensée relativement brefs et primitifs, par lesquels il a fait son observation. […] Il en est de même pour les classes d’hommes dont les efforts réunis ont conduit noire connaissance de l’univers à l’état cohérent et compréhensif qu’elle possède actuellement.

1127. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Un jour, un de ces larmoyeurs, le plus brillant de tous, qui écrivait ce jour-là avec une plume prise à l’aigle noir de Bossuet « qu’on put s’étonner de la quantité de larmes que contenait l’œil des femmes des rois », n’écrivait ainsi que parce que la Révolution, cette horrible Sérieuse, était venue ! […] Si le monastère n’a pas péri de ce mal intérieur qui lui dévorait les entrailles, c’est grâce à la piété de ses moines et au courage de ses commandants militaires, parmi lesquels il se rencontra un abbé, un abbé-capitaine, Geoffroy de Servon, ami de Duguesclin, qui, au plus noir de la guerre de Cent ans, fit de sa crosse une lance et fut exactement un héros.

1128. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Le point précis que Bernis avait cru pouvoir saisir pour rentrer dans la voie des négociations pacifiques, avant de plus grands revers qu’il prévoyait, était donc vers janvier et février 1758 ; il avait cru trouver je ne sais quel instant unique « que la sagesse lui montrait du bout du doigt », et qui fut manqué, il commençait cette année 1758 avec les plus noires prévisions, trop tôt justifiées : Nous allons jouer le plus gros jeu du monde.

1129. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

Je le vis aucunes fois en été que, pour rendre justice à ses gens, il venait au jardin de Paris, vêtu d’une cotte (d’une robe) de camelot, d’un surtout de tiretaine sans manches, avec un manteau de cendal noir autour du cou, très bien peigné et sans coiffe, et un chapel de plume de paon blanc sur sa tête ; et il faisait étendre des tapis pour nous asseoir autour de lui.

1130. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Madame, naturelle, franche, laissant éclater volontiers ses sentiments, aimant à s’épancher, plus souvent au-delà qu’en deçà, et observant mal les mesures, ne devait pas aimer le procédé froid, prudent, discret, mystérieux, poli et inattaquable, d’une personne à qui elle supposait mille projets plus noirs et plus profonds que ceux de l’enfer.

1131. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Pour le lire comme il faut et pour bien entendre toutes ses cordes, et aussi pour se bien rendre compte du grand succès de son poème dès qu’il parut, il convient de se rappeler les événements de ces années, la guerre d’Amérique dont l’issue humiliait l’Angleterre, les débats passionnés du Parlement, les triomphes et les crimes dans l’Inde, les premiers efforts de Wilberforce pour l’affranchissement des noirs, les dilapidations et le désordre dans les plus hauts rangs et l’inconduite du jeune prince de Galles : Cowper, en ses moments lucides et tandis qu’il composait La Tâche, voyait tout cela de loin, en gros, mais avec bien de la curiosité et de l’ardeur : « Oh !

1132. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Le mot que Villars avait redit si souvent à sa cour durant ces dernières campagnes se trouva justifié : « Il ne faut qu’un moment pour changer la face des affaires peut-être du noir au blanc. » Villars, libre enfin de se livrer à l’activité qui était dans sa nature, assiégea et reprit en moins de quatre mois, sous les yeux d’Eugène réduit à l’inaction, Douai, Le Quesnoy, Bouchain, les places que l’ennemi avait conquises sur nous en trois campagnes.

1133. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Si je ne m’étais hâtée de jeter un voile noir sur ma vie, pourrais-je supporter l’idée de la mort ?

1134. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Ennemi déclaré des formes religieuses et de tout emblème, il aurait même voulu anéantir jusqu’aux traces d’un passé odieux, faire table rase sur le sol de la France et ne rien laisser debout de tous les monuments que l'art et la science historique, au défaut de la foi, conservent et vénèrent ; il était de la bande noire en cela.

1135. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Elle était toujours assise à la même place, dans un fauteuil, vêtue d’une robe de soie noire taillée sans grand souci de la mode régnante ; elle portait un fichu blanc à larges plis ; ses cheveux blancs étaient bouclés de chaque côté et ornés d’un gros nœud.

1136. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Le paysagiste pur reparaît dans mainte page, — dans la halte si bien décrite autour du pistachier, cet arbre à tête ronde et aux larges rameaux en parasol, qui abrite un moment à midi la caravane rassemblée : « L’arbre reçoit sur sa tête ronde les rayons blancs de midi ; par-dessous, tout paraît noir ; des éclairs de bleu traversent en tous sens le réseau des branches ; la plaine ardente flamboie autour du groupe obscur ; et l’on voit le désert grisâtre se dégrader sous le ventre roux des dromadaires. » Quand il nous décrit, au contraire, la végétation monotone de l’alfa, espèce de petit jonc, plante utile qui sert de nourriture aux chevaux, mais la plus ennuyeuse aux yeux qui se puisse voir, et qui, régnant sur des étendues infinies, ressemble à « une immense moisson qui ne veut pas mûrir, et qui se flétrit sans se dorer », on retrouve l’homme dont le sentiment souffre et dont l’âme s’ennuie.

1137. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

— Il sort de ma chambre un buveur d’eau abîmé de rhumatismes et qui en conséquence voit tout en noir : le présent et l’avenir lui fournissent un beau champ qu’il exploite toute la journée.

1138. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Il y a là-dessous une longue histoire que je te dirai une autre fois… Tu sauras, si c’est une nouvelle pour toi, que Joanny est devenu la bête noire du public ; c’est à qui veut crier haro sur le baudet.

1139. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Je vis en entrant une jeune femme aux beaux yeux, au beau front, aux cheveux noirs un peu courts, vêtue d’une sorte de robe de chambre sombre des plus simples.

1140. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Comment, avec du griffonnage noir aligné sur du papier d’imprimerie, remplacerez-vous pour lui la vue personnelle des couleurs et des formes, l’interprétation des visages, la divination des sentiments ?

1141. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Mais ils reçoivent des nouvelles de leurs pays, de leurs familles ; et l’on conçoit comment peut là-dessus s’exercer l’imagination d’un jeune Français sous la Régence, avec quelle curiosité libertine il mettra en scène la vie oisive et voluptueuse du sérail, des femmes très blanches surveillées par des eunuques très noirs, des passions ardentes, des jalousies féroces, des désirs enragés.

1142. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Vois, tous les soirs sont morts au large de la Tour triste Qui plonge au marais noir ses murs que verdit l’eau ; Ton diadème est lourd d’une antique améthyste Et tes cheveux d’or lisse échappent au bandeau,      Et ta robe s’efface en chimères fanées.

1143. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Chaque semaine nous voyons éclore ces pièces dont la valeur, commerciale, ne saurait être expertisée à la répétition générale, et dont le succès fou ou le four noir dépend de la moyenne des digestions des spectateurs de la première.

1144. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Chaque semaine nous voyons éclore ces pièces dont la valeur commerciale ne saurait être expertisée à la répétition générale, et dont le succès fou ou le four noir dépend de la moyenne des digestions des spectateurs de la première.

1145. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Mais cette marâtre nature qui récompense si mal ici-bas ce qu’on fait pour coopérer à ses fins montra, en ce qui le concerne, sa noire ingratitude.

1146. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Autant vaudrait reprendre l’éternelle et vaine discussion sur les yeux noirs et les yeux bleus, sur la beauté brune et la beauté blonde !

1147. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Cependant des Carnivores gigantesques hantaient encore, avec lui, les noires forêts d’érables et de conifères.

1148. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Donc, madame Huguet fait à son fils une noire peinture de la pauvreté dans le mariage, et des périls qui attendent la Faim et la Soif partant, entrelacées, pour le voyage de la vie… A ce tableau désolant, Philippe oppose l’exemple de son père.

1149. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

M. de Ryons n’est que le moteur de la comédie, une machine à paradoxes qui l’inspire et la fait mouvoir, mais le mécanisme n’est pas suffisamment déguisé ; on sent trop, sous son habit noir, le froid du métal, l’acier du ressort.

1150. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Un jeune seigneur (Gui de Laval), qui la vit dans le moment de sa gloire, et qui en écrivît une lettre à sa mère et à son aïeule, nous l’a peinte alors de pied en cap, au naturel : « Je la vis monter à cheval, dit-il, armée tout en blanc, sauf la tête, une petite hache en sa main, sur un grand coursier noir qui, à l’huis de son logis, se démenait très fort, et ne souffrait qu’elle montât ; et lors elle dit : “Menez-le à la croix.” » Cette croix était près de l’église, au bord du chemin.

1151. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Au sortir de là, il vécut dans ce Paris d’alors (1733-1743) de la vie de jeune homme, aux expédients, essayant de maint état sans se décider pour aucun, prenant de la besogne de toute main, lisant, étudiant, dévorant avec avidité toute chose, donnant des leçons de mathématiques qu’il apprenait chemin faisant ; se promenant au Luxembourg en été, « en redingote de pluche grise, avec la manchette déchirée et les bas de laine noire recousus par derrière avec du fil blanc » ; entrant chez Mlle Babuti, la jolie libraire du quai des Augustins (qui devint plus tard Mme Greuze), avec cet air vif, ardent et fou qu’il avait alors, et lui disant : « Mademoiselle, les Contes de La Fontaine, s’il vous plaît, un Pétrone… », et le reste.

1152. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Elle a les cheveux du plus beau châtain qu’on ait jamais vu, le visage rond, le teint vif, la bouche agréable, les lèvres fort incarnates, une petite fosse au menton, qui lui sied fort bien, les yeux noirs brillants, pleins de feu, souriants, et la physionomie fine, enjouée et fort spirituelle… Pour de l’esprit, Clarice en a sans doute beaucoup, et elle en a même d’une certaine manière dont il y a peu de personnes qui soient capables, car elle l’a enjoué, divertissant, et commode pour toutes sortes de gens, principalement pour des gens du monde.

1153. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

Il avait de bons chevaux de course en Angleterre, il envoya l’un de ses meilleurs coureurs à Ipswich : Un petit garçon vêtu de noir suivit bien ses instructions ; resta modestement pendant toute la course derrière le cheval de sir Marmaduke, et, à cent pas du but, passe comme un éclair.

1154. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Retz était petit, laid, noir, assez mal fait et myope ; voilà des qualités peu propres à faire un galant, ce qui ne l’empêcha point de l’être, et avec succès.

1155. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Le Voyage du jeune Anacharsis venait de paraître, et le beau monde raffolait du brouet noir.

1156. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Cette parure, avec son voile noir, la fît paraître belle et de bonne mine, et en cet état elle plut à toute la compagnie.

1157. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Usbek, le personnage principal, a un sérail à Ispahan, et il le laisse en partant à la garde du grand eunuque noir, auquel il rappelle de temps en temps ses recommandations sévères.

1158. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Nejdanoff se plaça de pied ferme, sur la terre noire qui entourait le pied du pommier et tira de sa poche le petit objet qu’il avait pris dans le tiroir de sa table, puis il regarda attentivement les fenêtres de la maisonnette.

1159. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Et cette lamentable fin encore du ménage artistique, cette noire existence misérable et débraillée dans l’atelier du haut de Montmartre, Claude se brutalisant, s’exaltant et s’affolant à l’impossible labeur de s’extorquer un chef d’œuvre, tandis que Christine s’attache à son amour tari, lutte contre le desséchement de cœur de son mari, finit par l’arracher à l’art auquel il tenait de toutes ses fibres, mais l’abîme et le lue du coup ; toute cette tragédie humaine donnant à toucher de pauvres chairs frissonnantes, à voir des larmes dans des orbites creux, et des mâchoires serrées, et des poings abandonnés, nous a enthousiasmé et ému.

1160. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Mme de Staël, dans son livre d’un sensualisme noir, intitulé de l’Influence des passions sur le bonheur, a aussi un chapitre sur la séparation par la mort, et Mme de Staël est aussi une grande âme et une enivrée de ses larmes ; mais comparez ce cruel chapitre aux pages adorables de Mme de Gasparin, et vous aurez mesuré la distance qui sépare la femme pieuse de la philosophe, même pour le bien qu’elles font à l’âme avec un livre, toutes les deux !

1161. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

« Fantassins et soldats de mer, les navires aux ailes noires les avaient amenés, hélas !

1162. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

D’après un portrait écrit par une de ses comédiennes, la du Croisy, « il n’était ni trop gros, ni trop maigre ; il avait la taille plutôt grande que petite, le port noble, la jambe belle ; il marchait gravement ; avait l’air très sérieux ; le nez gros, la bouche grande, les lèvres épaisses, le teint brun, les sourcils noirs et forts, et les divers mouvements qu’il leur donnait lui rendaient la physionomie excessivement comique. […] Victor Hugo estimait beaucoup L’Amour peintre et il aimait à en citer les premières lignes qui sont en effet d’un joli style métaphorique et, ce qui sans doute flattait l’oreille d’Hugo, tout en vers, car on pourrait très bien les disposer typographiquement ainsi : Il fait noir comme dans un four : Le ciel s’est habillé ce soir en Scaramouche » Et je ne vois pas une étoile Qui montre le bout de son nez. […] C’est un drame très noir qui se termine en comédie par un dénouement accidentel. […] Qui a plaidé le blanc, puis le noir peut toujours dire que ce sont deux extrêmes qu’il a combattus pour que le lecteur s’arrêtât en un milieu qui est la vérité et la raison. […] La Bruyère, qui, je le reconnais, était plus libre dans un livre, que Molière dans son théâtre, a fait un portrait du siècle beaucoup plus noir que Molière et presque on pourrait faire dire à Molière en face de son temps : Mais, les défauts qu’il a ne frappent pas ma vue.

1163. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Nous le voyons, avec ses épaules étroites, sa figure en pointe, son teint jauni, ses yeux « fureteurs et sans mystère », rasant les murs pour gagner son magasin de la populeuse rue de Griffon, et là, s’enchantant à regarder les piles des soieries : taffetas noir, satin noir, tramé. Il les manie pour les présenter à un client, d’un geste presque amoureux, tant la sensation de la texture émeut la fibre la plus secrète de ce marchand-né. « C’était », conclut la portraitiste « un rouage intime de la puissante machine lyonnaise. » Et l’Angevine ne peut se retenir d’évoquer ses compatriotes de là-bas, bien loin dans sa claire et lointaine province : « Il regardait ses piles de soieries noires avec le même bonheur qu’un cultivateur qui voit des campagnes grasses. » Ne la croyez pas injuste cependant. […] Le dessin vériste, pour employer un terme cher à la littérature italienne d’il y a cinquante ans, est une des caractéristiques de l’art florentin, et à comparer les personnages des fresques de Santa Maria Novella, par exemple, ou de la chapelle Brancacci, avec les événements de l’histoire locale, nous nous rendons compte que ce sont bien là les citoyens qui ont construit et habité les palais aux soubassements fortifiés, soutenu ces rudes guerres civiles, sans cesse renouvelées, entre Guelfes et Gibelins, ou Blancs et Noirs. […] Les statues et les peintures y abondent, témoignant de la ferveur religieuse de la ville de sainte Catherine et de saint Bernardin ; et, splendeur unique, le pavé tout entier est en marbre blanc, avec des graffiti incrustés en marbre noir qui dessinent une suite de plus de trente tableaux figurant toutes sortes de scènes depuis le Roi David chantant des psaumes, jusqu’au Massacre des Innocents.

1164. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

La critique professionnelle a eu, pendant un demi-siècle, trois bêtes noires, les Goncourt, Stendhal, Baudelaire (ces trois, eux aussi, sont donc quatre). […] Si la critique universitaire a trois bêtes noires, dont une à deux têtes, la critique des journaux, des contemporains, a eu et a encore une bête triplement noire, qui est Brunetière, Brunetière (qui, dans son discours de réception à l’Académie, où il succédait à un journaliste, avait d’ailleurs lancé une déclaration de guerre aux journalistes) connut le rare privilège d’être considéré comme un cuistre et un crétin par la presque unanimité des journalistes de gauche et de droite. […] Pleine de regrets stériles, de désirs impuissants, et de rancunes inexorables, elle traduit au public indifférent et paresseux ce qu’elle ne comprend pas. » On pense bien que « à peu d’exceptions près » concerne les critiques qui, montés sur le dos du poète, s’en vont criant : « Voilà l’éléphant blanc des éléphants blancs, tous les autres sont noirs. » Le Journal des Goncourt entasse les témoignages comiques de l’antagonisme entre les artistes et la critique professorale, de la lutte entre les chantres et les chanoines du Lutrin littéraire. […] Le nombre treize Et ce noir chiffre treize est resté redoutable !

1165. (1925) Dissociations

Une fois entré dans ces étoffes de diverses couleurs, généralement rouges pour le pantalon et noires pour le dolman, l’homme participe du fer, du bronze, du marbre, du zinc et du caoutchouc. […] Le bel animal Je me suis arrêté longtemps, l’autre jour, au Jardin des Plantes, devant un maki, de Madagascar, tout vêtu de velours noir brodé de blanc. […] Certes, nous ne serions pas pris au dépourvu, la houille blanche se substituerait à la houille noire, voilà tout, mais que de troubles mécaniques en perspective, que de luttes et quel imprévisible déplacement des centres industriels !

1166. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Ce spleen est un peu différent de celui des Anglais ; car celui des Anglais les rend noirs et tristes, et le mien me rend intérieurement et extérieurement tout couleur de rose.

1167. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

N’ayant pas fait sa diversion contre le prince de Bade, Villars n’avait plus qu’à exécuter au plus tôt les ordres du roi en cherchant à joindre l’électeur à travers et par-delà les montagnes Noires.

1168. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Je le voyais de nouveau, le soir, avec son étoile sur son habit noir, dans son salon brillamment éclairé, plaisanter au milieu de son cercle, rire et causer gaiement. — Je le voyais un autre jour par un beau temps, à côté de moi, dans sa voiture, en par-dessus brun, en casquette bleue, son manteau gris clair étendu sur les genoux : son teint brun est frais comme le temps, ses paroles jaillissent spirituelles et se perdent dans l’air, mêlées au roulement de la voiture qu’elles dominent. — Ou bien, je me voyais encore le soir, dans son cabinet d’étude éclairé par la tranquille lumière de la bougie : il était assis à la table en face de moi, en robe de chambre de flanelle blanche ; la douce émotion que l’on ressent au soir d’une journée bien employée respirait sur ses traits ; notre conversation roulait sur de grands et nobles sujets ; je voyais alors se montrer tout ce que sa nature renfermait de plus élevé, et mon âme s’enflammait à la sienne.

1169. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Le teint délicat rappelle la blancheur des porcelaines de Saxe, les yeux noirs éclairent tout le visage ; le nez est mince, la bouche petite, le cou s’effile et s’allonge.

1170. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Ses cheveux sont noirs.

1171. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

C’est un ogre lascif qui dans ses bras infâmes A son repaire affreux porte sept jeunes femmes ; Renaud de Montauban, illustre paladin, Le suit l’épée au poing : lui, d’un air de dédain, Le regarde d’en haut ; son œil sanglant et louche, Son crâne chauve et plat, son nez rouge, sa bouche Qui ricane et s’entr’ouvre ainsi qu’un gouffre noir, Le rendent de tout point très singulier à voir : Surprises dans le bain, les sept femmes sont nues ; Leurs contours veloutés, leurs formes ingénues Et leur coloris frais comme un rêve au printemps, Leurs cheveux en désordre et sur leur cou flottans, La terreur qui se peint dans leurs yeux pleins de larmes Me paraissent vraiment admirables ; les armes Du paladin Renaud faites d’acier bruni, Étoilé de clous d’or, sont du plus beau fini : Un panache s’agite au cimier de son casque, D’un dessin à la fois élégant et fantasque ; Sa visière est levée, et sur son corselet Un rayon de soleil jette un brillant reflet.

1172. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Le capitaine de Saint-Joseph, beau-frère du maréchal Suchet, fut plus heureux : « Le 26 du mois de septembre (1809), dans l’après-midi, nous étions à table, nous raconte-t-il, lorsque le gouverneur de l’Alhambra, qui rarement était venu nous voir, suivi de l’adjudant et de l’officier de garde, entra dans noire appartement, et me montrant une lettre : « Vous partez pour être échangé », me dit-il. — « Nous partons ! 

1173. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

« Tout à coup, à travers une échappée de neige, on vit une colonne noire qui s’avançait directement en longeant la rue occidentale d’Eylau et en perçant jusqu’au pied du cimetière.

1174. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

. — Mon cher Pangloss, j’ai reçu votre aimable et philosophique épître du 8/20 février, et après l’avoir lue et savourée, je me suis bien demandé lequel de nous deux était le coupable du silence de 900 jours… Vous broyez donc décidément du noir sur les bords de la Newa, et, à vous entendre, il ne faut s’occuper ni du passé, ni du présent, ni de l’avenir.

1175. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

A peine entre ces noirs créneaux Un faible rayon de lumière Jusqu’à mon cachot solitaire Pénètre à travers les barreaux.

1176. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Il est né le 24 décembre 1791, en pleine rue Saint-Denis66, dans le magasin de soieries à l’enseigne du Chat Noir, où son père fit une honorable fortune : depuis lors, la maison, en gardant l’enseigne de bon augure, s’est convertie, me dit-on, de magasin de soieries en boutique de confiseur.

1177. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

A quelque distance, une pyramide de marbre noir entre les ifs rappelle le souvenir de Lucain, mort à vingt-six ans, qu’on aime à croire victime de la noble hardiesse de sa muse, et peut-être de la jalousie poétique du tyran ; on y lit ces vers de la Pharsale : …… Me solum invadite ferro, Me frustra leges et inania jura tuentem.

1178. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Ces morts sont morts et ont bien mérité de mourir ; qu’ils dorment à jamais en leurs corridors noirs.

1179. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Eynard a déchiré le voile, et il est désormais inutile de dissimuler : « J’ai une autre prière à vous adresser, lui écrivait-elle ; faites faire par un bon faiseur des vers pour noire amie Sidonie.

1180. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Représentez-vous ce magistrat Couvert d’un vieux chapeau de cordon dépouillé, Et de sa robe, en vain de pièces rajeunie, À pied dans les ruisseaux traînant l’ignominie ; et la femme vêtue De pièces, de lambeaux, de sales guenillons De chiffons ramassés dans la plus noire ordure.

1181. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Le Nil, qui sort « de Paradis Terrestre », le miracle de ses crues périodiques, les alcarazas, où l’eau se tient si fraîche en plein soleil, les Bédouins, « laide et hideuse gent », à barbe et cheveux noirs, les Tartares, et les commencements merveilleux à leur puissance, la Norvège et la longueur des jours polaires, trois ménétriers qui jouent du cor et font la culbute, les petites choses comme les grandes, ont frappé Joinville, et viennent après cinquante ans prendre place un peu à l’aventure au milieu des « chevaleries » du roi Louis.

1182. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

L’un d’eux nous conte, avec une décision crue de style, la « ribole » de trois commères parisiennes qui, après une longue séance au cabaret, sont ramassées dans le ruisseau, ivres, noires de boue : on les croit mortes, et on les jette au charnier des Innocents où elles se réveillent le lendemain, la face couverte de terre, des vers dans les cheveux80.

1183. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Lui aussi, il a eu des calepins noirs de notes ; lui aussi, il a déversé ses notes dans ses romans ; on y a trouvé le fait divers, le procès scandaleux de la veille ou de l’avant-veille.

1184. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Jeanne est serrée dans son châle noir et Henri porte un crêpe à son chapeau de paille ; mais ils sont tous deux brillants de jeunesse et ils se sourient doucement l’un à l’autre, ils sourient à la terre qui les porte, à l’air qui les baigne, à la lumière que chacun d’eux voit briller dans les yeux de l’autre.

1185. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Les tournesols sauvages mettaient leur disque jaune et noir au-dessus des treillages affaissés, des palissades disjointes.

1186. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Michelet prétend quelque part que, si le xviiie  siècle fut par excellence le siècle de la causerie et de l’esprit, il le doit en bonne partie à la noire liqueur, en ce temps-là nouvelle en France, qui vint donner plus de lucidité aux cerveaux et je ne sais quoi de plus nerveux à la pensée.

1187. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Pendant qu’il s’indigne et qu’il se récrie, survient à son adresse une lettre cachetée de noir qui le convoque, lui, sa fiancée et son camarade Spiegel, à l’ouverture du testament du comte Sigismond, laquelle doit avoir lieu le lendemain, au coup de midi, en son château seigneurial.

1188. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

On extrairait de ces lettres de Bettina non seulement un Goethe idéal, mais un Goethe réel, vivant, beau encore et superbe sous les traits de la première vieillesse, souriant sous son front paisible, « avec ses grands yeux noirs un peu ouverts, et tout remplis d’amabilité quand ils la regardent ».

1189. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Les sonnets, les odes et les autres ouvrages qui veulent du sublime, ne s’accommodent pas du simple et du naturel ; c’est l’obscurité qui en fait tout le mérite ; il suffit que le poète croie s’entendre… Nous sommes cinq ou six novateurs hardis qui avons entrepris de changer la langue du blanc au noir ; et nous en viendrons à bout, s’il plaît à Dieu, en dépit de Lope de Vega, de Cervantes… Sachons bien qu’en écrivant ces choses, Lesage avait en vue Fontenelle, Montesquieu peut-être, certainement Voltaire, qu’il trouvait trop recherchés et visant à renchérir sur la langue de Racine, de Corneille, et des illustres devanciers.

1190. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Grâce à des mérites si réels et si divers, à Châtenay, à Sceaux, à Saint-Maur, on requérait que le facétieux abbé fût de toutes les fêtes champêtres et bucoliques : Parmi les dieux des bois, surtout n’oubliez pas Celui vêtu de noir qui porte des rabats.

1191. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Le blanc et le noir, le vrai et le faux, elle vous retourne tout cela, et ce serait du vrai pédantisme, auprès d’elle, que de s’en préoccuper.

1192. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Ses yeux creux, ses sourcils épais et noirs, lui faisaient une mine austère, et lui rendaient le premier abord sauvage et négatif ; mais, dans la suite, en l’apprivoisant ; on le trouvait assez facile, expéditif et d’une sûreté inébranlable.

1193. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Il semblait qu’elle n’eût qu’à choisir, et l’on ne peut montrer son travers altier avec plus de naïveté qu’elle ne le fait elle-même à propos d’une grande fête qui eut lieu au Palais-Royal sur la fin de l’hiver de 1646, et pour laquelle la reine mère voulut la parer : L’on fut trois jours entiers à accommoder ma parure ; ma robe était toute chamarrée de diamants avec des houppes incarnat, blanc et noir ; j’avais sur moi toutes les pierreries de la Couronne et de la reine d’Angleterre, qui en avait encore en ce temps-là quelques-unes de reste.

1194. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Mille noirs fantômes s’agitent dans mes rideaux d’indienne… Il veut parler de sa seconde fille, née pendant la Révolution, et de laquelle son père avait été séparé dès le berceau.

1195. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Sa physionomie était des plus expressives ; des sourcils noirs proéminents ombrageaient un œil bleu qui ne cachait jamais ses pensées.

1196. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

[NdA] Les gravures qui accompagnaient la première édition du Voyage, ont un caractère philanthropique marqué et sont surtout destinées à attendrir sur le sort des noirs ; elles sentent le voisinage de l’abbé Raynal et de l’Histoire philosophique des deux Indes.

1197. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Quand il nous définit la qualité du sol de l’Égypte et en quoi ce sol se distingue du désert d’Afrique, ce « terreau noir, gras et léger », qu’entraîne et que dépose le Nil ; quand il nous retrace aussi la nature des vents chauds du désert, leur chaleur sèche, dont « l’impression peut se comparer à celle qu’on reçoit de la bouche d’un four banal, au moment qu’on en tire le pain » ; l’aspect inquiétant de l’air dès qu’ils se mettent à souffler ; cet air « qui n’est pas nébuleux, mais gris et poudreux, et réellement plein d’une poussière très déliée qui ne se dépose pas et qui pénètre partout » ; le soleil « qui n’offre plus qu’un disque violacé » ; dans toutes ces descriptions, dont il faut voir en place l’ensemble et le détail, Volney atteint à une véritable beauté (si cette expression est permise, appliquée à une telle rigueur de lignes), une beauté physique, médicale en quelque sorte, et qui rappelle la touche d’Hippocrate dans son Traité de l’air, des lieux et des eaux.

1198. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Mais les livres, les lettres, la bibliothèque et le cabinet noir du passé, ne seront point encore assez pour cet historien : s’il veut saisir son siècle sur le vif et le peindre tout chaud, il sera nécessaire qu’il pousse au-delà du papier imprimé ou écrit.

1199. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Ce tableau est plus soigné et moins beau. à la tempête, le local est trop noir, les vagues lourdes, la pluie semblable à une trame de toile, à un réseau à prendre des bécasses ; il est monotone, point de clair, pas la moindre lueur ; les figures très-bien pensées, très-maussadement coloriées.

1200. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Pourquoi, en effet, après leur vie publique, la vie privée de Sieyès, de Mirabeau, de Lafayette, de Robespierre, de Marat, de Danton et de tous les autres, si on peut, sans mutiler l’histoire, distraire la personnalité de ces hommes du cadre d’événements surhumains dans lequel ils se sont mus et qu’ils ont rempli, si on veut abaisser sur leurs visages nus, avec une monstrueuse indulgence, le voile noir que la république de Venise étendait sur l’image de son doge décapité ?

1201. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Le « monde noir », qui grouille dans l’ombre autour du Vatican, lui dévoile ses basses intrigues ; si les « Pères de la grotte » ne sont guidés que par le lucre, les cardinaux le sont uniquement par l’ambition.

1202. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Quoique les Grecs de ce temps-là fussent aussi loin peut-être de ressembler aux Grecs du temps de Constantin et de Julien, que ceux-ci étaient éloignés des Grecs du temps de Périclès et d’Alexandre, cependant ils parlaient toujours la langue d’Homère et de Platon ; ils cultivaient les arts ; et ces plantes dégénérées, à demi étouffées par un gouvernement féroce et faible, et par une superstition qui resserrait tout, portaient encore au bout de quinze cents ans, sur les bords de la mer Noire, des fruits fort supérieurs à tout ce qui était connu dans le reste de l’Europe.

1203. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Cet ennemi acharné des Français à Rome était sincère, je le crois, dans le Barde de la Forêt Noire, dans la Vision, alors qu’il célébrait en beaux vers l’affranchissement espéré de l’Italie sous le Consulat et même sous l’Empire.

1204. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Dès le lendemain on m’apprit que tout le Jardin des Tuileries étoit en l’air, pour observer la princesse Quircana, fille d’un prince noir, souverain de l’isle des Perroquets. […] Pensez donc que chacun dans cet univers a sa maniere d’être, sa tournure d’esprit, & que vouloir faire un homme tranquille & patient de ce que vous nommez un frondeur, c’est vouloir rendre une rose noire, une violette jaune. […] L’habit noir a dans Paris le même mérite, que la robe de Rabelais à Montpellier. […] Poésies, pieces de théâtre, sermons, ouvrages philosophiques, livres, plaidoyers, mémoires, tout est du ressort de ce joli jugeur que vous voyez en habit noir ; mais c’est pour critiquer avec la plus amere sévérité. […] J’entends : vous parlez de cette veuve aux larges sourcils noirs que je vois avec son fidele.

1205. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Quand le premier eunuque noir de Sa Hautesse parle mal des femmes qu’il tient sous sa garde, et se moque de ceux qui les désirent, il n’y a d’autre réponse à faire que celle qui fut adressée au renard de la Fable après son petit accident : Mais tournez-vous, de grâce, et l’on vous répondra. […] Mlle Bruck est une grande jeune fille, mince, svelte, élancée, de tournure et d’allure très élégantes ; le visage est agréable ; de beaux yeux noirs très expressifs ; une physionomie intelligente et douce. […] mon cher, une femme qui était d’une propreté si minutieuse, si méticuleuse, que cela passe toute imagination et elle m’avait fait querelle, quinze jours avant mon départ, de lui amener des amis dont les ongles étaient noirs. […] C’est à la fin du siècle dernier que quelques premiers rôles, mâtinés de tragédie, ont voulu jouer Harpagon à la manière noire et hurler tragiquement le monologue, oubliant cette phrase, de ce même monologue, qui est la clef du personnage : « Ils me regardent tous et se mettent à rire !  […] Vous voyez Mme Marie Laurent, femme du peuple, ronde d’allures, tendre de cœur, gaie de langage, aux petits soins pour l’être souffreteux qui lui sert de mari ; puis tout à coup vous la retrouvez sous les traits de la parvenue italienne : fière, sombre, farouche, emplissant de ses noires fureurs l’âme de son époux.

1206. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Il ne reprochait à la bête noire du jésuite persécuteur — et d’ailleurs en exagérant — que d’être mauvais poète. […] J’en aperçois pour ces tout derniers temps trois du Rouge et Noir, quatre de Racine et Shakespeare ! […] Un inconvénient moral ou social du réalisme est d’attacher trop d’importance au réel et à ses inévitables défauts, par suite de mener soit aux noirs chagrins, soit aux colères outrées et aux utopies révolutionnaires. […] Je pense qu’il n’a pas de si noirs desseins, et qu’à lui seul il n’exercera pas tant de ravages. […] Gide signale que tel sultan noir est l’unique propriétaire de tous les biens et de tous les hommes.

1207. (1895) Hommes et livres

Et voilà nos deux savants qui s’en vont, dans leur robe noire de Bénédictins, écouter l’office luthérien, ou voir célébrer dans une synagogue la fête des Tabernacles. […] À le rencontrer, on n’imaginerait pas qu’avec ce moine noir qui récite en marchant l’Itinerarium (ce sont les prières ordonnées pour les temps de voyage), c’est la science et la critique qui font leur chemin dans le monde. […] Ne vous étonnez pas qu’on annonce « le grand-duc Lelius », ou la « belle dame » Sophonisbe, qui du reste est une beauté « noire ». […] Au contraire, ceci est un aveu d’impuissance : « Monsieur le comte, c’est magie noire que de vouloir entendre les choses de la cour. […] J’aperçois ici et là des boiseries, une tenture de damas de Gênes jaune, des chaises de velours, une tapisserie de Flandre, une table à pieds dorés, « couverte d’un cuir qui paraissait avoir été rouge et bordé d’une crépine de faux or devenu noir par le laps de temps », une armoire d’ébène sculptée.

1208. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Les femmes éthiopiennes qui vinrent en Phénicie étaient noires. […] Mégabaze revient en Europe, attaque sur les bords de la mer Noire les Thraces, la nation, après les Indes, la plus nombreuse de l’Europe.

1209. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Et pourquoi ne le serait-elle pas   La trahison et l’adultère ne sont guère plus propres que l’ivrognerie : seulement ces crimes sont ceux des classes aristocratiques de la société ; on les cache sous l’habit noir, sous les jupes de satin ; la main sanglante est blanche, sous des gants blancs ; le vice est moins laid, éclairé par les candélabres, reflété par les glaces de Venise. […] Je suis descendu, j’ai parcouru, à travers un ennui noir et une répugnance écœurante, cet égout collecteur des mœurs et de la langue, enjambant, à chaque pas, des ruisseaux fangeux, des tas de linge sale humés avec ivresse par leurs ignobles brasseuses, Et ce que Bec-Salé vomit sur son chemin.

1210. (1927) Des romantiques à nous

Et c’est ce qui explique le complet échec de son premier et immortel roman : Le Rouge et le Noir, en 1831. […] C’est bien plutôt, tout ainsi que le Rouge et le Noir, un poème lyrique, qui n’a l’air d’être une « étude » que parce qu’il est haché menu dans l’exécution. […] Noire imagination qui n’est pas sans harmonie avec les couleurs d’incendie sombrement fastueuses de l’œuvre conclusive du maître : ce Crépuscule des Dieux, qu’il n’aurait, au cas où seraient fondés ces tragiques pressentiments d’histoire, que trop véridiquement nommé. […] Les quais extérieurs étaient noirs de monde.

1211. (1890) Dramaturges et romanciers

Le poète a oublié un instant son optimisme habituel ; il contemple d’un œil assuré le jeu impitoyable des passions qu’il a voulu peindre, il lit sans se troubler dans les replis de l’âme noire de Léonora ; il assiste sans pitié puérile et sans vaine compassion à l’inévitable martyre de Roswein. […] Supposez encore quelque psychologue à la noire analyse, Nathaniel Hawthorne par exemple, s’emparant de ce personnage, comme il aurait su faire ressortir les souffrances de ce malheur atroce, de cette infirmité fatale faite pour arracher des larmes au plus dur Dolope de la vie mondaine, l’impuissance d’être aimé ! […] Il a de la mélancolie, mais cette mélancolie s’arrête toujours à une tristesse souriante et ne l’entraîne jamais jusqu’à un noir pessimisme. […] Un galant ivre s’introduit dans l’appartement de sa voisine, qui, pour s’en débarrasser, s’avise de lui donner de l’opium ; l’ivrogne s’empare de la fiole, en avale le contenu et tombe inanimé ; la dame, qui le croit mort, s’empresse de fuir ce cadavre accusateur, mais un médecin appelé en toute hâte le ressuscite par quelques fortes doses de café noir. […] Sa gaieté robuste et de franc aloi ne dégénère jamais en sarcasmes irrévérencieux ou en railleries outrageantes pour la vertu ; même lorsqu’il en prend à son aise, il en use avec la morale comme nos pères en usaient avec les choses et les personnages de la religion, et sa gaillardise n’induit pas plus son honnêteté en scepticisme que leur foi n’était entamée par leurs plaisanteries traditionnelles sur l’ânesse de Balaam, saint Joseph et le roi noir.

1212. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

À chaque instant de gros nuages noirs s’amoncelaient au large, puis approchaient du rivage.

1213. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Peu après il partit pour sa belle terre de Veretz en Touraine, et se mit à penser de plus en plus sérieusement à la perte irréparable : « La retraite, dit M. de Chateaubriand (d’après Dom Gervaise), ne fit qu’augmenter sa douleur : une noire mélancolie prit la place de sa gaieté ; les nuits lui étaient insupportables ; il passait les jours à courir dans les bois, le long des rivières, sur les bords des étangs, appelant par son nom celle qui ne pouvait lui répondre. 

1214. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

À rangs égaux, en lignes sourcilleuses, Dès le matin des luttes fabuleuses, Aux flancs des monts vaguement éclairés, Les noirs soldats s’ébranlaient par degrés ; Dès qu’un rayon aux collines prochaines Montrait l’aurore, ils saluaient César ; Puis, tout le jour, à son jeu de hasard, Silencieux, ils épuisaient leurs veines ; Tant qu’à la fin, dans l’excès des combats, Noble immolée, ô France, tu tombas !

1215. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Nous avons été peu payé, avouons-le, de notre indiscrète recherche, en parcourant ces volumes de M. de Viellerglé, que le Miroir du temps rapprochait, quant au choix des sujets, des romans de Pigault et de Rétif, et que le libraire Pigoreau classait parmi les romans gais en opposition aux romans noirs, aux histoires de brigands et de fantômes.

1216. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Les flancs abaissés en larges degrés de ces montagnes descendent comme des plis de terre grisâtre vers le fond du vallon ; les pentes sont tachées çà et là de groupes de grands arbres noirs, cyprès, cèdres, sapins.

1217. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Les dégoûtés qui trouvent le sujet de Britannicus trop « noir », sont des petits-maîtres et de jolies dames qui n’entendent rien à l’art.

1218. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Un réalisme naïf ou grossier évoque les âmes à côté des corps, et de même sorte est le symbolisme qui revêt Jésus et le bon larron de chemises blanches, tandis qu’une chemise noire exprime l’irrémissible impénitence du mauvais larron.

1219. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Nous n’ignorons pas qu’il s’habillait volontiers tout de noir ou tout de blanc, qu’il tressaillait aux arquebusades imprévues, qu’il fit une grave chute de cheval, et fut une fois détroussé par des ligueurs, que sa maison ne fut pas mise en état de défense et resta ouverte pendant la guerre civile, qu’il était chevalier de Saint-Michel et bourgeois de Rome.

1220. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Le motif traité d’ensemble (au lieu de scinder et offrir sciemment une fraction), j’eusse évité, encore, de gréciser avec le nom très haut de Platon ; sans intention, moi, que d’un moderne venu directement exprimer comme l’arcane léger, dont le vêt, en public, son habit noir.

1221. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Probablement les yeux noirs de Zemfira, la fille du chef de la horde, sont pour quelque chose dans le choix de sa retraite.

1222. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

À gesticuler à tâtons dans le noir du destin, on risque toujours de blesser quelque puissance occulte et mystérieuse et d’en déchaîner la colère vengeresse.

1223. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Cette vierge dorée sur fond noir, ne se donne à personne, et vend ses refus plus chers que les plus célèbres impures ne font payer leurs faveurs.

1224. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

C’est la veine noire dans le marbre blanc ; elle circule partout, et apparaît à tout moment à l’improviste sous le ciseau.

1225. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Il écrit à sa marraine, c’est-à-dire celle qu’il appelait ainsi parce qu’elle lui avait donné un sobriquet, à Mme Jaubert : Il est donc vrai, vous vous plaignez aussi, Vous dont l’œil noir, gai comme un jour de fête, Du monde entier pourrait chasser l’ennui !

1226. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Elle quittait parfois sa terrasse et sa tourelle du Cayla, et s’enfermait une huitaine à ce Rayssac, par exemple, qu’elle nous a peint en trois coups, à la manière noire de son frère : « Rayssac, montagnes aux croupes de chameau, au front hérissé de forêts et de rochers, nature agreste et sauvage » Elle avait même ailleurs que dans son voisinage des amies épistolaires, qui devinrent plus tard des amies complètes, et c’est ici que nous touchons au grand événement et au seul bonheur, très vif, de cette existence que Dieu s’était, à ce qu’il semblait, particulièrement réservée : nous voulons dire au voyage à Paris de la bergère du Cayla et au mariage de son frère.

1227. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Et le voilà qui, pour concilier ses chances noires et sa jeune ardeur à la vie, décide qu’il vaincra, que par-delà le tombeau il veut travailler encore et que dans l’éternité il poursuivra sa tâche spirituelle terrestre.‌

1228. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Cela devait arriver tôt ou tard. » Ainsi, de jour en jour, au noir gouffre des heures S’en vont, à petits pas, demain, demain, demain ! […] … Quelle trahison noire ! […] Il relit un manuscrit commencé, et songe… Sa mère, un tablier bleu sur sa robe de laine noire, trôle dans la salle, ouvre des meubles, prépare un petit repassage… Ce va-et-vient derrière son dos exaspère Paul Rémond. […] Toute l’action se passe entre des femmes de noir vêtues, — sous les yeux du Pape et du comte de Chambord, comme je l’ai indiqué au commencement.

1229. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Dès sa première entrée, sous son pourpoint noir et son teint olivâtre, comme c’était cela ! […] D’une pâleur mate et quelque peu olivâtre ; le front solide sous les touffes noires ; les sourcils serpentins ; de beaux yeux cléments ; la bouche un peu distante du nez court, incorrect et vivant ; une bouche un peu grande, grave au repos, mais incroyablement mobile et « plastique » (au vrai sens du mot)… je n’ai pas vu de comédienne qui jouât autant avec sa figure, ni dont la physionomie se pliât à un si grand nombre d’expressions, ni si diverses, ni si extrêmes. […] Cet industriel noceur est un peu banal, mais non désagréable en somme, ni vieux ni laid, et le sentiment qu’il a pour Rosine est relativement « sérieux. » D’autre part, si Rosine le repousse encore, c’est, dès demain, la misère noire. […] Voltaire étant sa bête noire, il a merveilleusement vu tout le faible de son théâtre, et que ses tragédies glissent au mélodrame. […] Oui, plus j’y songe, et plus il me semble que cette conclusion est en désaccord avec le reste de la scène et que l’auteur l’a plaquée là pour nous secouer, pour nous faire peur, et pour nous montrer de quoi il est capable, lui aussi, dans le noir, l’amer et le féroce.

1230. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Vous retrouvez l’Anglo-Saxon chez un Marlowe, chez un Ben Jonson, mais partiellement, fragmentairement, par atomes et par parcelles : la férocité, batailleuse et l’orgueil du moi chez Marlowe, l’âpreté de la convoitise et l’appétit de la bête de proie chez Ben Jonson, l’humeur sombre et l’inclination à la mélancolie noire chez Webster. […] Lord Herbert, ne pouvant imaginer que l’homme simplement vêtu de noir et sans aucune escorte qui l’interrogeait fût le gouverneur de la ville, répondit brusquement aux questions que M. de Saint-Chaumont lui adressa. […] Dans Othello, le Maure passionné, imaginatif, sensible aux blessures de l’honneur, s’évanouissait, et à sa place il ne restait qu’un vilain homme, noir comme du charbon, qui assassinait méchamment une gentille petite femme blanche. […] L’humanité leur apparaît à tous deux sous le même aspect, un aspect noir, sec, grimaçant, bizarre et compliqué. […] Ainsi Hall Stevenson, supérieur de l’ordre, se nommait le cousin Antoine ; Sterne était connu sous le nom de l’Oiseau noir (Blackbird), un certain révérend Lascelles sous celui de Panty, diminutif de Pantagruel, etc.

1231. (1802) Études sur Molière pp. -355

« Il n’était, dit-elle, ni gras ni maigre ; il avait la taille plus grande que petite, le port noble, la jambe belle ; il marchait gravement, avait l’air très sérieux, le nez gros, la bouche grande, les lèvres épaisses, le teint brun, les sourcils noirs et forts, et les divers mouvements qu’il leur donnait, lui rendaient la physionomie extrêmement mobile. » Tout cela pouvait faire de Molière un acteur aussi cher à Melpomène qu’à Thalie, mais un hoquet ou tic de gorge, qu’il avait contracté en voulant corriger la volubilité de sa langue, le rendit toujours insupportable dans le genre sérieux : il sauvait ce désagrément dans la comédie, par la vérité avec laquelle il exprimait un sentiment, et par l’art qu’il mettait jusque dans les moindres détails de son jeu. […] « Baron représentait, dit-on, le rôle de Sganarelle, avec un habit de velours noir, plus négligé que celui de son frère, mais fait de manière à marquer la bizarrerie, et non l’extravagance. » Je doute que Baron ait représenté le rôle de Sganarelle, celui d’Ariste lui convenait mieux ; et d’après cette dernière supposition, puisque Baron était bon comédien, je devine non seulement comment il était mis, mais je vois encore d’ici la couleur de sa perruque, l’âge qu’il se donnait, la mine, le caractère qu’il prenait ; j’entends même jusqu’au son de sa voix. […] Baron dans ce rôle, portait aussi sans doute une perruque noire, puisque je lis : Cela sent son vieillard, qui, pour s’en faire accroire, Cache ses cheveux blancs d’une perruque noire. et cependant l’Ariste que j’ai vu ces jours derniers, coiffé d’une perruque blonde bien poudrée, entendit sans se déconcerter le dernier hémistiche de ces vers, et le public aveugle, glissa la dessus, sans distinguer le blanc du noir. […] » Il n’a pas eu la mise d’un cuistre, comme celui-ci… ; il ne s’est donné ni le ton ni la perruque noire et plate d’un pénitent, comme celui-là… ; mais d’abord souple, insinuant, observateur surtout, il ne s’est rien permis qu’avec circonspection ; j’ai même cru voir que le cafard disparaissait, pour faire place à l’homme aimable, à mesure qu’il concevait l’espérance de plaire à une femme élevée dans la bonne société : je ne lui aurais enfin désiré, dans cette scène, que plus de chaleur concentrée, et une âme remplie de la ferveur qu’il annonce par ces vers : J’aurai toujours pour vous, oh suave merveille !

1232. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

« Un jour le roi de Bohême réfugié en Hollande, étant à la chasse, et par hasard ayant entré, suivant un lièvre, avec des chiens et des chevaux dans un petit champ qu’on avait semé de quenolles (navets), le fermier du lieu, en son habit de fête de drap d’Espagne noir, avec une camisole de ratine de Florence, à gros boutons d’argent massif, courant avec un grand valet qu’il avait à la rencontre du prince, ayant chacun une grande fourche ferrée à la main, et sans le saluer, lui dit en grondant : « Roi de Bohême, roi de Bohême, pourquoi viens-tu perdre mon champ de quenolles que j’ai eu tant de peine à semer ?  […] Qui est-ce qui me montrera la chaumine du bûcheron bâtie de bois et de boue, ayant un trou pour cheminée, toute noire de fumée aveuglante ?

1233. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Sans le mélange dont je viens de parler, les gens de qualité de Perse seraient les plus laids hommes du monde ; car ils sont originaires de ces pays, entre la mer Caspienne et la Chine, qu’on appelle la Tartarie, dont les habitants, qui sont les plus laids hommes de l’Asie, sont petits et gros, ont les yeux et le nez à la chinoise, les visages plats et larges, et le teint mêlé de jaune et de noir fort désagréable. […] Chardin avait passé cette fois par Constantinople et par la mer Noire ; il débarqua ses marchandises et ses bijoux au pied du Caucase, et les achemina par la Géorgie, la Mongolie, et tous ces petits royaumes, moitié chrétiens, moitié barbares, qui bordent la Perse du côté du Pont-Euxin.

1234. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Ces eunuques, qui servent dans le sérail, ont leurs logements sur les dehors, et loin des femmes, et il n’y a que les eunuques vieux et noirs qui les fréquentent et qui les servent à faire leurs messages. […] Vous ne pouvez donc pas sans injustice ou, pour mieux dire, sans une noire trahison, oublier l’aîné et le sacrifier et à vos passions et aux intérêts de son cadet.

1235. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

Un flacon d’ammoniaque présenté comme eau de Cologne prend une odeur délicieuse ; une poudre noire présentée comme prise de tabac, ou même simplement l’idée du tabac, provoque l’éternuement. […] Dinet explique ces faits par le « point de repère » que fournit le petit trait noir tracé sur la carte, et qui est devenu le noyau de l’hallucination » Ces phénomènes hypnotiques prouvent que des images toutes cérébrales peuvent être projetées sous forme d’objets réels.

1236. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Dans l’Amérique du Nord, Hearne a vu l’Ours noir nager pendant des heures, la bouche toute grande ouverte, comme une Baleine, pour attraper des insectes aquatiques. […] S’il n’existait que des Pics de couleur verte, ou si nous ignorions qu’il y en a des noirs et des bigarrés, j’ose affirmer que nous eussions regardé la couleur verte comme une admirable adaptation de la nature destinée à dérober aux regards de ses ennemis cet habitant des forêts.

1237. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Elle ne soupçonne un gisement de fer que si les roches du dessus sont toutes rouillées, un de charbon que si l’on piétine une poussière noire . […] Parfois les ombres des invités se détachaient minces et noires, en écran, devant les lampes, comme ces petites gravures qu’on intercale de place en place dans un abat-jour translucide dont les autres feuillets ne sont que clarté. […] Parfois les ombres des invités se détachaient minces et noires, en écran, devant les lampes, comme ces petites gravures qu’on intercale de place en place dans un abat-jour translucide dont les autres feuillets ne sont que clarté. […] La tête penchée, le visage grave, il clignait des yeux, les sourcils légèrement froncés comme par un effort d’attention passionnée, et de sa main gauche il poussait obstinément entre ses lèvres le bout de sa petite moustache noire, qu’il mordillait.

1238. (1932) Les idées politiques de la France

Pour s’être laissé conduire par la Libre Parole dans l’affaire Dreyfus, le clergé français a paru devant le pays un bloc noir d’action antirépublicaine. […] C’est une manière de Rouge et Noir 1930. […] Et le militant libre penseur, le lanternier, l’apôtre cantonal de la raison, le lieutenant de louveterie officiel de la chasse à l’homme noir sorti de dessous terre, sont des types révolus. […] Et en commémorant, en 1931, le centenaire de la Chronique de 1830, soit du Rouge et Noir, n’avons-nous pas retrouvé, sous sa première forme romanesque, le tableau de notre diversité politique, avec d’autres couleurs peut-être, juxtaposées dans le pays comme elles le sont sur son drapeau, les blancs, les bleus, les rouges ?

1239. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

L’Éternité lui envoie ses sphinx, à qui « elle n’a donné pour dais sur leur tête que son ciel vide ; sous leur griffe, que son chaos ; pour repaire, que son noir abîme. » Pour l’Égypte, empire des sphinx et des tombeaux, le temps est une espèce d’éternité ; aucunes pulsations de sa pensée ne constatent la succession des moments et des siècles ; à mesure que se présente une jeune année, — « les sphinx attachent à sa robe une ceinture de ténèbres ». […] La nuit, en hiver, ne serait pas assez brune ; la neige, à Noël, ne serait pas assez blanche ; pour me faire ma tour, le bois d’ébène ne serait pas assez noir ; pour me faire mon voile, le firmament ne serait pas assez long. […] Vraiment, lorsqu’on sort d’Ahasvérus pour entrer dans l’Évangile, on croit voir autour de soi succéder à la noire humidité du sépulcre la douce et chaude clarté d’un soleil du printemps.

1240. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Dans un dernier chapitre que Chateaubriand, trente ans après l’avoir écrit, appelle « une sorte d’orgie noire d’un cœur blessé et d’un esprit malade », il se soulage et dit tout. […] Mais « il lui prenait des accès de pensées noires que j’avais peine à dissiper : à dix-sept ans, elle déplorait la perte de ses jeunes années ; elle se voulait ensevelir dans un cloître. » Et sans doute, dans les Mémoires, il n’indique pas que Lucile ait été amoureuse de lui, ni qu’il s’en soit aperçu. […] Vous vous rappelez ces images et ce rythme : Parés de la dépouille des ours, des veaux marins, des aurochs et des sangliers, les Francs se montraient de loin comme un troupeau de bêtes féroces… Les yeux de ces barbares ont la couleur d’une mer orageuse… Sur une grève… on apercevait leur camp… Il était rempli de femmes et d’enfants, et retranché avec des bateaux de cuir et des chariots attelés de grands bœufs… Le roi chevelu pressait une cavale stérile, moitié blanche, moitié noire, élevée parmi les troupeaux de rennes et de chevreuils, dans les haras de Pharamond… Chef à la longue chevelure, je vais t’asseoir autrement, sur le trône d’Hercule le Gaulois… Esclave romain, ne crains-tu pas ma framée ?… Les femmes des barbares… vêtues de robes noires… arrêtent par la barbe le Sicambre qui fuit, et le ramènent au combat… Puis, la marée d’équinoxe qui envahit le camp des Francs et en chasse les Romains : Les bœufs épouvantés nagent avec les chariots qu’ils entraînent ; ils ne laissent voir au-dessus des vagues que leurs cornes recourbées et ressemblent à une multitude de fleuves qui auraient apporté eux-mêmes leurs tributs à l’Océan… Mérovée s’était fait une nacelle d’un large bouclier d’osier : porté sur cette conque guerrière, il nous poursuivait escorté de ses pairs qui bondissaient autour de lui comme des tritons. […] Il rapporte les compliments qu’on lui fait sur sa jeunesse, et les étonnements sur ses cheveux noirs, et cela signifie qu’il a soixante-cinq ans, et que cela l’ennuie bien, et qu’il ne veut pas vieillir.

1241. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Nous avons dit à dessein une absence presque complète ; car, dans sa première tragédie, la Mort de Brute et de Porcie, jouée en 1637, au milieu de très-beaux vers, on trouve cette description pitoyable d’une bataille : Ce fut lors que l’Enfer fit voir en abrégé, Ce qu’il a de plus noir et de plus enragé. […] Ainsi, dans la pièce de Gilbert, lorsque Thésée exile son fils, Hippolyte répond : Si je suis exilé pour un crime si noir, Hélas ! […] Une sœur vagabonde, aux crins plus noirs que blonds, Va partout l’univers promener deux tétons, Dont, malgré son pays, Damon est idolâtre. […] Ce fut une furie, aux crins plus noirs que blonds, Qui leur pressa du pus de ses affreux tétons Ce sonnet qu’en secret leur cabale idolâtre. […] « Je prie Votre Altesse de m’excuser, dit le poëte, je ne sais pas la chronologie. » La Troade, représentée en 1679, fut parodiée de la manière suivante, dans un sonnet de Racine : D’un crêpe noir, Hécube embéguinée, Lamente, pleure et grimace toujours ; Dames en deuil courent à son secours ; Oncques ne fut plus lugubre journée.

1242. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Sa strophe, accommodée à Rollin, aurait déploré tout haut la ruine du Château de Colombe, et noté à sa manière la Bande noire, contre laquelle allait tonner Victor Hugo. […] Le noir Chaos s’ébranle, et, de ses flancs ouverts, Tout écumant de feux, tu jaillis dans les airs. […] Cet injurieux bulletin arriva à travers le vote de je ne sais quelle loi fort innocente (une portion du Code d’instruction criminelle, je crois), qui essuya du coup plus de quatre-vingts boules noires ; ce qui, de mémoire de Corps législatif, ne s’était guère vu.

1243. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

L’eau était si noire et si profonde112, que la certitude d’un prompt repos me tentait beaucoup ; mais j’étais avec deux matelots qui m’auraient repêché, et je ne veux pas me noyer comme je me suis empoisonné, pour rien. […]   « Flore a accouché avant-hier au soir de cinq petits, dont un ressemble à Jaman, à l’exception des taches noires de cet illustre chien sur le dos, que son fils n’a pas. Il est tout blanc et n’a de noir que les deux oreilles.

1244. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

. —  Tu vois en moi le crépuscule d’un jour — qui, après le soleil couché, s’évanouit à l’occident, —  et que, par degrés, engloutit la nuit noire, —  la nuit, sœur jumelle de la mort, qui clôt tout dans le repos208… Ne pleure pas sur moi quand je serai mort ; —  du moins cesse de pleurer quand cessera de tinter la morne cloche morose, —  avertissant le monde que je me suis enfui de ce monde abject pour habiter avec les plus abjects des vers. —  Ne vous souvenez pas même, si vous lisez ces lignes — de la main qui les a écrites : car je vous aime tant — que je voudrais être oublié dans votre chère pensée, —  si penser à moi vous a faisait quelque peine209. » Ces subites alternatives de joie et de tristesse, ces ravissements divins et ces grandes mélancolies, ces tendresses exquises, et ces abattements féminins, peignent le poëte extrême dans ses émotions, incessamment troublé de douleur ou d’allégresse, sensible au moindre choc, plus puissant, plus délicat pour jouir et souffrir que les autres hommes, capable de rêves plus intenses et plus doux, en qui s’agitait un monde imaginaire d’êtres gracieux ou terribles, tous passionnés comme leur auteur. […] pauvre Roméo, dit Mercutio, il est déjà mort, poignardé par l’œil noir d’une blanche beauté ! […] Un rayon de soleil égaré sur un vieux mur, une folle chanson jetée au milieu d’un drame les occupaient aussi bien que la plus noire catastrophe.

1245. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Ils ont foi en eux-mêmes, et avec une telle force, on vit vieux, plein de santé, et à cinquante ans on a les cheveux noirs. […] Des sentiments, ils n’en ont pas ; des caractères, il en est à peine question ; la réalité se sauve en baissant les yeux, l’histoire est traitée par-dessous la jambe, mais ce sont des Mousquetaires, tout est permis à l’auteur, pourvu qu’il ne s’attaque pas à notre habit noir moderne, car alors il ne s’agit plus de contes bleus, de coups d’épée d’ogres et de gargantuas, d’actions impossibles, il est nécessaire de peindre des sentiments réels, des mœurs que chacun est à même d’observer, l’auteur est tenu d’étudier attentivement l’enchaînement des faits, de peindre des objets réels, et là est la difficulté de l’art moderne. […] Ce que les artistes appellent costume, c’est-à-dire mille brimborions (des plumes, des mouches, des aigrettes, etc.), peut amuser un moment les esprits frivoles ; mais la représentation sérieuse de la personnalité actuelle, les chapeaux ronds, les habits noirs, les souliers vernis ou les sabots de paysans, est bien autrement intéressante5.

1246. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

En attendant, on le mit en nourrice au village de Plancoët ; il s’attacha fort à sa bonne nourrice, la Villeneuve, qui seule le préférait ; il s’attacha d’une amitié bien délicate, en grandissant, à la quatrième de ses sœurs, négligée comme lui, rêveuse et souffrante, et qu’il nous peint d’abord l’air malheureux, maigre, trop grande pour son âge, attitude timide, robe disproportionnée, avec un collier de fer garni de velours brun au cou, et une toque d’étoffe noire sur la tête.

1247. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Roland estimait les écrits sur les Noirs, les Lettres au marquis de Chastellux, et qui fondait alors le Patriote, et aussi avec Bancal, qui venait de quitter le notariat, pour s’adonner aux lettres, à la politique, et que Lanthenas, ami intime et domestique des Roland, avait rencontré durant un voyage dans la capitale.

1248. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

C’est plaisir de retrouver, dans le Neveu de Hameau, la redingote de peluche grise avec laquelle il se promenait au Luxembourg en été, dans l’allée des Soupirs, et de le voir trottant, au sortir de là, sur le pavé de Paris, en manchettes déchirées et en bas de laine noire recousus par derrière avec du fil blanc.

1249. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Mais ces accompagnements, étant différents, ne peuvent renaître ensemble ; les traits contenus dans l’ovale du même visage ne peuvent être à la fois souriants et sévères ; la façade du même palais ne peut être à la fois d’un noir intense, comme lorsque le soleil se couche par derrière, et d’un rose lumineux, comme lorsque le soleil se lève par devant.

1250. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Ses effets paraissaient trop crus, et blessaient l’optimisme galant des salons : Saint-Evremond, un homme d’esprit, trouvait Britannicus trop noir ; et la pièce, en effet, n’est pas « consolante ».

1251. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Je ne puis que rappeler ici les canards sauvages, le cou tendu et l’aile sifflante, s’abattant tout d’un coup sur quelque étang, lorsque la vapeur du soir enveloppe la vallée — le jour bleuâtre et velouté de la lune descendant dans les intervalles des arbres, et ce gémissement de la hulotte qui avec la chute de quelques feuilles ou le passage d’un veut subit remplit seul le silence nocturne— les premiers reflets du jour glaçant de rose les ailes noires et lustrées des corbeaux de l’Acropole — ces Arabes accroupis autour d’un l’eu dont les reflets colorent leurs visages, tandis que quelques têtes de chameaux s’avançaient au-dessus de la troupe et se dessinaient dans l’ombre 664.

1252. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

On est donc religieux ; n’est-il pas d’une délicieuse élégance de raconter une scélératesse bien noire avec des mots sacrés ?

1253. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

S’ils sont habillés de noir, c’est signe que Diane leur a donné quelque sujet de tristesse d’incarnat, c’est aveu de souffrance ; de vert ou de bleu, c’est marque d’espérance ou de jalousie.

1254. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

La raison en est simple et nous renvoyons à tous les traités de physiologie pour l’explication du phénomène dans lequel un carré lumineux détaché sur fond noir paraît plus grand qu’il ne devrait : ajoutons que, les dimensions du tableau grandissant, l’intensité de la lumière qui y est répartie devrait diminuer proportionnellement ; mais l’obscurité presque absolue qui entoure la scène fait encore paraître la lumière assez vive, bien que toujours douce et fondue.

1255. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

sans cet homme noir, je n’aurais pu t’aimer ?

1256. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Noire œuvre est assez grande pour se passer de nos commentaires ; nos actes instruiront ceux qui auront la curiosité de connaître nos pensées, et tous nos avertissements seraient inutiles pour mettre en garde contre nos fautes les hommes qui, venus après nous, n’acquerront notre sagesse qu’au prix des mêmes malheurs37.

1257. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

On en préparoit une traduction françoise dans le dernier siécle, qui fut arrêtée par l’ouvrage du fameux le Noir, Théologal de Seez, intitulé : Les nouvelles lumieres politiques pour le gouvernement de l’Eglise, ou le nouvel Evangile du Cardinal Palavicin révélé par lui dans son histoire du Concile de Trente.

1258. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

, p. 389-390 : poème qui raconte une soirée solitaire au Théâtre-Français : « Je vis que devant moi, se balançait gaiement / Sous une tresse noire un cou svelte et charmant ; / Et voyant cet ébène enchâssé dans l’ivoire, / Un vers d’André Chénier chanta dans ma mémoire, / Un vers presque inconnu, refrain inachevé, / frais comme le hasard, moins écrit que rêvé. »] 236.

1259. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Nos noms unis perceront l’ombre noire ; Vous régnerez longtemps dans la mémoire Après avoir régné jusques ici Dans les esprits, dans les cœurs même aussi… Philis, vous seriez la première, Vous auriez eu mon âme tout entière, Si de mes vœux j’eusse pu présumer.

1260. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

La couronne de cette reine de France anonyme est restée cachée sous le voile noir qui convenait si bien à l’austérité de sa vie.

1261. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Elle paraît noire, et quand l’œil y plonge, on est tout surpris d’y voir clair… Les figures y flottent dans je ne sais quelle blonde atmosphère qui fait évanouir les contours. » Voici maintenant qu’il écoute le silence : « Le silence est un des charmes les plus subtils de ce pays solitaire et vide.

1262. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Il n’est pas jusqu’à leurs monstres, j’allais dire leurs héros, que ces messieurs ne peignent plus noirs qu’ils ne sont.

1263. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Ptolémée le Magnifique domine également une part de la Phénicie, de l’Arabie, de la Syrie et des noirs Éthiopiens.

1264. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

tu es notre droite, notre salut et noire gloire.

1265. (1894) Études littéraires : seizième siècle

ô douce noire nuit ! […] Voici maintenant les pédants, les professeurs de scolastique, les bourreaux de jeunesse, la tourbe noire de Montaigu. […] Fréquentant peu les compagnies, très retiré, peu causeur, n’aimant à parler que pour faire une leçon ou discuter, c’était à cette époque un jeune homme de moyenne taille, d’aspect grave, maigre déjà, le teint brun et pâle, le nez aquilin, la barbe noire, rare et taillée en pointe. Ses yeux noirs éclataient d’un feu ardent ; sa voix était forte, sonore et comme métallique.

1266. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Nous avons déjà vu combien il est essentiel dans un troupeau de Moutons blancs de détruire tout agneau portant les plus petites taches noires, et qu’en Floride la couleur décide de la vie ou de la mort des Porcs exposés à manger d’une certaine racine64 ? […] Dans le comté d’York, on sait historiquement que l’ancien bétail noir a cédé la place aux Bœufs à longues cornes, et que ceux-ci ont été balayés à leur tour par les Bœufs à petites cornes, « comme par une peste meurtrière », dit un écrivain agronome.

1267. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

» MICHELET De ces muses alternées, la noire, l’affreuse fut la première inspiratrice de son talent d’écrivain. […] Son insuccès sombre, sa vie gâtée, bien pis : rapetissée, son oscillation éternelle d’une espérance hallucinée à un noir déboire. […] Les lieux où Senancour trouve le plus d’harmonie avec lui-même, c’est les hautes vallées ; dans une enceinte noire de bois, des prairies à peine animées par le bruissement du feuillage et de l’eau, et, si quelque être vivant figure dans ces muets spectacles, que la distance l’immobilise ; les lentes modifications du jour dans une clairière ; une avenue oubliée où la mousse étouffe les pas. […] Les pages les plus nihilistes de l’Essai sur les Révolutions (« orgie noire d’un cœur blessé », les qualifiait lui-même) sont déclamation de jeune homme à côté de la dernière partie des Mémoires, ce testament intellectuel, incandescent et glacé comme lui, où il scrute avec une sorte de rage satisfaite les causes de décadence et de mort que l’Europe moderne porte en elle, comme pour les envenimer de sa propre passion et y ajouter ce qu’il peut de définitif et d’irrémédiable Il ne voulait pas « s’asseoir au bord de la fosse » sans avoir sonné le glas de tout ce qui fut grand et illustre et découragé royalement le monde. […] Cherches-y quelque chose D’étrange, d’insensé, d’horrible et d’inouï, Une fatalité dont on est ébloui Oui, compose un poison affreux, creuse un abîme Plus sourd que la folie et plus noir que le crime, Tu n’approcheras pas encor de mon secret.

1268. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Il n’a gagné la faveur d’Athalie que par les flateries les plus basses et les plus noires impostures. […] Ce caractere, tout odieux, tout excessif qu’il est, ne laisse pas d’être naturel ; et il n’y a que trop d’ambitieux qui lui ressemblent : mais ce qui n’est plus dans la nature, c’est qu’il se peigne lui-même à son confident sous d’aussi noires couleurs. […] Mais Cinna lui-même est un exemple du second défaut, puisque dans le cours de la piece, il se rend coupable de la plus noire perfidie. […] Combien de fois avez-vous éprouvé comme Despreaux que la rime quinteuse disoit noir, quand vous vouliez dire blanc ?

1269. (1910) Rousseau contre Molière

Mais Alceste est précisément, quoique en moins noir, ce que Rousseau était. […] La comédie pessimiste, la comédie noire, n’est profitable qu’à la partie du public qui est très intelligente et très capable de réfléchir. […] Je n’y vois pour ta flamme aucun lieu de murmure ;           Et c’est moi, dans cette aventure, Qui, tout dieu que je suis, dois être le jaloux… Sors donc des noirs chagrins que ton cœur a soufferts, Et rends le calme entier à l’ardeur qui te brûle : Chez toi doit naître un fils qui, sous le nom d’Hercule, Remplira de ses faits tout le vaste univers. […] On y pouvait voir aussi, et c’est ce qu’on y a vu le plus, depuis, pour l’incriminer, un portrait de « méchant homme » où beaucoup de traits sont favorables au méchant homme : Don Juan est brave, généreux, charitable et se jette au danger pour sauver des gens qu’il ne connaît pas ; pourquoi ces éléments de sympathie ajoutés au portrait d’un scélérat ; pourquoi Molière semble-t-il craindre de faire Don Juan trop noir ? […] J’entends que la mienne Vive à ma fantaisie, et non pas à la sienne, Que d’une serge honnête elle ait son vêtement, Et ne porte le noir qu’aux bons jours seulement ; Qu’enfermée au logis, en personne bien sage, Elle s’applique toute aux choses du ménage, A recoudre mon linge aux heures de loisir, Ou bien à tricoter quelque bas par plaisir.

1270. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Sur sa noire jument, à la tête étoilée, Il allait, en causant, sous la nuit de l’allée, Comme sa sombre vie au fond de l’inconnu ; Il n’avait plus d’étoile, et son ciel était nu.

1271. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Pradon ne nous en dit pas plus, avec plus d’aigreur, quand dans de mauvais vers oubliés, il représente « les Messieurs du Sublime », une longue rapière au côté, importunant les généraux, moqués des soldats, notant sur leur carnet des termes de l’argot militaire, ici jetés par leur cheval dans un noir bourbier, là tirant de longues lunettes pour regarder l’ennemi de très loin.

1272. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Avec ces moyens d’agir, on ne juge pas, on tire au sort lorsque, brusquement, on est mis en demeure de dire blanc ou noir.

1273. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

« Les femmes, dont surtout il cherche le suffrage, « En faveur du lecteur applaudiront l’ouvrage. » Aussitôt fait que dit : le jeune homme charmé De ses doigts délicats tire un gant parfumé, Caresse, d’une main plus blanche que l’ivoire, Sa blonde chevelure et sa moustache noire, Et, se levant au bruit d’un murmure flatteur, Reçoit le manuscrit sans regarder l’auteur.

1274. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

La statue neuve, toute blanche et or, trônant sur l’autel avec ses belles coiffes fraîchement empesées, ne recevait presque pas de prières ; il fallut conserver dans un coin le tronc noir, calciné : tous les hommages allaient à celui-ci.

1275. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

  I Dans le grand parc mondain et joli, par les soirées chaudes quelque rêveur s’attarde sur un banc, tandis que les arbres, au loin, cisèlent de noires images vacillantes le spectacle étoilé du ciel, et que passent enlacés, ou bien s’assoient, les couples élégiaques.

1276. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Du conflit des idées elle tire une idée nouvelle, qui ne doit aux idées d’où elle sort que parfois les lettres qui forment leur commune armature ; la langue transporte à volonté l’idée de rouge au mot noir, ou l’idée de tuer au mot protéger : et cela est très clair.

1277. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Qu’un stoïque aux yeux secs vole embrasser la mort, Moi je pleure et j’espère ; au noir souffle du nord         Je plie et relève ma tête.

1278. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Qu’au lieu d’Amaryllis, de Diane et d’Aminte On ne trouve chez toi que vilains bûcherons, Charbonniers noirs comme démons, Qui t’accommodent de manière Que tu sois à tous les larrons Ce qu’on appelle un cimetière ! 

1279. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Je les repais de vent, que je mets à haut prix ; Prends garde à ce qui peut allécher leurs esprits ; Sais toujours applaudir, jamais ne contredire ; Etre de tous avis, en rien ne les dédire ; Du blanc donner au noir la couleur et le nom ; Dire sur même point tantôt oui, tantôt non.

1280. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Le poète de La Légende des Siècles avait à lui toutes les légendes, c’est-à-dire l’Histoire ondoyante, incertaine, indémontrable, mais apparente quoique mystérieuse, nuée des mille reflets de l’arc-en-ciel, colorée de soleil ou de foudre, veloutée sous l’estompe bleue de la distance ou sous l’estompe noire du temps.

1281. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Nous frappons, on ouvre, et dans la nuit noire, vingt soldats, amateurs et musiciens, nous accueillent, parmi lesquels mon compatriote, le fils d’un ami de ma jeunesse, et qui ne s’est pas nommé !

1282. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Ce sont des caracteres noirs, tracés sur du papier blanc. […] J’ouvre un volume de la nouvelle Héloïse de Rousseau ; c’est encore du noir sur du papier ; mais, tout-à-coup, je deviens attentif ; je m’anime ; je m’échauffe ; je m’enflâme, je suis agité de mille mouvemens divers. […] Le titre est noir & sanglant.

1283. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Et ce qui domine dans ces réflexions judicieuses, c’est, en somme, l’indulgence : c’est une mélancolie de la meilleure qualité, je veux dire une tristesse aimable et fine, que laisse le spectacle du monde vu tel qu’il est, ni trop en rose ni trop en noir, et qui suppose bien plus d’esprit encore et de jugement que d’aspirations vagues et d’imagination. […] Comment peut-on être fondé, pour ne citer qu’un exemple, à mettre sur le même pied madame Sand, qui a élevé à des hauteurs idéales des passions coupables, et Balzac, dont la noire imagination a calomnié jusqu’à nos vices ? […] Je me borne à citer les premiers mots ; ils suffisent : « Le Rouge et le Noir, la Chartreuse de Parme sont de prétendues peintures de la société… » Appeler, sans plus de façons, prétendu peintre le dernier représentant qu’ait eu la psychologie délicate et passionnée de Racine ! […] Des espaces lumineux de la fantaisie, les âmes noires sont proscrites ; elles les envelopperaient de leurs ténèbres. […] Écoute ceci, et dis-moi si l’esprit, le pur esprit, l’esprit tempéré et fin, l’esprit qui se contient et qui se gouverne, la plus intime essence de nous-mêmes enfin, gens de Paris, de Gascogne et de Champagne, ne peut pas être une source de poésie tout aussi bien que l’imagination exaltée et noire, les passions furieuses, le cœur qui se ronge et l’hypocondrie ? 

1284. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

J’ai consulté d’après mes règles l’étoile de sa nativité, et je trouve qu’il mourra infailliblement le 29 mars prochain, à onze heures du soir environ, d’une fièvre chaude ; c’est pourquoi je l’avertis d’y songer et de mettre ordre à ses affaires984. » Le 29 mars étant passé, il raconte que l’entrepreneur des pompes funèbres est venu pour tendre de noir l’appartement de Partridge ; puis Ned le fossoyeur, demandant si la fosse sera revêtue de briques ou ordinaire ; puis M.  […] Si certains morceaux d’hermine et de fourrure sont placés en un certain endroit, nous les appelons un juge ; de même une réunion convenable de linon et de satin noir se nomme un évêque1004. » — Ils prouvaient aussi que le vêtement est l’âme, et encore par l’Écriture, car c’est en lui que nous avons le mouvement, la vie et l’être. » C’est pourquoi nos trois frères, n’ayant que des habits fort simples, se trouvèrent très-embarrassés.

1285. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Son imagination lui retrace des hommes noirs qui ont pris son enfance malléable et crédule, et lui ont gravé dans la tête des idées superstitieuses ou des débris de vérités antiques dont eux-mêmes n’avaient plus le sens. […] Retournera-t-il vers ses éducateurs les hommes noirs ?

1286. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Par contre il y a quelque chose de désarmant, de vraiment touchant à voir l’opiniâtreté forcenée, frénétique, l’entêtement, l’efforcement, la persévérance, l’endurance, la force d’illusion sur soi, la méconnaissance de soi, la constance extraordinaire, l’application, le studieux, le sérieux, la patience, le scolaire avec lequel Corneille s’est efforcé pendant toute l’immense deuxième moitié de sa carrière, Le sort, qui de l’honneur nous ouvre la barrière, Offre à notre constance une illustre matière ; s’est appliqué laborieusement à faire des criminels extraordinaires, plus noirs que le noir de fumée, sans jamais parvenir, le vieux et le maître, avec tout ce labeur, malgré tout ce labeur, à faire un seul être disgracié. […] C’était vraiment, réellement, littéralement une magie, un charme ; et plutôt une magie noire qu’une magie blanche.

1287. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Au brillant des cheveux blonds ou noirs se lie toujours la sensation du soyeux que la main éprouverait en les caressant. […] Quand le vaisseau approche, son énormité devient visible ; mais elle se meut avec tant d’aisance qu’elle effraye à peine ; tout alentour l’eau bouillonne, refoulée par l’hélice invisible ; bientôt ce sont des sifflets, des cris, des hurlements, des rugissements (comme ceux de la « sirène »), qui semblent les éclats de joie d’un monstre épouvantable et pourtant docile ; on le voit bondir, souffler, haleter dans l’écume blanche qui ceint sa masse noire. […] L’obscurité dans l’œuvre d’art vient alors de la largeur même des horizons qu’elle nous ouvre : c’est ainsi que le ciel, sur les hautes montagnes, paraît noir, par cela même qu’il verse directement sur nous toute la lumière des espaces infinis. […] Si on peut faire un reproche à Victor Hugo, c’est d’avoir encore trop usé du merveilleux dans ses vers, où les fantômes blancs et noirs, les spectres, les anges gardiens, les voix, les houris jouent un rôle si considérable et nous font malgré nous sourire. […] Comme exemple d’un sentiment profond d’amour mêlé au vertige de l’immensité, nous citerons une petite pièce sans titre du Ve livre des Contemplations : « J’ai cueilli cette fleur pour toi, ma bien-aimée. » La fleur dont il s’agit, pâle et sans autre senteur que celle des « glauques goémons », croissait aux fentes d’un rocher, sur la crête d’une falaise, au-dessus de l’immense abîme où disparaissent « le nuage et les voiles ». — « J’ai cueilli cette fleur pour toi, ma bien-aimée », reprend le poète, et sa pensée, se tournant vers celle qu’il aime pour revenir encore une fois vers les flots assombris, hésitante entre les deux infinis de l’amour et de l’océan, reste pour ainsi dire suspendue, comme la fleur même, au-dessus de l’immensité qui l’attire ; tout son amour finit par se fondre en une grande tristesse, tandis que le soleil disparaît lentement et que le gouffre noir semble « entrer dans son âme » avec les frissons de la nuit.

1288. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Au chant xiii de l’Odyssée, Ulysse, trop longtemps retenu à son gré chez les Phéaciens, a obtenu un vaisseau ; il doit partir le soir même, il assiste au dernier festin que lui donnent ses hôtes ; mais, impatient qu’il est de s’embarquer pour son Ithaque, il n’entend qu’avec distraction, cette fois, le chantre divin Demodocus, et il tourne souvent la tête vers le soleil comme pour le presser de se coucher : « Comme lorsque le besoin du repas se fait sentir à l’homme qui, tout le jour, a conduit à travers son champ les bœufs noirs tirant l’épaisse charrue : il voit joyeusement se coucher la lumière du soleil pressé qu’il est d’aller prendre son souper, et les genoux lui font mal en marchant ; c’est avec une pareille joie qu’Ulysse vit se coucher la lumière du soleil. » La passion de l’exilé sur le point de revoir sa patrie, comparée à celle du pauvre journalier pour son souper et son gîte à la dernière heure d’une journée laborieuse, ne se trouve point rabaissée en cela ; elle n’en paraît que plongeant plus à fond, enracinée plus avant dans la nature humaine ; mais rien n’est compris si cette circonstance naïve des genoux qui font mal en marchant est atténuée ou dissimulée ; car c’est justement cette peine qui est expressive, et qui aide à mesurer l’impatience même, la joie de ce simple cœur.

1289. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Sa figure régulière s’animait surtout par l’expression de très-beaux yeux noirs ; le reste, sans frapper d’abord, gagnait plutôt à être remarqué, et toute la personne paraissait mieux à mesure qu’on la regardait davantage.

1290. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

La Nature seule peut créer le génie : à celui qui doit venir et en qui noirs avons espérance, nous dirions : « Il n’y a plus de théories factices, de défenses étroites et convenues ; le champ entier de la langue et de la poésie est ouvert devant vous, depuis l’âpre simplicité des premiers trouvères jusqu’à l’habile hardiesse des plus modernes, depuis la Chanson de Roland jusqu’à Musset : langue de Villon, langue de Ronsard, langue de Régnier, langue de Voltaire, quand il est en verve, langue de Chénier (je ne parle pas des vivants), tout cela est votre bien, votre instrument ; le clavier est immense.

1291. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Elle dicte à son mari de noires trahisons contre le roi qui l’a admis dans son ministère ; elle anime les Girondins, ses familiers, d’une haine implacable contre la reine, déjà si humiliée et si menacée ; elle n’a ni respect ni pitié pour cette victime, elle la désigne du doigt à la multitude ameutée.

1292. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

À chaque pas on croit trouver un produit nouveau, et, dans le trouble de son esprit, il arrive souvent que l’on ne reconnaît pas ceux qui sont le plus communément dans nos jardins botaniques et nos collections historiques. » Le brouillard de l’atmosphère lui voilait le fameux pic de Teyde à Ténériffe, que de loin déjà Humboldt s’était réjoui de contempler, et, comme ce rocher n’est pas couvert de neiges éternelles, il est visible à une distance prodigieuse, lors même que son sommet en pain de sucre reflète la couleur blanche de la pierre ponce qui le recouvre, d’autant plus qu’il est en même temps entouré de blocs de lave noire et d’une vigoureuse végétation.

1293. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Ce sont les fusées de tout à l’heure, après lesquelles les ténèbres sont plus noires.

1294. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Docteurs noirs et scolastiques, soigneux seulement de votre Incarnation et de votre Présence réelle, le temps est venu où l’on n’adorera le Père ni sur cette montagne, ni à Jérusalem, mais en esprit et en vérité 205.

1295. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Soit gouttes de vapeur condensée sur ses longs cils noirs, soit larmes de l’esprit montées aux yeux par l’excès de l’émotion d’artiste, quelques gouttes de cette pluie de l’âme brillaient et tombaient aux bords de ses paupières sur la cascade sans qu’elle les sentît couler, en sorte que le Vellino roulait à la mer, avec ses ondes, une goutte chaude et virginale du cœur d’une jeune fille de Paris : larmes sans amertume qui baignent les joues, mais qui ne sont pas des pleurs !

1296. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

C’était un livre audacieux et profond autant que s’il avait été grave, un livre de dandy ennuyé et de foie malade, dont la noire humeur ou humour — c’était l’une et l’autre — était charmante.

1297. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Excusez donc en moi l’effet des troubles douloureux qui vous ont tous émus, si vous trouvez quelque inexactitude dans la rédaction de mes idées encore flottantes : J’essaierai de les raffermir à la contemplation des chefs-d’œuvre de l’intelligence humaine, dont l’étude nous détournera du spectacle des noires réciprocités de l’esprit de discorde et de viles haines, si bassement alliées par la vengeance, si lâchement coalisées par l’indigne soif de l’or, et par la honteuse émulation du brigandage. […] « Œil creux, noir, vif, et barbe rare, « Large sein, col gros, poil crépu, « Taille petite, et corps trapu, « Tel est le portrait du barbare. […] Argant, assailli par le nombre, se réfugie dans les murailles de Sion ; Clorinde, sur qui les portes se referment, combat errante autour des fossés ; et rencontrée en ses courses par Tancrède, son amant, méconnue de lui dans les ténèbres, et sous la noire armure qui la couvre, elle le force à se défendre de ses agressions, et reçoit la mort de la main du héros qui la pleure, et qui l’ondoie des eaux baptismales, avant que de s’en séparer à jamais. […] Tenons-nous-en à ce parfait modèle d’invocation, qui, dans la Henriade, rachète les légères fautes de l’exorde, et souhaitons que tous les successeurs de Voltaire, pénétrés d’autant d’horreur que lui pour les noires hypocrisies des pontificats, n’invoquent, à son exemple, d’autre muse et d’autre puissance inspiratrice que la vérité qui les terrassa soixante ans par sa voix, ou philosophique, ou libre, ou libérale, comme on voudra, pourvu qu’on entende par là qu’elle fut constamment élevée contre la discorde ; car Voltaire la fit parler dans le même sens que Boileau, qui avait déjà fait dire à cette déesse, exhortant un honnête prélat : « Pour soutenir tes droits que le ciel autorise, « Abîme tout plutôt, c’est l’esprit de l’église. […] Ne vous fait-il pas voir son front surmonté d’une vaste chevelure ondoyante autour de sa tête, et son noir sourcil qu’il ne remue qu’en ébranlant le ciel et la terre ensemble ?

1298. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Un paradoxal ou un malintentionné dirait sans doute : « Molière est tellement irréligieux qu’ayant à présenter un personnage profondément immoral il le donne comme athée, ne pouvant pas faire autrement, puisque c’est la vérité et que Molière est parfaitement esclave de la vérité ; mais qu’en même temps, en tant qu’athée, il le ménage et lui donne ou lui laisse presque le beau rôle ; et qu’en même temps, il trouve le moyen de le faire entrer encore dans le parti religieux ; tant il est impossible à Molière de concevoir un coquin qui ne soit pas religieux par quelque côté et qui ne ressortisse pas, en fin de compte, d’une manière ou d’une autre, au parti que Molière déteste ; et plus il a, comme forcé par la vérité, par l’observation, par l’expérience, représenté son scélérat comme athée, d’autant plus, comme s’il prenait sa revanche, il l’a fait plus noir et plus hideux dans le rôle de clérical que dans le rôle d’athée, et c’est seulement quand il le considère sous ce nouvel aspect que Molière fait éclater toute la haine qu’il professe à son endroit. » Voilà ce que dirait un paradoxal ou un malintentionné. […] La bourgeoisie secoue la robe noire devant le peuple comme le toréador secoue la cape rouge devant le taureau. […] Ce que vous voulez, c’est la liberté de ne pas instruire. » Tous les arguments à l’adresse de la « France noire » se retournant mathématiquement contre la « France rouge », je dirai, un peu lourdement aussi, aux partisans du monopole de l’enseignement : « Vous prétendez instruire seuls ; c’est vouloir ne pas enseigner ; c’est vouloir, à force de n’enseigner qu’une chose et fermer les esprits à toutes les autres, les fermer à toutes.

1299. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Alors l’autre jeune femme, sous le rire chaud de ses yeux noirs, et de ses dents, et de sa sombre chevelure dénouée, révéla qu’elle était la Joie : elle enseignait les tendresses parfumées, la délice des longues nuits, comment les âmes se courroucent en de tumultueux frissons, et les hurlements éperdus d’un bonheur qui angoisse, et les sommeils tranquilles après la tourmente. […] Il a lu, dans les noirs yeux de la déesse, et sous les éblouissants bandeaux de sa chevelure sombre, la méprisable vanité des réels illusoires. […] À Ischia, sous le volcan terrible, les cigales jouent indéfiniment la même chanson : et la monotonie de cet air, dont varient sans cesse les exécutants, dispose l’âme aux noires pensées. […] Rentré dans ses noires bibliothèques, ce prince, qui était en même temps quelque chose comme un nécromant, se mit en devoir d’attirer vers lui, par la seule force de son vouloir et de quelques paroles magiques. — l’obligeant soudain à quitter sa haute tourelle, dans une nuit d’orage, — celle qui là-bas se lamentait d’un impossible amour. […] Déjà dans un roman précédent, l’Astre noir, M. 

1300. (1902) Propos littéraires. Première série

Telle page de L’Astre noir est presque d’un grand poète impassible et eût obtenu un bon point de Théophile Gautier ; telle page des Kamtchatka est d’un trait net et d’une observation incisive qui a dû réjouir l’auteur de Tartarin de Tarascon, sinon l’auteur de L’Évangéliste. […] Henri Heine avait reconnu, au moins de temps en temps, en Musset, « le jeune homme vêtu de noir qui lui ressemblait comme un frère ». […] Zola nous représente une grande ville, Paris, comme un palais très brillant, très éclairé, plein d’élégances, de plaisirs, de rumeurs, d’agitation et de bavardage, qui serait bâti sur des catacombes noires, sauvages, inquiétantes et bourrées de dynamite. — Ceci, c’est précisément la vérité, et l’impression qu’on en a tout le long du volume, qui ne nous ne quitte point, et que l’auteur, fort habilement, a su maintenir permanente et obsédante et telle qu’on ne peut jamais s’en débarrasser pendant toute cette lecture, est une chose forte, puissante, étreignante, et fait la véritable beauté, dure, tragique et sinistre, de ce grand livre triste. […] C’est à mesure que l’abbé Froment se rend compte qu’il aime la jeune fille, que la foi s’éloigne décidément de lui et que la soutane noire glisse insensiblement de ses épaules. […] Certains chapitres, purement artistiques, de son livre, comme Les Avertis (ceux qui ont le pressentiment, dès l’enfance, de vivre peu) ou L’Étoile, sont merveilleux de mélancolie profonde et fine et enveloppent le cœur comme d’un réseau de soie noire, très doux et léger, à peine sensible.

1301. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

En recherchant comment s’éliminaient par le sang qui sort du rein les substances que j’avais injectées, j’observai par hasard que le sang de la veine rénale était rutilant, tandis que le sang des veines voisines était noir comme du sang veineux ordinaire. […] Dans cette hypothèse, en faisant cesser la sécrétion rénale, le sang veineux devait devenir noir : c’est ce qui arriva ; en rétablissant la sécrétion rénale, le sang veineux devait redevenir rutilant : c’est ce que je pus vérifier encore chaque fois que j’excitais la sécrétion de l’urine. […] Voici comment je raisonnai : si, dis-je, c’est la sécrétion qui entraîne, ainsi que cela paraît être, la rutilance du sang veineux glandulaire, il arrivera, dans les organes glandulaires qui comme les glandes salivaires sécrètent d’une manière intermittente, que le sang veineux changera de couleur d’une manière intermittente et se montrera noir pendant le repos de la glande et rouge pendant la sécrétion. […] Or je constatai clairement que pendant le repos de la glande, quand rien ne coulait par le conduit salivaire, le sang veineux offrait en effet une coloration noire, tandis qu’aussitôt que la sécrétion apparaissait, le sang devenait rutilant pour reprendre la couleur noire quand la sécrétion s’arrêtait, puis restait noir pendant tout le temps que durait l’intermittence, etc. […] La couleur rutilante du sang, dis-je, est spéciale au sang artériel et en rapport avec la présence de l’oxygène en forte proportion, tandis que la coloration noire tient à la disparition de l’oxygène et à la présence d’une plus grande proportion d’acide carbonique ; dès lors il me vint à l’idée que l’oxyde de carbone, en faisant persister la couleur rutilante dans le sang veineux, aurait peut-être empêché l’oxygène de se changer en acide carbonique dans les capillaires.

1302. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

. —  Ma torche est finie, et le monde est devant moi — comme un noir désert à l’approche de la nuit. —  Je veux me coucher, ne pas vaguer davantage736. » De pareils vers font penser aux lugubres rêves d’Othello, de Macbeth, d’Hamlet lui-même ; par-dessus le monceau des tirades ronflantes et des personnages en carton peint, il semble que le poëte soit allé toucher l’ancien drame, pour en rapporter le frémissement. […] On retrouve dans son Orpheline, dans sa Venise sauvée, les noires imaginations de Webster, de Ford et de Shakspeare, leur conception lugubre de la vie, leurs atrocités, leurs meurtres, leurs peintures des passions irrésistibles qui s’entre-choquent aveuglément comme un troupeau de bêtes sauvages, et bouleversent le champ de bataille de leurs hurlements et de leur tumulte, pour ne laisser après elles que des dévastations et des tas de morts.

1303. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

« Comme ils méditaient une si haute entreprise, la peau d’hermine leur parut convenable et sur l’hermine des pelleteries noires comme charbon, qui, encore aujourd’hui, parent dans les fêtes les vaillants héros. […] Il portait un vêtement d’étoffe noire et un chaperon de zibeline, d’une grande richesse.

1304. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Morand y fait de prudentes apparitions juste pour constater, devant le noir Vance qui souffle dans un saxophone, que la nuit est le jour des nègres, et que les nuits blanches sont peu recommandables. […] Et à l’armistice, c’est une véritable épidémie qui sévit, comme la danse de Saint-Guy, après la peste noire : et les officiers sérieusement, noblement enlacés, ont l’air de regretter une guerre que leur sentimentalité les contraignait de haïr et que leur faisait en même temps chérir leur esprit sportif. […] Son visage est si net et taillé avec une telle autorité, la mèche noire des cheveux se détache du front d’un trait si dur qu’il me fit penser à quelque gravure sur bois, sévèrement travaillée ; une moustache aussi précise et sans frivolité, de la même encre que les sourcils abondants, dénonce une fermeté, une fierté que les moindres gestes confirment.

1305. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Je me le représente, en effet, la taille élégante, le visage beau et inspiré, l’œil noir et calme, la jambe belle, la bouche grande et bien meublée, la lèvre ombragée, intelligente ; la voix sonore et grave : il arrive sur le bord de la rampe, et il annonce lui-même ce grand malheur qui l’accablait. […] On ne voit plus de cette fantaisie aux ailes de pourpre et d’or qu’un point noir, huché sur des pattes brisées…, une fleur dans un herbier ! […] non, c’est Jean-Jacques Rousseau qui se trompe et qui charge, de ces noires couleurs, le Philinte de Molière.

1306. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Comme d’ailleurs aucun cerveau ne saurait faire ainsi, de lui-même, naturellement, spontanément, œuvre ou « métier de chambre noire », une conséquence résulte du principe, laquelle est que nous commencerons par nous mettre en état de ne mêler à nos impressions que le moins que nous pourrons nous-mêmes de nous-mêmes. […] Le Rouge et le Noir, et sa Vie de Napoléon]. — Son long séjour à Milan, 1814-1817 et 1817-1821 [Cf.  […] Rapports du physique et du moral] ; — et qu’en outre on y discerne deux ou trois éléments originaux et nouveaux ; — qui vont faire de Stendhal un des précurseurs de l’idéal romantique. — Son intervention dans la bataille : Racine et Shakespeare, 1823 ; — et qu’il n’est pas inutile de savoir que le livre a en partie paru dans une revue anglaise ; — s’il porte ainsi témoignage du cosmopolitisme de Beyle. — Les Promenades dans Rome, 1829 ; — et Le Rouge et le Noir, 1830. […] La Panthère noire, Les Hurleurs]. — S’il est vrai cependant que, par l’intermédiaire de ces caractères, cette poésie rejoigne la science ; — et dans quelle mesure il est permis de l’appeler scientifique ?

1307. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Voilà certes une nièce de Mazarin qui, dans son cadre noir, ne ressemble à pas une de ses fameuses cousines, et qui ne saurait en être trop distinguée.

1308. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

À proprement parler, c’est la bête noire ; quiconque lui lance un trait est le bien venu. — Autre chaîne, la morale des sexes.

1309. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Le soleil se couchait dans la mer de Chypre, mes regards planaient sur la verte plage de Saïde ; la chaîne du Liban chargé de lourds nuages noirs se prolongeait vers le nord ; ma pensée errait dans cette immensité, et les accents prophétiques que je venais d’entendre, échappés à une femme revêtue du caractère et presque du costume des anciennes sibylles, ces paroles solennelles disaient à mes impressions quelque chose de sauvage et d’imposant.

1310. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Il fallait que la Brie et le village de Faverolles, où il travaillait à quinze sous par jour pour nourrir neuf personnes, fussent bien dépourvus de toute humanité, pour qu’en frappant dans cette extrémité à la première porte venue où il y avait du pain noir ou blanc dans la huche, riche ou pauvre, même mendiant, ne lui prêtât pas un peu de son superflu ou de son nécessaire pour sauver la vie d’un soir à ces pauvres petits affamés.

1311. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Sa taille moyenne n’était ni grande ni petite : la taille qui exclut la majesté, mais qui permet l’agrément ; ses cheveux étaient blonds, son front poli et divisé au milieu en deux zones légèrement arrondies, qui indiquent la facilité de l’intelligence ; ses joues d’un contour élastique, son nez un peu grossi et retroussé qu’on ne voit jamais en Italie, mais qui dans la jeunesse donne à la figure un mordant et un éveillé très propre à mordre et à éveiller le regard, sa bouche entr’ouverte et souriante, douce, fine, pleine de réticence sans malignité ; le plus beau de ses traits, c’étaient ses yeux, d’un bleu noir, larges, confiants, obéissants à sa pensée ; elle leur commandait.

1312. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Ils sont doux, tristes et tièdes, comme une première mélancolie de l’âme, avant l’âge des désespoirs passionnés : Ce qui m’estoit plaisant Ores m’est peine dure ; Le jour le plus luisant M’est nuit noire et obscure, ..........

1313. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Dont l’acier clair et les éclairs Foudroient la nuit impure ; Doux chevalier pour les très doux enfants Dont vous baisiez les têtes De cette bouche au loin tonnante aux ouragans Et aux tempêtes ; Noir chevalier songeur par les soirs merveilleux Dont les feux immobiles Brûlaient dans la parole et dans les yeux Des soudaines Sybilles ; Clair chevalier et moissonneur d’azur Tantôt sur terre ou bien là-bas parmi les nues Où vous glaniez des phrases inconnues Pour définir te Dieu futur ; De par ton œuvre ouverte ainsi qu’une arche Devant l’humanité tragique ou triomphante, Poète en qui songeait l’hiérophante, Tu fus le rêve autour d’un monde en marche… [La Plume (1898).]

1314. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Isolés dans notre petit moi, dans noire petit monde, dans un moment infime de la durée, nous restons ignorants et impuissants.

1315. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

À beaucoup d’égard, nous préférons la piété amusante et spirituelle de Pierre Camus, l’ami de François de Sales, à la tenue raide et guindée qui est devenue plus tard la règle du clergé français et a fait de lui une sorte d’armée noire à part du monde et en guerre avec lui.

1316. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Voyez-les qui s’enthousiasment et gesticulent, ces pèlerins de la musique, sans négliger d’apprécier la bière noire de Bavière.

1317. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Tout ce que je puis dire, c’est qu’il me paraît un peu ridicule que, sous prétexte de patriotisme, Paris reste la seule capitale du monde civilisé où Lohengrin ne soit pas au répertoire, comme le Domino noir, les Huguenots ou il Barbiere di Siviglia.

1318. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Je vous aurois déjà renvoyé vos Livres, si j'eusse pu regarder la Lettre que vous m'avez écrite comme une inspiration de votre cœur, plutôt que comme un effet de la suggestion de quelques Ames basses & noires, qui ne cherchent qu'à surprendre les Ames droites & honnêtes.

1319. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

Un point noir qui se meut sur une surface blanche trace une ligne et dissocie pour mes yeux certains éléments ; encore bien mieux mon doigt qui se meut sur une table.

1320. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Depuis Gyp, qui, je crois bien, fut la première à « sortir sans fichu », — pour employer une expression chère à l’auteur de Rouge et Noir, — les femmes sont devenues singulièrement hardies dans l’exploration de l’amour, dans la description des étreintes, dans l’emploi du mot cru.

1321. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Celui qu’il peint effraye, ainsi que tout ce qui sort de son imagination brûlante & noire.

1322. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Ainsi, à Rome, avant le Christianisme, il n’était pas permis à la courtisane de porter des cheveux noirs, — les cheveux de la race, — portés seulement par les matrones romaines.

1323. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Il était au Globe en habit noir boutonné, en gants jaunes et lorgnon d’écaille, avant que Louis-Philippe régnât avec la bonhomie du parapluie à la main et la cocarde tricolore à son chapeau gris.

1324. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Exemple, cette description du lever de l’aurore, citée par Jean-Paul Richter : « Le ciel commençait à passer du noir au rouge, semblable à un homard qui cuit. » On remarquera que l’expression de choses antiques en termes de la vie moderne donne le même effet, à cause de l’auréole de poésie qui entoure l’antiquité classique.

1325. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Les envieux et les sots, les Scudéry, les Claveret et autres méchants auteurs du temps, semblables au noir habitant des sables de l’Afrique, ont insulté par des cris sauvages l’astre trop brillant dont ils se sentaient brûlés ; mais leurs blasphèmes contre le Cid sont aujourd’hui couverts d’opprobre, tandis qu’on respecte les sentiments de l’Académie-Française sur cette tragédie comme un modèle de critique honnête et judicieuse. […] Si nous pouvions voir Corneille tel qu’il était, avec son grand manteau noir, son immense perruque, sa calotte, son extérieur simple et négligé, son air grave et modeste, nous sentirions qu’un homme de cette espèce ne devait pas penser comme nos petits auteurs merveilleux. […] On est fâché que Maxime joue ici le rôle d’un digne Romain, et Cinna d’un fourbe, qui emploie le raffinement le plus noir pour empêcher Auguste de faire une action qui doit même désarmer Émilie. » Palissot, qui relève quelquefois avec beaucoup de sagesse et de modération les fausses critiques de Voltaire, passe ici condamnation et abandonne Corneille. […] Laodice et lui répandent sur les êtres vils qui les entourent l’éclat de leurs vertus ; leur courage, leur générosité soutiennent et ennoblissent toute la pièce ; leurs dangers intéressent, et le cœur est pleinement satisfait lorsqu’on les voit triompher à la fin des noirs complots ourdis autour d’eux par la bassesse et l’envie. […] Prêt à succomber sous les plus noirs complots, il n’est pas à beaucoup près aussi consterné, aussi tremblant qu’Orosmane, quand il surprend un billet doux adressé à sa maîtresse.

1326. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Leurs archers balançaient la renommée de notre infanterie gauloise ; leur prince Noir le disputait à notre Duguesclin, et leurs Marlborough à nos Turenne. […] L’immense colonne de fumée de charbon qui flotte sur la Cité, représente ces gros rochers noirs, enluminés de pourpre, qu’on voit dans nos décorations du Tartare ; tandis que les vieilles tours de Westminster, couronnées de nuages et rougies par les derniers feux du soleil, s’élèvent au-dessus de la ville, du palais et du parc de Saint-James, comme un grand monument de la mort, qui semble dominer tous les monuments des hommes. […] Je sors d’une mer troublée de songes, où ma pensée triste et submergée, privée du gouvernail de sa raison, flotte au gré des vagues d’une misère imaginaire…… Le jour est trop court pour ma tristesse ; et la nuit, même au zénith de son noir domaine, est un soleil auprès de la couleur de mon sort. » Est-ce là le langage de la douleur ? […] C’est encore ainsi que, pendant l’été, lorsque les nuages de l’orage allongent leur colonne ténébreuse sur le sommet des collines, Edwin se hâte de quitter la demeure de l’homme ; c’est encore ainsi qu’il s’enfonce dans la noire solitude, pour jouir des premiers feux de l’éclair et des premiers bruits du tonnerre, sous la voûte retentissante des cieux. […] Qu’on se représente un fleuve immense, coulant au travers des plus épaisses forêts ; qu’on se figure tous les accidents des arbres qui accompagnent ses rives ; des chênes-saules, tombés de vieillesse, baignent dans les flots leur tête chenue ; des planes d’Occident se mirent dans l’onde avec les écureuils noirs, et les hermines blanches, qui grimpent sur leurs troncs, ou se jouent dans leurs lianes ; des sycomores du Canada se réunissent en groupe ; des peupliers de la Virginie croissent solitaires ou s’allongent en mobile avenue.

1327. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Il les avait fort noirs, les ongles. […] Or c’est de lui que Mme de Girardin avait pu dire précisément, en un jour de flatterie, que « c’était Alfred de Musset en cheveux noirs. » Un autre racontera qu’Alfred de Musset, s’en revenant avec M. 

1328. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Après tout, à tout âge, sous toute civilisation, un peuple est toujours lui-même ; quel que soit son habit, sayon de poil de chèvre, pourpoint doré, ou frac noir, les cinq ou six grands instincts qu’il avait dans ses forêts le suivent dans ses palais et dans ses bureaux. […] De pareils instincts, une semblable constitution, une telle histoire dressent devant eux l’idée de la vie avec une sévérité tragique ; la mort est à côté, et aussi les blessures, les billots, les supplices ; le beau manteau de pourpre que les Renaissances du Midi étalent joyeusement au soleil pour s’en parer comme d’une robe de fête, est ici taché de sang et bordé de noir.

1329. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

De Régnier, Van Lerberghe et Jarry, pour ne citer que ceux-là, furent victimes de l’hostilité du public de l’Œuvre, sans que pour cela ils songeassent à prêter les plus noires intentions à leurs adversaires littéraires ? […] Nous irons frapper à la porte des humbles, au logis des déshérités, aux carrefours noirs et rouges où rôdent les prostituées, et nous célébrerons les trésors de beauté qui sont enfouis dans les replis de leur cœur, nous leur chanterons la Vie d’Amour dont il leur est si facile à tous de goûter les joies.

1330. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Lorsque Pharnace refuse d’épouser la fille du roi des Parthes, Mithridate lui dit : Traître, pour les Romains tes lâches complaisances N’étaient pas à mes yeux d’assez noires offenses ! […] que ta justice Approuve la fureur d’un si noir sacrifice.

1331. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Les musiciens ont des rondes, des blanches, des noires, des croches simples, doubles, triples, etc., et nous n’avons que trois accents ; cependant, à consulter l’oreille, combien en faudrait-il pour la seule lettre e ? […]            Il fait noir comme dans un four, Le ciel s’est habille ce soir en scaramouche,            Et je ne vois pas une étoile            Qui montre le bout de son nez.

1332. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Mais je lui certifie (sans crainte de me tromper) que la ruine de ces principes faux, qui seront mes principaux acteurs et bouffons noirs, est la condition de son propre salut et de celui du peuple français. […] Mais ceux issus de ce suffrage universel, qu’inventa chez nous le XIXe siècle, gardent toujours l’espérance secrète qu’ils remonteront le courant, et qu’ils démontreront victorieusement que le noir est blanc, et qu’il fait nuit en plein midi. […] comme il y en a, comme c’est noir ! […] Il l’éclairé de cette lueur d’éclipse, d’argent et d’or, aux biseaux noirs, où s’attarde encore un glacis de l’incompréhension de naguère, par qui se rehausse tant de beauté. […] D’ailleurs il monte en chaire et brandit le tableau noir.

1333. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Elle contient des chambres très propres, et la maison elle-même, si elle a une façade peu attrayante, a sur la droite un côté assez curieux : un mur sous pignon, bâti en grosses pierres carrées noires et blanches formant damier ; de chaque côté de la petite fenêtre qui occupe le milieu, deux pierres sculptées avec la croix crossée, insigne des chanoines, et la date 1612 : c’est évidemment une ancienne dépendance de l’hospice. […] La chapelle a au-dessous d’elle un souterrain où, en regardant par des ouvertures pratiquées au bas du mur, on voit quelques ossements au milieu de la terre noire provenant du détritus de nombreux cadavres. […] Ces fables et d’autres semblables se racontent dans le vulgaire, et je me rappelle les avoir entendu conter aux femmes, par manière de plaisir et de divertissement, quand j’étais encore enfant, dans la maison de mon père54. » Depuis lors on n’a plus parlé du paradis de l’Apennin55 : il s’est évanoui comme tant d’autres, et le mont de la Sibylle n’est plus visité que par quelques alpinistes, par les pâtres qui y mènent leurs troupeaux, et par les chasseurs de la montagne, suivis de leurs meutes de grands chiens noirs et roux. […] Aux flancs des montagnes, des grottes profondes font des trous noirs dans la verdure ensoleillée des prairies ; les pentes plus hautes éclatent de l’or éblouissant des genêts.

1334. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

11 » Sans doute Maupassant ayant un don merveilleux de prêter à ses personnages un langage en rapport avec leur caractère, on ne peut lui faire porter la responsabilité des propos de cet imbécile en habit noir. […] La petite Yvette, au moment de se suicider, pleure sa beauté et se lamente sur sa chair, cette figure, ces yeux, ces joues, qui ne seront plus qu’une pourriture noire au fond de la terre. […] Chez Fatougaye, certaine particularité physique : les mains qui sont d’un beau noir au dehors et roses en dedans, certaines intonations d’un fausset étrange, certaines poses, certains gestes inquiétants rappelaient de mystérieuses ressemblances qui troublaient l’imagination… On devine ce que peut être un roman d’amour avec de telles amoureuses. […] Grand, maigre, avec une sèche figure d’ascète, point de larges effets de manteau noir s’ouvrant comme de grandes ailes sur la robe blanche, mais des mains jointes et serrées avec ferveur, point de coups de gueule, mais plutôt un organe ingrat, une voix faible qui ne prend de force que dans la conviction de l’orateur, un prêtre grave et simple, un dominicain à lunettes, c’est le P.

1335. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Dès son entrée sur le continent noir, il a constaté à la fois la supériorité de sa race et ses causes héréditaires. […] Stendhal, en composant le Rouge et le Noir, paraît bien s’être complu à se peindre lui-même tel qu’il eût pu être, s’il fût né vingt ans plus tard. […] Le Wilhelm Meister et le Faust ne pouvaient être conçus et composés qu’outre-Rhin, le Rouge et le Noir écrit qu’en France. […] Le chirurgien nous dessine « son admirable et pur visage, ses grands yeux noirs, doux et confiants, ses traits charmants, pâlis par la souffrance ».

1336. (1902) Le critique mort jeune

Dans son roman de « Sixtine », coupé d’intermèdes en vers, comme celui-ci, où l’imitation de Baudelaire est presque parfaite : Mais ses cheveux tombant en innombrables boucles Ondulaient sinueux comme un large flot noir Et ses grands yeux brillaient du feu des escarboucles Comme un double fanal dans la brume du soir. […] Robin « dont la complexion était sèche, noire et languedocienne et l’âge incertain ». […] Rebell répondrait sans doute que le romantisme consiste beaucoup moins à aimer les caractères forts et à estimer les assassins (comme le faisait l’auteur de « Rouge et Noir ») qu’à diviniser la faiblesse et la laideur et à exalter les victimes.

1337. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

. — Voici d’autres particularités que je tire de notes inédites de Chateaubriand écrites à Londres, en 1798, en marge d’un exemplaire de son Essai sur les Révolutions : « Le chevalier de Parny est grand, mince, le teint brun, les yeux noirs enfoncés, et fort vifs.

1338. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

À suivre ces conséquences, la comédie tourne vite au noir.

1339. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

L’une répond à l’état vrai de l’Humanité de notre temps ; c’est le fond noir et profond du cœur humain dans notre époque.

1340. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Le cœur doit envoyer du sang noir aux poumons, le poumon doit faire oxygéner ce sang, le cœur a le droit de recevoir, pour son propre entretien, du sang-oxygéné qui lui permettra de continuer à vivre et à remplir son office.

1341. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Tous les chefs étaient assemblés dans la cellule, autour du grand corps noir, gisant à terre, quand l’un d’eux ouvrit un sage avis : « De son vivant, nous n’avons jamais pu le comprendre ; il était plus facile de dessiner la vie de l’hirondelle au ciel que de suivre la trace de ses pensées ; mort, qu’il fasse encore à sa tête.

1342. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Si nous allions plus loin, nous pourrions montrer que la psychologie ordinaire, en se restreignant à l’homme, n’a pas même embrassé tout l’homme, qu’elle ne s’est point souciée des races inférieures (noires, jaunes), qu’elle s’est contentée d’affirmer que les facultés humaines sont identiques en nature et ne varient qu’en degré, comme si la différence de degré ne pouvait pas être telle souvent, qu’elle équivaut à une différence de nature ; que dans l’homme elle a pris les facultés toutes constituées et qu’elle ne s’est occupée que rarement de leur mode de développement ; de sorte qu’en dernière analyse, la psychologie, au lieu d’être la science des phénomènes psychiques, a pris simplement pour objet l’homme adulte, blanc et civilisé.

1343. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Wundt a montré avec raison ce qu’il y a d’exact dans les images de la langue vulgaire : une dure nécessité, une douce tendresse, des peines amères, de noirs soucis, une sombre destinée60.

1344. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

C’est un trou noir dont il ignore invinciblement le contenu.

1345. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Et de l’émotion qui circule en vous et de noirs pressentiments.

1346. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

L’Allemagne, la Prusse de Schleiermacher et celle de M. de Bismarck, se ressemblent aussi peu que les Poméraniens ressemblent aux Souabes, et que ceux-ci, blonds ou noirs, épais ou avisés, se ressemblent entre eux.

1347. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Les hommes aimaient l’action et recherchaient le mouvement, ceux qui agissaient par la pensée étaient des énergiques de la trempe de Julien Sorel, de le Rouge et le Noir et non des énervés et des affadis, comme Obermann, Amaury de Volupté et Didier de Marion de Lorme.

1348. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

« Je ne m’étonne pas », lui dit son jeune compagnon, « si ce bras, solide et noueux comme l’énorme barre de fer qui assure la porte de sa capitale, a suffi pour soumettre à sa puissance la terre, noire limite du vaste Océan ; si, dans les combats acharnés qu’ils livrent, les dieux attribuent autant à son arc redoutable qu’aux foudres d’Indra les victoires éclatantes qu’ils remportent sur leurs fiers ennemis. » Ils s’approchent, ils invitent respectueusement le chasseur à venir habiter quelques jours leur ermitage.

1349. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Combien, au contraire, ce fait s’explique simplement, si l’on admet que ces espèces soient descendues d’un ancêtre rayé, de la même manière que toutes les races de Pigeons domestiques descendent du Pigeon biset bleu rayé de noir.

1350. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Voici quelques traits de celui de Zulmé par M. de Guibert : « Zulmé n’a que vingt ans, et elle est la prêtresse la plus célèbre d’Apollon ; elle est celle dont l’encens lui est le plus agréable, dont les hymnes lui sont les plus chers… Ses grands yeux noirs étincelaient de génie, ses cheveux de couleur d’ébène retombaient sur ses épaules en boucles ondoyantes ; ses traits étaient plutôt prononcés que délicats, on y sentait quelque chose au-dessus de la destinée de son sexe… » J’ai eu moi-même sous les yeux un portrait peint de Mlle Necker, toute jeune personne ; c’est bien ainsi : cheveux épars et légèrement bouffants, l’œil confiant et baigné de clarté, le front haut, la lèvre entr’ouverte et parlante, modérément épaisse en signe d’intelligence et de bonté ; le teint animé par le sentiment ; le cou, les bras nus, un costume léger, un ruban qui flotte à la ceinture, le sein respirant à pleine haleine ; telle pouvait être la Sophie de l’Emile, tel l’auteur des Lettres sur Jean-Jacques, accompagnant l’admirable guide en son Élysée, s’excitant de chacun de ses pas, allant, revenant sans cesse, tantôt à côté et quelquefois en avant. […] Je trouvai, chez Mme de Staël, Benjamin Constant, Auguste Schlegel, le vieux baron Voght d’Altona, Bonstetten de Genève, le célèbre Simonde de Sismondi, et le comte de Sabran, le seul de toute cette société qui ne sût pas l’allemand… Schlegel était poli à mon égard, mais froid… Mme de Staël n’était pas jolie, mais il y avait dans l’éclair de ses yeux noirs un charme irrésistible ; et elle possédait au plus haut degré le don de subjuguer les caractères opiniâtres, et de rapprocher par son amabilité des hommes tout à fait antipathiques.

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