/ 2080
39. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Le goût se forme sans doute par la lecture de tous les chefs-d’œuvre déjà connus dans notre littérature ; mais nous nous y accoutumons dès l’enfance ; chacun de nous est frappé de leurs beautés à des époques différentes, et reçoit isolément l’impression qu’elles doivent produire. […] Ce qu’il découvre aujourd’hui sera dans peu généralement connu, parce que les vérités importantes une fois découvertes, frappent tout le monde presque également. […] Le hasard même a frappé leur figure de quelques désavantages repoussants ; ils se vengent sur l’ordre social de ce que la nature leur a refusé. […] L’éclat de quelques actions pourrait frapper ; mais il faut une progression dans les sentiments pour arriver au plus sublime de tous, à l’admiration. […] Ce qui frappe l’imagination, c’est la décision de la fortune, c’est le succès de la valeur.

40. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

Clytemnestre seule ose et agit, exécute et frappe, et le coup porté par une femme paraît plus terrible. […] Alors le devin proposa, en son nom, un remède pire que le mal : — « Et les Atrides frappèrent la terre de leur sceptre, et des larmes coulèrent, de leurs yeux. » — Ce remède c’était l’immolation d’lphigénie que réclamait la déesse. […] Elle enveloppe d’un voile ses cornes noires ; elle le frappe ! […] je suis frappé !  […] Deux fois je l’ai frappé, et il a poussé deux cris, et ses forces ont été rompues !

41. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Mais Raphaël voit un moment le pere éternel peint par Michel-Ange : frappé par la noblesse de l’idée de ce puissant génie, que nous pouvons appeller le Corneille de la peinture ; il la saisit, et il se rend capable en un jour de mettre dans les figures qu’il fait pour représenter le pere éternel le caractere de grandeur, de fierté et de divinité qu’il venoit d’admirer dans l’ouvrage de son concurrent. […] Frappé de la majesté divine, et de la fierté noble que Michel-Ange faisoit sentir dans le caractere de tête du pere éternel, qu’on voit en differens endroits de la chapelle de Sixte, faisant l’ouvrage de la création : il condamna sa maniere sur ce point, et il prit celle de son concurrent. […] Il en est de même des jeunes gens qui sont nez poëtes : les beautez qui sont dans les ouvrages faits avant eux les frappent vivement.

42. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 26, que les sujets ne sont pas épuisez pour les peintres. Exemples tirez des tableaux du crucifiment » pp. 221-226

On voit par la meurtrissure de la jambe de ce malheureux qu’un bourreau l’a déja frappée d’une barre de fer qu’il tient à la main. […] Leur épouvante fait un contraste avec une crainte mêlée d’horreur, dont sont frappez d’autres spectateurs, au milieu desquels un mort sort tout-à-coup de son tombeau.

43. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

En effet, si, après une révolution politique qui a frappé la société dans toutes ses sommités et dans toutes ses racines, qui a touché à toutes les gloires et à toutes les infamies, qui a tout désuni et tout mêlé, au point d’avoir dressé l’échafaud à l’abri de la tente, et mis la hache sous la garde du glaive ; après une commotion effrayante qui n’a rien laissé dans le cœur des hommes qu’elle n’ait remué, rien dans l’ordre des choses qu’elle n’ait déplacé ; si, disons-nous, après un si prodigieux événement, nul changement n’apparaissait dans l’esprit et dans le caractère d’un peuple, n’est-ce pas alors qu’il faudrait s’étonner, et d’un étonnement sans bornes ? […] La marche sombre et imposante des événements par lesquels le pouvoir d’en haut se manifeste aux pouvoirs d’ici-bas, l’unité éternelle de leur cause, l’accord solennel de leurs résultats, ont quelque chose qui frappe profondément la pensée. […] Ainsi l’horloge qui, au grand amusement de Voltaire, désigne au Brutus de Shakespeare l’heure où il doit frapper César, cette horloge, qui existait, comme on voit, bien avant qu’il y eût des horlogers, se retrouve, au milieu d’une brillante description des dieux mythologiques, placée par Boileau à la main du Tems.

44. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Il a publié déjà deux récits de voyage, l’un en Chine, l’autre sur les plateaux du Thibet, lesquels, quand ils parurent, frappèrent également tout le monde par leur nouveauté et l’étendue de leurs observations. […] Ils désignent seulement des haches humaines dont le manche est dans la main de Dieu… Témoin plus que personne, par ses voyages et ses études, de cette stérilité historique dont l’Asie est frappée, Huc, qui n’est ni un panthéiste ni un matérialiste, puisqu’il est prêtre, a dédaigné de refaire sur des proportions sans justesse une histoire qu’on pourrait bloquer en quelques pages, tant elle est monotone et bornée, et il a choisi pour nous la raconter la seule chose qui soit vraiment digne d’une histoire, cette transfusion tant de fois essayée du Christianisme dans les veines du monde oriental, cette transfusion qui n’a pas réussi encore, mais qui doit réussir, si l’Asie n’est pas irrémissiblement condamnée ! […] III Le livre de l’abbé Huc, qui ne parle que du passé du Christianisme à la Chine, n’avait point à indiquer ces choses ; mais il les soulève fatalement dans l’esprit du lecteur, selon cette parole, vraie pour le coup, d’un esprit célèbre, qui fut trop souvent dans le faux : « Le passé est gros de l’avenir. » Nous le répétons, ce qui nous a frappé et comme accablé dans la lecture de ces deux volumes, c’est la grandeur de la vie et de la mort des missionnaires, ces héros de l’Église romaine ; c’est aussi la grandeur des moyens employés par eux pour fonder quelque chose de vaste et de solide, et cependant la petitesse des résultats qu’ils ont obtenus !

45. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

L’adultère public de ces Rois très-chrétiens, dont l’exemple frappait au cœur la famille et la pourrissait, explique plus, selon nous, que toutes les fautes de la politique, les malheurs de cette race brillante et infortunée. […] À l’heure où elle apparaît dans l’Histoire, Marie-Antoinette y représente toutes les femmes légitimes ; et quand la Révolution la frappe, ce n’est pas seulement une femme, mais c’est le Droit même de la Femme qui tombe frappé et décapité avec elle !

46. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

L’adultère public de ces Rois très-chrétiens, dont l’exemple frappait au cœur la famille et la pourrissait, explique plus, selon nous, que toutes les fautes de la politique, les malheurs de cette race brillante et infortunée. […] À l’heure où elle apparaît dans l’histoire, Marie-Antoinette y représente toutes les femmes légitimes ; et quand la Révolution la frappe, ce n’est pas seulement une femme, mais c’est le Droit même de la Femme, qui tombe frappé et décapité avec elle !

47. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Dans le ciel même, l’ange qui frappe n’est pas l’ange qui couronne, et qui sait si sa fonction de justice cruelle ne nuit pas, dans l’historien, à la fonction de justice douce que nous voudrions aussi lui voir exercer ? […] Ce qui frappe d’abord et ce qui plaît dans cette loyale histoire, c’est la franche et vaillante bonne foi qui y jette sa lumière et que l’auteur n’a pas craint de voir se retourner… jusque contre lui. […] Puisqu’une septième fois, dans ce pays, l’ordre inflexible — cet ordre de diamant contre lequel les hommes se disloquent eux-mêmes lorsqu’ils le frappent pour le briser — s’est refait contre nous et pour nous, en vertu de sa mathématique sublime, c’était le moment de poser la question de ce testament politique qui doit mettre son auteur au-dessus de Richelieu et l’égaler à Charlemagne. […] Ces exagérations, on pouvait les expliquer, en Cassagnac, par son tempérament littéraire, par ce romantisme qu’il adora et qui fut un instant son maître, et par le journalisme surtout, le journalisme qui sait frapper plus fort que juste, et dont toute la justesse n’est peut-être que de frapper fort. […] À l’heure qui vient toujours pour la plupart des œuvres, qu’on ne lit bientôt plus, avec la morne indifférence des générations qui se succèdent, quand on se demandera ce que fut, de son vivant, Granier de Cassagnac, l’imagination frappée aura retenu qu’il fut un des forts de son siècle, où les forts n’étaient pas déjà si communs.

48. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

L’autre incident, qui fit événement dans l’Assemblée et qui est resté mémorable, fut sa motion (15 août 1790) pour le rappel à Paris de l’abbé Raynal, frappé depuis 1781 par un arrêt du Parlement, et le singulier remerciement qu’adressa ensuite l’abbé Raynal à l’Assemblée dans le sens et par le conseil de Malouet. […] Dans le peu de temps que j’avais passé à l’Oratoire, je n’avais point acquis une foi robuste : la philosophie de Descartes était celle des Oratoriens ; sa méthode, que les théologiens n’admettent pas, m’avait extrêmement frappé ; je ne voyais pas pourquoi on l’employait dans tel raisonnement pour l’exclure dans un autre ; mais jetais loin de douter de tout. […] C’est alors que je m’éloignai de Diderot et que j’encourageai Raynal à réparer sa faute, ce qu’il fil, non-seulement dans sa fameuse Lettre à l’Assemblée constituante, mais en travaillant chez moi à une nouvelle édition que les excès de la Révolution et la terreur dont il était frappé dans les dernières années de sa vie lui ont sans doute fait brûler, si on ne l’a pas trouvée dans ses papiers. » Voilà un Raynal assez inattendu assurément, et je ne sais si Malouet, en le déchargeant d’un côté, parviendra à le relever de l’autre. […] Il racontait régulièrement deux fois de suite la même anecdote qu’on savait d’ailleurs, et il ne faisait entre ces première et deuxième narrations que frapper de deux doigts bien secs sur une table, en disant : C’est joli, je ne sais pas si on en sent toute la finesse. […] Demander à l’Assemblée, par une motion spéciale, le rappel à Paris d’un écrivain célèbre, frappé d’un arrêt injuste sous le précédent régime, était chose toute simple et jouable, de la part surtout d’un ami de quinze ans ; mais voir là une occasion de faire la leçon à l’Assemblée, présenter, ériger tout d’un coup un pareil homme en censeur de la Révolution, lui l’écrivain en nom et l’endosseur avoué de tant de tirades révolutionnaires, ce n’était pas une idée heureuse ni un à-propos.

49. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Kereçaepa, un de ses rois fabuleux, frappa, un jour, le feu d’un autel, parce qu’il ne flambait pas assez vite. […] Ce fut alors que les Dieux frappèrent leur premier coup sur les Perses. […] Cette partialité visible des éléments frappa les Perses d’effroi. […] Quand leurs mains furent lasses, ne pouvant plus frapper, ils mordirent. […] Un appel fraternel n’aurait jamais ému ces cœurs secs, le raisonnement de l’intérêt frappa ces têtes dures.

50. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Nous serons frappés de ce fait que l’art de développer est à lui seul la moitié de l’art d’écrire. […] Mais Ulysse le frappa de sa flèche à la gorge, et la pointe traversa le cou délicat. […] Le cavalier se gare, attaque, évite les cornes, lance son voile et frappe. […] Le moindre bruit frappe dans le grand silence. […] Bien des détails vous frapperont.

51. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

M. de Corcelles avait été frappé de cette sorte de contradiction qu’il y avait entre le tableau vraiment assez triste de cette démocratie moderne, présente ou future, et les conclusions du livre qui tendaient à l’acceptation et à l’organisation progressive de cette même démocratie. […] On ne dit pas mieux en moins de mots : Pour remettre mon esprit en équilibre, écrivait-il à M. de Corcelles (un esprit à la fois libéral et religieux, et à qui il savait que cela ferait plaisir), je lis toujours, de temps en temps, du Bourbaloue ; mais je crains bien que le bon Dieu ne m’en sache pas beaucoup de gré, parce que je suis trop frappé du talent de l’écrivain et trouve trop de plaisir à la forme de sa pensée. […] Elle est entre Dieu et le seigneur féodal ; cela m’a frappé, parce que je suis maintenant aussi savant qu’un feudiste en fait de féodalité. […] Aujourd’hui, que l’enveloppe délicate et frêle qu’usait et dévorait une pensée si fervente s’est brisée, je me rends mieux compte que jamais de ce qui me frappa alors ; et certes mon respect pour l’homme ne diminue pas.

52. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Le libertinage à la Watteau de ses Fêtes galantes, le libertinage plus dénoué des Chansons pour Elle, ne fut pas chez lui davantage une attitude que les coups frappés sur la poitrine, les confiteor et les ave de Sagesse et de Bonheur. […] Le schème est connu : on frappe sa renommée par un coup d’excentricité, et, l’attention acquise, des platitudes la gardent. […] Car les sons frappent, divertissent, etc., nos sens, puis suggèrent des phénomènes spirituels. Les mots frappent, divertissent, etc., nos sens, puis imposent des phénomènes spirituels, cela de toute la force de la langue et de lâ lexicographie.

53. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

À la même époque les juristes de Charles-Quint, ayant rédigé un Code contre les malfaiteurs qui frappent de la fausse monnaie et les sorciers accusés de sortilège, l’appelèrent Nemesis Carolina. […] Toute religion, étant de la catégorie de l’idéal et du mystérieux, affectionne les mots et les tournures de langage propres à frapper l’imagination. […] À part quelques noms frappés justes, expressifs, caractéristiques de tout le personnage, rien n’est plus fastidieux que ces combinaisons de syllabes, faites le plus souvent au hasard. […] On chercha par les titres les plus extraordinaires à frapper d’étonnement le Philistin.

54. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Cadoret »

Chaque époque de l’histoire a ses analogies, ses ressemblances de situation, d’événements, de caractères, et c’est de tout cela que l’imagination, frappée plus que la réflexion encore, fait une espèce de miroir dans lequel l’esprit d’un temps s’observe, se retrouve et s’admire. […] Cadoret réfute ces opinions avec une clarté de bon sens et une simplicité d’interprétation qui frapperont toutes les intelligences à tous les niveaux, et détermineront le succès d’un livre qui apprendra à ceux qui l’ignorent, ou rappellera à ceux qui l’oublient, combien l’Église catholique fut toujours gouvernementale, et comme, à toutes les époques de sa glorieuse durée, elle condamna la révolte et appuya ou respecta les pouvoirs constitués, pour les raisons les plus profondes, les plus politiques et les plus saintes.

55. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

— « Il frappa les mulets d’abord et les chiens véloces ; mais ensuite, il perça les hommes eux-mêmes du trait qui tue. […] Elle en frappa l’horrible Arès à la gorge, et rompit ses forces, et il tomba couvrant sept arpents de son corps, et ses cheveux roulèrent dans la poussière, et ses armes retentirent sur lui. […] Poséidon frappa le roc de son trident, et le Cheval en bondit, né d’un grand flot d’eau marine dont il a l’encolure ondoyante et la blanche écume. […] Que les hommes frappés par leurs proches n’aillent plus nous invoquer et crier : « Ô Justice ! […] Elles frapperont le pays d’une Plaie venimeuse : on dirait que leurs serpents dardant des jets de bave s’échevèlent déjà autour de leurs têtes. — « Enflammée de colère, je vais égoutter sur le sol le poison de mon cœur, terrible à cette terre.

56. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

M. de Fontanes y prit le sentiment terrible du religieux ; pourtant l’imagination était peut-être plus frappée que le cœur. […] Vous frappiez, j’ai gémi. […] La mort de son frère aîné, celle de son père et de sa mère, qui l’ont frappé coup sur coup, achèvent d’égarer son âme. […] Napoléon crut volontiers que M. de Fontanes, frappé d’hier et mécontent, viendrait à lui. […] En 1819, une grande douleur le frappa.

57. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Boileau, en traduisant le commencement de l’Énéide, a mis trois vers pour deux, comme le remarque M. de la Harpe, et pourtant il a supprimé l’une des circonstances les plus essentielles dont l’auteur latin avait voulu frapper l’esprit du lecteur. […] Ce tableau, qu’il serait impossible de transporter sur la scène française, fait toujours éprouver aux spectateurs un frémissement universel ; ils se sentent frappés à la fois, et de la proscription qui poursuit, jusque dans les lieux les plus reculés, la libératrice d’un grand empire, et de la disposition des esprits, qui rend cette proscription plus inévitable et plus cruelle. […] Cette insouciance, mise sous les yeux du spectateur, le frappe beaucoup plus qu’un simple récit n’aurait pu le faire. […] C’est en France qu’a été inventée cette maxime, qu’il valait mieux frapper fort que juste. Contre un pareil principe, il faut des règles fixes, qui empêchent les écrivains de frapper tellement fort qu’ils ne frappent plus juste du tout.

58. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

Je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que je possède. » Le publicain, au contraire, se tenant éloigné, n’osait lever les yeux au ciel ; mais il se frappait la poitrine en disant : « Ô Dieu, sois indulgent pour moi, pauvre pécheur. » Je vous le déclare, celui-ci s’en retourna justifié dans sa maison, mais non l’autre 933. » Une haine qui ne pouvait s’assouvir que par la mort fut la conséquence de ces luttes. […] C’était un esprit nouveau qui apparaissait dans le monde et qui frappait de déchéance tout ce qui l’avait précédé. […] Ses exquises moqueries, ses malignes provocations frappaient toujours au cœur.

59. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

Une rallonge lui parut encore nécessaire ; il la frappa de nouveau, et elle doubla d’étendue, — « Alors — dit le Vendidad — les bœufs, les bêles de somme et les hommes ont marché en avant à leur fantaisie et comme ils l’ont voulu. » Au cinquième siècle avant notre ère, les Rois de Perse avaient presque réalisé l’exploit fabuleux attribué à leur grand ancêtre ; leur lance avait ébranlé et conquis la terre. […] Sa présence frappait de mort l’audacieux qui osait paraître devant lui sans avoir été appelé. — « J’irai donc chez le Roi » — dit à Mardochée Esther, la reine favorite, la « Perle », comme il l’avait surnommée, — « J’irai chez le Roi, ce qui est contre la loi. […] Les femmes actives et vives de l’Europe, comparées aux belles femelles oisives de l’Asie, frappaient d’ailleurs vivement l’imagination des hommes de l’Iran.

60. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

À ces indignités devant lesquelles on ne reculait pas, s’ajoutait du moins la dignité d’un grand danger… Ces condamnations à mort auxquelles je suis bien aise que Villon ait échappé, puisque cela nous a valu le Grand Testament et les meilleures de ses ballades, je ne suis point fâché qu’il en ait été frappé et qu’il ait eu à en courir les chances et les transes. […] Mais ce n’est ni la langue, ni telle ou telle inspiration, qui tout d’abord le frappe. […] Campaux le compare, lui, aux peintres flamands, mais aux peintres flamands qui n’ont pas fait de paysages, car, particularité de son génie, par ce côté frappé de sécheresse, Villon, le racleur des pavés de Paris, qui avait voyagé pourtant de l’une à l’autre frontière de cette France qui eût pu lui apprendre et lui faire aimer la nature, n’en remarqua jamais la magnifique plasticité.

61. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Mais ce qu’on sait moins, ce qu’on n’explique pas et ce que le livre de Mgr Salvado nous montre avec une évidence nouvelle sur laquelle nous croyons utile d’insister, c’est que l’apport de la vie sociale aux brutes de la horde humaine n’est jamais que le fait du prêtre catholique, et qu’en dehors du prêtre catholique rien n’est possible, même aux gouvernements les plus forts qui veulent créer des sociétés à leur image et les frapper à leur effigie, sous le coup de balancier de leurs colonisations ! […] insister sur les faits, presque miraculeux de résultat, qui ont frappé le grand bon sens pratique de l’Angleterre ; mais nous, catholiques, qui verrons toujours avec bonheur diminuer les anciennes séparations, ne devions-nous pas les signaler ? […] Voilà surtout ce qui nous a frappé dans ce livre que la curiosité ne manquera pas d’ouvrir, mais que la réflexion fermera pour y penser et le rouvrir encore.

62. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

Mendès publia les Contes épiques, qui ne fut pas frappé de la prodigieuse ressemblance de ces poésies avec La Légende des siècles ? […] , ce roman est partagé en deux parties, portant des sous-titres différents : la première, La demoiselle en or ; la seconde, La petite impératrice, et il rappelle un peu les romans oubliés d’Eugène Sue, mais avec une expression autrement vibrante et supérieure et un désintéressement de tout ce qui n’est pas l’effet dramatique, auquel la vérité humaine est sacrifiée dans la mesure qu’elle a, pour frapper plus fort. […] Son livre, ce roman de La Vie et la mort d’un clown, très frappant, mais trop frappé, aura-t-il le succès qu’obtiennent tout à l’heure des œuvres de moindre effort et de tendance moins haute ?

63. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

Il a donc réalisé le terrible mot de Stendhal, qui était aussi de cette boutique de la Libre Pensée et qui mourut frappé d’apoplexie sur le pavé, sans que Dieu lui laissai le temps d’être inconséquent à son célèbre dire : « la pénitence est une sottise. […] Cette voix surtout frappa le critique, mais elle le frappa bien davantage, quand, en sortant, la porte à peine refermée, de velours redevenue… ce qu’elle était, cette voix de salon reprit tout à coup son timbre de marine et ses grossiers jurons de bord.

64. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

La Rue fut l’orateur de la cour, dans cette époque qui succéda à quarante ans de gloire, lorsque Louis XIV, malheureux et frappé dans ses sujets comme dans sa famille, ne comptait plus au-dehors que des batailles perdues, et voyait successivement dans son palais périr tous ses enfants. […] Le texte de l’orateur semblait être une prédiction de l’événement, et il exprimait le triste spectacle qu’on avait sous les yeux, du père, de la mère et de l’enfant, frappés et ensevelis tous trois ensemble74. […] Tel est le fond du tableau que nous présente l’orateur ; il peint en même temps la jeune duchesse de Bourgogne, adorée de la cour, et dont les vertus aimables mêlaient quelque chose de plus tendre aux vertus austères et fortes de son époux ; il la peint frappée comme lui, expirante avec lui, sentant et le trône et la vie, et le monde qui lui échappaient, et répondant à ceux qui l’appelaient princesse : Oui, princesse aujourd’hui, demain rien, et dans deux jours oubliée.

65. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Les crimes du dedans frappaient pourtant Saint-Martin, mais ils ne l’épouvantaient et ne le révoltaient pas autant, ce semble, qu’ils auraient dû le faire pour une âme aussi délicate et aussi sensible ; il nous en donne naïvement la raison, lorsqu’il avoue que le sort de tant d’émigrés traqués de toutes parts et sans asile ne laisse pas de lui paraître véritablement lamentable : Moi-même, dit-il, j’ai été embarrassé un moment de résoudre cette question ; mais, comme j’ai cru à la main de la Providence dans notre Révolution, je puis bien croire également qu’il est peut-être nécessaire qu’il y ait des victimes d’expiation pour consolider l’édifice ; et sûrement alors je ne suis pas inquiet sur leur sort, quelque horrible que soit dans ce bas monde celui que nous leur voyons éprouver. […] Quand on la contemple dans ses détails, on voit que, quoiqu’elle frappe à la fois sur tous les ordres de la France, il est bien clair qu’elle frappe encore plus fortement sur le clergé… Plein de respect pour l’idée de sacerdoce, qui est à ses yeux peut-être la plus haute de toutes, Saint-Martin trouve tout simple que les individus de cet ordre aient été les premiers atteints et châtiés, de même que cette « révolution du genre humain » a commencé par les « lys » de France : « Comme aînés, dit-il, ils devaient être les premiers corrigés. » Je ne fais qu’indiquer ces manières de voir qui nous sont devenues depuis lors familières par le langage si net et si éclatant de M. de Maistre ; mais Saint-Martin y mêle des idées et des sentiments qui lui sont propres et qui ont beaucoup moins de netteté. […] Il lui envie cette puissance et cette fermeté de talent qu’il n’avait pas, mais il se sent d’une région plus noble et plus élevée : « Rousseau, dit-il, frappait plus bas que moi. » Il diffère de lui surtout en ce qu’il croit essentiellement à un Dieu qu’on ne salue pas seulement, qu’on ne se borne pas à proclamer, mais qu’on aime et qu’on prie : « À force de dire, Notre Père, espérons que nous entendrons un jour dire, Mon fils. » Voilà ce que l’orgueil de Rousseau eût repoussé. […] Lorsque je vis le fils jeter de l’eau bénite sur le cercueil, je fus frappé jusqu’au vif du tableau de cette chaîne de bénédictions tantôt douces, tantôt déchirantes, qui lie toute la famille humaine et qui la liera jusqu’à la fin des choses.

66. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Telle est la question, et elle est grave, car les hommes tiennent plus de place qu’on ne croit dans leurs doctrines, et la meilleure manière d’atteindre ces dernières, c’est de les frapper, à travers eux. […] Nettement ne frappe personne. […] Ces longues luttes, l’occupation de toute sa vie, n’ont pas cependant durci cette main trop grasse et trop molle, qui souvent (nous ne le nions pas) frappa juste, mais ne frappa jamais bien fort. […] dans cette étrange histoire, ils se voilent la face et retirent leur main, dès qu’il s’agit de frapper les hommes !

67. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

Le malheur, la puissance, la religion, le génie, tout ce qui frappait l’imagination des Athéniens excitait en eux une sorte de fanatisme ; mais cette impression se détruisait avec la même facilité, dès qu’on en substituait une autre également vive. Les effets graduels et nuancés ne conviennent guère aux mœurs démocratiques ; et comme c’était toujours du peuple qu’il fallait se faire entendre et se faire applaudir, on se livrait, pour l’amuser, aux contrastes saillants qui frappent aisément tous les hommes.

68. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Deuxième journée. Les conspirateurs » pp. 225-233

N’a-t-on pas frappé à la porte de la rue ? […] (On frappe trois coups à la porte de la rue.)

69. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Ce fut par la multitude de ses connaissances et par l’énergie de son imagination, qu’il nous frappa de ses paroles. […] Ceux-là ne risquent point d’être jugés précipitamment, et frappés à jamais d’un seul coup. […] Sophocle n’aurait pu pressentir que l’ouvrage qu’il offrait à son siècle et aux Athéniens, frapperait d’étonnement les âges et les peuples à venir. […] Philippe II, soupçonneux et cruel rival de son fils Carlos, le frappe d’une sentence de mort, que prononce un tribunal vendu. […] Aussi les héros des époques anciennes nous frappent-ils plus vivement que les héros des époques modernes.

70. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Frappé deux fois de la foudre, comme vous savez, je n’ai plus de droit à ce qu’on appelle vulgairement bonheur ; je vous avoue même qu’avant de m’être raffermi par de salutaires réflexions il m’est arrivé trop souvent de me demander à moi-même : Que me reste-t-il ? […] « Mais l’anathème doit frapper plus directement et plus visiblement sur l’homme : l’ange exterminateur tourne comme le soleil autour de ce malheureux globe et ne laisse respirer une nation que pour en frapper d’autres. […] Il frappe au même instant tous les peuples de la terre ; d’autres fois, ministre d’une vengeance précise et infaillible, il s’acharne sur certaines nations et les baigne dans le sang. […] C’est au milieu de cette solitude et de cette espèce de vide formé autour de lui qu’il vit seul avec sa femelle et ses petits, qui lui font connaître la voix de l’homme ; sans eux il n’en connaîtrait que les gémissements… Un signal lugubre est donné ; un ministre abject de la justice vient frapper à sa porte et l’avertir qu’on a besoin de lui. […] J’incline à croire que non, car il y a trop d’alliage dans la monnaie d’idées qu’il a frappée à son coin pour que la valeur n’en baisse pas avec le temps.

71. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

En avançant vers lui, le parfum des fleurs et la beauté du soleil me frappèrent. […] Frappée inopinément dans sa sécurité, dans sa liberté, dans sa gloire, madame de Staël implora pour toute grâce une prolongation de huit jours pour se préparer à cette transplantation de son existence. […] On s’était rendu coupable quand on avait manqué aux nuances délicates de la flatterie, en n’abandonnant pas quiconque était frappé de sa disgrâce. […] Il exige des beautés absolues, des beautés qui frappent le lecteur solitaire, lorsque ses sentiments sont plus naturels et son imagination plus hardie. […] Un monde nouveau s’offre à lui ; l’image sublime de chaque situation, de chaque caractère, de chaque beauté de la nature frappe ses regards, et son cœur bat pour un bonheur céleste qui traverse comme un éclair l’obscurité du sort.

72. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Il est frappé lui-même de la ressemblance ; les métaphores tirées de la vie du théâtre reviennent à chaque instant sous sa plume. […] La littérature classique a été frappée mortellement avec l’ancien régime. […] C’est en vain que Néron prospère ; Tacite est déjà né dans l’Empire ; il croît inconnu auprès des cendres de Germanicus et déjà l’intègre Providence a livré à un enfant obscur la gloire du monde. » Dès lors c’est un ennemi qu’il faut frapper. […] Aussi quoique plusieurs causes aient concouru à la stérilité littéraire et philosophique dont elle a été frappée, faut-il, pour une grosse part, en faire remonter la responsabilité à l’action désastreuse d’un despotisme tracassier et trop averti par une expérience récente de la puissance de l’idée pour n’en pas entraver l’expansion. […] Polémistes et orateurs sont obligés de frapper fort et de frapper vite.

73. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Il raconte la visite que lui fit un peintre, un professeur de l’Académie de Venise : « Nous avons naturellement beaucoup causé peinture, mais nous ne nous entendions pas parfaitement, et toujours par la même raison : il me parlait toujours des grands maîtres, et moi de la nature. » Assistant à une exposition de tableaux à Venise (août 1833), il est frappé de la singulière faiblesse des ouvrages et de l’absence de toute originalité. […] Cette théorie, qui est celle d’Ingres, et qui habituellement n’est pas celle de Léopold Robert, semble pourtant le frapper et le pénétrer en passant, lorsqu’il dit : Je trouve une grande différence à faire les figures d’hommes et celles de femmes. […] Ce qui frappe et touche dans la peinture est un caractère d’énergie, de force dans les hommes, et de sensibilité, de douceur dans les femmes. […] [NdA] Et encore, dans une lettre précédente adressée de Rome à Navez, à la date de septembre 1823 : A… finit un tableau de grandeur naturelle qui est l’enlèvement de Pandore par Mercure ; je ne l’ai pas vu dernièrement, mais S… m’a dit qu’il serait loin de faire un tableau frappé au bon coin ; tu m’entends.

74. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Après quelques instants de contemplation, il tourne par hasard les yeux vers le ciel, et à cet aspect qui lui est si familier et qui pour l’ordinaire le frappait si peu, il reste saisi d’admiration, il croit voir pour la première fois cette voûte immense et sa superbe parure… Ici toute une description encore : spectacle des cieux, le couchant enflammé, la lune qui se lève à l’orient, les astres innombrables qui roulent en silence sur nos têtes, l’étoile polaire qui semble le pivot fixe de toute la révolution céleste ! […] Il essaye, pour y répondre, d’hypothèses diverses : l’arrangement fortuit, la nécessité du mouvement de la matière, l’infinité de combinaisons possibles dont une a réussi… Il hésitait, il commençait à se troubler : placé entre des explications incomplètes et des objections sans réplique, il allait, s’il n’y prenait garde, trop accorder à la raison, au raisonnement ; il sentait poindre l’orgueil en même temps que s’accroître les obscurités, quand tout à coup… mais laissons-le parler lui-même sa plus belle langue : Quand tout à coup un rayon de lumière vint frapper son esprit et lui dévoiler ces sublimes vérités qu’il n’appartient pas à l’homme de connaître par lui-même et que la raison humaine sert à confirmer sans servir à les découvrir. […] Il apparaît, il est sur l’autel sans qu’on l’y ait vu monter : Alors levant les yeux, il (le songeur) aperçut sur l’autel un personnage dont l’aspect imposant et doux le frappa d’étonnement et de respect : son vêtement était populaire et semblable à celui d’un artisan, mais son regard était céleste ; son maintien modeste, grave et moins apprêté que celui même de son prédécesseur (Socrate), avait je ne sais quoi de sublime, où la simplicité s’alliait à la grandeur, et l’on ne pouvait l’envisager sans se sentir pénétré d’une émotion vive et délicieuse qui n’avait sa source dans aucun sentiment connu des hommes, « Ô mes enfants, dit-il d’un ton de tendresse qui pénétrait l’âme, je viens expier et guérir vos erreurs ; aimez celui qui vous aime et connaissez celui qui est !  […] » Il résolut alors de tout faire pour connaître celui dont la vue était un gage d’estime auprès de celle qu’il aimait : il s’informe, il court rue Plâtrière, monte au quatrième et frappe.

75. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Cervantes fut frappé de la richesse que lui offrait l’idée d’un enthousiaste héroïque qui se croit appelé à ressusciter l’ancienne chevalerie : C’est là le germe de tout son ouvrage, Il sentit en poëte tout ce qu’on pouvait faire de cette idée… » Un autre critique distingué par son savoir et ses consciencieuses lectures, mais doué aussi d’une ingénuité de jugement parfois excessive, Sismondi, dans son Cours sur les littératures du Midi, professé à Genève devant un auditoire qui riait peu, se chargea de reprendre et de développer la pensée de Bouterwek. […] Chaque génération vous frappe et vous refrappe à son image. […] Je suis frappé, quand je vois Sancho si fin à la fois et si lourd, si rusé et si dupe, si madré et si bête, discernant très-bien un coin de la folie de son maître en même temps qu’il en accepte et en gobe le gros, je suis frappé, dis-je, de la ressemblance qu’ont avec Sancho la plupart des hommes : ils sont tout à fait comme lui en ce sens qu’ils exercent le plus souvent leur sagacité et leur finesse sur un fonds de bêtise ou de folie à laquelle ils croient.

76. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

En me retournant, je fus surpris de voir le duc de Laforce en habit de garde national, la baïonnette au bout du fusil, marcher résolument et plein d’enthousiasme patriotique derrière mon cheval ; cela me frappa : je sentis qu’un pays où l’élite de la jeunesse opulente se dévouait ainsi par l’énergie du sang pour sauver l’ordre au risque de sa vie ne périrait jamais. […] Je fus frappé de son admirable beauté. […] Cette mort soudaine et terrible avait frappé la société du faubourg Saint-Germain d’une émotion qui durait encore. […] Je dis palais d’études, parce que je fus frappé en y entrant par la disposition des chambres consacrées à ses divers travaux.

77. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iv »

L’aîné tombe au champ d’honneur. « Sa mort m’encourage, écrit le cadet ; désormais nous serons deux. » A son tour, il est frappé ; alors, le vieillard se présente au Temple et veut monter en chaire. […] L’Évangile a dit : Celui qui frappe par l’épée périra par l’épée… Pour ne pas défaillir à certains moments, il faut que je sois certain de défendre la plus juste et la plus belle des causes ». […] Il avait été frappé dans la journée de Marcheville.

78. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PAUL HUET, Diorama Montesquieu. » pp. 243-248

Huet, exposés à la galerie Colbert, et dans tous un même caractère nous a frappé, à savoir l’intelligence sympathique et l’interprétation animée de la nature. […] Hoffmann, en son admirable conte de l’Église des Jésuites, à l’endroit où le peintre Berthold, ce pauvre génie incomplet, s’épuise dans ses paysages à copier textuellement la nature, introduit à son côté un petit Maltais ironique, espèce de Méphistophélès de l’art, qui lui frappe sur l’épaule et lui donne de merveilleux conseils : on dirait que M.

79. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. de Ségur. Mémoires, souvenirs et anecdotes. Tome II. »

« Mon dessein n’est pas d’entrer dans une discussion, dit-il ; mais il me suffira d’affirmer que j’ai vu, en assistant à un grand nombre d’expériences, des impressions et des effets très réels, très extraordinaires, dont la cause seulement ne m’a jamais été expliquée. » Sans nier que ces impressions et ces effets puissent être les résultats d’une imagination frappée, il demande si ce mot imagination est une réfutation bien péremptoire, et si au moins les savants et les philosophes ne devraient pas, par amour pour la vérité, méditer sur les causes de cette nouvelle et étrange propriété de l’imagination. […] pour le partage de la Pologne, l’impératrice n’en a pas l’honneur ; car je puis dire qu’il est mon ouvrage. » Et il se mit là-dessus à raconter comment lui était venue un matin cette heureuse idée de s’agrandir sans perdre de sang ni d’argent, comment il l’avait communiquée à Catherine, qui en fut frappée ainsi que d’un trait de lumière, et plus tard à son frère qui l’embrassa en le remerciant, et qu’aussitôt après cette officieuse confidence les négociations avaient commencé.

80. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « La course à la mort » pp. 214-219

Écrite comme une autobiographie, en une série de notes éparses que relie à peine un récit d’amour ténu et bizarre, la Course à la Mort est l’histoire d’un jeune homme en qui le pessimisme latent de cette époque, portant ses dernières atteintes, devient ressenti et raisonné, envahit et stérilise le domaine des sentiments, frappe d’une atonie définitive l’âme qu’il a mortellement charmée. […] Celui que ce livre nous confesse est atteint plus profondément que dans son intelligence ; il est malade de la volonté et de la sensibilité, il se sait vaguement frappé au centre de son être et s’entend à démêler dans la contemplation de sa ruine morale les plus secrets symptômes.

81. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XIV. Parallèle de l’Enfer et du Tartare. — Entrée de l’Averne. Porte de l’Enfer du Dante. Didon. Françoise de Rimini. Tourments des coupables. »

Il suffit de savoir lire le latin, pour être frappé de l’harmonie lugubre de ces vers. […] Toute oreille sera frappée de la cadence monotone de ces rimes redoublées, où semble retentir et expirer cet éternel cri de douleur qui remonte du fond de l’abîme.

82. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

Un autre le frappe d’un fouet. […] La scène se passe sous la tribune du préteur et de ses assistants ; à droite de celui qui regarde, le préteur dans sa tribune avec ses assistants ; au-dessous un bourreau et le chevalet ; vers le milieu de l’autre côté du chevalet, le saint debout appuyé d’un genou sur le chevalet, derrière le saint, un bourreau qui le frappe de verges ; aux pieds de celui-ci, un autre bourreau qui lie un faisceau de verges ; derrière ces deux licteurs, un soldat qui repousse la foule.

83. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 8, des instrumens à vent et à corde dont on se servoit dans les accompagnemens » pp. 127-135

L’un qui est vétu de long et qui paroît le maître, saisit son esclave d’une main, et il tient dans l’autre main une espece de sangle dont il veut le frapper. […] quoique sa déclamation ne soit alors differente du chant musical, que parce que les sons que forme une personne qui déclame ne sont point frappez separement et ne reçoivent pas leur perfection dans les mêmes parties de l’organe de la parole, que les sons que forme une personne qui chante.

84. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Au moment où il frappa le batelier, la barque fut emportée par le courant, ce qui le dépita fortement. […] « Quoi qu’il en puisse arriver après, je ferai en sorte que ma vengeance frappe en cette fête l’homme cruel qui m’a enlevé mes joies. […] Il se fit un effort plus grand encore pour que personne ne frappât plus. […] Ils frappaient sur leurs boucliers au point que des flammes rougeâtres semblaient les allumer. […] « Il ne vous a pas semblé suffisant en cette cruelle extrémité de frapper à mort Ruedigêr, le héros ; vous m’avez maintenant enlevé tous mes hommes.

85. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

La vérité du tableau ne peut nous frapper qu’autant que nous avons connu le modèle. […] Mais tout cela n’est-il pas rendu dans ces vers avec tant de vérité que cela frappe vos imaginations comme si vous assistiez pour la première fois à cette scène d’intérieur, et que la simplicité même des détails et des expressions en relève à vos yeux la naïve beauté ? […] Télémaque monte sur le char brillant ; le fils de Nestor se place à côté de lui, prend les rênes dans ses mains, et du fouet il frappe les coursiers. […] Il vous est plus séant d’aller ainsi qu’à pied, car les lavoirs sont éloignés de la ville… » « Nausicaa, frappée de ce songe, se lève… Elle trouve son père et sa mère retirés dans l’intérieur de leur appartement. […] nous demanda notre mère ; vous frappe-t-elle moins vivement et moins agréablement l’esprit que la description de l’armure éclatante d’un roi ?

86. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

La nature est le Quintilien des bons esprits ; faisons comme elle, et nous serons sûrs de frapper l’œil, de satisfaire l’esprit et de toucher le cœur. […] V Un autre caractère qui me frappe en le relisant moi-même aujourd’hui, et qui fait, je n’en doute pas, une grande partie de son intérêt, c’est que les hommes y sont beaucoup plus en scène que les choses. […] Seulement la confiscation des biens de l’émigré, droit qui punit les enfants et la famille de la faute d’un père, dont ils sont innocents et pour lequel ils sont frappés dans leur existence, est un faux principe en équité comme en politique. […] Pendant qu’on délibérait dedans, le peuple agissait dehors et frappait aux portes. […] Je le crois encore, Louis XVI eut tort d’accepter une couronne qui n’était plus qu’une hache suspendue sur sa tête par les factions prêtes à se servir de lui, à le déshonorer, puis le frapper.

87. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

Quoi qu’il en soit, la doctrine du xviiie  siècle en était à ce moment extrême et définitif où l’on se croit le plus sûr de soi et où l’on est le plus près d’être frappé. […] Ce qui me frappe avant tout, ce qui m’intéresse singulièrement dans ces premiers développements de la philosophie de M.  […] Ne faisant remonter la philosophie, comme science, que jusqu’à Descartes, le jeune professeur la voyait s’égarant presque aussitôt et ressaisissant seulement la vraie méthode au commencement du dernier siècle, mais avec des préventions exclusives dans les différentes écoles qui s’étaient alors partagé l’Angleterre, la France et l’Allemagne : « Le temps, disait-il, qui recueille, féconde, agrandit les moindres germes de vérité déposés dans les plus humbles analyses, frappe sans pitié, engloutit les hypothèses, même celles du génie.

88. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

Tiré de flancs embrasés, accouché par la foudre qui dévorait sa mère, frappé de démence par une déesse hostile, attaqué par des rois qui reniaient sa divinité, aux prises avec des géants et des monstres, déchiré par les Titans, d’après d’autres mythes, il avait affronté tous les périls, surmonté toutes les épreuves d’un héros souffrant. […] Frappe cette Phrygienne qui prétend dominer les chants harmonieux du poète ; brûle ce roseau qui dessèche les lèvres, dont la voix criarde outrage le rythme et la mélodie, dont le corps a besoin de la tarière pour se façonner. […] Le Dithyrambe était l’ode en état d’ivresse, le chant de vertige exhalé des outres crevées de Bacchus, la voix sortie du vin bouillonnant dans les veines et l’esprit de l’homme. — « C’est quand le vin a frappé mon âme de ses foudres et de ses éclairs, que je vais entonner le noble chant du roi Dionysos », — dit un fragment d’Archiloque. — Épicharme s’écriait dans son Philoctète : « Il n’y a pas de dithyrambe possible si on a bu de l’eau. » — Le désordre était la règle de ce lyrisme à outrance, il jetait des cris et des flammes.

89. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

L’historien a pourtant été frappé de ce qui me frappe, mais ce qui est frappé ne vibre pas toujours.

90. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Il est philosophe comme Scapin, qui dit des malheurs qui le frappent : « Ma foi ! […] Nonobstant, on ne saurait trop le répéter, est-ce que cette justice qui ne défaille jamais, qui frappe toujours où il faut frapper, mais dans une mesure de sévérité et de clémence qui fait de la coutume de l’Église la plus sublime des législations, peut avoir produit la tolérance dont l’auteur des Luttes religieuses est épris ?

91. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

C’est cette question des classiques grecs et latins, en apparence toute littéraire, mais dont le sens profond n’a frappé personne quand on l’a agitée, puisqu’elle cache, — et tout le monde l’a senti, — sous son intitulé modeste, cet énorme problème politique et social de l’éducation, qui déjà faisait sourciller le vaste et serein génie de Leibnitz bien avant que l’Europe n’eût vu le dix-huitième siècle et la Révolution française. […] Saint-Bonnet, pour être frappé comme il convient de toutes les qualités d’exécution de sa pensée. […] Seulement, plus frappé que personne, en vertu de son tour d’esprit, de l’inutilité des charges à fond exécutées par les meilleures intelligences contre la Révolution dans les systèmes qu’elle a engendrés par la tête de ses plus illustres penseurs, et voyant, sur ces systèmes rompus, déshonorés, défaits, la Révolution vivre encore et continuer de ravager la pensée sociale, M. 

92. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

D’autres encore remporteront le prix de la chanson et de l’ode, quoique moi aussi j’aie frappé quelquefois à la porte des hymnes, fermée depuis le bon Pindare. […] … Épopée emphatique, auprès de laquelle La Pétréide de Thomas, redoutée de Gilbert, ne serait que la plus légère des étrennes mignonnes, conte de fées pataud et niais, satire sociale où le thyrse de Rabelais, avec lequel ce Bacchant du rire enivré savait frapper son temps, est remplacé par l’arme bourgeoise d’un Prudhomme socialiste en mauvaise humeur, qui donne des coups de parapluie à son époque ; enfin, pour achever le tout, l’amphigouri panthéistique dans sa splendeur, voilà l’œuvre de M.  […] Quinet, dans cette phrase que nous avons citée, « il a frappé parfois à la porte des Hymnes », il faut avouer qu’elles ne lui ont pas, à chaque fois, tiré le cordon !

93. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

L’Histoire n’a point oublié qu’il lui prédit le coup de couteau de la fin, ce providentiel coup de couteau qui frappa au ventre Henri III et Henri IV à la poitrine, marquant ainsi la différence des coupables par la différence du châtiment ! L’Histoire n’a pas perdu une seule des paroles du soldat devenu prophète, et elles ont une beauté grandiose : « Dieu — dit-il — vous a frappé à la bouche, Sire (le couteau avait glissé, en remontant, jusqu’à la lèvre), parce que vous ne l’avez encore renié que débouché. Quand vous l’aurez renié de cœur, il vous frappera au cœur. » Ce jour-là, le sectaire montait jusqu’au terrible des Livres Saints.

94. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Brucker, puisqu’il se frappe dans son passé de toute la force de sa supériorité d’aujourd’hui) avait été élevé par un prêtre apostat et marié, qui, au lieu de lui apprendre à prier Dieu, avait empoisonné son enfance, en la plongeant dans le naturalisme païen du vieux Pline ? […] Balzac en avait été profondément frappé, lui que si peu de chose pouvait atteindre du fond des merveilleux édifices qu’il bâtissait, les yeux sur l’avenir. […] Raspail ; et de son parti, quoique n’y croyant pas, car on ne se débarrasse que bien tard du dernier anneau de sa chaîne, de celui-là qui nous meurtrit longtemps encore lorsque les autres ne nous pèsent plus, il fit circuler manuscrite une œuvre qui ne pouvait pas être imprimée, le fameux Testament d’Alibaud, qui ramena le plus de socialistes à la cause républicaine et le plus de républicains à la cause socialiste ; grand coup de ralliement bien frappé !

95. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Caron frappe de sa rame des troupeaux d’âmes. […] Tout à coup le défilé s’ouvre entre deux remparts de rochers dont la surface, frappée par les rayons du soleil couchant, présente tantôt la blancheur du marbre qu’on vient d’extraire, tantôt les teintes roses de la joue d’une jeune fille rougissante. […] La lumineuse sérénité d’un jour semblable à une aurore frappe le Dante en abordant dans ce séjour d’attente : Dolce color d’oriental zaffiro, etc. […] « Trois fois », dit-il, « je passai mes bras derrière elle pour la serrer contre mon cœur, et trois fois mes bras vides revinrent frapper ma poitrine. » Cette âme est celle d’un musicien de ses amis qui lui chante un des vers amoureux de la jeunesse de Dante : Amour, qui dans le cœur me parles ! […] Un mot est un bloc taillé en statue, d’un seul geste, par ce sculpteur de paroles ; un coup de pinceau est un tableau vivant, où rien ne manque, parce que l’image frappe, vit et remue sur la toile de ce coloriste d’idées ; chaque pensée tombe proverbe de chaque vers en sortant de cet esprit ou de ce cœur dont le contrecoup, aussi puissant que le coup du balancier sur le métal, frappe en monnaie ou en médaille tout ce qui passe par sa pensée d’airain.

96. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Tout ce qui part de sa plume, mais particulièrement de son cœur, a un caractère qui frappe et qui plaît tout ensemble. […] il s’agit de l’honneur du Pinde : nous, poète sacré, nous sommes frappé au milieu du festin. […] Le père Commire, alors, jugea qu’il était temps de frapper le grand coup, et pour en finir de tout ce pour et ce contre, lui qui s’était tenu jusque-là en réserve comme le corps d’élite, il donna brusquement par sa pièce de vers intitulée Linguarium (Le Bâillon de Santeul). […] Mais ce qui frappe surtout dans la lettre de La Monnoye, c’est son peu de rapport et de concordance avec l’assertion si formelle de Saint-Simon.

97. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

À défaut de Napoléon pour point de mire, il a le pape ; peu lui importe, pourvu qu’il frappe et que sa verve s’exerce ; les grands talents sont impérieux. […] Ce qui frappe, au milieu du rôle politique assumé par Mme de Staël et de tous les généreux sacrifices qu’elle a faits à ses sentiments et à ses convictions, c’est qu’elle reste femme, bien femme, ce qui n’est pas un trait désagréable, mais plutôt une expression intéressante de physionomie. […] Ce grand voyageur intellectuel (comme lui-même il s’appelait), qu’une douleur de cœur, la perte d’une jeune fille qu’il aimait d’un amour paternel, venait de frapper sensiblement, était alors sous l’influence mystique, sous la magie des écrits du théosophe Saint-Martin, tandis que Mme de Staël se sentait plutôt attirée vers Fénelon. […] Chateaubriand, dans une visite qu’il fit à Coppet en 1805, avait été également frappé de cette idée exaltée de malheur, qui lui parut disproportionnée et en contradiction avec la beauté du séjour : « Elle se regardait comme la plus malheureuse des femmes dans un exil dont j’aurais été ravi. » Mais la souffrance est là où on la ressent.

98. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Les richesses, tout aimables qu’elles sont, ne frappent qu’une seule fois le cœur par leur éclat, & l’on ne leur paie pas un tribut constant d’estime. […] Le moment, l’à propos frappent l’expression & la rendent plus originale, & plus concise. […] Les mots frappent plus l’imagination que le feroit la chose même. […] Dès qu’ils souffrent, il faut qu’il soit frappé de leurs douleurs. […] Shakespear (a dit quelqu’un fait pour le juger) n’a pas plus frappé nos esprits étroits, que la Musique de Pergoleze ne frappe l’oreille d’un sourd.

99. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 3, que le merite principal des poëmes et des tableaux consiste à imiter les objets qui auroient excité en nous des passions réelles. Les passions que ces imitations font naître en nous ne sont que superficielles » pp. 25-33

Le peintre et le poëte ne nous affligent qu’autant que nous le voulons, ils ne nous font aimer leurs heros et leurs heroïnes qu’autant qu’il nous plaît, au lieu que nous ne serions pas les maîtres de la mesure de nos sentimens ; nous ne serions pas les maîtres de leur vivacité comme de leur durée, si nous avions été frappez par les objets mêmes que ces habiles artisans ont imitez. […] On sçait l’avanture des habitans d’Abdere qui furent tellement frappez par les images tragiques de l’Andromede d’Euripide, que l’imitation fit sur eux une impression serieuse et de même nature que l’impression que la chose imitée auroit faite elle-même : ils en perdirent le sens pour un tems, comme il pourroit arriver de le perdre à la vûë d’évenemens tragiques à l’excès.

100. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

Les idées qui ne peuvent pas devenir populaires sont frappées de mort en naissant, et alors elles ne causent aucun trouble. […] Il est devenu sensible pour tous que les idées anciennes non seulement étaient décréditées, mais encore qu’elles étaient frappées d’une sorte d’obscurité qui les rendait inintelligibles au plus grand nombre ; comme les paroles de cette fille de Priam, qui étaient empreintes du sentiment de l’avenir, mais à qui le don d’imposer la croyance avait été refusé.

101. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

— Le voilà gisant dans la poussière, et frappé par la foudre redoutable, ce laurier naguère la gloire de nos campagnes, cher à la troupe sacrée des Muses, aux chœurs des nymphes. […] Il y perdit le plus séduisant des hommes, Julien, frappé à côté de lui sur les marches de l’autel. […] pendant le traitement pour ses douleurs, une fièvre se déclara, et la plus perfide de toutes ; elle se glissa peu à peu, et finit par envahir non pas seulement, comme il arrive souvent, les artères et les veines, mais les membres, les viscères, les nerfs, les os et leur moelle. — Subtile, latente et d’abord peu sensible, elle se montra bientôt ouvertement ; comme elle n’avait pas été traitée avec les soins et la promptitude qu’elle réclamait, elle affaiblit et abattit tellement le malade, que non seulement ses forces, mais son corps lui-même semblaient se fondre : c’est pourquoi la veille du jour où il paya son tribut à la nature, malade et couché dans la villa Careggi, il fut tellement frappé tout à coup, qu’il ne laissa aucun espoir de salut. […] Aussitôt que Laurent eut cessé de vivre, à peine pourrais-je vous dire avec quelle humanité et quelle gravité notre Pierre reçut tous les citoyens qui affluaient dans sa demeure ; comme il fut convenable et même caressant dans les diverses réponses qu’il fit aux condoléances, aux consolations et aux offres de service ; et bientôt quelle adresse, quelle sollicitude il montra dans l’arrangement des affaires de famille ; comment il secourut et releva tous ses amis frappés par ce grand malheur ; comment le moindre d’entre eux, celui-là même qui lui avait fait de l’opposition dans l’adversité, fut relevé dans son abattement, ravivé, encouragé ; comment, dans le gouvernement de la république, il suffit à toutes choses, au temps, au lieu, aux personnes, et ne se relâcha en rien. […] » Ajouterai-je qu’à la première veille, des nuages ayant tout à coup assombri le ciel, le dôme de cette magnifique basilique, dont la coupole, par son admirable travail, surpasse la plus belle du monde entier, fut frappé d’un tel coup de foudre, que de grandes portions s’en détachèrent, et que des marbres énormes furent ébranlés par une force et un choc horribles, et principalement dans cette partie qui est en vue du palais des Médicis !

102. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

A la vérité, M. de Tocqueville, ayant été plus qu’aucun autre frappé des excès et des périls de la centralisation, a bien entrevu cette sorte de communisme où pourrait conduire l’abus de l’intervention de l’État en toutes choses, et c’est là une des formes du socialisme ; mais ce n’est pas la plus redoutable, quelque grave qu’elle soit. […] Personne aujourd’hui ne frappe plus et n’est plus frappé au nom de Dieu ; personne ne prétend plus à usurper les droits et à devancer les arrêts du souverain juge. » Il est enfin une troisième liberté qui tend à grandir de plus en plus : c’est la liberté industrielle. […] Enfin, quelque peu métaphysicien que je sois, j’ai toujours été frappé de l’influence que les opinions métaphysiques avaient sur les choses qui en paraissaient le plus éloignées et sur la condition même des sociétés. […] Ce contraste, qui frappe dès les premiers temps du christianisme, entre les vertus chrétiennes et ce que j’ai appelé les vertus publiques, s’estsouvent reproduit depuis.

103. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Nul des habitants de la terre n’a encore reçu des dieux un gage assuré de l’événement futur ; mais, sur l’avenir, les âmes ont été frappées d’aveuglement. […] Ce rapport a déjà frappé plus d’un lecteur intelligent ; et il est indiqué dans un des meilleures études publiées de nos jours sur Pindare. […] Elle frappe dans l’ensemble, dans les détails, malgré tout ce qui sépare le majestueux évêque français, fils de magistrat, magistrat lui-même, reçu dans la cour et le conseil d’État d’un grand roi, le théologien profond, l’orateur incomparable, dont la voix illustrait les grandes funérailles, et l’harmonieux Trouvère de la Grèce idolâtre, le fils d’un musicien de Béotie, habitant une petite maison de Thèbes, poëte et chanteur, et, à ce titre, hôte bien voulu dans les cités de la Grèce, dans les palais des rois de Syracuse, d’Agrigente, d’Etna, de Cyrène, et souvent aussi, dans la maison et à la table de riches citoyens, dont il célébrait, pour des présents ou par amitié, les triomphes dans les jeux sacrés de la Grèce. […] » Puis, dans un retour aux mouvements impétueux de la vie, est-ce Pindare, est-ce Bossuet, qui, frappé du sillon d’éclair de l’aigle, que sa pensée a tant de fois suivi dans les cieux, dit d’un guerrier qu’il admire : « Comme une aigle qu’on voit toujours, soit qu’elle vole au milieu des airs, soit qu’elle se pose sur quelque rocher, porter de tous côtés ses regards perçants et tomber si sûrement sur sa proie qu’on ne peut éviter ses ongles non plus que ses yeux ; aussi vifs étoient les regards, aussi vite et impétueuse était l’attaque, aussi fortes et inévitables étaient les mains du prince de Condé. » Un seul mot vient ici littéralement de Pindare, et avant lui, d’Homère : χεῖρας ἀφύκτους. […] Un court fragment, que tous les traducteurs ont négligé, confirme ce souvenir et semble le salut d’entrée du génie venant frapper à la porte du temple et offrir son aide, pour la défense de la patrie commune.

104. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

Sieyes, en 1800, était déjà frappé de ridicule ; voilà ce que disent les témoins bien informés de ce temps-là. — On trouve aussi que Fouché est jugé un peu favorablement et avec trop d’indulgence ; le portrait de M. de Talleyrand, très-agréable, n’est lui-même qu’ébauché ; l’historien, si bien au fait des secrets les plus honteux, ne peut tout dire ; mais ces portraits sont touchés avec infiniment d’art et de goût. […] — La mort frappe coup sur coup au sein de l’Académie et parmi les générations dont le tour ne semblait pas encore venu.

105. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Nous n’osâmes pas frapper à la petite porte verte. […] Je fus frappé de ses yeux pendant qu’il écoutait un sestetto de l’opéra d’Elena, de Mayer. […] Je fus frappé et attiré par sa noble figure de gentilhomme de campagne qui me rappelait celle de mon père. […] Quelques-uns de ses beaux vers m’avaient frappé l’oreille d’un timbre racinien. […] Il ne frappait pas les grands coups, mais il en frappait une multitude de petits avec lesquels il brisait les ministères, les majorités et les trônes.

106. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Si la pensée frappe fort, le mot est fort ; si elle frappe doucement, il est doux ; si elle frappe faiblement, il est faible. […] La poésie est un cri : nul ne le jette bien retentissant s’il n’a été frappé au cœur.

107. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

« Jamais, en effet, calamités plus terribles et augures plus menaçants ne témoignèrent au peuple romain que les Dieux ne veillaient plus à sa sécurité, mais à leur vengeance. » XIII Après avoir frappé ainsi l’esprit de ses lecteurs de l’impression dont il est frappé lui-même, Tacite entre d’un pas rapide, mais sûr, dans son récit par le tableau du lendemain de la mort de Néron. […] On assure qu’il tendit courageusement la gorge aux meurtriers, en leur disant d’agir et de frapper, si c’était pour l’avantage de la république. […] « Le nom de celui qui le frappa n’est pas suffisamment constaté.

108. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Il ne ressemble pas aux gens préoccupés et frappés qui, mesurant tout à leur horizon visuel, estimant tout d’après leur sensation présente croient toujours que la maladie qu’ils ont est la plus grave que jamais la nature humaine ait éprouvée. […] Un jugement de Montaigne m’a frappé, en ce qui concerne les hommes de son temps, et il se rapporte assez bien également à ceux du nôtre. […] Cette contagion ou peste qui sévissait alors dans le pays, frappait surtout parmi ces pauvres gens, Montaigne apprend d’eux la résignation et la pratique de la philosophie. […] Ce style bref, mâle, qui frappe à tout coup, qui enfonce et qui redouble le sens par le trait, ce style duquel on peut dire qu’il est une épigramme continuelle, ou une métaphore toujours renaissante, n’a été employé chez nous avec succès qu’une seule fois, et c’est sous la plume de Montaigne.

109. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Barlet (religieux lazariste), caporal-brancardier au 4e régiment de zouaves : « Au moment où une section s’élançait hors de la tranchée, pour se porter à l’attaque d’une position allemande, s’est précipité pour secourir un lieutenant blessé, puis, encourageant de la voix et du geste les hommes privés de leur chef, les a entraînés jusqu’à la tranchée allemande où il est tombé frappé de quatre blessures. » (J. […] Le père Deléglise (Jean-Marie), des Pères Oblats de Marie Immaculée, aumônier volontaire au 13e bataillon de chasseurs alpins : « D’un dévouement absolu, exerçant ses fonctions avec un tact et une intelligence au-dessus de tout éloge, apprenant à ses hommes le plus profond mépris de la mort, et montrant la même indifférence complète du danger ; à l’assaut du 14 juin 1915 a suivi la colonne, donnant à tous le meilleur réconfort ; frappé à son tour, en portant un blessé sur ses épaules, s’est relevé pour continuer sa marche avec son glorieux fardeau ; a été tué presque aussitôt d’une balle en plein front.  » (J. […] A vingt-six ans, avec les cinq officiers de son régiment qu’a frappés la même décision, il part pour le Canada. […] Est tombé frappé mortellement. »

110. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

Il hésite, il est près de la frapper d’un poignard ; mais le bon sentiment triomphe. […] Dans les dernières scènes entre Octave et Brigitte, après l’arrivée à Paris ; dans ce conflit pénible, fatigué, tantôt sourd et tantôt convulsif, d’une jalousie fantasque et d’un amour épuisé, j’ai été frappé d’un inconvénient. […] Pourquoi le petit crucifix d’ébène aperçu l’arrête-t-il au moment de frapper ?

111. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Lettre à Alphonse Karr, jardinier Esprit de bonne humeur et gaîté sans malice, Qui même en le grondant badine avec le vice, Et qui, levant la main sans frapper jusqu’aux pleurs, Ne fustige les sots qu’avec un fouet de fleurs ! […] Tu regardais la peur en face, en homme libre, Et ta haute raison rendait plus d’équilibre À mon esprit frappé de tes grands à-propos Que le bain n’en rendait à mes membres dispos ! […] Mais des soldats rôdeurs les pas sourds retentirent ; Par leurs gazouillements ses oiseaux l’avertirent : Quelques reflets de hache avaient dû les frapper ; Remontant en litière, il tenta d’échapper.

112. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Il est un coup de baguette miraculeux qu’une grande situation frappe sur les hommes et qui éveille le genre de génie qu’il faut pour cette situation même, et ce coup de baguette doit être encore plus puissant sur les papes que sur les autres hommes, puisque, dans l’opinion catholique, leur situation est plus qu’humaine. […] Ainsi, le caractère et l’unité dans la vie, voilà les qualités premières qui frappent en Léon XIII, et qui sont si grandes que tout d’abord elles empêchent de voir en lui autre chose. […] Ils ne voient pas qu’en frappant l’Église, c’est eux qu’ils frappent, et que ce parricide est leur propre suicide, à eux !

113. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Fustel de Coulanges, ce robuste, nous frappe deux ou trois livres avec cette force qu’il a montrée dans son premier, il faudra bien que la Critique et l’opinion littéraire s’occupent de ce premier livre, où une méthode nouvelle et un talent neuf se révèlent. […] Quant à l’Empire Romain, que les Barbares ne détruisirent pas, ce fut lui qui se frappa lui-même en accordant à l’importunité des Germains qui le servaient la juridiction civile avec le gouvernement militaire, qui auraient dû rester dans des mains romaines. […] Ce jour-là, il se frappa dans le cœur, dans le principe même de sa constitution.

114. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

Et que si les gouvernements et les peuples, lesquels veulent tous un peu être des gouvernements, ramenés aux mêmes erreurs que du temps de Clément XIV par des écrivains stupides et perfides, se reprenaient d’une haine qui n’est pas fatiguée contre une société abattue par un pape mais que d’autres papes ont relevée, et voulaient la frapper encore, le P.  […] En abolissant les jésuites, et surtout à la date de leur abolition, on ne frappait donc pas la religion et le Saint-Siège précisément là où la philosophie guidait la main pour plus mortellement blesser, mais on frappait la société même et on abolissait sa dernière espérance.

115. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Mais ce que veut le destin, ni les augures ni les cérémonies saintes ne le détourneront. » D’autres traits épars dans les poésies de Solon frappent sur les erreurs de la vie publique, l’avidité des citoyens à s’enrichir, l’injustice des chefs du peuple, le pillage des domaines sacrés et du trésor public, la corruption amenant l’esclavage qui ramène la sédition et réveille la guerre endormie. […] Jamais ne meurent sou noble souvenir ni son nom ; mais, sous la terre qui le couvre, il est immortel celui que, dans le feu de la victoire, de la résistance, du combat pour la patrie et la famille, le terrible Mars a frappé. […] C’est opprobre de frapper par derrière l’homme qui fuit dans le combat.

116. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Témoin des troubles civils de Lyon en 1834, Mme Valmore a pris part à tous ces malheurs avec le dévouement d’un poëte et d’une femme : Je me laisse entraîner où l’on entend des chaînes ; Je juge avec mes pleurs, j’absous avec mes peines ; J’élève mon cœur veuf au Dieu des malheureux ; C’est mon seul droit au ciel, et j’y frappe pour eux Elle frappa à d’autres portes encore ; et son humble voix, enhardie dès qu’il le fallut, rencontra des cœurs dignes de l’entendre quand elle parla d’amnistie.

117. (1874) Premiers lundis. Tome I « M.A. Thiers : Histoire de la Révolution française Ve et VIe volumes — I »

Placé entre l’exagération de la Commune et la modération des dantonistes, craignant également d’être entraîné ou ralenti, le Comité, pour en finir, frappa des deux côtés et annula tourte résistance. […] Le pouvoir, comme on voit, en changeant de mains, se simplifiait, se concentrait sans cesse, et ses faisceaux, toujours moins nombreux et plus forts, frappaient des coups de plus en plus pressés et sûrs.

118. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

Une chose entre mille a frappé M.  […] Une autre chose l’aurait pu frapper aussi, ce me semble, c’est le danger d’illusion et le travers auquel se trouve exposé un galant homme qui, jeté, jeune et riche, au milieu de l’éclat et des politesses du monde, et s’avisant un beau jour de s’y vouloir faire une réputation d’auteur, se met à croire à tous les compliments qui lui arrivent, et aux cartes de visites sur lesquelles on lui crayonne des bravos.

119. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

En voici de littéraires : « Paul de Kock éclabousse la modestie et la pudeur pour faire rire. » « Tacite est merveilleux dans l’antithèse, lorsqu’il n’y est pas ridicule. » En voici de morales : « Peu aiment beaucoup ; beaucoup aiment peu. » « Un despote n’a pas d’amis. » « L’époux qui frappe sa compagne mérite-t-il le nom d’époux ? […] Ma plume, disciplinée de bonne heure, n’avait besoin ni de saint Hilaire ni de saint Sylvain pour frapper des maximes. » Il nous raconte qu’en 1870 il avait déjà écrit quinze cahiers de pensées, qui furent pillés par les Prussiens, et il ne nous cache pas que c’est là une grande perte.

120. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

Il y aurait donc, de la part du protestantisme, parricide et infanticide tout ensemble à vouloir frapper le socialisme. Il se frapperait lui-même à toutes les générations, il se suiciderait dans sa race ; car, il ne faut pas s’y méprendre, c’est le poids de toutes les erreurs, déversées les unes dans les autres par une loi d’assimilation terrible, qui a empli cette coupe de sang révolté qui bout maintenant, allumée par toutes les convoitises dans le cœur de l’homme, et dont la vapeur monte à son esprit et s’y condense en socialisme.

121. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Ivan avait dix-neuf ans lorsque ce revers inattendu le frappa. […] Après avoir chuchoté longtemps, Antoine prit sa baguette pour frapper la plaque de fer, depuis longtemps muette, qui était accrochée au magasin à blé. […] Il allait les rejeter loin de lui, lorsque le feuilleton d’une des gazettes lui frappa les yeux ; il bondit comme si un serpent l’eût piqué. […] Minuit sonnait à l’horloge de la ville ; dans la maison, la petite pendule frappa aigrement douze coups ; le veilleur les répéta en cadence sur sa planche. […] La mort frappe successivement les personnages de la maison Kalitine O***.

122. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Or, c’est surtout à cette multitude anglaise que l’art dramatique doit le maintien des bonnes et naturelles traditions théâtrales : car n’ayez peur qu’elle tolère des productions qui dépasseraient la portée de son intelligence, des beautés dont elle ne se sentirait pas immédiatement frappée. […] Diane, Minerve ou Hercule ne descendront pas du ciel tout exprès pour dénouer la tragédie : une fille dont on égorge la mère, ne s’écriera pas : Frappez, redoublez, s’il est possible. […] Si dans la solitude et les ténèbres, l’assassin reconnaît, entend celui que sa main a frappé, partagerai-je son illusion, moi qui ne suis que le témoin et non le complice de son forfait ? […] l’on veut que l’ombre de Banquo m’apparaisse au festin de Macbeth, qu’invisible à tous les convives, elle frappe immédiatement mes regards, comme ceux de Macbeth lui-même ! […] Mais Racine eût encore plus évité les expressions extatiques et mystérieuses qui remplissent, dans les drames allemands, les vides du dialogue, les exclamations prophétiques plus obscures que l’avenir même qu’elles concernent ; les descriptions indéterminées d’abîmes profonds, de forêts solitaires, de flots mugissants, de torrents impétueux, vaines syllabes, qui frappent l’oreille et n’apprennent rien à l’esprit.

123. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

* * * Ce qu’il y a d’affreux dans ces abominables maladies de l’intelligence, c’est qu’elles ne touchent pas seulement à l’intelligence, mais qu’elles détruisent souterrainement, et à la longue, chez l’être aimant qu’elles frappent, la sensibilité, la tendresse, l’attachement, c’est qu’elles suppriment le cœur… Cette douce amitié qui était le gros lot de notre vie, de mon bonheur, je ne la trouve plus, je ne la rencontre plus… Non, je ne me sens plus aimé par lui, et c’est le plus grand supplice que je puisse éprouver, et que tout ce que je peux me dire, n’adoucit en rien. […] Il fallait que l’humain fût frappé dans ces choses de grâce et d’élégance, que je croyais intangibles par la maladie, dans ces dons d’homme comme il faut, d’homme bien né, d’homme bien élevé ! […] * * * Vers le 26 mai Dans le passage galopant de tous ces landaus, de toutes ces calèches, de toutes ces victorias, dans tout ce luxe roulant, et jetant avec fracas, parmi la verdure, les couleurs voyantes de la mode de cette année, je suis frappé par la vue, au fond d’une de ces voitures, du rigide et noir costume d’une Sœur, c’est un rappel de la mort dans cette joie et cet éblouissement. […] Hier soir, Béni-Barde m’a dit que c’était fini, qu’une désagrégation du cerveau avait eu lieu à la base du crâne, derrière la tête, qu’il n’y avait plus à conserver aucun espoir… Après cela, mais je n’écoutais plus, je crois qu’il m’a parlé de nerfs lésés dans la poitrine par cette désagrégation, et d’une phtisie foudroyante qui devait suivre… Mon orgueil, l’orgueil que j’avais pour nous deux, me disait le jour où je l’ai senti frappé à tout jamais : « Il vaut mieux qu’il meure ! […] * * * Plus je le regarde, plus j’étudie ses traits, plus je trouve sur cette figure un air de souffrance morale, que je n’ai vu persister sur aucune physionomie dans la mort, plus je suis frappé de sa navrante tristesse.

124. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Quand un homme qu’on pourrait appeler le dernier des prophètes, écrivait, au commencement du siècle : « Il faut nous tenir prêts pour un événement immense dans l’ordre divin, vers lequel nous marchons avec une vitesse accélérée qui doit frapper tous les observateurs », il montrait une fois de plus cette longue prévision qui est à la créature humaine ce que la prescience est à Dieu, et qui part d’une inspiration plus profonde que le génie. […] D’abord, le parti évangélique ou puritain (Low Church), qui professe arrogamment le protestantisme dans son horreur pure, nie la tradition, méprise les Pères et interprète la Bible à son gré ; ensuite le parti de l’Église et l’État (Church and State), qui tend à sacrifier entièrement, dans un temps donné, l’élément religieux à l’élément politique ; et, enfin, le parti anglo-catholique, celui de tous qui doit frapper le mieux au cœur l’Église anglicane, mais qui la frappe pour la sauver : car, tuée par lui, elle ressuscitera catholique, apostolique et romaine. […] Seulement, comme il s’agissait d’un des plus illustres propulseurs de l’anglo-catholicisme, on frappa en lui ce que dans un autre on aurait peut-être toléré. […] Quant à Oakeley, fellow, comme Ward, du collège de Balliol, chanoine de Lichfield et curé de Sainte-Marguerite de Londres, l’un des esprits les plus distingués de son Église, il avait noblement appelé sur sa tête la condamnation qui avait frappé Ward.

125. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Ce qui me frappa beaucoup, c’est que le soleil, qui glissait par la claire-voie, éclairait le verre de la pendule et faisait paraître le grand cachet rouge, et les autres petits, comme les traits d’un visage au milieu du feu. […] Ils commençaient encore à s’embrasser ; je frappai du pied vivement pour les faire finir. […] Au moment du feu, elle porta la main à sa tête comme si une balle l’avait frappée au front, et s’assit dans le canot sans s’évanouir, sans crier, sans parler, et revint au brick quand on voulut et comme on voulut. […] « Alors il s’approcha d’elle et lui frappa sur l’épaule, comme il eût fait à son petit mulet. […] De grandes catastrophes venant de me frapper, je quittai Paris en m’informant de lui et en lui envoyant mes adieux.

126. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Cowper, avec son tour d’imagination frappée, y voyait non seulement des avertissements divins et des châtiments infligés au monde, mais encore des signes précurseurs de la fin des temps et du Jugement dernier. […] Combien touchante est la musique de ces cloches de village qui, par intervalles, vient frapper l’oreille en douces cadences, tantôt mourant au loin, tantôt reprenant avec force et toujours plus haut, claire et sonore, selon que le vent arrive ! […] Frappé de bonne heure des beautés d’Homère et mécontent des infidélités de Pope, il s’appliqua (lady Austen encore, à l’origine, l’y poussant) à faire en vers blancs une traduction complète et fidèle de L’Iliade et de L’Odyssée, ce qui lui prit de bien longues années. […] Le plus grand malheur qui put l’atteindre l’avait frappé : Mme Unwin, son ange domestique, attaquée de paralysie, se survivait à elle-même, et elle le précéda de quatre ans au tombeau.

127. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Ce n’était pas l’impression d’un beau pays frappé de mort et condamné par le soleil à demeurer stérile ; ce n’était plus le squelette osseux de Boghari, effrayant, bizarre, mais bien construit : c’était une grande chose sans forme, presque sans couleur, le rien, le vide et comme un oubli du bon Dieu ; des lignes fuyantes, des ondulations indécises ; derrière, au-delà, partout, la même couverture d’un vert pâle étendue sur la terre ; çà et là des taches plus grises, ou plus vertes, ou plus jaunes ; d’un côté, les Seba’Rous (les sept Pitons) à peine éclairées par un pâle soleil couchant ; de l’autre, les hautes montagnes du Tell encore plus effacées dans les brumes incolores ; et là-dessus, un ciel balayé, brouillé, soucieux, plein de pâleurs fades, d’où le soleil se retirait sans pompe et comme avec de froids sourires. […] Fromentin lui même, quoiqu’il affirme « qu’avec le burnouss saharien ou le mach’la de Syrie on ne représentera jamais que des Bédouins », et non d’antiques Hébreux, ne peut s’empêcher quand il voit les Arabes sous un beau jour et quelque noble tribu en marche, quelque noble chef donnant audience ou exerçant dignement l’hospitalité, d’être frappé avant toute réflexion et de faire un rapprochement instantané, involontaire, avec cette antique civilisation patriarcale ; sa sensation de peintre vient, bon gré, mal gré, à la traverse de sa doctrine classique par trop respectueuse. […] Elle s’est démasquée tout à coup à ses yeux au sortir d’une vallée, — un monticule blanc sur un ciel d’argent mat que ferme une barre violette, et dans l’intervalle une étendue sablonneuse, frappée de lumière. […] Le soleil, suspendu à son centre, l’inscrit dans un cercle de lumière dont les rayons égaux le frappent en plein, dans tous les sens et partout à la fois.

128. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Le bruit approche, la troupe entre, entoure la couche ; le centurion tire son épée et en frappe la reine aux tempes ; alors : Ventrem feri ! […] Le hasard lia ces effets locaux à quelques circonstances heureuses ou malheureuses de ses chasses ; des positions relatives d’un objet ou d’une couleur le frappèrent aussi en même temps : de là le manitou du Canadien et le fétiche du nègre, la première de toutes les religions. […] La nuit, quand les fenêtres de notre salon champêtre étaient ouvertes, madame de Beaumont remarquait diverses constellations, en me disant que je me rappellerais un jour qu’elle m’avait appris à les connaître : depuis que je l’ai perdue, non loin de son tombeau, à Rome, j’ai plusieurs fois, du milieu de la campagne, cherché au firmament les étoiles qu’elle m’avait nommées ; je les ai aperçues brillant au-dessus des montagnes de la Sabine ; le rayon prolongé de ces astres venait frapper la surface du Tibre. […] Avant son départ pour Rome, Lucien l’avait conduit à une fête chez le premier consul ; Bonaparte le reconnaissant dans la foule, s’approcha de lui, et lui dit : « En Égypte, j’étais toujours frappé quand je voyais les cheiks tomber à genoux au milieu du désert, se tourner vers l’orient, et toucher le sable de leur front.

129. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Au siège d’Orléans, on la voit, au dire de son intendant d’Aulon, frapper rude et dru sur l’ennemi. […] Ce qui montre que, si elle ne frappait pas, comme on dit, d’estoc et de taille, si elle se servait le moins possible de la pointe, elle aimait assez à frapper du plat de la lame, comme elle faisait volontiers de son bâton. […] Les juges qui la condamnèrent furent atroces, et l’évêque de Beauvais qui mena toute l’affaire joignit à l’atrocité un artifice consommé ; mais ce qui frappe surtout aujourd’hui, quand on lit la suite de ce procès, c’est la bêtise et la matérialité de ces théologiens praticiens qui n’entendent rien à cette vive inspiration de Jeanne, qui, dans toutes leurs questions, tendent toujours à rabaisser son sens élevé et naïf, et qui ne peuvent parvenir à le rendre grossier.

130. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

De là un désaccord qui frappe tous les gens de bon sens. […] Peignant l’Envie s’attaquant à Montesquieu vivant, il ajoute : Mais quand la Parque inexorable Frappa cet homme irréparable, Nos regrets en firent un dieu. […] Il y ramasse tous les exemples mythologiques qui peuvent attiser sa colère : Méléagre, victime de son effroyable mère ; le frère de Médée, massacré et mis en lambeaux par sa sœur ; les époux des Danaïdes égorgés par leurs femmes, et il ajoute : Mais aucun d’eux n’a vu, dans ses derniers abois, Épouse, et mère, et sœur, le frapper à la fois. […] Puis vint le marquis de Cubières, etc. » Ce n’était là qu’une fantaisie de femme artiste et l’amusement d’une soirée ; mais ce qui me frappe, c’est que, dans plus d’une ode de Le Brun, le travestissement est plus durable et subsiste encore.

131. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Quand on compare la philosophie aux autres sciences, on est frappé tout d’abord d’une différence éclatante. […] Tout esprit quelque peu réfléchi aura été frappé de ce fait, qu’un certain nombre d’hypothèses ou conceptions systématiques se sont produites de très-bonne heure relativement à l’origine et à la fin des choses, à la nature et à la destinée de l’homme, que ces conceptions, toujours à peu près les mêmes, quoique chacune avec de notables développements, se sont reproduites aux époques les plus diverses, et qu’elles paraissent toutes à peu près aussi durables et aussi nécessaires les unes que les autres. […] Je ne dois pas le peindre comme un sophiste coupable, lorsque son seul tort est d’être frappé d’un point de vue vrai, mais de négliger les autres, tort dans lequel je tombe tous les jours moi-même. […] Le point de vue qui l’a frappé lui paraît la vérité absolue : il coordonne tout autour de ce point de vue unique ; par là, il creuse plus avant, il développe et enrichit la science par des faits nouveaux et des analyses nouvelles.

132. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

C’est un sceptique, qui sans la politique serait peut-être un athée, un utilitaire de religion, qui met la morale au-dessus de toute religion positive, la morale sans sanction, se payant de ses propres mains ses propres mérites, et se punissant de ces mêmes mains qui n’osent se frapper jamais. […] Mais que, dans ce redoutable Sagittaire il y eût un historien, et précisément l’historien qui frappa tant Burke, la première fois qu’il le lut, que du coup il l’appela : « tacite », c’est là, n’est-il pas vrai ? […] Mais, tout interrompue qu’elle ait été, cette histoire ne frappa pas uniquement, pour la féconder, que la tête politique et puissante de Burke. Elle eut le triste honneur de frapper également la tête hébétée d’un gouvernement éperdu, qui demanda toujours à tout le monde un secours dont il ne sut jamais se servir, depuis Pezay jusqu’à Mirabeau !

133. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

l’Allemagne a tout cela, et tout cela, vu à distance et frappé d’un jour ménagé à dessein, autorise, ce semble, pour les vues faibles, bien des illusions favorables aux prétentions ultramontaines. […] Le sac de Jérusalem par les Sarrasins (1187) avait frappé les cœurs en les embrasant davantage, comme ces coups de hache dans l’incendie qui font monter plus haut la flamme. […] Sismondi lui-même, malgré tout ce sang versé qui l’aveugle et le fait frémir, y voit clair encore, et à la page 412 du VIe volume de son Histoire, frappé du langage d’Innocent dans ses lettres après que les ambassadeurs d’Aragon lui eurent dévoilé la vérité, il avoue que ce Pape put être trompé par ses légats. […] Comme il était sans cesse exposé à périr victime de l’enthousiasme religieux qu’il inspirait, il frappait du bâton, pour l’écarter, cette foule qui voulait entendre sa voix et toucher ses vêtements, mais les blessés baisaient le sang de leurs blessures, heureux et fiers de ce qu’il coulait sous les mains de l’homme de Dieu.

134. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Le 18 août 1916, le sous-lieutenant Rothstein tombait à la tête de ses hommes, frappé d’une balle au front.‌ […] L’un de ceux-ci, frappé à mort, réclame un crucifix. […] Et quelques pas plus loin, un obus le frappe lui-même. […] Il répond : « Je suis chargé d’une reconnaissance, il faut aller plus loin… », et presque aussitôt il tombe frappé à la tête d’une balle explosible.

135. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

On parla de cynisme et M. le Dr Prieur conclut dans le Mercure de France : « Je crois même que ce dernier mot est insuffisant quand on se souvient qu’à la répétition générale le professeur Bertry, ce guignol incohérent, qu’un accès d’angine de poitrine venait frapper au dernier acte, avait pris la tête et les gestes de Charcot que l’angine de poitrine avait frappé à mort, une nuit de voyage, dans une auberge de province, peu de temps auparavant… » 105 Outre une erreur de diagnostic (car Charcot succomba à une insuffisance aortique dûment constatée par les professeurs Strauss et Debove qui assistèrent à son agonie)106, nous pouvons signaler que M. 

136. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

On est sérieux seul, on est gai pour les autres, surtout dans les écrits ; et l’on ne peut faire rire que par des idées tellement familières à ceux qui les écoutent, qu’elles les frappent à l’instant même, et n’exigent d’eux aucun effort d’attention. […] Il y a de la misanthropie dans la plaisanterie même des Anglais, et de la sociabilité dans celle des Français : l’une doit se lire quand on est seul, l’autre frappe d’autant plus qu’il y a plus d’auditeurs.

137. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Israël a été frappé de ce que l’aigle a de plus sublime : il l’a vu immobile sur le rocher de la montagne, regardant l’astre du jour à son réveil. […] Dans la Bible il est presque toujours inattendu ; il fond sur vous comme l’éclair ; vous restez fumant et sillonné par la foudre, avant de savoir comment elle vous a frappé.

138. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Le saint renversé dans cette direction est aussi bien renversé ; il est envelopé de la masse des rayons qui le frappent, mais qui ne le frappent pas assez pittoresquement ; il aurait fallu de la verve pour lui donner un air de foudre, et Lépicié n’en a pas.

139. (1767) Salon de 1767 « De la manière » pp. 336-339

Elle a je ne sais quoi d’original qui séduit les enfants, qui frappe la multitude, et qui corrompt quelquefois toute une nation ; mais elle est plus insupportable à l’homme de goût que la laideur ; car la laideur est naturelle, et n’annonce par elle-même aucune prétention, aucun ridicule, aucun travers d’esprit. […] Ceux qui sentent, qui sont frappés d’une belle image, qui ont une oreille fine et délicate, crient au blasphème, à l’impiété.

140. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Il est dans la vrai-semblance que le témoin oculaire de pareils évenemens, qu’il convient d’emploïer pour en faire le recit, ait été frappé d’un étonnement qui dure encore ; et il seroit ainsi contre la vrai-semblance qu’il se servit dans son recit des figures qu’un homme saisi, et qui ne songe point à être pathetique, ne trouve pas. […] Nous sommes séduits par les images dont le poëte se sert pour l’exprimer ; et la pensée de triviale qu’elle seroit énoncée en stile prosaïque devient dans ses vers un discours éloquent qui nous frappe et que nous retenons.

141. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

J’ai été paysan, Monsieur, et je n’ai jamais vu dans nos montagnes le pain, le maïs, la rave, le lait de la chèvre ou de la vache manquer à l’innocence des enfants ou à la pénurie des vieillards, à quelque porte que Dieu vînt y frapper par la main de ces privilégiés de sa Providence. Qu’est-ce donc qu’on dit aux pauvres quand on leur dit : Frappez et on vous ouvrira ? […] Jean Valjean peut gagner tous les millions qu’il voudra dans ses manufactures, il peut protéger les filles, doter les enfants, etc. ; maire de sa bourgade, il peut se relever à la sublimité vertueuse du repentir, se vouer lui-même à l’infamie pour écarter le soupçon de la tête d’un coupable : il ne sera jamais que le scélérat mille fois relaps, debout dans la nuit, sa massue à la main sur la tête de son bienfaiteur, indécis, comme dit l’écrivain, prêt à frapper s’il s’éveille, et finissant par ne pas frapper parce qu’un cadavre l’accuserait plus que l’hôte endormi ! […] VII Mais, me direz-vous, l’évêque était cependant un bon chrétien, un disciple modèle de Celui qui a dit : « Tu ne frapperas pas, même pour me défendre !  […] Misères du cœur, de l’esprit, de l’âme et du corps, misères surtout qui frappent ce que vous aimez à cause de vous, et qui font un devoir de vivre pour d’autres encore après avoir perdu toute raison de vivre pour vous-même !

142. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Ils le haïssaient, eux, vigoureusement et ouvertement, et ils le frappaient, l’infâme (c’était leur mot de colère), avec furie et presque avec férocité. […] On ne frappe point à tour de bras, même dans le dos, mais on enfonce doucement la chose où il faut l’enfoncer ; et c’est ce qu’ont fait MM. de Goncourt ! […] Or, c’est inévitablement dans ces dîners que MM. de Goncourt, qui en sont les fidèles, ont trouvé, en s’y asseyant entre Sainte-Beuve et Renan, cet art délié de frapper sûrement le catholicisme, avec cette rouerie de sérénité qui est l’hypocrisie moderne. […] Malheureusement, en comparaison de ce qu’il pouvait faire, M. de Goncourt (c’est le cas de le dire) s’est arrêté aux bagatelles de la porte, — et, pourtant, l’analyse, le drame prolongé, la splendeur tragique du dénouement, étaient dans cette fournaise allumée, éblouissante et joyeuse, du Cirque, devenu, pour le clown frappé d’impuissance, un enfer. […] Je l’aurais tuée ou chassée, ou frappée dans l’exercice de son génie et de son mensonge.

143. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

En exprimant ce qu’on éprouve, on peut avoir un style poétique, recourir à des images pour fortifier des impressions ; mais la poésie proprement dite, c’est l’art de peindre par la parole tout ce qui frappe nos regards. […] Les contrastes de la nature, les effets remarquables qui frappent tous les yeux, transportés pour la première fois dans la poésie, présentent à l’imagination les peintures les plus énergiques, et les oppositions les plus simples. […] Le poète a vu, il vous fait voir ; il a été frappé, il vous transmet son impression, et tous ses auditeurs, à quelques égards, sont poètes aussi comme lui ; ils croient, ils admirent, ils ignorent, ils s’étonnent, et la curiosité de l’enfance s’unit en eux aux passions des hommes.

144. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Quels moyens reste-t-il alors à l’éloquence pour frapper les esprits par des pensées ou des expressions heureuses, par le contraste du vice et de la vertu, par la louange ou par le blâme distribués avec justice ? […] On ne sait plus ce qui doit fixer l’appréciation des hommes ; les calomnies commandées par l’esprit de parti, les louanges inspirées par la terreur ont tout révoqué en doute, et la parole errante frappe l’air sans but et sans effet. […] Frappé de tous les abus qu’on a faits de la parole depuis la révolution, l’on déclame contre l’éloquence ; l’on veut nous prémunir contre ce danger qui, certes, n’est pas encore imminent ; et comme si la nation française était condamnée à parcourir sans cesse tout le cercle des idées fausses, parce que des hommes ont soutenu violemment et souvent même grossièrement de très injustes causes, on ne veut plus que des esprits droits appellent les sentiments au secours des idées justes.

145. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

Je puis négliger toutes leurs qualités respectives, être frappé seulement de ce qu’une partie de mon impression s’est répétée, sentir que l’expérience que je viens de faire sur le jeton rouge est semblable, par un certain point, à celle que j’achève sur le jeton blanc, éprouver, après ces deux expériences successives, une tendance consécutive distincte et correspondante à leur nombre, c’est-à-dire à la propriété qu’elles ont d’être deux. — Comme toutes les tendances, celle-ci aboutit à un signe ; admettons pour ce signe le mot ordinaire, deux. […] Quand nous apprécions une distance, il faut bien qu’elles soient présentes ; et pourtant nous ne les démêlons plus, quelque envie que nous en ayons ; elles sont pour nous comme si elles n’étaient pas ; il nous semble que nous connaissons, directement et sans leur entremise, la position que seules elles dénotent ; si parfois elles nous frappent, c’est en s’exagérant, par exemple lorsque, obligés de lire de trop près ou de trop loin, nous éprouvons dans les muscles de l’œil une fatigue notable ; hors de ces cas, elles sont invisibles et comme évanouies. — Pareillement, un compositeur qui vient de lire un air d’opéra ne se souvient pas des croches, des blanches, des clefs, des portées, et de tout le barbouillage noir sur lequel ses yeux se sont promenés, mais seulement de la série des accords qu’intérieurement il a entendus ; les signes se sont effacés, les sons seuls surnagent. — Quand il s’agit de mots, nous pouvons marquer les divers degrés de cet effacement. […] Mais, au bout d’un temps, celles-ci ne nous frappent plus ; n’étant plus nouvelles, elles ne sont plus singulières ; n’étant plus singulières, elles ne sont plus remarquées ; dès lors, dans le manuscrit comme dans l’imprimé, il nous semble que nous ne suivons plus des mots, mais des idées pures. — On voit maintenant pourquoi, dans nos raisonnements et dans toutes nos opérations supérieures, le mot, quoique présent, doit paraître absent.

146. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

La foule des hommes en s’éveillant, ne voit que ce qui frappe leur instinct grossier ; ils existent sans être émûs. […] Que ces esprits indifférens sur le désordre qui ne les touche pas, que ceux dont la foible prudence méconnoit cette vertu supérieure à toute crainte, l’appellent un insensé, ou le regardent comme un misantrope qui se livre au triste plaisir d’exercer une censure amere ; ce n’est pas à eux de sentir qu’il est impossible à l’homme vertueux de garder le silence, tandis que les cris plaintifs des victimes de l’oppression retentissent à son oreille & frappent son cœur sensible, tandis que les droits éternels de la Justice sont violés pour satisfaire quelques monstres avides, tandis qu’un peuple entier vit dans les larmes, ayant tout perdu jusqu’au droit lamentable d’élever ses soupirs ; ah ! […] Qui verra disparoître l’enceinte des murs, les habis, les coutumes, & les mœurs ; & dans une affection généreuse & universelle, frappera cette barbare intolérancea, qui oppose Loix à Loix, homme à homme, & qui le rend à la fois aveugle & furieux ?

147. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

que sous llion, tu fusses tombé frappé par une lance de Lycien ! […] Électre redresse devant lui Clytemnestre à l’œuvre, dans l’élan forcené du meurtre. — « Elle frappait comme une femme Cissienne à la guerre ; ses deux mains jointes sur la hache allaient, retombaient, de près, de loin. […] La mort l’attend debout derrière la porte où il l’a embusquée dix années avant : Égisthe entre et il est frappé.

148. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

Chapitre VI Les localisations cérébrales Certains savants, persuadés que le cerveau est l’organe de la pensée, mais frappés des démentis bizarres que l’expérience semble donner à cette théorie, ont été par là conduits à supposer que la plupart des erreurs commises venaient de ce que l’on voulait toujours considérer le cerveau en bloc, au lieu d’y voir un assemblage d’organes différents, associés pour un but commun. […] Aussi pas une seule des localisations proposées par lui n’a-t-elle gardé de valeur scientifique, et son hypothèse est frappée au coin d’une témérité frivole qui n’est pas sans quelque mélange de charlatanisme. […] De plus, sans méconnaître l’abus que l’on peut faire des raisons à priori, il est difficile cependant de ne pas être frappé des paroles suivantes de M. 

149. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Le cours harmonieux des paroles qui se succèdent et qui s’enchaînent, soutient et fixe l’attention ; et la pantomime de l’orateur frappant les yeux en même temps que la musique des mots frappe l’oreille, sert pour ainsi dire d’accompagnement à cette musique. […] Ce philosophe, né avec plus d’imagination que de profondeur, et qui peut-être avait plus d’esprit que de lumières ; qui s’agita toute sa vie pour être en spectacle, mais à qui il fut plus facile d’être singulier que d’être grand ; qui courut après la renommée avec l’inquiétude d’un homme qui n’est pas sûr de la trouver ; qui quitta sa patrie, parce qu’il n’était pas le premier dans sa patrie, qui s’ennuya loin d’elle, parce qu’il n’avait trouvé que le repos, et qu’il avait perdu le mouvement et des spectateurs ; qui, trop jaloux peut-être des succès des sociétés, perdit la gloire en cherchant la considération ; frappé de bonne heure de la grande célébrité de Fontenelle, avait cru devenir aussi célèbre que lui en l’imitant. […] Les Russes ont un esprit facile et souple ; leur langue est, après l’italien, la langue la plus douce de l’Europe ; et si une législation nouvelle élevant les esprits, fait disparaître enfin les longues traces du despotisme et de la servitude ; si elle donne au corps même de la nation une sorte d’activité qui n’a été jusqu’à présent que dans les souverains et la noblesse ; si de grands succès continuent à frapper, à réveiller les imaginations, et que l’idée de la gloire nationale fasse naître pour les particuliers l’idée d’une gloire personnelle, alors le génie qu’on y a vu plus d’une fois sur le trône, descendra peu à peu sur l’empire ; et les arts même d’imagination, transplantés dans ces climats, pourront peut-être y prendre racine, et être un jour cultivés avec succès, 82.

150. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Le lendemain jeudi, au Carrousel, Farcy avait été frappé d’une balle à son côté ; et c’est chez lui que le corps du généreux jeune homme avait été ramené à travers les mille difficultés du moment. […] Herschell, fils de l’illustre astronome, sur l’Étude de la philosophie naturelle, un très bel article tout animé du souffle newtonnien et où il s’inspirait du génie des sciences (14 février 1835), frappa pourtant et devait frapper Carrel ; arrivant ce jour-là au National, et voyant Littré qui traduisait ses journaux allemands, selon son habitude, au bout de la table de la rédaction dans le salon commun : « Mais vous ne pouvez rester dans cette position, lui dit-il, vous êtes notre collaborateur. […] Béranger, qui avait lu ces articles de la Revue républicaine, en avait été vivement frappé et avait dû à l’auteur un agrandissement d’horizon60. […] Une grande douleur avait frappé M.  […] Ces âmes intègres et entières ont des sensibilités plus entières aussi ; elles ont, à leur manière, des religions de famille, et, quand le destin les frappe, elles reçoivent le coup en plein, sans subterfuge, sans consolation.

151. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Pendant qu’elle délibère on la frappe à la tête ou au cœur ; avant qu’elle ait réuni ses contingents on est au centre de ses provinces, à Mayence, à Francfort, à Vienne, en Saxe, à Munich, à Berlin. […] Elle s’étonne, elle se demande comment cette cassette a été déposée là, elle l’ouvre en tremblant : les bijoux la frappent et l’éblouissent. […] Il semble frappé de respect à la vue de Marguerite étincelante de bijoux ; il raconte à la voisine que son mari absent est mort à Padoue, laissant un trésor, et comment il peut lui amener un témoin de sa mort, le soir, dans son petit jardin derrière la maison, pourvu que la charmante Marguerite s’y trouve aussi à la nuit tombante. […] Ce Stabat Mater dolorosa en vers naïfs, dont le contrecoup frappe à chaque verset le cœur de la pauvre fille, produit ici une déchirante impression dans la bouche de cette enfant qui sera bientôt mère d’un fils repoussé par le monde ! […] Le soldat tombe frappé à mort sur le seuil de la maison par l’épée de Faust.

152. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Quoique passionné admirateur de la rapidité de Salluste, cependant la sublimité du sujet et la majesté des discours de Tite-Live me frappèrent vivement. […] Outre les compositions dont j’ai parlé, j’y continuai avec persévérance et avec fruit l’étude des classiques latins, de Juvénal entre autres, qui me frappa vivement, et que dans la suite je n’ai cessé de relire non moins qu’Horace. […] Il m’en était resté dans les yeux et en même temps dans le cœur une première impression très agréable ; des yeux très noirs et pleins d’une douce flamme, joints (chose rare) à une peau très blanche et à des cheveux blonds, donnaient à sa beauté un éclat dont il était difficile de ne pas demeurer frappé, et auquel on échappait malaisément. […] Il monte les marches du perron et frappe le seuil d’une main impatiente. Personne ne répond à cet appel ; il frappe encore, il frappe à coups redoublés : même immobilité dans le vestibule.

153. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Quand on les irrite, ils grincent horriblement des dents, hérissent leur crinière, couchent les oreilles et frappent avec violence. […] Plein de compassion, j’allais m’éloigner, lorsqu’une idée me frappa : c’est que je devais avant tout donner une exacte description du nid, et que pareille occasion ne me serait peut-être plus offerte. […] La femelle avertit le mâle, par un appel composé de deux notes ; tout le corps de l’aigle frémit ; deux ou trois coups de bec dont il frappe rapidement son plumage le préparent à son expédition. […] Une seule chance de succès lui reste, c’est de plonger dans le courant ; mais l’aigle prévoit la ruse ; il force sa proie à rester dans l’air, en se tenant sans relâche au-dessous d’elle, et en menaçant de la frapper au ventre et sous les ailes. […] Un coup des serres de l’aigle frappe la victime sous l’aile, et la précipite obliquement sur le rivage.

154. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Les souvenirs de ce temps ne lui retracent qu’une chèvre et un puits surmonté d’un saule dans la cour de la maison ; il jouait là autour avec son jeune camarade Delon, depuis frappé d’une condamnation capitale dans l’affaire de Saumur, et mort en Grèce commandant de l’artillerie de lord Byron. […] En 1809, après bien des épreuves et des fuites hasardées, il revint frapper à la porte de Mme Hugo ; mais cette fois la retraite était profonde, l’asile était sûr, et il y demeura. […] L’aptitude d’Eugène et de Victor pour les mathématiques frappa beaucoup leurs maîtres ; ils obtinrent même des accessits au concours de l’Université. […] Lebrun, il écrivait : « En général, une chose nous a frappé dans les compositions de cette jeunesse qui se presse maintenant sur nos théâtres ; ils en sont encore à se contenter facilement d’eux-mêmes ; ils perdent à ramasser des couronnes un temps qu’ils devraient consacrer à de courageuses méditations ; ils réussissent, mais leurs rivaux sortent joyeux de leurs triomphes.

155. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

et elle montre la main du Dieu vivant venant frapper jusque sur les planches cet histrion qui fut l’auteur du Misanthrope. […] Une chapelle bâtie et ornée à leur gré ressemble à une salle de théâtre, tant le bariolage des couleurs, l’éclat des marbres et des dorures, la profusion des statues sont calculés pour frapper et éblouir les yeux ! […] Si du reste on considère, non plus un cas particulier, mais l’ensemble, comment n’être pas frappé des caractères qui distinguent les Réformés français ou parlant français du reste de la population française ! […] On est frappé du divorce voulu qui exista entre la poésie et la religion : le christianisme était proscrit, par Boileau, de la tragédie aussi bien que de l’épopée et ce n’est que par exception qu’il y pénétra.

156. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Lorsqu’il dansait sur le théâtre, en tête de ses Chœurs, il aurait pu frapper sa lyre de l’épée, comme les Curètes frappaient de leur glaive sur le bouclier. […] » Avant lui, les masques étaient inanimés ou informes ; il les fit modeler et peindre, d’après les types consacrés, plus grands et plus accentués que nature, avec ces bouches béantes, ces yeux caverneux, ces traits saillants, ces chevelures étagées et calamistrées qui frappaient chaque personnage à l’effigie d’une tête surhumaine. […] On dirait de grands bas-reliefs étalés sur une même surface, sans outres gradations que celles de l’ombre ou de la lumière qui les frappent.

157. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

La petite vérole vient frapper de laideur cette tête angélique, mais l’âme reste intacte et pure, derrière son masque de taches et de cicatrices ; elle le soulève pour aimer, pour prier, pour accomplir chacun des grands actes de sa vie morale ; et alors reparaît, dans la pureté de ses lignes, dans la douce plénitude de son contour, dans le suave éclat de ses rougeurs, le visage virginal enfoui sous sa lèpre, comme une perle cachée sous terre. […] Il a découvert sous ces traits obscurs quelque chose qui ressemble à de la beauté ; il a frappé sur cet esprit engourdi et il en a fait sortir de vives étincelles ; bref, le chevalier est amoureux, autant qu’il peut l’être, et le voilà qui se jette aux pieds de la délaissée en lui proposant d’être… sa maîtresse. […] Cependant, Raymond méconnu ne veut plus rien entendre : les paroles de Philiberte l’ont frappé au cœur ; la blessure est incurable ; il n’aime plus, il n’aimera jamais. […] L’entrevue est piquante, alerte, incisive ; elle lance des traits qui frappent et des mots qui sonnent.

158. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Il parle à son vieux père comme s’il le frappait ; il insulte et il méprise la femme qu’il chérissait la veille. […] Que dites-vous de ce jésuite d’Uzès, débarqué d’hier, et n’ayant qu’à frapper du pied le pavé de Paris pour en faire sortir quatre cent mille francs ? […] Ici, Rodin travaille au rabais ; il frappe à coups d’épingle, il ajuste des manigances, il barbote platement en eau trouble. […] …     C’est le trait final de la comédie : il se retourne contre elle et la frappe en la résumant.

159. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

C’était Sénac de Meilhan qui avait ménagé ce dîner et qui y conduisait le lion : En voyant entrer Mirabeau (nous dit M. de Bacourt d’après des notes précises), M. de La Marck fut frappé de son extérieur. […] Après le dîner, continue le narrateur, M. de Meilhan ayant amené la conversation sur la politique et l’administration, tout ce qui avait pu frapper d’abord comme ridicule dans l’extérieur de Mirabeau disparut à l’instant : on ne remarqua plus que l’abondance et la justesse des idées. […] Je ne l’ai pas fait ; j’ai montré le sabre, et je n’ai pas frappé. Le temps le frappera assez pour moi. » En attendant, dans les notes à la Cour qu’il eut bientôt l’occasion d’adresser, Mirabeau ne cessa de s’élever de toutes ses forces contre « cette dictature ignominieuse qui séparait le roi de ses peuples, le tenait en quelque sorte en état de guerre avec eux, leur servait d’intermédiaire, et, dans ce rôle non moins indécent que perfide, usurpait l’autorité, le respect et la confiance », absorbant à son profit toute la popularité, et ne laissant remonter au trône que le blâme : tout justement le contraire d’un vrai ministère constitutionnel !

160. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

L’Index va frapper son livre d’interdiction, et il part à Rome pour le défendre, ne doutant pas un seul instant de son triomphe auprès du pape « dont il était convaincu d’avoir exprimé simplement les idées95. » Mais la désillusion commence aussitôt pour lui, plus vive encore qu’à Lourdes. […] Quelques convulsions dernières le secouent furieusement avant que le grand air de la liberté ne vienne le frapper au visage ; parvenu au bord de la vie, il a peur de se jeter dans ses eaux […] il s’en croyait frappé, au fond des os, jusqu’aux moelles… La vie voudrait-elle de lui encore, n’avait-il pas été marqué pour rester éternellement à part ?  […] Ce qui me frappe dans l’œuvre de M. 

161. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

J’avoue qu’elles me frappèrent trop peu à l’époque où je les entendis. […] Une nouvelle contradiction frappe le lecteur dans les chapitres suivants, sur la littérature romaine. […] À quelque page qu’on s’arrête, on est, touché par d’aimables rêveries, ou frappé par de grandes images. […] Des Sylvains et des Naïades peuvent frapper agréablement l’imagination, pourvu qu’ils ne soient pas sans cesse reproduits. […] Qui de nous ne se sentit frappé, à ce coup, comme si quelque tragique accident avait désolé sa famille ?

162. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

Ils t’ont prié pendant leur courte vie, Ils ont souri quand tu les es frappés ; Ils ont crié : Que ta main soit bénie ! […] Il faudrait dire que, dès que le poète commande à sa muse d’enfanter, sa muse répand les vers par mille et ne les compte pas ; qu’il frappe le rocher par tous les points, et que par tous les points le rocher ruisselle ; qu’à défaut de soleils sur sa route et de masses rayonnantes, il sème toujours du moins une poussière d’or, une voie lactée de poésie, une atmosphère éthérée et scintillante : largior hic campos aether et lumine vestit purpureo.

163. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Sans doute il faut frapper l’attention par le tableau présent et détaillé de l’objet pour lequel on veut émouvoir ; mais l’appel à la pitié n’est irrésistible que quand la mélancolie sait aussi bien généraliser que l’imagination a su peindre. […] comment éloigner le douloureux contraste qui frappe si vivement l’imagination !

164. (1879) Balzac, sa méthode de travail

« L’imprimerie était prête et frappait du pied comme un coursier bouillant. […] Les compositeurs se frappent la poitrine, les presses gémissent, les protes s’arrachent les cheveux, les apprentis perdent la tête.

165. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

Elle ne les avoit pas encore frappez autant qu’elle les frappe alors.

166. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

Charlemagne et Napoléon sont deux noms qui frappent le même accord dans l’imagination des hommes, soit par la grandeur de leur fortune, soit par le pathétique éclat qui s’est attaché à quelques-uns de leurs revers. […] Seulement, si cette force était plus grande encore, la main du poète, qui attaque parfois l’expression avec une si remarquable énergie, frapperait toujours juste et ne tournerait pas.

167. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

C’est : d’une montagne dont le sommet paraît toucher et soutenir le ciel, et d’une pyramide seulement de quelques lieues de base et dont la cime finirait dans les nues, laquelle vous frapperait le plus ? […] Un bruit entendu au loin, c’était le coup de battoir d’une blanchisseuse, frappa subitement mon oreille, et adieu mon existence divine. […] On prétend que la présence de la chose frappe plus que son imitation ; cependant on quittera Caton expirant sur la scène, pour courir au supplice de Lally. […] Vous voyez une belle femme, sa beauté vous frappe ; vous êtes jeune, aussitôt l’organe propre du plaisir prend son élasticité, vous dormez, et cet organe indocile s’agite, aussitôt vous revoyez la belle femme et vous en jouissez plus voluptueusement peut-être. […] La ligne perpendiculaire, image de la stabilité, mesure de la profondeur, frappe plus que la ligne oblique.

168. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Un soldat germain, s’élançant vers lui, l’atteignit d’un coup de son épée, soit par colère, soit plutôt pour le dérober à tant de dérisions et d’outrages, soit en cherchant à frapper le tribun ; l’arme trancha l’oreille du tribun, et le soldat fut à l’instant massacré. » XXV « Vitellius, forcé de relever la tête, par la pointe des épées qu’on lui plaçait sous le menton, était contraint, tantôt de présenter son visage aux insultes, tantôt de regarder ses propres statues s’écroulant sous ses yeux, tantôt la tribune aux harangues et la place où l’on avait tué Galba. […] » XXXII « Les deux complices, dit Tacite, également frappés, supportaient les opprobres avec une physionomie différente : Marcellus, la menace dans les yeux ; Crispus, un faux sourire sur les lèvres. […] » XLVIII « Les exécuteurs entourent son lit ; le commandant de la trirème la frappe le premier à la tête d’un coup de massue. Le centurion, tirant son épée pour l’achever, elle découvre elle-même ses flancs, et, les présentant au glaive : Frappe au ventre, crie-t-elle au meurtrier, et, percée de nombreuses blessures, elle expire. » XLIX « Ces circonstances sont avérées. […] Frappe au ventre ; ce ventre criminel est justement puni, puisqu’il a enfanté Néron !

169. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

En effet, une chose qui, par sa nature, n’offense ni un individu ni une nation, n’est point une injure ; jamais une vague déclamation contre les vices d’un siècle ou d’un peuple n’a offensé réellement une nation ou une époque ; et jamais ces déclamations, quelque violentes, quelque injustes qu’on les suppose, n’ont été sérieusement reprochées à leurs auteurs ; l’opinion, juste en ce point, a senti que ce qui frappait dans le vague était innocent, par là même que cela ne nuisait à personne. […] Ils t’ont prié pendant leur courte vie, Ils ont souri quand tu les as frappés ! […] Je dois avouer aussi que la beauté candide, et cependant incomparable, de la jeune fille ou femme qui fut, bien à son insu, l’héroïne de cette histoire, me resta profondément gravée dans les yeux, que mes yeux ne purent jamais l’oublier, et que toutes les fois qu’une apparition céleste de jeune fille ici-bas me frappa depuis, soit en Italie, soit en Grèce, soit en Syrie, je me suis demandé toujours : « Mais est-elle aussi délicate, aussi virginale, aussi impalpable que Fior d’Aliza, de Saltochio ?  […] LIV En tournant sans bruit le site de la maison, bâtie à moitié dans le rocher, je m’arrêtai comme frappé d’une apparition soudaine : c’était une figure de jeune femme, bien plus semblable du moins à une jeune fille, qui donnait à téter à un bel enfant de cinq ou six mois. […] — Mais, à propos de châtaignier, dis-je, comment se fait-il que, si vous aimez tant de père en fils cet arbre nourricier de la famille, vous ayez creusé à coups de hache dans son tronc ce grand creux où l’on voit encore l’empreinte du fer dont vous l’avez si cruellement frappé, au risque de le faire écrouler avec son dôme immense et ses branches étendues sur votre chaumière ?

170. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Vaine pâture, roman manqué mais tout pénétré de parfums doux et amers de poème me frappait d’un étonnement qui espère, d’une attente de joie. […] Il rencontre une blonde dont la beauté le frappe et, comme il veut dire son émotion avec quelque détail, il loue chez la nouvelle venue ce qu’il loua chez les autres. […] Dès le premier jour, un instinct sûr a éloigné Boissier du vers-formule, du vers frappé comme une médaille. […] L’éternité telle qu’il la comprend, c’est un grand mouvement cyclique et ce qui le frappe le plus dans la Nature, c’est son évolution. […] « Les oliviers au tronc busqué doivent à l’inclinaison du sol de paraître des êtres prêts à se mettre à genoux ou qui s’en relèvent lentement. » De crainte de m’attarder, je tourne cent pages et je rencontre cette définition à laquelle semblent avoir collaboré un mathématicien puissant et un profond théologien : « Dieu est un point minéral dont la densité est le cube de l’unité. » Je me fais violence pour ne point jeter ici à pleines mains l’or sonore des vers bien frappés et de poids.

171. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

      Mais de quelle mélancolie       Il frappe et saisit tous les cœurs, Lorsqu’attristant notre âme, et sombre, et recueillie, Au cercueil d’Henriette il invoque nos pleurs ! […] L’herbe s’est séchée, et la fleur est tombée, parce que le Seigneur l’a frappée de son souffle. […] Tous deux ont entrepris d’ôter au genre humain Le joug sacré qu’un Dieu n’imposa pas en vain ; Et des coups que ce Dieu frappe pour les confondre, Au monde, leur disciple, ils auront à répondre. […] Tour à tour apostat de l’une et l’autre loi, Admirant l’Évangile, et réprouvant la foi, Chrétien, déiste, armé contre Genève et Rome, Il épuise à lui seul l’inconstance de l’homme, Demande une statue, implore une prison ; Et l’amour-propre enfin, égarant sa raison, Frappe ses derniers ans du plus triste délire : Il fuit le monde entier qui contre lui conspire, Il se confesse au monde, et, toujours plein de soi, Dit hautement à Dieu : Nul n’est meilleur que moi. […] Ces débris éloquents, ce seuil religieux, Ce seuil où tant de fois, le front dans la poussière, Gémit le Repentir, espéra la Prière ; Ce long rang de tombeaux que la mousse a couvert, Ces vases mutilés et ce comble entr’ouvert ; Du Temps et de la Mort tout proclame l’empire : Frappé de son néant, l’homme observe et soupire.

172. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Cette langue même n’avait rien de fixe et changeait rapidement, parce que nul type frappé au coin du génie ne restait encore dans la mémoire. […] Il était importuné par la hauteur et les plaintes d’Agrippine ; et pour la frapper, ainsi que ses enfants, il aimait mieux s’éloigner. […] Frappé de ce coup inattendu, Séjan demeurait immobile, paraissant ne pas entendre l’ordre réitéré du consul. […] On n’entendit plus parler que de la trahison et des complices de Séjan ; et, sous ce prétexte, une foule de victimes furent frappées. […] On peut croire que cette imagination ardente, mystique, élevée, étrangère au monde, fut frappée des exploits audacieux de Cromwell, et dupe de son hypocrisie.

173. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

L’ardente jeunesse se presse de vivre ; elle prodigue des années pour quelques moments de gloire, et jamais elle ne se plaint lorsqu’elle a frappé ce but. […] Il fallut pourvoir à l’inventaire et à la remise des registres et papiers : Marmontel (secrétaire perpétuel) était absent, nous dit Morellet ; le chancelier Vicq d’Azyr, frappé d’une terreur extrême, assez bien fondée sur l’aversion des patriotes pour la reine dont il était le médecin, ne se serait montré pour rien au monde. […] Dans chacun de ses points reposait une portion du feu vengeur qui doit les frapper, et de chacun de ses points aussi s’élève le tribut redoutable dont la foudre républicaine va se grossir.

174. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Encore une fois, je puis le certifier à M. du Camp avec toute l’impartialité d’un homme qui a très peu l’esprit de corps, — à cet endroit où il parle de l’Académie, il frappe fort, mais il frappe à côté. […] La critique a beau gourmander, frapper comme ici du pied et du poing, le dieu souffle où il lui plaît.

175. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

C’est un trait essentiel en lui et qui a frappé tous ses contemporains. […] Ici tout est net, juste, bien frappé ; toute ambiguïté de langage a disparu. […] Je recueillis là, même pour mon compte, de bons propos frappés juste à l’empreinte du corps de garde et du bivouac.

176. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Et de l’effort que chaque artiste fait à rendre ce qui le frappe et le touche, provient son style individuel, la particularité de son vocabulaire et de sa syntaxe, qui révèle, le plus sûrement la qualité intime de son intelligence. […] Une jambe dans certains maillots de soie vous apparaît en ses saillies et ses rentrants, avec les blancheurs et les violacements du rose d’une rose frappée de soleil d’un seul côté. […] D’un seul coup, et sans les distinctions innaturelles que nous avons établies, M. de Goncourt est à la fois chercheur de petits faits caractéristiques et précis, frappé par les aspects mouvementés des êtres et des choses, ému par ce qu’il y a en ces phénomènes de joli, de délicat, de rare, de bizarre, d’un peu fantastique.

177. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

« Trop impatient pour dissimuler ses sentiments nationaux et frappé dans sa position universitaire, il se tourna vers une profession indépendante, et vers celle en même temps qui permettait le mieux d’appliquer les inspirations humaines qui faisaient le fond de sa nature. […] Pour moi, ce qui me frappe surtout dans l’attaque, c’est le ton grossier de la plaisanterie, l’air d’insulte et de triomphe pour si peu, le gros rire d’un demi-savant qui se croit sûr de son fait.

178. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racine, et Pradon. » pp. 334-348

La lecture de ce grand maître, dans l’art d’émouvoir les passions, frappa tellement son imagination tendre & vive, qu’il se promit bien dès-lors de les imiter un jour. […] En vain, quelques esprits sans prévention, & frappés des beautés de celui-ci, crièrent à l’injustice.

179. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Nous ne savons pas si le lecteur est frappé comme nous ; mais nous trouvons dans cette scène de la Genèse quelque chose de si extraordinaire et de si grand, qu’elle se dérobe à toutes les explications du critique ; l’admiration manque de termes, et l’art rentre dans le néant. […] Ce désespoir, si bien attribué à une femme, tant par son excès que par sa générosité, frappe notre premier père.

180. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Casanove » pp. 192-197

Toute cette partie du tableau est dans la demi-teinte ; ou plutôt il n’y a guère que la croupe du cheval qu’on ferre qui soit frappée de la lumière qui tombe du ciel. […] Je le laissai dire, mais tout bas je lui répondais, au dedans de moi-même : oui, quand on est un pauvre diable comme toi, quand on ne se peint que des images triviales ; mais quand on a de la verve, des concepts rares, une manière d’appercevoir et de sentir originale et forte, le grand tourment est de trouver l’expression singulière, individuelle, unique, qui caractérise, qui distingue, qui attache et qui frappe.

181. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Son souvenir, la pile de Volta de ce siècle, a frappé au cerveau toutes les organisations magnétiques des poètes et des artistes, et leur a fait rendre, sous le coup de son influence, les plus belles et les plus puissantes choses qui aient jamais vibré et qui aient jusqu’ici été écrites sur sa personne. […] Il atteint, avec cette lumière qui est une hache pour les choses qu’elle frappe, un préjugé contemporain.

182. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

On est frappé, en lisant Freud, de la rapidité de certaines de ses conclusions. […] Pendant un instant elle ne fit que frapper d’irréalité tout ce qui m’entourait. […] Tout ce qui le frappe, tout ce qui émeut ses sens lui semble ainsi à la fois « contenir et lui dérober » quelque chose. […] La force d’abord en est si grande qu’il va frapper la réalité sensible comme un mur et qu’il cherche à la faire écrouler pour voir ce qu’il peut y avoir derrière. […] C’est aussi le mérite de Proust d’avoir frappé sur ces touches d’un doigt constamment infaillible et de leur avoir fait rendre toujours un son parfaitement pur.

183. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Ses pieds meurtris portent les marques des coups que peut frapper le plus fort. […] Héphestos obéit et frappe, non sans protester. […] Zeus se sent frappé à sa partie vulnérable, au défaut de sa toute-puissance. […] Il ajuste et renouvelle sur sa bouche les traits ailés qui frappent droit sur l’esprit du peuple, et le font vibrer comme une cible émue. […] Des entrailles de la terre, et en réponse au tonnerre qui l’y avait englouti, il a extrait la foudre guerrière qui frappe aussi vite et plus sûrement que l’éclair de Zeus.

184. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Les médailles romaines, frappées après le regne de Caracalla, et après celui de Macrin son successeur, qui ne lui survéquit que deux ans, sont très-inférieures à celles qui furent frappées sous les trente premiers empereurs. […] Nous avons parlé de l’usage qu’on pouvoit faire des médailles pour connoître l’état où les arts se trouvoient dans le temps qu’elles furent frappées. Or, les médailles frappées en très-grand nombre à l’honneur et avec la tête des empereurs dans tous les païs de l’empire romain, où l’on parloit grec, sont mal gravées en comparaison de celles qui se frappoient à Rome en même-temps sous l’autorité du sénat, dont elles portent la marque. Par exemple, les médailles de Severe frappées à Corfou, et que la découverte d’un tresor qui fut faite dans cette isle il y a soixante ans a renduës très-communes, ne sont point comparables aux médailles latines de cet empereur frappées à Rome. Néanmoins les médailles de Corfou sont des médailles grecques les mieux frappées.

185. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Rossi, à Rome, sous le poignard, au moment où ce politique habile, devenu fier et hardi, restaurait et réhabilitait, en le servant, le régime civil pontifical ; la mort du maréchal de Saint-Arnaud, au lendemain de sa victoire de l’Alma, cette mort qu’il portait en lui depuis bien des jours, qu’il contenait et recélait en quelque sorte, à laquelle il commandait d’attendre jusqu’à ce qu’il eût lui-même frappé le grand coup qu’il méditait. […] » Il mérite que le colonel Combes, qui va tout à l’heure être frappé, lui serre affectueusement la main en lui disant : « Bravo, capitaine !  […] Au bivouac de Raz-Gueber, en pleins Nemenchas, il rencontre des ruines de temples chrétiens : son imagination s’exalte, ce rayon de Génie du christianisme, auquel nous l’avons déjà vu enclin et accessible, revient le frapper : « J’ai un aumônier, l’abbé Parabère, que je viens de faire recevoir chevalier de la Légion d’honneur devant la deuxième brigade. […] Le résumé du message présidentiel le frappe ; il le trouve remarquablement bien : « Le général d’Hautpoul dit qu’il est de la main du président ; mais alors c’est un homme, c’est plein de cœur et d’esprit. » L’expédition de la petite Kabylie ou Kabylie orientale, que le général Saint-Arnaud entreprend pour affermir son autorité dans sa province et agrandir sa réputation africaine, sera pourtant l’occasion imprévue de sa première initiation très intime à la politique de Paris et de la France. […] C’était lui qui avait dit : « Si je débarque en Crimée, si Dieu m’accorde quelques heures d’une mer calme, je suis maître de Sébastopol et de la Grimée ; je mènerai cette guerre avec une activité, une énergie qui frappera les Russes de terreur. » Belle mort, quoi qu’il en soit du contretemps, heureuse même dans sa destinée incomplète, et qui comble à jamais une vie de guerrier.

186. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Frappé de cette idée, Kant entreprit de faire porter sur le sujet même de la connaissance les recherches qui jusque-là ne s’étaient guère appliquées qu’à ses objets : il entreprit en métaphysique la même révolution que Copernic avait opérée en astronomie. […] Par là se trouve changée la face de la métaphysique, et deux écoles rivales sont à la fois frappées du même coup et convaincues d’un procédé également vicieux, d’un point de départ également hypothétique. […] S’il dérive de l’expérience, il est frappé d’un caractère de contingence et de variabilité, et alors la logique du sensualisme ne repose plus sur la nécessité, elle est variable comme la sensation elle-même, en d’autres termes elle n’est plus une logique. […] Quand on étudie les procédés des mathématiques, on est frappé de retrouver partout le même procédé constamment employé. […] Ce qui y frappe, au premier coup d’œil, comme dans le Discours de la Méthode, c’est la hardiesse et l’énergie de la pensée.

187. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Une considération me frappe : c’est combien, vers la fin du xviiie siècle, il se fit chez nos littérateurs et nos poëtes comme un complément d’éducation par les contrées lointaines, par les voyages. […] Le malheur qui le frappe m’atteint très-sensiblement. » On n’est pas habitué à considérer Mlle Mars par le côté du sentiment : cette femme, d’un talent admirable, passait, dans ses relations de théâtre, pour une personne assez rude, peu indulgente aux camarades et au prochain ; mais, pour ceux qu’elle aimait, elle était amie sûre, loyale, essentielle et positive. Ses lettres à Mme Valmore, d’un ton vif et résolu, presque viril, la font voir sous ce jour, — un fidèle et brave cœur, d’une affection active, et sur qui l’on pouvait compter ; et Mme Valmore le lui rendait par un véritable culte de reconnaissance : « (7 avril 1847)… Cette bonne lettre me trouve au milieu de nouvelles et vives afflictions. — A peine avais-je été frappée de la perte foudroyante de M. […] Elle a rempli tous ses devoirs envers Dieu, envers nous. — Épargnons-nous ce remords de frapper cet esprit pur et divin. » Et après la mort : « (11 septembre 1850)… La volonté du Ciel est terrible, quand elle s’accomplit sur des êtres si faibles et si tendres que nous. » Mais tout à coup, dans ce ciel si lourd, si chargé, si sombre, un éclair inespéré a lui : « (14 janvier 1851)… Ondine se marie ! […] Je cherche souvent en moi-même ce qui peut m’avoir fait frapper si durement par notre cher Créateur ; car il est impossible que sa justice punisse ainsi sans cause, et cette pensée achève bien souvent de m’accabler… » Quand on écrit la biographie de certains poëtes, on peut dire que l’on montre l’envers de leur poésie : ici, dans cette longue odyssée domestique, on a simplement vu le fond même et l’étoffe dont la poésie de Mme Valmore est faite, et à quel degré, dans cette vie d’oiseau perpétuellement sur la branche, — sur une branche sèche et dépouillée, — près de son nid en deuil, toute pareille à la Philomèle de Virgile, elle a été un chantre sincère.

188. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

C’est que les hommes qui en prirent la direction d’une main ferme et téméraire n’avaient donné à la démagogie aucun de ces gages et de ces complicités qui lient les hommes d’État aux excès de la multitude ; c’est surtout parce que la leçon terrible de 1793 a frappé l’esprit du peuple, et que la presse et la tribune libres avaient depuis trente années formé ce peuple par un certain apprentissage de la liberté. […] Ils abhorraient le tribunal révolutionnaire, et ils le laissaient frapper au hasard, en attendant qu’il les frappât eux-mêmes. […] Cette image de l’indigence et de la proscription de sa race le frappa plus que la hache du bourreau. […] Il parlait tout haut et frappait du pied les dalles, des mains les murs de son cachot. » Lamartine.

189. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Pendant ce temps, il faisait signe aux autres de frapper plus fort sur l’entaille déjà ouverte dans le tronc du châtaignier, et les éclats de l’écorce et du bois saignant jonchaient l’herbe aux pieds des ouvriers. […] Arrivé à quelques pas de sa cousine, à la vue de son sang et à la voix du sbire, il avait tiré au hasard son coup de feu sur ces assassins ; un d’eux, soutenu par ses compagnons, s’enfuyait avec eux frappé d’une balle à l’épaule. […] D’ailleurs, qu’avions-nous à nous reprocher que d’avoir rendu feu pour feu, en défendant la vie ou en vengeant le sang de notre innocente contre des assassins qui l’avaient frappée en traître, et qui avaient répandu un sang plus pur que celui d’Abel ? […] En la relevant pour me renverser en arrière, dans mon désespoir, voilà qu’une idée me frappe le front, comme une chauve-souris quand la lumière de la lampe l’éveille et lui fait frôler les ailes contre mes cheveux. […] Je me coupe les cheveux sur les tempes, sur le front, sur le cou jusqu’à la racine, et j’en jette les poignées sur mon lit ; le coffre où ma tante conservait les habits, les guêtres, les souliers, le chapeau, la zampogne de son pauvre jeune mari défunt, me frappe les yeux au pied du lit de Magdalena ; je l’ouvre, j’en tire convulsivement toutes ces hardes presque neuves : la chemise de toile écrue, avec la boucle de laiton à épingle qui la resserre comme un collier au-dessous de la poitrine ; les larges chausses de velours qui se nouent avec des boutons de corne au-dessous du genou ; la veste courte à boutons de cuivre, les souliers à clous, les longues et fortes guêtres de cuir qui en recouvrent les boucles et qui montent jusqu’au-dessus des genoux ; le chapeau de Calabre, au large rebord, retombant sur les yeux, à la tête pointue, avec sa ganse de ruban noir et ses médailles de la madone de Montenero, qui pendent et qui tintent autour de la ganse.

190. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Ne lui parlons pas, son regard seul pourrait nous frapper, si ses yeux avaient des balles comme son tromblon ; fais-lui jeter son morceau de pain de loin, à travers la double grille, par la main du piccinino, et, les autres jours, ne te risque jamais à entrer dans sa loge, sans avoir la gueule des fusils des sbires de la porte derrière toi. […] Les balles qui frapperaient sa poitrine n’en briseraient-elles pas deux ? […] Il ne faut pas les faire mourir autant de fois qu’il y a de minutes entre le jour où on les condamne et le jour où on les frappe avec le fer ou avec le plomb. […] Toutes les fois qu’on frappait du dehors à la porte de fer de la prison, je laissais le piccinino aller tirer le verrou aux étrangers, et, sous un prétexte ou l’autre, je montais dans ma tour pour éviter les regards des sbires ou des curieux. […] Alors, il nous raconta qu’il avait frappé à toutes les portes de Lucques pour savoir si l’on avait entendu parler d’un homicide commis dans la montagne, sur un brigadier de sbires, et si l’on savait quelque chose du sort qu’on réservait au jeune montagnole ; qu’on lui avait répondu qu’il serait jugé prochainement par un conseil de guerre, et qu’en attendant il était renfermé dans un des cabanons de la prison, sous la surveillance du bargello ; que le bargello était incorruptible, mais très humain, et qu’il n’aggraverait certainement pas jusqu’à l’échafaud les peines du pauvre criminel.

191. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Ce sont des pièces du même or, frappées et mises en circulation le même jour. […] Plus il travaille, ou plutôt plus il réussit, plus il est frappé des imperfections de l’ancien théâtre, plus il se plaint des inconvénients, des entraves, noms que donnent aux règles et aux fortes disciplines les esprits qui se relâchent. […] La reconnaissance de Lusignan et de sa fille, dans Zaïre ; l’arrivée du vieux Narbas, dans Mérope, au moment où la reine va frapper Égisthe, sont des effets admirables ; on ne leur demande pas s’ils sont conformes aux règles. […] Déchirée, entre des devoirs contradictoires, la piété filiale, la religion, un amour né de la reconnaissance, l’infortunée ne voudra manquer à aucun ; mais, quand Orosmane la frappera, elle sentira sans horreur la pointe du poignard qui doit lui ôter avec la vie le regret de ce que sa vertu lui aura coûté. […] Où la pensée est solide, le sentiment juste et profond, le style ne brille pas ; il pénètre, il frappe, il échauffe.

192. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Il faut dire aussi qu’elle mourut jeune et que la jeunesse la plus souillée, choisie par la mort, se couronne, à l’instant même, des fleurs et des bandelettes tragiques du sacrifice, et tombe sous le coup qui la frappe comme sous le fer d’une immolation sacrée. […] Il ne réhabilite pas la courtisane, il en a pitié ; il se souvient du miséricordieux proverbe de l’Inde : « Une femme, eût-elle péché cent fois, ne la frappez pas, même avec une fleur. » Et quelle entente innée de la scène ! […] La Vénus vénale l’a marquée à son coin, frappée à son type. […] Alexandre Dumas, lui-même, avec la sévérité d’un talent mûri par l’étude, a retourné le revers de l’effigie trop flatteuse qu’il avait frappée de la courtisane. […] Chaque trait frappe, chaque mot porte coup.

193. (1772) Éloge de Racine pp. -

C’est de la nature que tu reçus cette sensibilité prompte qui réfléchit tous les objets qui l’ont frappée, ce tact délicat, ces vues justes et fines, ce discernement si sûr, ce sentiment des convenances, ce goût enfin cultivé par les leçons de port-royal, nourri par le commerce assidu des anciens, fortifié par les conseils de Boileau ; ce goût, qualité rare et précieuse, qui peut-être est au génie ce que la raison est à l’instinct, s’il est vrai que l’instinct soit le mobile de nos actions, et que la raison en soit le guide ; ce goût qui attache aux productions vraiment belles le sceau d’une admiration éclairée et durable ; qui sépare, par un intervalle immense, les Virgile, les Cicéron, les Horace, des Lucain, des Stace et des Sénèque ; qui seul enfin élève les ouvrages de l’homme à ce degré de perfection qui semblait au dessus de sa foiblesse. […] celui-ci est une saillie impétueuse d’une ame vivement frappée ; l’autre, faisant partie de la catastrophe, commençant la punition d’Oreste et achevant le caractère d’Hermione, est nécessairement le résultat d’une connaissance approfondie des révolutions du coeur humain. […] Il fut créateur à son tour, comme Corneille l’avait été ; avec cette différence, que l’édifice qu’avait élevé l’un frappait les yeux par des beautés irrégulières et une pompe informe, au lieu que l’autre attachait les regards par ces belles proportions et ces formes gracieuses que le goût fait joindre à la majesté du génie. […] Les autres sont moins aimables, d’un effet moins sûr et moins étendu, beaucoup plus dépendantes du mérite de l’exécution, des combinaisons de l’art, et de la sagacité des juges : tels sont les ouvrages dont l’objet est plus éloigné de la classe la plus nombreuse des spectateurs, dont le but est plus détourné et plus réfléchi, dont l’intérêt nous est moins cher et nous attache sans nous transporter, dont la morale, développant de grandes et utiles vérités, et supposant des vues profondes, parle moins à la multitude, mais frappe les yeux des connaisseurs et les esprits distingués. […] Les moeurs, nouvelles pour nous, d’une nation avec qui nous avions eu long-temps aussi peu de commerce que si la nature l’eût placée à l’extrémité du globe ; la politique sanglante du sérail, la servile existence d’un peuple innombrable enfermé dans cette prison du despotisme ; les passions des sultanes qui s’expliquent le poignard à la main, et qui sont toujours près du crime et du meurtre, parce qu’elles sont toujours près du danger ; le caractère et les intérêts des visirs qui se hâtent d’être les instrumens d’une révolution, de peur d’en être les victimes ; l’inconstance ordinaire des orientaux, et cette servitude menaçante qui rampe aux pieds d’un despote, et s’élève tout à coup des marches du trône pour le frapper et le renverser : voilà le tableau absolument neuf qui s’offrait au pinceau de Racine, à ce même pinceau qui avait si supérieurement crayonné la cour de Néron ; qui dans Monime et dans Iphigénie traça depuis avec tant de vérité la modestie, la retenue, le respect filial que l’éducation inspirait aux filles grecques ; qui dans Athalie nous montra les effets de la théocratie sur ce peuple fanatique, toujours conduit par des prodiges, ou égaré par des superstitions.

194. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Rome, à cette date, avait une physionomie bien faite pour frapper d’une impression ineffaçable ceux qui la virent. […] — Vous devrez écrire vos voyages, écrire chaque jour ou chaque semaine ce qui vous a frappée. […] Il y a plus : en écrivant ce qui nous frappe, nous donnons des couleurs aux idées. […] Quand le génie frappe, il touche au but comme la foudre, tandis que l’ignorance tombe en tous lieux comme une grêle malfaisante.

195. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Les plus simples et les plus humbles en étaient frappés. […] Elle baisait la main qui l’avait frappée, et elle sortait de la maison de Mucarade, avec la joie poignante d’obéir à celui qui l’en expulsait. […] Il s’agit de frapper le cardinal dans l’hôtel même de Monsieur, le frère du roi, auquel il doit aller le lendemain rendre visite. […] Elle fait l’ouvrage de la conspiration avortée, cette clameur terrible, elle porte le coup, elle vise au cœur, elle frappe, elle tue, on voit la victime.

196. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

De deux choses l’une : Ou l’homme que vous frappez est sans famille, sans parents, sans adhérents dans ce monde. […] Vous frappez un innocent. […] Et ici encore vous frappez des innocents. Gauche et aveugle pénalité, qui, de quelque côté qu’elle se tourne, frappe l’innocent !

197. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Ce qui nous frappe seulement, d’après un débris conservé dans un reste de traduction latine, c’est que ce dernier Prométhée d’Eschyle présentait au plus haut degré une de ces péripéties, que réclame Aristote. […] Dans la perte de l’œuvre d’Eschyle, dans l’insuffisance des témoignages qui la rappellent, on ne peut attribuer au Prométhée délivré d’autre caractère que cette élévation philosophique, émanée de Pythagore, qui nous a frappé dans Pindare, et qui semblait une tentative de réforme du polythéisme. […] Enveloppée dans des voiles, elle le frappe perfidement d’une corne noirâtre ; il tombe dans le bassin rempli d’eau. […] Au rivage de Munychium furent attachés les câbles, pour descendre ; et dès lors, sous le coup d’impures amours, elle a été frappée dans l’âme de la terrible maladie d’Aphrodite ; et, soumise à un cruel malheur, elle attachera elle-même aux voûtes nuptiales le cordon fatal qui va serrer son cou d’albâtre, par effroi de l’implacable déesse, par désir jaloux de bonne renommée, et pour écarter de son âme les peines de l’amour. » Sous les détours, et comme sous les plis onduleux de cette poésie, le dénouement même prédit ne semble-t-il pas se voiler à demi, avec cet art suprême des Grecs de ne pas épuiser l’horreur et de garder toujours la dignité et presque la grâce austère dans la douleur ?

198. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Il revient donc vers son monde, et leur annonce que Bombourg voudrait changer le jour et qu’on s’en retournât sans frapper de grands coups ; il leur en demande leur avis. […] Bombourg l’entend, et lui crie avec ironie : « Rends-toi vite, Beaumanoir ; je ne te tuerai pas, mais je ferai de toi un présent à mon amie, car je lui ai promis que, sans mentir, aujourd’hui je te mettrai dans sa chambre jolie. » Là-dessus c’est à qui vengera Beaumanoir de l’insulte : Bombourg tombe frappé à mort. […] Ce que le trouvère n’a pas cherché, mais ce qui ne laisse pas de frapper encore et d’émouvoir, le combat continuant, c’est le contraste du lieu riant et frais et de la mêlée si lourde et si sanglante : « Dedans un très beau pré, sur une douce pente, à mi-voie de Josselin et du château de Ploërmel, au chêne que l’on appelle de la mi-voie, le long d’une geneslaie qui était verte et belle… » Il y a là un sentiment comme involontaire de nature, un souvenir circonstancié de la terre de la patrie, qui ajoute à l’effet simple et grandiose. — Si le poète y a pensé, ce n’est pas pour y voir un contraste, mais plutôt pour y noter un accord entre cette belle nature chérie et ce beau fait d’armes glorieux : son patriotisme marie tout cela.

199. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

L’auteur fait allusion à la mort connue de l’abbé Prévost qui, étant tombé frappé d’apoplexie dans la forêt de Chantilly, fut transporté dans un village voisin, où un chirurgien ignorant procéda incontinent, dit-on, à l’ouverture, ce qui détermina en effet la mort ; je cite de souvenir après une simple lecture, mais assez fidèlement, je crois :     Pleurez ! […] J’ai relu le roman sur la première édition, ou du moins sur celle qui passe pour telle (Amsterdam, 1733)32 : j’ai été frappé des différences quelle offre avec les éditions suivantes. […] Randouin, préfet de l’Oise, en novembre 1852, ne dit rien sur cette circonstance qui, dans tous les cas, a dû être dissimulée ; on n’y voit rien non plus qui la contredise absolument ni qui l’exclue : L’an mil sept cent soixante-trois, le vendredi vingt-cinq du mois de novembre, dit l’Extrait mortuaire, a été trouvé au lieu dit la Croix de Courteuil, sur le territoire de cette paroisse, expirant et frappé d’un coup de sang, le corps de Dom Antoine-François Prévost, âgé de soixante-trois ans (il faut lire soixante-six), aumônier de S. 

200. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Ne vous étonnez pas de son extase vis-à-vis du siècle : il lui doit tout… Se peut-il un croquis plus net, un médaillon mieux frappé ? […] Elle a une manière de frapper la corde et de la faire résonner que d’autres n’ont pas. […] Ce n’est plus Rousseau qui vient, c’est Chateaubriand : il étonne, il trouble et bouleverse à son tour et les jeunes cœurs et les vieilles formes de langage ; il frappe les têtes, il séduit à tort et à travers, à droite et à gauche, et projette jusque dans les rangs de ses adversaires ses fascinations éclatantes.

201. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

J’en dois l’idée à l’un de mes confrères à l’Académie, au noble général historien M. de Ségur, qui lui-même en avait été très frappé dans une lecture récente. […] Villars n’est pas seulement brave et brillant, il a les instincts de la grande stratégie, de celle dont notre siècle a vu les développements et les merveilles : en deux ou trois occasions, s’il avait été maître de ses mouvements, il frappait au cœur de l’Allemagne de ces coups agressifs auxquels on n’était pas accoutumé alors ; il se lançait, par exemple, jusqu’aux portes de Vienne, et très probablement il y entrait. […] Elles lui furent cependant très utiles : elles avaient frappé le roi et le confirmaient dans le dessein de l’élever, ce qui arriva quelques années après.

202. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Les deux champions, montés sur des coursiers de différentes couleurs, l’un en armure noire sur un cheval blanc, l’autre sur un cheval noir avec l’écharpe blanche, brisèrent l’un contre l’autre leurs lances du premier coup : Marolles, atteint en plein dans la cuirasse, résista ; Marivaut, frappé à l’œil dans la grille de la visière, tomba roide mort. […] Il est frappé avant tout de ce qui est singulier, et l’un des souvenirs les plus mémorables qu’il ait gardés du collège est celui du professeur de philosophie Crassot, à la chevelure et à la barbe incultes, vêtu comme un cynique : « Il avait, ajoute Marolles, une chose bien particulière et que je n’ai vue qu’en lui seul, qui était de plier et de redresser ses oreilles quand il voulait, sans y toucher. » De tout temps Marolles aimera à niaiser, à enregistrer tout ce qui s’offre, tout ce qui passe à sa portée, raretés ou balivernes, le philosophe Crassot ou la chanteuse des rues Margot la musette, — le baptême des six Topinamboux, ou une réception des chevaliers du Saint-Esprit. […] En fait de devises, il en proposa une, toutefois, fort galante et ingénieuse pour mettre au revers d’une médaille qu’on faisait frapper à Paris pour cette reine.

203. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Mais tout cela était bien loin en 1811 ; de Maistre était redevenu irréconciliable, et, à le prendre pour tel, rien ne saurait être plus intéressant que de saisir ses vues, ses impressions de chaque jour dans la terrible partie qui se joue sous ses yeux et où lui-même est en cause. « Depuis vingt ans, dit-il, j’ai assisté aux funérailles de plusieurs souverainetés ; rien ne m’a frappé comme ce que je vois dans ce moment, car je n’ai jamais vu trembler rien de si grand. » On tremblait, en effet, à l’heure où il écrivait cela, on faisait ses paquets là où était de Maistre, et la joie bientôt, et l’ivresse fut en raison de cette première crainte. […] Ses outrances d’expression, quand elles frappent dans une pensée juste, l’enfoncent et la fixent comme avec des clous d’or ou d’airain. […] De Maistre s’en indigne : « Ce qu’il y a de bon, dit-il, c’est que les dames que ce texte frappe, et que tout le monde connaît, sont bien ce qu’on peut imaginer de plus distingué en vertu, en esprit et même en connaissances, sans compter le rang qui est aussi cependant quelque chose.

204. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Jules Philippe, les Poëtes de la Savoie 50, qui se recommande par une Introduction sur les anciens poëtes et versificateurs du pays, et par un choix des modernes, y compris les vivants, j’ai été frappé de la notice sur Jean-Pierre Veyrat, né en 1810, mort en 1844, que l’éditeur n’hésite pas à saluer du titre, non pas de « poëte souverain », mais de « grand poëte. » Les extraits qui suivent, dans le volume, ne me paraissant pas tout à fait suffisants pour motiver un pareil éloge, j’ai voulu remonter à la source, aux œuvres mêmes, et, pour achever de m’éclairer, j’ai consulté un de mes amis, un proche parent de Veyrat, et qui m’avait déjà entretenu de lui à la rencontre, M.  […] » Enfin un soir, après avoir erré sur les montagnes une grande partie de la journée, il se trouva au seuil d’un monastère, d’une chartreuse, et il frappa, comme on le raconte de Dante dont il évoque le souvenir, en demandant la paix, pace. […] Il était dans son entier développement et dans sa véritable maturité lorsque la mort le frappa à trente-quatre ans.

205. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Enfin, il y avait des filles du troisième rang, simples femmes de chambre et servantes, frappées d’une incapacité absolue pour tous autres emplois. […] Il fallut donc du temps et de l’artifice pour s’informer avant de frapper. […] L’archevêque de Toulouse (M. de Montpezat), en rendant son ordonnance conformément à l’arrêt du Conseil, aurait voulu adoucir l’exécution dans la forme, surtout en ce qui concernait les demoiselles de qualité, Mlles de Chaulnes, d’Aguesseau et autres ; il leur écrivait ou leur faisait faire des compliments de condoléance sur la nécessité rigoureuse où il était de les frapper ; mais elles eurent la générosité de se refuser à tout adoucissement, et tinrent à honneur d’être traitées comme la dernière de leurs compagnes.

206. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

C’est cette génération, accoutumée au pouvoir durant dix-huit ans, pleine encore de force, de capacité, d’intelligence, se ramifiant dans les classes élevées et dans les moyennes, qui, frappée à son tour, est malade en ce moment du genre d’irritation que je signale. […] Il y a une expression en grec qui m’a toujours frappé : pour signifier un homme d’importance, un héros, un chef, on dit : Ceux qui sont autour de lui. […] Il est un exemple qui, depuis quelque temps, me frappe, et dans lequel il est impossible de ne pas reconnaître de l’élévation native et de la force : je veux parler de celui de M. de Lamartine.

207. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — I » pp. 143-149

La prétendue incapacité était fondée sur le défaut corporel : « Le sieur de Pons a un corps bossu et contrefait ; il est moins homme que nain ; la singularité de son extérieur frappe de surprise et peut scandaliser les faibles. » — Je ne sais, répliquait l’abbé de Pons dans un factum plein de convenance, si l’amour-propre m’a fasciné les yeux, mais il me paraît que mon peintre n’a pas flatté son modèle, et que je puis à présent me montrer avec confiance. […] On aurait tort, sur ce début, de juger l’abbé de Pons un de ces guerroyeurs qui n’ont de plaisir qu’à frapper, qui n’entrent en lice que pour jeter les gens par terre, et à qui l’on peut opposer ce beau mot de Montesquieu, devise et louange de la vraie critique : « Ceux qui nous avertissent sont les compagnons de nos travaux. » Le gentil abbé se dessine mieux et avec son vrai caractère dans sa Lettre à Du Fresny.

208. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

Pour peu qu’on regarde de près dans l’antiquité, on est frappé de tout ce qu’elle contenait de divers, de ce qu’elle cumulait déjà depuis des siècles avec une sorte d’encombrement. […] Je ne sais si tous ces exemples, et celui d’Euphorion en particulier, le tendre et gracieux poëte (car j’aime à le croire gracieux et tendre), de ce poëte tout entier enseveli, ne m’ont point un peu trop frappé l’imagination, mais je voudrais bien être le docteur Néophobus 138 pour oser lancer d’un air d’exagération certaines petites vérités.

209. (1874) Premiers lundis. Tome II « Quinze ans de haute police sous Napoléon. Témoignages historiques, par M. Desmarest, chef de cette partie pendant tout le Consulat et l’Empire »

Desmarest l’a très bien posé, rougissait désormais du rôle d’aventurier et d’assassin par ordre ; il tenait cette fois (et il l’a lui-même proclamé dans son interrogatoire) à réunir des conjurés d’élite, à attaquer le premier Consul de vive force, mais avec des armes égales à celles des gardes de son escorte, à le frapper enfin de l’épée dans un choc militaire, comme un vaillant, et non sous les formes clandestines du meurtre. […] Il s’agissait, pour plusieurs maréchaux et généraux, de faire disparaître l’homme, ou, en d’autres termes, de frapper Napoléon au fond de quelque défilé ou d’un bois écarté, de creuser un trou et d’y ensevelir son corps, sans qu’on pût en découvrir la moindre trace.

210. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. De l’influence de la philosophie du xviiie  siècle sur la législation et la sociabilité du xixe . »

L’un des mérites en effet qui nous ont le plus frappé dans cet ouvrage, le meilleur sans contredit de M.  […] Il arrive en effet que dans cet orage naturel qui s’agite au dedans de lui aux heures de paroles ou de composition, il se fait des éclats peu mesurés, qui vont au-delà de l’équitable pensée, qui dévient et frappent à faux, qui heurtent en face les scrupuleux et les superstitieux, qui pourraient en aveugler à tort quelques-uns sur un ensemble plein d’utilité et de puissance.

211. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre III. Soubrettes et bonnes à tout faire »

S’il a des platanes et le loisir de se promener à leur ombre, il peut, comme ce naïf Bornier, se frapper fièrement la poitrine et se déclarer : « C’est un académicien qui se promène sous mes platanes !  […] Mais tout à coup éclate ce couac anachronique : « Il a dû naguère, à Guernesey, s’amuser beaucoup des journaux religieux, qui annonçaient, avec une douce charité chrétienne, que, frappé par Dieu dans son orgueil, Victor Hugo venait d’être atteint de folie. » Et Claretie nous raconte encore, en plein 1902 : « On entourait le poète qui, souriant devant cette mort, qui n’est heureusement pas près de le toucher, disait parfois avec sa gaîté robuste : — Il est peut-être temps de désencombrer mon siècle. » Que contiennent ces vieux articles mal repeints que Claretie et Fasquelle nous vendent honnêtement pour du neuf ?

212. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

Mais le ton, — je ne sais pas si je me trompe, séduit par ce bonheur d’expression du livre et par le charme de Frédéric Masson, — je le trouve bien près d’être exquis… Cette histoire, faite de détails familiers et intimes, est une histoire domestique du marquis de Grignan ; mais cette histoire, au fond très touchante, si on veut bien y réfléchir, est, comme je l’ai dit, l’histoire, sous le nom de Grignan, de toute la malheureuse noblesse de France, descendue de sa hauteur féodale, et se pressant, avec un incroyable amour, — un amour de race, — autour de cette Royauté qui l’a frappée un jour avec la hache de Richelieu, mais qui n’avait pas fait couler avec son sang ce vivace royalisme qu’elle avait au fond de ses veines… Il en était resté, et Louis XIV, le vampire de cette noblesse et qui se nourrissait de ses richesses et de son sang, ne l’épuisa pas. […] Ce livre est, selon moi, le livre supérieur de l’ouvrage, et comme j’en suis pour le moment à faire des découvertes dans les facultés de Masson, j’ai été particulièrement frappé par la puissance avec laquelle il a analysé ce fait, cruel et mortel aux races, de la mésalliance, — de ce sac à hontes et à douleurs de la mésalliance qu’il nous pointille toutes et nous trie sous les yeux, sans nous faire grâce d’une seule de ces hontes et de ces douleurs !

213. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

Auguste Vitu est naturellement allé à l’homme qui a le plus été frappé des ridicules de la Révolution et qui s’en est le plus moqué, avec la verve, l’ironie et l’aristocratique impertinence de Voltaire, lui aussi un voltairien de l’autre bord que l’histoire, qui n’en a fait jamais d’autre, oubliait, et que Vitu nous restitue. […] Sorti de ce procès triomphant, ce qu’il avait été avec sa parole devant ses juges il le fut, avec sa plume, devant la France entière, jusqu’à ce matin du 10 août 1792 où, allant défendre le Roi, beau comme toujours, intrépide comme toujours, il fut assassiné par Théroigne de Méricourt et par des hommes plus lâches qu’elle ; car ils se mirent à deux cents pour frapper Suleau, qui avait son sabre et qui se défendit.

214. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

Ce ne sont pas là les larmes fières ou virilement désolées que j’aurais voulu voir tomber des yeux d’un poète qui a eu l’honneur de souffrir (c’est toujours un honneur que Dieu vous fait quand il vous frappe !) […] Aujourd’hui, c’est le bras tout entier qui frappe ; mais ce bras tout-puissant n’a rien fait jaillir de ce torrent que j’attendais !

215. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

Frapper sur une gloire, c’est la faire retentir ! […] Ce progrès, évident à toute Critique attentive et profonde, ne consiste pas seulement dans cette ciselure de l’expression qui frappe facilement tous les yeux, même les faibles, et qui a introduit dans toutes les appréciations de la Critique contemporaine cette idée commune, qui a l’ubiquité des idées communes : M. 

216. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

Sans doute Platon, quand il composa ses dialogues, était frappé de la même admiration pour Socrate ; il avait été son disciple et son ami, il l’avait vu traîner dans les fers, il avait vu la ciguë broyée par la main de l’envie, et le fanatisme prenant d’elle la coupe empoisonnée pour la présenter à son maître. […] Juges qui condamnez les hommes, vous pouvez immoler un sage et flétrir un instant l’homme que la calomnie poursuit, le glaive est dans vos mains ; vous frappez, mais l’œil inévitable du temps vous observe et vous juge.

217. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Ce détail a frappé M.  […] Il y a bien trente ans que, ayant lu le livre d’Antoine de la Sale, j’avais été frappé de la ressemblance que présente l’aventure de son chevalier avec celle que la légende, en Allemagne, attribue au Tannhäuser. […] Il en était un qui devait particulièrement frapper l’imagination, c’est celui des soufflets donnés au Christ. […] Il se frappe avec désespoir la tête contre cette colonne, mais il ne peut se donner la mort, car sa sentence est de souffrir ainsi jusqu’au jugement dernier. […] » lui dis-je. « Il faut dire, me répondit-il, Giovanni Battè-Iddio, c’est-à-dire Giovanni frappa Dieu.

218. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Pourtant, si je dois m’éloigner de toi, il me serait plus doux d’être frappé à mort. […] « L’époux de Kriemhilt le frappa avec l’épée, comme nul autre chasseur n’eût su le faire. […] Elle était si acérée, que quand on en frappait un casque, elle le fendait sans peine. […] Nul ne pouvait le suivre, si ce n’est l’époux de Kriemhilt, qui l’atteignit l’épée à la main et le frappa à mort. […] Croyez-en ma parole véridique, vous vous êtes frappés vous-mêmes. » « Tout autour de lui les fleurs étaient baignées de sang.

219. (1761) Salon de 1761 « Sculpture —  Vassé  »

Vassé Huit ou dix morceaux de Vassé, et pas un qui m’ait frappé.

220. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Anicetus et ses licteurs vont frapper Agrippine au ventre. […] Les monnaies informes frappées sous son règne le racontent mieux que les plus magnifiques médailles. […] Une impopularité diffamante frappe ce roi si essentiellement populaire. […] Frappée au-dehors, l’Espagne se ronge et se consume au-dedans. […] Il naquit frappé des marques du rachitisme.

221. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Elles ont frappé ou frapperont mes lecteurs. […] Bourget, a l’imagination frappée. […] Si nous ne sommes pas encore tous morts, nous sommes pour la plupart frappés. […] Comme il ne frappe plus si fort, on trouve qu’il frappe plus juste. […] Qu’il vient de tomber frappé d’une apoplexie foudroyante.

222. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article »

Il publia en 1745 un petit Poëme sur l’Origine des Gardes-du-Corps, où l’on trouve des Vers très-bien frappés.

223. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

George Sand, Lélia (1833) On doit être frappé du singulier mouvement moral et littéraire qui se déclare en France chez les femmes, d’une manière croissante, depuis les dernières années. […] S’il en est de plus fortes, de plus puissantes d’essor, de plus orgueilleusement douées, sentant ainsi cette vie d’amour éteinte, elles doivent frémir de colère, se frapper, souvent la poitrine, redemander la flamme perdue à tous les êtres, et, dans leurs moments égarés, en vouloir aux hommes et à Dieu, à la société, à la création elle-même.

224. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Cette réflexion m’avait frappé avant même qu’on eût proclamé que l’arrivée d’un Bourbon ne nous apportait qu’un Français de plus ; elle a dominé mes pensées dans tous les écrits que j’ai publiés, elle est la seule explication des motifs qui m’ont toujours porté du côté de l’opposition ; aucun parti arrivé au pouvoir n’ayant jamais compris que le salut de la royauté et de nos libertés était dans l’exécution de la Charte, dans le renversement sans pitié d’une administration formée pour l’empire. […] C’est le seul ministre qui m’ait frappé sous ce rapport.

225. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Ils environnaient la recherche de la vérité de tout ce qui pouvait frapper l’imagination ; ces promenades où de jeunes disciples se réunissaient autour de leur maître, pour écouter de nobles pensées en présence d’un beau ciel ; cette langue harmonieuse qui exaltait l’âme par les sens, avant même que les idées eussent agi sur elle ; le mystère qu’on apportait à Éleusis dans la découverte, dans la communication de certains principes de morale ; toutes ces choses ajoutaient à l’effet des leçons des philosophes. […] Ce qu’on peut remarquer en général dans les orateurs grecs, c’est qu’ils ne se servent que d’un petit nombre d’idées principales, soit qu’on ne puisse frapper le peuple qu’avec peu d’arguments exprimés fortement et longtemps développés, soit que les harangues des Grecs eussent le même défaut que leur littérature, l’uniformité.

226. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

La poésie du Nord est rarement allégorique ; aucun de ses effets n’a besoin de superstitions locales pour frapper l’imagination. […] Il faut alors qu’il cherche dans le cœur humain les sources de l’émotion, qu’il fasse sortir d’une expression éloquente, d’un sentiment de l’âme, d’un remords solitaire, les fantômes effrayants qui doivent frapper l’imagination.

227. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

La conversation du savetier et du financier ne serait pas indigne de Molière lui-même ; il dut être surtout frappé du trait : V. 45. […] Tout père frappe à côté.

228. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Des faits frappent l’attention d’un homme. […] Eh bien, ce qui nous a frappé tout d’abord en lisant cette histoire, ce n’est pas d’y trouver Ranke tel qu’il fut toujours dans ses écrits et n’a jamais cessé d’être (nous ne sommes pas si inconséquent aux idées que nous exprimions, il n’y a qu’un instant, sur la personnalité forcée et nécessaire de l’Histoire), mais c’est, au contraire, de ne pas assez l’y retrouver.

229. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Parfois même il n’est pas besoin d’une filiation directe ; il suffit du même nom, pour que la mystérieuse et redoutable loi s’accomplisse… Habitué, par l’histoire religieuse qu’il a souvent écrite, aux idées générales et aux conclusions providentielles, Crétineau-Joly devait être nécessairement plus frappé que personne du rôle invariablement funeste qu’a joué dans nos annales tout ce qui porta jadis le nom d’Orléans, et il n’a pas voulu qu’on l’oublie. […] le plus honnête homme qu’il eût connu, — mais qui, à part le sang, dans lequel il ne tomba point, avait la même ambition que son père, cette ambition qui se remuait tortueusement et toujours, mais qui ne savait pas frapper le coup décisif et suprême ; car Louis-Philippe ne le sut jamais, ni avant d’être roi, ni après qu’il fut roi, ni depuis qu’il fut roi.

230. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

Martin emprunte la traduction, se servait du bâton avec avantage, car un jour, trouvant son meilleur ami d’enfance, vieux et assis à l’orientale, sur ses talons, au bord d’un chemin : « Qui, vieux, ne sait pas mourir, ne vaut rien », dit l’aimable sage, et il frappa en perfection le trop vivant bonhomme, tant la Chine, jusque par la main de ses sages, a l’habitude de badiner avec le bambou ! […] Il croit à la morale par elle-même, et il y croit si dru qu’il n’est pas du tout frappé comme il devrait l’être de ce grand fait qui se retourne contre sa pauvre morale, la soufflète et la convainc d’impuissance, — le contraste qui existe et n’a pas cessé d’exister à la Chine entre la moralité enflée ou sentimentale des paroles et la scélératesse des actes !

231. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Dans cette vaste constitution, il sera juste de voir figurer un syndicat chargé de représenter chaque profession au sein de la société générale ; de surveiller officiellement l’éducation des apprentis dans le ressort de chaque groupe industriel ; de juger tous les différends des fabricants entre eux ou les différends des chefs d’ateliers avec les ouvriers, afin que le moindre oubli des lois de l’humanité de la part du premier envers le dernier soit frappé d’une réprobation générale et flétri par le stigmate du déshonneur ; de veiller à l’exécution de la loi constitutive librement consentie et à la distribution des secours accordés aux travailleurs pauvres et nécessiteux sur la caisse de la communauté, qu’alimenteront les versements pécuniaires et fixes de tous les associés ; de blâmer, de condamner à une amende quelconque, et même au besoin d’exclure de l’association, tel fabricant ou chef d’atelier qui, par une production mauvaise ou quelque autre délit commis, soit envers les ouvriers soit envers les acheteurs, compromettrait les intérêts moraux ou matériels de toute une industrie. » Certes ! […] Ils feraient, dans un temps donné, sur cette civilisation dont les doubles bases sont latines et chrétiennes, le travail du fer et du cheval d’Attila ; ils échoueraient, nous n’en doutons pas, — à moins pourtant que Dieu, qui use les races et qui frappe de mort les nations comme les individus, n’ait résolu que l’Europe périsse, — ils échoueraient, mais avant d’échouer ils auraient creusé un abîme qu’on ne comblerait peut-être plus qu’avec du sang.

232. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Elle aborde en tremblant et en rougissant le majestueux vieillard ; Goethe, frappé de son innocence et de ses charmes, éprouva pour elle ce que Faust avait éprouvé à l’aspect de Marguerite sur les marches de l’église ; il voulut non séduire, mais plaire. […] Privé d’espoir, l’homme cède à la force des dieux, et regarde, frappé de stupeur, son œuvre s’abîmer. […] Frappez ! frappez avec le marteau jusqu’à ce que l’enveloppe éclate ; pour que nous voyions notre cloche, il faut que le moule soit brisé en morceaux. […] Dieu frappe de stérilité ceux qui rient de ses dons.

233. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Cet oracle le frappa ; et c’est en y conformant sa vie qu’il mérita, en effet, sa réputation d’homme de bien, sa gloire et sa mort. […] Depuis longtemps, Catilina, le consul aurait dû t’envoyer à la mort, et faire tomber ta tête sous le glaive dont tu veux nous frapper. […] Il n’est plus, non, il n’est plus ce temps où de grands hommes mettaient leur gloire à frapper avec plus de rigueur un citoyen pernicieux que l’ennemi le plus acharné. […] En me suppliant de vivre, vous ne pouvez qu’une chose : arrêter ma main, prête à me frapper moi-même ; mais, hélas ! […] Et, puisqu’il s’agit de la mort de Clodius, imaginez, citoyens (car nos pensées sont libres, et notre âme peut se rendre de simples fictions aussi sensibles que les objets qui frappent nos yeux), imaginez, dis-je, qu’il soit en mon pouvoir de faire absoudre Milon sous la condition que Clodius revivra… Eh quoi !

234. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

A vingt-deux ans, il s’était complètement affranchi des croyances ; mais le principe d’exaltation était dans sa famille, et l’un de ses jeunes frères, entré également chez les Jésuites, et juste au moment de leur suppression en France, avait l’imagination si frappée qu’il n’avait cru trouver de salut et d’abri qu’en s’allant jeter de là à La Trappe. […] Enhardi par les questions qui m’ont été faites, et muni de toutes pièces, j’ai tâché aujourd’hui de mieux graver les traits et de fixer dans la mémoire de tous l’idée de ce second de Rousseau, de ce disciple unique et parfaitement naturel, dont les rapports de ressemblance avec le maître avaient déjà frappé quelques-uns des contemporains. […] Mais un grand malheur vient atteindre Ducis ; il est frappé par le côté le plus sensible, il perd une de ses filles, et sous le coup qui l’accable, il écrit à Deleyre une de ces lettres abreuvées d’amertume, où le cœur déborde, et plus faite peut-être que toutes les consolations précédentes pour le guérir par le spectacle de ce que c’est qu’une vraie et réelle douleur : « 4 mai 1783.

235. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

C’est alors, vers l’an de Rome 617, qu’un jeune homme d’une famille plébéienne, mais illustre, un élève formé de la main des philosophes grecs, Tibérius Sempronius Gracchus, « dont le caractère bon et humain n’avait pu être corrompu par l’orgueil exclusif de sa nation, » comme il traversait l’Étrurie pour aller servir en qualité de questeur dans l’armée qui s’assemblait contre Numance, fut frappé de l’aspect désolé de ce pays, célèbre autrefois par sa richesse ; il s’en demanda les causes, il songea aux grands remèdes : de là plus tard ses tentatives de tribun et sa catastrophe. […] Tout à coup cet homme, arrachant l’épée à l’un des soldats de l’escorte, en frappe Scaton et le tue sur la place : « J’ai affranchi mon maître ! […] Ainsi l’Italie est morte ; mais Rome, frappée au cœur, ne devait pas lui survivre longtemps. » Parmi les figures qu’il rencontrait au premier plan, il en est deux que M.

236. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Ainsi, dans les luttes sanglantes des Deux-Roses, les malheurs de la guerre frappaient sur les nobles bien plus que sur le peuple et les gens des communes. […] La première attaque d’apoplexie frappa Louis XI aux Forges, près Chinon. […] Après avoir mis en regard, par exemple, les malheurs qui frappèrent, vers le même temps, la maison de France et celle de Castille : « Et semble, dit-il, que Notre Seigneur ait regardé ces deux maisons de son visage rigoureux, et qu’il ne veut point qu’un royaume se moque de l’autre. » À partir de la mort de Louis XI, les Mémoires de Commynes perdent sensiblement en intérêt.

237. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Bientôt les événements politiques, en venant le frapper, le servirent encore ; ils lui ouvrirent une carrière toute nouvelle, aussi utile et plus sûre, celle de l’opposition dite des quinze ans. […] Son buste (et je parle ici du marbre, tout en me souvenant de la personne vivante) m’a toujours frappé à la fois par une certaine bonhomie riante de physionomie, par ce qu’il y a de proéminent à la voûte du sourcil, et par la fuite du front. […] Même avant la fin de la Restauration, l’injustice dont il avait été frappé fut réparée par une réélection éclatante, et M. 

238. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Élevé dans la ville d’Ouglitch, qui lui avait été donnée en apanage, près de sa mère et de ses oncles, ayant sa petite cour, ses pages ou menins pour le divertir, et probablement des espions pour l’observer, il fut, un jour, trouvé percé d’un couteau à la gorge dans l’enclos où il jouait, sans qu’on ait pu savoir d’où était venu l’accident et si l’enfant s’était tué par mégarde ou avait été frappé par un assassin. […] Le 13 avril 1606, il présida le conseil comme à son ordinaire, mais tous les boyards furent frappés de l’altération de ses traits. […] Au bout d’un instant, il reprit connaissance, mais il se sentait frappé à mort.

239. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

L’ode et l’épopée ne le contiennent qu’en germe ; il les contient l’une et l’autre en développement ; il les résume et les enserre toutes deux. » Cette théorie de Victor Hugo frappe tout d’abord par l’énormité de certaines affirmations, par la simplification excessive des faits historiques, je dirai même par le mépris de la chronologie. […] Puis je remarquai que les auteurs les plus vigoureux, les plus originaux, allaient au théâtre ou avaient du moins une tendance à dialoguer fortement leurs romans ; d’autre part, l’élément romantique et lyrique me frappait de plus en plus dans les origines du roman contemporain, jusque chez Flaubert lui-même ; j’esquissai tout naturellement, pour la littérature française du xixe  siècle, la série : lyrisme, épopée, drame. […] Les contemporains d’une œuvre de valeur relative, frappés par l’exactitude du détail, par la justesse extérieure du portrait, par les allusions aux mœurs du jour, flattés dans leurs défauts mêmes, les contemporains sont trop partie intéressée pour être de bons juges ; ils confondent aisément ce qui n’est que photographie instantanée avec ce qui est œuvre d’art.

240. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Marrot, Paul (1850-1909) »

Maurice Vaucaire Dans les poésies de Paul Marrot, et surtout dans ce dernier livre, se trouvent fondus les éléments d’un tempérament complexe : à coté de vers d’une tonalité parfois âpre, frappés de touches figuratives, s’en déroulent d’autres d’une familiarité ironique ou mélancolique très particulière.

241. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

toute médaille a son revers ; c’était le revers de la brillante médaille de l’empire frappée par la victoire. […] L’empereur ne s’y trompa pas, et se sentit atteint par ces coups frappés d’une main gantée de velours. […] La méthode à l’aide de laquelle Reid avait renversé les systèmes de Locke et de Hume, frappa M.  […] La gêne vient bientôt frapper à sa porte, en annonçant l’indigence qui la suit de près. […] Il faut aussi tenir compte de quelques grands faits de nature à frapper vivement les esprits, et à les frapper en sens divers, selon les prédispositions morales et intellectuelles.

242. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Mais comme le jeune colon avait vu frapper les noirs à la Martinique, il croyait pouvoir en agir de la même manière avec un rapin, et il leva de nouveau son appui-main pour frapper Étienne, lorsque Moriès, Ducis, Forbin, Maurice et d’autres encore, s’élancèrent au-devant de Roland, en lui criant : « Roland ! […] Vien, ajoutait David, fus-je d’abord frappé, dans les tableaux italiens qui s’offrirent à ma vue, de la vigueur du ton et des ombres. […] Drouais, qui, à l’âge de dix-sept ans, avait remporté le grand prix de Rome, et qui suivit de si près son maître dans la carrière jusqu’en 1788, époque où la mort vint le frapper. […] C’était alors qu’autour de la table, pâle d’effroi, chacun faisait sa conjecture sur le numéro de la maison à la porte de laquelle on avait frappé. […] Deux ans après il exécuta à Rome le tableau de Marius menacé par le Cimbre, et mourut dans cette ville, épuisé de travail et enfin frappé par la petite vérole.

243. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Mes maîtres me rendirent tellement impropre à toute besogne temporelle, que je fus frappé d’une marque irrévocable pour la vie spirituelle. […] Dernièrement, en classant de vieux papiers, je trouvai une lettre d’elle qui m’a frappé. […] Il prétend que mon âme habitera, après ma mort, sous la forme d’une mouette blanche, autour de l’église ruinée de Saint-Michel, vieille masure frappée par la foudre qui domine Tréguier. […] Celui qui était chargé de ce soin fut frappé de l’accent d’amour profond qui était dans ces pages d’enfant. […] À côté de tel pieux condisciple prédestiné à l’épiscopat, j’en vois un qui aiguisera si savamment son couteau pour tuer son archevêque, qu’il frappera juste au cœur… je crois me rappeler Verger ; je peux dire de lui ce que disait Sacchetti de cette petite Florentine qui fut canonisée : Fu mia vicina, andava come le altre.

244. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Même arrangement encore dans certaines scènes de Don Quichotte, par exemple dans celle de l’hôtellerie, où un singulier enchaînement de circonstances amène le muletier à frapper Sancho, qui frappe sur Maritorne, sur laquelle tombe l’aubergiste, etc. […] Quand on songe à l’intensité et à la fréquence de ce genre de comique, on comprend qu’il ait frappé l’imagination de certains philosophes. […] On comprend que certains philosophes aient été surtout frappés de ce balancement, et que quelques-uns aient vu l’essence même du comique dans un choc, ou dans une superposition, de deux jugements qui se contredisent. […] Tandis que la comparaison qui instruit et l’image qui frappe nous paraissent manifester l’accord intime du langage et de la nature, envisagés comme deux formes parallèles de la vie, le jeu de mots nous fait plutôt penser à un laisser-aller du langage, qui oublierait un instant sa destination véritable et prétendrait maintenant régler les choses sur lui, au lieu de se régler sur elles.

245. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Casanove »

Celui-là frappe à merveille.

246. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Quand vous lisez tous ces troubadours, vous êtes frappés de l’uniformité gracieuse de leurs images et de leurs expressions. […] Soyez frappés d’une chose. […] Le comte tire son épée, et veut frapper le prélat. […] Telle est la différence qui frappe d’abord entre Joinville et Ville-Hardouin. […] Plusieurs parties de cette littérature sont frappées d’interdiction pour nous.

247. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

—  « Un jour, il entendit frapper vivement à sa fenêtre et l’ouvrit. […] Merci de n’avoir vu que l’ouvrier souffrant à travers des tendances que j’ignore. » Dans cette relation affectueuse et délicate qu’elle entretenait avec M. de Latour, j’aurais à indiquer encore bien des recommandations, des intercessions pressantes dont elle se faisait l’organe, quelques paroles de vive et respectueuse doléance pour la reine Marie-Amélie au moment de la mort du duc d’Orléans ; et encore, auparavant, un autre cri impétueux de demande en grâce au lendemain de la condamnation à mort qui frappait le principal chef de l’insurrection du 12 mai 1839 : « Oh ! […] pas une porte où je puisse aller frapper ; les événements semblent avoir écrit sur toutes : Détresse. » Je continuerai de suivre la trame de l’existence qui nous intéresse, moyennant encore des passages de lettres écrites après 1848 : celles que je citerai dorénavant sont la plupart adressées par Mme Valmore à ses parents de Rouen. […] — Épargnons-nous ce remords de frapper cet esprit pur et divin. » Et après la mort : « (11 septembre 1850)… La volonté du Ciel est terrible, quand elle s’accomplit sur des êtres si faibles et si tendres que nous. » Mais tout à coup, dans ce ciel si lourd, si chargé, si sombre, un éclair inespéré a lui : « (14 janvier 1851)… Ondine se marie !

248. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Celui-ci prie, s’emporte, frappe ; rien n’y fait. […] Ils cèdent plus que de raison à cette tentation toute française de frapper fort quand on frappe sur les siens, et de forcer la couleur de la satire. […] Edmond de Goncourt s’est même du coup frappé quelque peu la poitrine : il est convenu que si son frère et lui avaient donné le mauvais exemple qu’on avait trop suivi et commencé par écrire Germinie Lacerteux, c’est qu’ils avaient succombé à la tentation de traiter d’abord les « sujets faciles ».

249. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Malgré les traditions mythologiques curieusement recueillies par le poëte d’Alexandrie, ce Jupiter, si supérieur à tout, que les destinées n’ont pas établi, qui frappe d’impuissance les rois et dissipe leurs vains conseils, semble se rapprocher des idées plus pures de la Divinité que déjà la lumière entrevue des livres hébraïques répandait dans l’Orient. […] Ce caractère doit frapper surtout dans le passage où le chantre orphique, l’imagination frappée sans doute des menaces du Seigneur dans les livres saints et des maux si fréquemment déchaînés par sa colère, s’était plu à montrer son grand Dieu, qui, du milieu des biens, envoie tous les désastres aux hommes. […] Ce merveilleux retour sur le passé, ces affinités de l’hellénisme, il son avant-dernier âge, avec la grande poésie de l’Orient, avaient frappé Bossuet, et lui font nommer Théocrite un poëte dont la douceur naïve sert à mieux comprendre l’antiquité plus sublime de la Bible.

250. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Mémoires du comte d’Alton-Shée »

Mais ce qui m’y frappe et ce que j’en aime, c’est le ton sincère, l’absence du convenu, la connaissance des hommes, la vérité des profils, les traits spirituels et justes qu’on en peut détacher. […] William d’Alton, né le 1er janvier 1766, volontaire à quinze ans (avril 1781) au régiment d’infanterie de Berwiek, y avait gagné ses premiers grades lorsque la Révolution éclata ; il eut à subir bien des vicissitudes ; il était en 1793 à l’armée du Rhin, commandée par Beauharnais ; il fit la campagne de 1795 dans l’armée de Rhin-et-Moselle, puis passa dans l’armée de l’Ouest, où il devint aide de camp du général Hédouville ; il l’accompagna à Saint-Domingue en 1798 ; il était estimé de Hoche, sous qui il avait servi en Vendée ; mais cette expédition de Saint-Domingue l’avait retardé dans sa carrière ; il eut quelque peine à se voir confirmé dans le grade de chef de brigade (colonel) que le général Hédouville lui avait conféré dans la traversée ; nommé par le premier consul aux fonctions d’adjudant commandant (titre analogue), employé à l’armée d’Italie, il allait enfin pouvoir se produire sur un théâtre en vue, quand la fortune du premier coup le mit en lumière et le frappa.

251. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Il était midi, et le roi sortait déjà forêt pour entrer dans une plaine de sable où le soleil frappait d’aplomb. […] Un page qui portait la lance royale s’endormit sur son cheval, et la lance, tombant, alla frapper le casque, que portait un autre page.

252. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

Il est probable que l’entourage de Jésus était plus frappé de ses miracles que de ses prédications si profondément divines. […] Même ceux qui ne croyaient pas en lui étaient frappés de ces actes et cherchaient à en être témoins 765.

253. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Ce qui frappa surtout quand elles parurent, car son génie était connu et faisait trembler, ou du moins étonnait quand on ne tremblait pas, ce qui frappa en ces lettres inespérées, ce fut le père, non le père majestueux, quoiqu’il y fût aussi, le paterfamilias, Romain deux fois, de la Rome antique et de la Rome chrétienne, mais le père tendre comme une mère, le genre de père qu’avec la gravité d’un tel homme justement on n’attendait pas !

254. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Négociateur qui ne réussissait pas toujours, mais qui avait le charme de se faire pardonner ses défaites par ceux qui l’employaient et qui défalquaient son talent de ses insuccès ; joueur effréné, mais plus heureux dans la vie qu’au jeu, il échappa à la disgrâce dont Louis XIV frappa le joueur Brienne, et, que dis-je ? […] Il mourut de ses travaux et de ses passions, jeune encore, mais exténué par les affaires et par les plaisirs, ce robuste, taillé pour tous les excès, « consumé d’une flamme qui brûlait sous sa peau amincie et pâle », dit un ambassadeur, frappé de la consomption d’un tel homme.

255. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Du reste, on laisserait de côté cette explication inattendue du xviie  siècle, trop fine peut-être pour frapper et pour attirer la majorité des esprits, qu’on ne pourrait pas oublier la grande personnalité historique qui remplit le livre, et qui, à elle seule, aurait suffi pour appeler et justifier, dans l’esprit d’un homme ayant l’instinct des grandes choses humaines, l’idée d’une histoire de l’institution de Saint-Cyr. […] Elle a été grande, et, chose rare parmi les créatures frappées de cette grandeur qui souvent est une plaie, elle a gardé son sexe !

256. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

On ne peut le séparer de son génie, et quand il a voulu s’en séparer lui-même, quand il a voulu greffer sur le Lamartine poète le Lamartine politique et ajouter cette autre gloire inférieure à la gloire supérieure qu’il avait, son inséparable génie le suivit pour le punir de cette ingratitude envers son génie, et c’est son génie qui a frappé son génie et qui l’a vengé. […] Il fut frappé comme si le vers était de moi.

257. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Jusque-là il ferme sa porte, et laisse à sa porte les gens trop curieux qui s’obstinent à y frapper. […] Frappé d’un spectacle quelconque, il s’exalte, et éclate en figures imprévues. […] Il voit cette chambre, il en compte les carreaux, il imagine les longs plis des rideaux sombres, les creux du lit qu’il a défait, la porte à laquelle on peut frapper. […] » Il apostrophe la bague, il gambade autour de Ruth, il frappe dans ses mains de plaisir. […] Ils oppriment des enfants, ils frappent des femmes, ils affament des pauvres, ils insultent des malheureux.

258. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Un des plus remarquables drames de la littérature moderne, — les pages simples dans lesquelles Loti représente Gaud attendant son homme le marin, qui tarde à revenir, — ne se compose pour ainsi dire que d’événements psychologiques : des espérances qui tombent l’une après l’autre, puis, une nuit, un coup frappé à la porte par un voisin. […] De cette disposition d’esprit il passe aisément en pleine métaphysique : il regarde autour de lui, est frappé de « la force destructive cachée dans le grand tout de la nature, qui n’a rien formé qui ne se détruise soi-même et ce qui l’avoisine ». — « Ciel, terre, forces diverses qui se meuvent autour de moi, je n’y vois rien qu’un monstre effroyable, toujours dévorant et toujours affamé !  […] Carmen fait de la magie, lui, fait dire une messe ; c’est la messe dite qu’il revient vers elle et, après une dernière provocation, la tue. « Je la frappai deux fois. […] Il appuya une échelle à côté de la fenêtre et frappa lui-même contre le volet, d’abord doucement, puis plus fort. « — Quelque obscurité qu’il fasse, on peut me tirer un coup de fusil, pensa Julien. » Cette idée réduisit l’entreprise folle à une question de bravoure… Il descendit placa son échelle contre un des volets, remonta, et, passant la main dans l’ouverture en forme de cœur, il eut le bonheur de trouver assez vite le fil de fer attaché au crochet qui fermait le volet, d’abord doucement puis plus fort. « Quelque obscurité qu’il fasse, on peut me tirer un coup de fusil, pensa Julien. […] Il réfléchit un peu ; puis, avec le doigt, il osa frapper contre la vitre : pas de réponse ; il frappa plus fort. « — Quand je devrais casser de vitre, il faut en finir. » Comme il frappait très fort, il crut entrevoir, au milieu de l’obscurité, comme une ombre blanche qui traversait sa chambre.

259. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Braisne, Henry de (1855-19..) »

Mais il a des trouvailles heureuses et brillantes, des vers fortement frappés.

260. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

La pauvre Jane Grey était parfois « si misérablement bousculée, frappée, pincée, et maltraitée encore en d’autres façons qu’elle n’ose rapporter », qu’elle se souhaitait morte. […] Aussi, quand un homme en frappe un autre dans l’enceinte du palais, on lui coupe le poing, et on bouche les artères avec un fer rouge. […] Pareillement ici les personnages se démènent et hurlent, frappent la terre du pied, grincent les dents, montrent le poing au ciel. […] Le poëte, qui ne savait tout à l’heure que frapper ou tuer, introduit maintenant un progrès dans la situation et une conduite dans l’intrigue. […] Périgot trompé, poussé au désespoir, persuadé qu’elle est une débauchée, la frappe de son épée et la jette à terre, sanglante.

261. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Botrel, Théodore (1868-1925) »

. — Celui qui frappe, légende bretonne (1897)

262. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 195-196

Tous ses Ouvrages ont été frappés de mort au même instant qu’ils ont paru.

263. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 366

Ils allerent une nuit d’hiver frapper à la porte de M.

264. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 281

Viens, favorable Mort, viens briser des liens, Qui, malgré moi, m'attachent à la vie ; Frappe, seconde mon envie ; Ne point souffrir est le plus grand des biens.

265. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Ce qui peut frapper dans le récit, d’ailleurs intéressant, que Duclos nous fait de ses jeunes années, c’est le ton brusque et sans charme ; l’espèce de gaieté qui s’y montre est une gaieté sèche et sans fleur ; il ne s’étend un peu et ne marque un sentiment de complaisance que lorsqu’il y parle des hommes qu’il a connus, et qu’il se met à développer les caractères. […] Duclos, dans ses récits, dans ses livres de morale, a de ces observations de bon sens bien touchées, bien frappées, et qui prouvent que le moraliste en lui connaissait son sujet, et le médecin son malade. […] Ses pensées morales ne sont guère que de la bonne monnaie courante bien frappée ; mais, quand il parlait, il la faisait si bien sonner qu’elle doublait de valeur.

266. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

L’opinion publique, celle du monde à la Cour et à la ville, dans la classe parlementaire, dans l’Université et dans la haute bourgeoisie, était très partagée, mais en général favorable à ceux qui avaient été frappés, et qui reparaissaient au jour. […] Or ce détail étant ce qu’il y avait de plus neuf, et ce qui, par conséquent, frappa d’abord le plus dans le père Bourdaloue, ce fut aussi ce que les jeunes prédicateurs tâchèrent le plus d’imiter. […] Un des gentilshommes les plus instruits et des plus beaux esprits de ce temps-là, M. de Tréville, issu d’une noble famille du Languedoc, élevé avec Louis XIV, cornette de la première compagnie des mousquetaires, était de la société intime de Madame Henriette ; il fut si frappé de sa mort soudaine qu’il quitta le monde le lendemain et prit le parti de la dévotion.

267. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Les hommes ne sont pas faits généralement pour être ainsi frappés en médaille d’un coup et coulés en bronze. […] — Les autres admirent mon courage, mais ils ne connaissent pas mes jouissances ; toi, qui dois les sentir, conserve-leur tout leur charme par la constance de ton courage. » Faut-il insister sur ce tutoiement perpétuel qui aura certainement frappé et peut-être étonné quelques lecteurs ? […] Dans une seconde lettre de Buzot, du 3 juillet, Mme Roland revient sur la même idée d’un contentement austère au sein de la captivité, et elle l’exprime avec une rare noblesse : « Mon ami, ne nous égarons pas jusqu’à frapper le sein de notre mère en disant du mal de cette vertu qu’on achète, il est vrai, par de cruels sacrifices, mais qui les paye, à son tour, par des dédommagements d’un si grand prix.

268. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

On peut trouver qu’il conteste à Louis XIV quelques qualités que ce roi eut peut-être plus qu’il ne l’a dit : ce serait matière à examen et à discussion ; mais il est impossible, en lisant Saint-Simon, de ne pas être frappé d’une chose, c’est qu’il a infiniment plus donné au grand roi qu’il ne lui a ôté devant la postérité : il le fait vivre, marcher, parler, agir sous nos yeux en cent façons et toujours en roi, avec majesté, grandeur, avec séduction même. […] Ce Saint-Hilaire, lieutenant général lui-même, était le fils du général d’artillerie Saint-Hilaire, qui eut l’honneur d’être frappé du même coup de canon qui tua M. de Turenne. […] Saint-Hilaire la lui montrait du geste, lorsqu’un boulet lui emporta le bras gauche, enleva le haut du col au cheval d’un de ses fils (il en avait deux près de lui en ce moment), et du même coup alla frapper M. de Turenne au côté gauche.

269. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Une qualité générale frappe au premier coup d’œil, en parcourant l’ensemble de cette vie bien courte et pourtant si remplie : quand je dis que cette qualité frappe, j’ai tort, il serait plus juste de dire qu’elle repose et satisfait : sa destinée a tout à fait l’harmonie ; et je n’en veux pour preuve que le sentiment universel qu’elle inspire, cette sorte d’admiration affectueuse et douce dont il est l’objet. […] La comédie qu’il donna sous ce titre (la Popularité), et dans laquelle il revint un peu à sa manière des Comédiens, est pleine de vers ingénieux, élégants, bien frappés, qui, comme ceux du Méchant, de la Métromanie, se sentent assez du genre de l’épître, mais n’en sont pas moins chers, dans cette modération de goût, aux habitudes de la scène française.

270. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

Telles sont les sensations de contact, de pression, de chatouillement, qui ordinairement s’éveillent en nous lorsqu’un corps extérieur touche d’une certaine façon certaines portions de notre corps ; telles sont les sensations de température qui se produisent lorsqu’un certain degré de chaleur est ajouté ou ôté à notre température propre ; telles sont les sensations d’activité musculaire, ainsi nommées parce qu’elles nous avertissent de la tension ou du relâchement de nos muscles ; telles sont enfin les sensations excitées en nous par les particules liquides d’un objet que nous goûtons, par les particules volatiles d’un objet que nous flairons, par les vibrations de l’air qui frappe notre appareil acoustique, par les vibrations de la lumière qui frappe notre appareil optique, et qu’on nomme ordinairement sensations de saveur, d’odeur, de son et de couleur. […] Tel est le cas pour la sirène de Cagniard Latour ou d’Helmholtz et pour la roue de Savart ; quand cette roue tourne d’un mouvement uniforme, ses dents également distantes frappent tour à tour une latte en passant, et cette succession régulière d’ébranlements pareils éveille en nous une succession régulière de sensations pareilles de son semblable.

271. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Aussi ces sortes de recueils sont-ils frappés de réprobation. […] Hugo un exemple de comparaison symbolique : Il (Napoléon) a bâti si haut son aire impériale, Qu’il nous semble habiter cette sphère idéale Où jamais on n’entend un orage éclater ; Ce n’est plus qu’à ses pieds que gronde la tempête ;         Il faudrait pour frapper sa tête         Que la foudre pût remonter. […] Ils invoquaient leurs dieux : mais le feu qui punit Frappait ces dieux muets, dont les yeux de granit         Soudain fondaient en pleurs de lave.

272. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Et en général, quand on revient, après quelques années d’intervalle, sur d’anciens articles de critique et de polémique, on est frappé de la disproportion qui paraît entre ces articles mêmes et l’effet qu’ils ont produit ou le souvenir qu’ils ont laissé. […] Malgré ses défauts et même ses vices, Geoffroy était un critique d’une valeur réelle, d’une grande force de sens, d’une fermeté un peu lourde, mais qui frappait bien quand elle tombait juste, d’une solidité de jugement remarquable quand la passion ou le calcul ne venait pas à la traverse. […] Menacé dans sa position d’administrateur au lendemain de la Révolution de février, et finalement frappé par M. de Falloux, de qui, moins que de tout autre, il devait attendre une telle mesure18, il a écrit à ce sujet, il a dicté plusieurs lettres pleines de dignité, de vigueur, de malice, qui n’annonçaient certes pas une pensée défaillante.

273. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

La plume de M. de Chateaubriand ressemble à l’épée de Roland d’où jaillit l’éclair ; mais ici, sur ces choses de 1830, c’est l’épée de Roland furieux, qui frappe à tort et à travers dans le délire de sa vanité, dans sa rage de n’avoir pas été tout sous le régime bourbonien, de sentir qu’il ne peut, qu’il ne doit rien être par honneur sous le règne nouveau, dans son désir que ce monde, dont il n’est plus, ne soit plus rien qui vaille après lui. […] Il lui dit : Un grand malheur m’a frappé dans ma première jeunesse ; ce malheur m’a fait tel que vous m’avez vu. […] René, pour paraître plus grand, aime mieux frapper l’imagination que le cœur ; il aime mieux (même dans ce cas où il se suppose père) être rêvé de sa fille que d’en être connu, regretté et aimé.

274. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

C’est, en honneur, tout ce que la nature a droit de demander d’un bon citoyen… Jordan, tout en convenant que ce serait plus sage d’en agir ainsi, continue de s’affliger des maux qui frappent l’espèce en général, par la raison, dit-il, que « la société ne fait qu’un corps », et que tous les membres sont solidaires. […] Quand le frère de Jordan vint, le lendemain matin, lui annoncer la triste nouvelle, la première chose qui frappa ses yeux, en entrant dans le cabinet du roi, fut le portrait de celui qu’ils avaient perdu. […] Je me suis attaché à démontrer un côté que je crois bien vrai et bien essentiel en Frédéric ; quiconque abordera sans prévention la lecture de ses lettres en sera frappé.

275. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Si vous le frappez, il vous demande de lui donner un second coup. […] La cravache qui frappe d’elle-même (La nyinkona). […] Contes inédits des 1001 Nuits (De Hammer Tome II, p. 169, Hist. de Seïfol Molouk et de Bediol-Djemal) le génie qui supplie Saïd qui l’a frappé de lui donner un 2e coup et qui meurt du refus de Saïd de lui donner satisfaction alors qu’un 2e coup l’eut guéri de sa 1re blessure.

276. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Quand on frappe insolemment dans l’histoire les hommes comme Louis XIV, on ne les lue pas. […] Il n’a pas tué tout à fait Louis XIV, mais il l’a mieux frappé. […] Lemontey, au xviiie  siècle, et de notre temps l’auteur de Ménages et Finances de Voltaire, qui ne craint pas d’être scandaleux, voilà les seuls hommes à notre connaissance qui aient touché pour ne pas la frapper d’une injure la mémoire du cardinal Dubois.

277. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

ce qui me frappe d’abord et ce qui frappera tout le monde, c’est cette unité de pensée qui commence, et qui, sortie des abîmes de l’homme et de son être, va prendre l’homme tout entier et s’asservir sa vie. Ce qui me frappe, c’est que le mâle génie du Pape et des Soirées de Saint-Pétersbourg, plus ferme encore que Bossuet sur sa base, à quelque époque qu’on s’avance ou qu’on recule dans sa vie, n’ait jamais eu qu’une pensée que, sous sa plume unitaire, on retrouve toujours.

278. (1925) Comment on devient écrivain

La conséquence des prix officiels, c’est de frapper d’une présomption d’infériorité tous les ouvrages qui ne portent pas l’estampille d’une récompense. […] Je suis seulement frappé par le monstrueux débordement de tant d’œuvres d’imagination insignifiantes et médiocres. […] Quand on dit : « Ayez un style original », cela signifie : « Ayez un style vivant, un style en relief, qui frappe, qui attache. […] Enfin, chaque élève pouvait noter les qualités d’exécution qui l’avaient frappé. […] Et il fut penché de l’autre côté, et la coupe tomba à lui de la main, (lui) ayant été frappé ; et aussitôt un jet épais de sang humain vint à travers les narines, et promptement (l’) ayant frappée du pied, il écarta de lui la table et renversa les mets à terre ; et le pain et les viandes grillées furent souillées.

279. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lefèvre, André (1834-1904) »

Lefèvre, une grande perfection de forme, des vers bien modelés, bien frappés, quoique un peu durs et trop accusés dans leur perfection même.

280. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 515-516

On n’y trouve point, à la vérité, ces traits de force qui étonnent l’Auditeur, ces tableaux énergiques qui le frappent, ces grands mouvemens qui l’entraînent : mais il est aussi très-éloigné de cette affectation de descriptions frivoles, plus propres à amuser qu’à instruire ; de ces portraits où l’on s’occupe plus du coloris, que de la vérité ; de cette recherche d’esprit qui éteint le feu de l’action, & invite à croire qu’on n’est pas plus persuadé soi-même, qu’on ne s’inquiete de persuader les autres ; de ces pensées plus fines que solides ; de ces tours plus brillans que naturels ; de ces expressions plus mondaines qu’oratoires ; ressources indignes de la majesté de la Chaire, & plus ajustées au ton des fauteuils académiques, où le sommeil de celui qui parle, est le précurseur de celui des personnes qui écoutent.

281. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Préface (1831) »

Ces majuscules grecques, noires de vétusté et assez profondément entaillées dans la pierre, je ne sais quels signes propres à la calligraphie gothique empreints dans leurs formes et dans leurs attitudes, comme pour révéler que c’était une main du moyen-âge qui les avait écrites là, surtout le sens lugubre et fatal qu’elles renferment, frappèrent vivement l’auteur.

282. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — VI. Le canari merveilleux. »

Ses parents la frappaient souvent pour la corriger, mais c’était peine perdue : elle n’en devenait pas meilleure pour cela.

283. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Arnaud, Simone (1850-1901) »

Mais sur un fond banal de vers quelconques et de négligences de langage, un essaim de vers bien frappés et bien placés pointent et s’épanouissent comme des roses de mai sur les broussailles.

284. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Doucet, Camille (1812-1895) »

Dans l’Avocat de sa cause, vous persifliez agréablement l’arbre du bel esprit chez les femmes, et nous y prenions un plaisir extrême, tant les vers bien frappés, tant les traits bien aiguisés se succédaient rapidement dans cette amusante satire.

285. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupuy, Ernest (1849-1918) »

Le corps n’est pas gisant depuis une journée Que, dans ses profondeurs, la vie est ramenée ; Les ferments ont trahi leur sourde invasion ; Le cadavre s’émeut, frappé par la lumière, Et l’on voit s’altérer sa majesté première Sous le labeur hideux d’une autre vision… ………………………………………………… Et ce débris boueux qui fut la créature, Touché par l’aquilon brûlant de la nature, Au lieu de reposer s’évertue à pourrir.

286. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

Mais si l’amour d’une main sûre, T’a frappée à ne plus guérir ; Si tu languis de ta blessure Jusqu’à souhaiter d’en mourir ; Devant tous et devant toi-même. […] Quand la belle et brillante Delphine, Mme Émile de Girardin, fut enlevée avant l’heure, Mme Desbordes-Valmore, qui l’avait vue commencer et qui s’attendait si peu à la voir finir, eut un hymne de deuil digne de son noble objet, et dans lequel cependant elle prête un peu, je le crois, de sa mélancolie à l’éblouissante muse disparue ; mais le mouvement est heureux, le ton général est juste et d’une belle largeur : La mort vient de frapper les plus beaux yeux du monde : Nous ne les verrons plus qu’en saluant les cieux.

287. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Dans les tragédies, comme dans les poèmes, on est sans cesse frappé de ce qui manquait aux affections du cœur, lorsque les femmes n’étaient point appelées à sentir ni à juger. […] Sous l’empire d’un monarque tel que Louis XIV, sa volonté devait remplacer le sort, et l’on n’osait lui supposer des caprices ; mais dans un pays où le peuple domine, ce qui frappe le plus les esprits, ce sont les bouleversements qui s’opèrent dans les destinées ; c’est la chute rapide et terrible du faîte de la grandeur dans l’abîme de l’adversité.

288. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Mais ce bonheur frappé par le sort, la confiance mutuelle, ce bien suprême, flétri par la calomnie ! […] qui n’éprouve pas, en effet, qu’il vaut mieux descendre dans la tombe avec des affections qui font regretter la vie, que si l’isolement du cœur nous avait d’avance frappés de mort ?

289. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Toutes ces entreprises ont été frappées de stérilité, et, quoique dignes d’intérêt précisément parce qu’elles témoignent du besoin énergique que nous signalons, elles ne peuvent inspirer à aucun esprit sensé le désir de les renouveler. […] Je ne suis pas frappé pour ma part de la solidité de ces objections.

290. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Pour avoir feuilleté quelques chroniques du Moyen Âge, il avait été frappé de l’importance de ce fait inconnu à l’antiquité ; le point d’honneur, et il avait élevé sur cette notion extraordinaire la conception abstraite de sa monarchie. […] Nous savons bien qu’on ne fait jamais taire la haine, mais en lui fermant la bouche on la lui frappe, et c’est toujours cela !

291. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

L’épouvante qu’il produisait revenait sur lui ; il tremblait en frappant et frappait encore, tant qu’enfin les lâches se révoltèrent et frappèrent à leur tour… Il ne finit point dans la majesté sans remords de Sylla.

292. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Avant Swedenborg, il y avait dans le monde toute une filiation de mystiques, de têtes frappées de visions, même parmi les philosophes. […] Matter l’a frappé d’un coup plus net et plus terrible que le chef-d’œuvre de Balzac ; car, si ce livre l’a épargné comme conscience morale, comme force poétique, il l’a décapité.

293. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Elle retourne malaisément les médailles qu’elle a gravées pour les frapper dans un autre sens et en compléter la figure. […] Le Bossuet de la stalle en chêne de l’antique église de Metz, digne d’inspirer un poète comme Byron quand Byron devenait catholique et pleurait en entendant l’orgue, ce Bossuet ponctuel comme le Devoir et comme l’Humilité, qui arrivait, quarantième manteau noir, pour l’office de nuit, pendant dix-sept ans, à sa place accoutumée dans le chœur de l’église assombrie, a beaucoup frappé Floquet, qui n’est pas un rêveur, mais un esprit solide.

294. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Je citais Richelieu : mais le cardinal de Richelieu, cet homme d’ordre et d’unité, avec ses quatre à cinq coups de hache éblouissants qui brillent dans l’histoire, n’a jamais créé autour de lui des unités de volonté et d’obéissance aussi vastes, aussi cohérentes et aussi profondes, que cet humble et bon Vincent de Paul, qui n’a jamais frappé personne ! […] Cette omniprésence du saint à toutes ses œuvres, le soin infatigable qu’il y donnait, les lettres, instrumenta regni, par lesquelles il les gouvernait des distances les plus éloignées, toutes ces fortes qualités, incessamment appliquées, de direction, d’influence et d’irrésistible commandement, frappent plus encore que sa charité, et tout cela est d’une telle proportion en saint Vincent de Paul, qu’il est impossible de bien comprendre son action souveraine sur tout ce monde immense dont il ne cessa d’être, jusqu’à la mort, le père de famille et la providence, sans l’aide personnelle, directe et surnaturelle de Dieu !

/ 2080