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64. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVIII. Des Livres sur l’Art Militaire & sur les sciences qui y ont rapport. » pp. 370-378

Il y a un art de fortifier, d’attaquer & de défendre les places. […] On peut y joindre les Elémens de l’art militaire, par M. d’Hericourt, à Paris 1754., cinq vol. […] On a encore la Géométrie pratique de l’Ingénieur, ou l’art de mesurer, divisé en huit livres, Strasbourg, 1723. […] N’oublions pas l’Architecture hydraulique, ou l’art de conduire, d’élever & de ménager les eaux, par Mr. […] Ceux qui veulent connoître ce bel art, ne peuvent se dispenser d’acheter le Vitruve de M.

65. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 5, que Platon ne bannit les poëtes de sa republique, qu’à cause de l’impression trop grande que leurs imitations peuvent faire » pp. 43-50

Voilà les motifs qui font proscrire à Platon la partie de l’art poëtique qui consiste à peindre et à imiter ; car il consent à garder dans sa république la partie de cet art qui enseigne la construction du vers et la composition du métre, c’est la partie de l’art qu’on nomme souvent versification, et que nous appellerons quelquefois dans ces reflexions la mecanique de la poësie. […] Le but de Platon est toujours de conserver dans son état les parties d’un art qui sont presqu’incapables de nuire, lorsqu’il proscrit celles qui lui semblent trop dangereuses. […] On pourroit répondre à Platon qu’un art necessaire et même simplement utile dans la societé, n’en doit pas être banni, parce qu’il peut devenir un art nuisible entre les mains de ceux qui en abuseroient. On ne doit proscrire dans un état que les arts superflus et dangereux en même tems, et se contenter de prendre des précautions pour empêcher les arts utiles d’y faire du dommage : Platon lui-même ne défend pas de cultiver la vigne sur les côteaux de sa republique, quoique les excès du vin fassent commettre de grands désordres, et quoique les attraits de cette liqueur engagent souvent d’en prendre au-delà du besoin. Le bon usage que plusieurs poëtes ont fait dans tous les tems de l’invention et des imitations de la poësie, montre assez qu’elle n’est pas un art inutile dans la societé.

66. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Ainsi, disions-nous, l’Instrumentation verbale se présentait en valeur d’expression d’art apportant des modes d’art une complète et transposée Synthèse. […] La « Revue Blanche » marquait de pareilles tendances tandis que « l’Art social » qui parut également en 1891, se dénonçait socialiste, tendait à mettre l’art à la porte du peuple. […] — « On nous a dit qu’un art purement humain et positif est la négation de tout Art. […] Ils ne sont même que de l’art et, oui encore, un Jeu poétique. […] (Art en silence.)

67. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 7, que les genies sont limitez » pp. 67-77

Mais ces peintres ont mal réussi dans les autres parties de l’art, qui ne sont pas les moins importantes. […] L’art ne sçauroit faire autre chose que de perfectionner l’aptitude ou le talent que nous avons apporté en naissant ; mais l’art ne sçauroit nous donner le talent que la nature nous a refusé. L’art ajoûte beaucoup aux talens naturels, mais c’est quand on étudie un art pour lequel on est né. […] L’art leur enseigne à cacher leurs bornes, mais il ne les recule pas. […] L’art n’augmente l’étenduë physique de notre voix, il n’augmente notre génie qu’autant que l’exercice, dans lequel consiste la pratique de l’art, peut changer réellement quelque chose dans la configuration et dans la conformation de nos organes.

68. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

D’où venaient originairement ces idées de régénération de l’art ? […] je le répète, mon cœur le sent vivement, mais il m’est impossible de l’exprimer : mon art ne consiste pas en paroles, mon art est tout en action. […] Les arts doivent donc puissamment contribuer à l’instruction publique. […] L’art, dans ce cas, n’est plus un but, mais un moyen, l’art ne doit être employé qu’au profit de certaines idées et pour affermir et faire triompher un système déterminé. […] … il est fou, ou je n’entends plus rien à l’art de la peinture.

69. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Rarement on se désintéressa davantage de l’art des vers que pendant ce laps. […] Elle prétendit étendre son pouvoir à l’Art tout entier et remplacer la Poésie même. […] N’était-elle pas désormais un art d’initiés, un art ésotérique, comme on disait alors, et elle avait raison de s’en attribuer les privilèges. […] Par eux l’art du vers est codifié pour rester immuable. […] Les Jean Rameau et les Maurice Bouchor ne comptent pas plus dans l’art d’un temps que les Viennet et les Ponsard dans l’art d’un autre.

70. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

L’Arts se fortifiait de jour en jour. […] Il faut joindre à ces Arts connus des anciens un autre Art qu’ils ne connurent jamais. […] Ils sentent l’art ; mais cet art atteint quelquefois le but de la nature. […] Ajoutons que cet Auteur possede supérieurement l’art de filer une scene, art difficile & peu commun. […] L’art s’est étendu & voilà tout.

71. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

L’art, et l’auteur de ce livre n’a jamais varié dans cette pensée, l’art a sa loi qu’il suit, comme le reste a la sienne. […] C’est le passage de l’unité religieuse et politique à la liberté de conscience et de cité, de l’orthodoxie au schisme, de la discipline à l’examen, de la grande synthèse sacerdotale qui a fait le moyen-âge à l’analyse philosophique qui va le dissoudre ; c’est tout cela ; et c’est aussi le tournant, magnifique et éblouissant de perspectives sans nombre, de l’art gothique à l’art classique. […] Il est donc tout simple, quel que soit le tumulte de la place publique, que l’art persiste, que l’art s’entête, que l’art se reste fidèle à lui-même, tenax propositi. […] Pour que l’art fût détruit, il faudrait donc commencer par détruire le cœur humain. […] L’artiste, comme l’auteur le comprend, qui prouve la vitalité de l’art au milieu d’une révolution, le poëte qui fait acte de poésie entre deux émeutes, est un grand homme, un génie, un œil, ὀφθαλμός, comme dit admirablement la métaphore grecque.

72. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

En deux mots, le romantisme nous fait repasser de l’abstraction à la poésie, et, quoiqu’il ait pu sembler d’abord faciliter l’invention aux dépens de l’art, il ramène l’art à la place du mécanisme. […] Il se déclare seulement dans sa Préface de 1826, où il fait une sortie contre les limites des genres, revendique le nom de romantique, attaque l’imitation, et, demandant à l’art d’être avant tout inspiration, pose la formule de la liberté dans l’art 724. […] Il établissait que « tout ce qui est dans la nature est dans l’art » : ainsi le romantisme devenait un retour à la vérité, à la vie. […] Mais dans ce bouleversement de toutes les traditions, Hugo maintenait la nécessité d’une interprétation artistique, d’un choix, d’une concentration, de certaines conventions enfin, qui sont les moyens de l’art, et sans lesquelles l’art ne saurait subsister. […] Hugo ne dit pas, comme les autres, la liberté de l’art, mais la liberté dans l’art, c’est-à-dire la liberté et l’art, être libre, à condition de respecter l’art : comme il dit la liberté dans l’ordre, pour l’union de la liberté et de l’ordre, son idéal politique à cette époque.

73. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Sans la nature, l’art ne peut rien : il donne la façon, mais elle fournit l’étoffe. […] Or Boileau est éminemment artiste, il faut sans cesse le redire : pour lui, l’art, sans lequel il n’y a pas de chefs-d’œuvre effectifs et complets, l’art implique et suppose tous les dons naturels qu’il met en œuvre. […] Au contraire, la raison, en art, en poésie, ne fait qu’un avec la nature. […] Tout ce qui est dans la nature peut-il être dans l’art ? […] Toute réalité dégage un charme naturel, qu’il ne tient qu’à l’art d’exprimer.

74. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

Aristote ne veut donc signifier autre chose en disant que la diction doit être coupée par mesures, si ce n’est que la mesure du vers qui étoit l’ouvrage de l’art poëtique, devoit servir de mesure dans la déclamation. […] Ainsi celui qui battoit la mesure sur le théatre, étoit astreint à marquer les temps de la declamation, suivant la figure des vers qu’on recitoit, comme il pressoit ou rallentissoit le mouvement de cette mesure, suivant le sens exprimé dans ces mêmes vers, c’est-à-dire, suivant les principes qu’enseignoit l’art rithmique. […] La beauté resultante de la diction venoit des principes de l’art poëtique, comme de ceux de l’art metrique et de l’art rithmique ; au-lieu que la beauté resultante de l’harmonie procedoit des principes de la musique harmonique. […] Nous avons même observé que c’étoit par cette raison là que Porphyre ne faisoit qu’un art de la composition des vers et de la composition de la melodie, lequel il appelloit l’art poëtique pris dans toute son étenduë, parce qu’il avoit eu égard à l’usage des grecs, au lieu qu’Aristides Quintilianus qui avoit eu égard à l’usage des romains comptoit dans son énumeration des arts musicaux, l’art de composer les vers et l’art de composer la melodie pour deux arts distincts. […] " la tragedie ne tire pas un avantage mediocre de la musique et de l’appareil de la representation, qui font tant de plaisir. " mais c’est que l’art de composer cette melodie, qui devoit regner dans toute la piece, puisqu’elle n’étoit pas moins essentielle que les moeurs, étoit un des arts musicaux.

75. (1893) Thème à variations. Notes sur un art futur (L’Académie française) pp. 10-13

L’art descriptif expire. […] Art de vie métaphysique et lyrique ! art cérébral et qui se résorbe en Dieu ! art d’un idéalisme aigu ! […] L’art symboliste rend abstrait le concret : il est chrétien.

76. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jules Girard » pp. 327-340

L’introduction contient la méthode générale de l’historien grec, et les quatre chapitres, en suivant, — les harangues, les récits et les descriptions, — l’art de Thucydide, et enfin, le fond de l’art et de l’artiste, son génie et son originalité. […] C’est cette raison qui, dans l’art littéraire des Grecs comme dans les autres arts, retranche, combine, mesure, équilibre, sacrifie le détail vigoureux à ce qu’elle appelle un peu vaguement l’harmonie de l’ensemble, dispute enfin, dispute avec la forme, comme, en philosophie, elle dispute avec le fond, chez ce peuple disputeur par excellence, pour qui la harangue même, dont nous parlions plus haut, n’était qu’une des formes de la dispute éternelle. […] l’art le plus réussi des Grecs et qui devait l’être !) […] Et, en effet, demandons-nous-le une bonne fois, qu’est-ce que l’art grec pour nous autres modernes, chez qui le Christianisme a doublé l’âme et approfondi la pensée ? […] Mais comme l’art littéraire tel que les Grecs le concevaient n’était pas tout, même à Athènes du temps de Périclès et de Phidias, et que la Critique y avait droit, comme en ce moment à Paris, d’y exiger plus d’un historien que de l’art, fût-il raffiné, que répondrait M. 

77. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Pour tout ce qui est art du xviiie  siècle, je leur rends les armes : en ce qui est des auteurs, c’est différent, et j’aurais, sur plus d’un nom, maille à partir avec eux. […] D’Alembert, en demandant à l’art de sortir du cercle des initiés et des intimes, a-t-il dit là, réellement, une si grande sottise ? […] On a beau être artiste jusqu’au bout des ongles, on est d’un temps, d’une époque ; on exprime les choses avec art et talent, pour être, apparemment, en sympathie avec quelqu’un, avec le plus d’amateurs ou d’admirateurs possible. […] Il y aurait bien à dire sur cet empiètement formidable d’un art sur l’autre, sur cette invasion à outrance de la peinture pure dans la prose. […] Ce sont des modernes et de purs modernes ; ils marchent hors rang, courageux et unis, à leurs risques et périls, se tenant par goût aux avant-postes de l’art ; ils tentent constamment, ils cherchent sans cesse.

78. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

Art[…] Art Indépendant, 1894. — Emmanuel Sl.  […] — Revue d’Art dramatique. […] , Art Moderne, 17 mai 1901. […] — Les Arts de la Vie.

79. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Et l’art ? […] Il y a des arts vrais et il y a des arts faux. […] Son art est un art funeste ou plus précisément c’est un art faux. […] Politique, art vrai ; rhétorique, art faux. […] Les arts vrais sont des arts, les arts faux sont des métiers.

80. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

L’Italie fut barbare ; elle s’instruisit et devint florissante : lorsque les arts et les sciences s’en éloignèrent, que devint-elle ? […] Il n’y avait ni sciences ni arts. […] Quel est l’objet dans l’art ou dans la nature qui ne soit pas de son ressort ? […] L’art de conduire sa maison et de conserver sa fortune. […] Je supprime l’école de génie ou de l’art militaire, parce que S.

81. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 27, qu’on doit plus d’égard aux jugemens des peintres qu’à ceux des poëtes. De l’art de reconnoître la main des peintres » pp. 382-388

De l’art de reconnoître la main des peintres Le public écoute avec plus de prévention les peintres qui font le procès à un tableau, que les poëtes qui font le procès à un poëme. […] Quoique l’expérience nous enseigne que l’art de deviner l’auteur d’un tableau en reconnoissant la main du maître, soit le plus fautif de tous les arts après la médecine, il prévient trop néanmoins le public en faveur des décisions de ceux qui l’exercent, même quand elles sont faites sur d’autres points. […] On verra d’ailleurs par ceque je vais dire concernant l’infaillibilité de l’art de discerner la main des grands maîtres, quelles bornes on doit donner à la prévention qui nous est naturelle en faveur de tous les jugemens rendus par ceux qui font profession de cet art, et qui décident avec autant de confiance qu’un jeune médecin ordonne des remedes. Les experts dans l’art de connoître la main des grands maîtres, ne sont bien d’accord entr’eux que sur ces tableaux célebres, qui, pour parler ainsi, ont déja fait leur fortune, et dont tout le monde sçait l’histoire. […] L’interêt acheve de mettre de l’incertitude dans les décisions d’un art qui ne laisse pas de s’égarer, même quand il opere de bonne foi.

82. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Cette question, la voici : voulons-nous un nouvel Art ? […] Rod faisait fausse route lorsqu’il traduisit un des derniers écrits du maître : Religion et art, et M.  […] Au point de vue de l’Art wagnérien, la période « héroïque » est close, admirer Wagner est devenu banal. […] Une telle biographie serait, je le répète, d’une importance générale infinie pour Wagner et pour l’art tout entier. […] Elle se résume à la question  : «  voulons-nous un nouvel art  ?  

83. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Sans doute ces deux arts se pénètrent réciproquement. […] L’art dramatique ramené ainsi à n’être que de l’art théâtral devient un art tout à fait inférieur. […] C’est que l’art de la toilette à la ville obéit à de tout autres lois que l’art de la toilette à la scène. […] Ainsi compris, l’art de la mise en scène aurait sa fin en lui-même, ce qui serait, pour qui réfléchit, son anéantissement, car il deviendrait, ici, l’art du peintre, là, l’art de l’architecte, là, l’art du sculpteur, là, l’art du tapissier, etc., mais il ne serait plus un art synthétique obéissant à ses lois propres. […] Dans ce cas, c’est tout simplement un art d’ordre inférieur qui prend le pas sur un art d’ordre supérieur.

84. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Les monuments des arts étaient détruits. […] Les sciences exactes accompagnent quelquefois, mais ne supposent pas toujours ces arts brillants qui tiennent à l’imagination et au génie. […] On remarque une conformité singulière entre toutes les époques où les arts ont fleuri. […] Le génie des conquêtes a presque toujours réveillé le génie des arts. […] Les arts, d’ailleurs, qui jamais n’ont oublié ni leurs bienfaiteurs ni leurs tyrans, les arts lui devaient de la reconnaissance.

85. (1886) De la littérature comparée

On a beaucoup discuté, ces dernières années, si la critique littéraire est un art ou une science. […] Taine peut dire : « La question posée en ce moment est celle-ci : étant donné une littérature, une philosophie, une société, un art, telle classe d’arts, quel est l’état moral qui le produit ? […] À ce moment et dans ces pays, les conditions se sont trouvées remplies pour un art et non pour les autres, et une seule branche a bourgeonné dans la stérilité générale. […] Quels efforts il a fallu pour préparer le siècle de la Renaissance, c’est ce que montrerait la comparaison la plus superficielle entre l’art et les lettres avant et depuis ce mouvement. […] Taine entrevoit le principe avec toutes conséquences : « Voilà, dit-il, l’art moderne tout personnel et manifestant un individu qui est l’artiste, par opposition à l’art antique qui est tout impersonnel et manifestant une chose générale qui est la cité.

86. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 14, de la danse ou de la saltation théatrale. Comment l’acteur qui faisoit les gestes pouvoit s’accorder avec l’acteur qui récitoit, de la danse des choeurs » pp. 234-247

Il étoit subdivisé en trois arts differens. […] Ceux qui enseignent l’art de la scéne, dit-il, dans un autre endroit du même chapitre, trouvent que le geste qu’on fait de la tête seule est un mauvais geste. […] La musique hypocritique s’aidoit de la musique rithmique, car les arts musicaux ne pouvoient point avoir chacun son district si bien séparé, qu’ils ne se retrouvassent quelquefois dans la même leçon. Il falloit souvent qu’un art musical empruntât le secours d’un autre. […] Pour en revenir à l’art du geste, on ne sçauroit gueres douter que les comediens des anciens n’excellassent dans cette partie de la déclamation.

87. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

— L’art ne compte pas sur la médiocrité. […] Jetons bas ce vieux plâtrage qui masque la façade de l’art ! […] L’art ne peut donner la chose même. […] L’art, outre sa partie idéale, a une partie terrestre et positive. […] Le dogmatisme, dans les arts, est ce qu’il fuit avant tout.

88. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

En faisant ainsi de l’art pour l’art, on enlève à la littérature la vie ; on lui ôte toute espèce de but en dehors du jeu des formes, et, par cela même, on l’énervé. […] Le principe de l’imitation, une des lois fondamentales de la société et aussi de l’art, fait la puissance de l’art pour le mal comme pour le bien. […] Il n’en est pas moins vrai que le fond de l’art n’est point indifférent, et que l’art immoral demeure très inférieur, même au point de vue esthétique. […] En plaçant ainsi la fin de l’art en dehors du fond même de l’art (nous ne disons pas seulement de sa forme), on le rabaisse, on l’altère, on le fait dégénérer. […] Ce n’est plus l’art pour l’art, c’est l’art pour la législation.

89. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Faire une synthèse, créer, c’est toujours de l’art, et, sous ce rapport, le génie créateur dans les sciences se rattache lui-même à l’art ; les inventions de la mécanique appliquée, la synthèse chimique sont des arts. […] L’art supérieur, l’art véritable ne commence qu’avec l’introduction du travail et, conséquemment, de la peine dans ce jeu d’abord tout spontané, qui était poursuivi non en vue de la réalisation du beau, mais en vue de l’amusement personnel de l’artiste ou, pour mieux dire, du joueur. […] Evidemment tous ces gens ne cherchent dans l’art qu’un délassement, ce que Pascal appelait un divertissement. […] Les génies d’art ne meuvent pas les corps, mais les âmes : ils modifient les mœurs et les idées. […] Sur la théorie qui identifie l’art et le jeu, voir nos Problèmes de l’esthétique contemporaine, livre Ier.

90. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Aujourd’hui que l’art est perfectionné, nous avons le même avantage que les Grecs. […] Le jour qui devoit la dissiper étoit loin encore, lorsque l’Art de l’Imprimerie fut inventé. […] On vit éclore un art nouveau. […] dont l’art est de détruire en nous toute sensibilité ! […] Avec quel respect, cet homme sublime dans son art, traita-t-il toujours Lulli ?

91. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

L’art romain est différent. […] Ces métiers-là ne sont point des arts avant tout expressifs  : ils sont des arts impressifs. […] Il faudra que l’année prochaine quelqu’un fasse aux Arts et Métiers des conférences sur l’art japonais. […] Frith sont des exemples d’art historique légitime, moins ils contiennent d’art, mieux cela vaut. […] Je crois en un seul art en plusieurs parties, indivisible.

92. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Un art supérieur le domine ou l’apprivoise, lui insinue la vérité qu’il rejette, et lui fait croire ce qu’il estimait choquant et impossible. […] De là cette théorie de la tragédie, dans l’Art poétique, où tout est subordonné à la vraisemblance. […] Cette imitation de la nature, vraie, vraisemblable, intéressante, doit s’exprimer dans une forme d’art précise et serrée. […] Ou cela est-il de l’art, et plus ou moins aisé à réaliser, selon qu’on a plus ou moins de génie, de goût et d’habileté technique ? […] Entre l’art coquet et l’art théâtral, il cherchait un chemin, tout près de la nature, au-dessus de la vulgarité.

93. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Cet art peut être employé quelquefois, mais c’est dans les moments où l’âme est tranquille. […] Mais si le peintre, le poète ou l’orateur, se fait une habitude de cette manière, la nature disparaît, l’illusion est détruite, et l’on ne voit plus que l’effort de l’art, qui, dans tous les genres, pour produire son effet, a besoin de se cacher. […] Mais l’homme a plus de monotonie et déréglé, surtout l’homme policé par les lois, et civilisé par l’art de vivre en société. […] Fléchier possède bien plus l’art et le mécanisme de l’éloquence qu’il n’en a le génie. […] L’une a l’empreinte de la fierté, et semble l’ouvrage d’un instinct sublime ; l’autre dans son élévation même, paraît le fruit d’un art perfectionné par l’expérience et par l’étude.

94. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

L’Europe, où l’astre des arts, depuis cinq siècles, n’a jamais quitté l’horizon, est-elle menacée de perdre cette divine lumière ? […] Aimons donc à le dire : dans la religion, dans la science, dans les arts, dans la vertu politique enfin, ce dernier but de la société civile, il reste encore, il se reproduira sans cesse un levain précieux d’enthousiasme. […] Quelle grandeur plus gigantesque et plus libre dans ces applications des arts étendues, pour ainsi dire, sur l’échelle d’une nature plus vaste et d’une croissance de nations si rapide qu’elle semble illimitée ! […] Sera-ce seulement dans la langue de Shakspeare et de Milton, au milieu de ces riches cités où fleurissent tous les arts, où s’élève déjà plus d’un penseur et d’un historien ? […] Religion, liberté, patriotisme, culte des lois, amour des arts, où que vous soyez, il peut toujours, quand vous êtes, s’élever un poëte lyrique !

95. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

J’ai dit que tous les arts étaient littéraires, parce que l’objet de tous les arts était d’exprimer des pensées ou de communiquer des sensations. […] La sculpture est à mes yeux le premier des arts de la main : pourquoi ? […] De même que la sculpture est l’art individuel et philosophique, l’architecture est un art social et religieux. […] « L’art mêlait ses beautés à celles de la nature. […] Ce temple est trop petit ; c’est un sublime jouet de l’art !

96. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

L’art plastique recrée les sensations ; l’art littéraire recrée les notions : j’ai montré que les procédés de ces deux arts pouvaient encore, par un détournement de leur destin premier, traduire certaines émotions d’origine sensuelle ou notionnelle. […] Comme le langage des arts plastiques, et comme celui des arts littéraires, le langage de la Musique fut d’institution purement humaine. […] Les divers signes de l’art ne sont que des signes. […] Le dernier volet sur l’art wagnérien est consacré à la musique wagnérienne après la peinture et la littérature. […] C’est l’occasion de retracer la naissance des arts et la définition de chacun de leurs domaines respectifs comme Wagner l’avait fait dans L’Œuvre d’art de l’avenir et Opéra et Drame.

97. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

L’anarchie littéraire a été préparée par ceux-là mêmes qui sont, depuis, revenus aux méthodes sévères d’un art classique. […] Et les âmes-sœurs, les vierges-cygnes qui constituaient dans leur tour d’ivoire toute la compagnie de nos Jules Bois, sont des amantes peu fécondes… en art surtout. […] L’art comme la vie a besoin de luttes pour s’exalter et s’accroître. […] Œuvre d’art international, janvier 1903. […] Adaptons notre art d’un naturalisme élargi et vivifié par l’idéalisme aux exigences confuses et momentanées du monde contradictoire qui houle et tourne.

98. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes On a vû par l’énumeration et par la définition des arts musicaux, que la musique poëtique, prise dans toute son étenduë, ne faisoit qu’un seul et même art parmi les grecs, mais que parmi les romains elle faisoit deux arts distincts, sçavoir l’art de composer des vers métriques de toute sorte de figure, et la mélopée ou l’art de composer la mélodie. […] " la difference qui est entre la mélopée et la mélodie, consiste en ce que la mélodie est le chant même écrit en notes ; et la mélopée, l’art de le composer. […] " la melopée est l’art de composer la modulation. […] Ainsi la déclamation s’écrivoit en notes aussi-bien que le chant musical. à en juger même par la maniere dont Boéce s’explique, les anciens avoient trouvé l’art d’écrire en notes la simple déclamation avant que de trouver l’art d’écrire en notes la musique.

99. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préfaces de « Marion de Lorme » (1831-1873) »

Ainsi la censure tenait l’art en échec devant le théâtre. […] Il fallait donc que la révolution sociale se complétât pour que la révolution de l’art pût s’achever. […] Maintenant l’art est libre : c’est à lui de rester digne. […] L’art seul est resté. […] Autrefois, le peuple, c’était une épaisse muraille sur laquelle l’art ne peignait qu’une fresque.

100. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 41, de la simple récitation et de la déclamation » pp. 406-416

C’est une operation que l’oeil apprend à faire par le secours de l’art, et qui n’est pas accompagnée d’aucun sentiment agréable, comme est celui qui naît de l’application des yeux sur les objets que nous offrent des tableaux. […] L’émotion intérieure de celui qui parle, jette un pathétique dans ses tons et dans ses gestes que l’art et l’étude n’y sçauroient mettre. […] Tous ceux qui exercent un de ces arts dont le but est d’émouvoir les autres hommes, doivent s’attendre d’être jugez suivant la maxime d’Horace : que pour faire pleurer les autres il faut être affligé. […] L’art ne la donne point. […] Depuis soixante ans que le théatre de l’opera est ouvert, on n’y a point vû d’homme exceller dans l’art de la déclamation propre pour accompagner une récitation ralentie par le chant, autant que Mademoiselle Rochoix.

101. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Et maintenant la science et l’art se retournent vers les origines communes. […] L’art antique, lui seul, en est une révélation permanente. […] Il lui a manqué l’amour et le respect religieux de l’Art. […] C’est à ce prix qu’on sauvegarde la dignité de l’art et la sienne propre. […] L’art est donc l’unique révélateur du beau, et il le révèle uniquement.

102. (1903) La renaissance classique pp. -

Le choix, c’est presque tout l’art classique. […] Pour ce qui est des arts plastiques, rien de plus évident. […] L’art vient au secours de la Muse. […] Le lien social de l’art est brisé. […] Mais là aussi vous retrouverez bientôt la pensée inspiratrice de l’art classique.

103. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Une « réussite » ne prouve rien, pas plus en art qu’ailleurs. […] Mais, quand ils nient ainsi le pouvoir de la volonté ou de l’idée dans l’art, c’est la notion même de l’art qu’ils expulsent de l’art. […] L’art est indépendant, disent-ils, et surtout capricieux. […] N’est-ce pas là proprement la définition d’un art idéaliste ? […] Ce sont peut-être encore ici les théoriciens de l’art pour l’art qui ont égaré nos jeunes auteurs.

104. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

L’Art wagnérien. […] C’est la tâche même de l’Art. […] Ou tenir le roman pour un art, à qui admet l’art des peintres ? […] Et le moyen vraiment qu’il y ait de l’art ailleurs, si l’art est ici ? […] L’art plastique recrée les sensations ; l’art littéraire recrée les notions.

105. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

C’est de la sorte que l’art adoucit les mœurs, et c’est également ainsi qu’il affaiblit le patriotisme, le lien de nationalité. […] Les nations restent en lutte guerrière, le peuple le plus lettré pourra infliger moins de maux aux autres qu’un peuple sans arts. […] C’est seulement par des considérations de cette sorte qu’il est permis de préférer l’art grec à l’art gothique, la peinture de Titien et de Michel-Ange à celle des primitifs, la musique de Mozart à celle de Wagner, le naturalisme étranger au naturalisme français. […] Par ce point, l’esthopsychologie touche à l’éthique, et tranche définitivement la question des rapports de l’art et de la morale. […] Hennequin ne rejoint donc pas les théories de « l’art pour l’art », qui impliquent une dissociation complète de l’esthétique et de la morale.

106. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

On y fait venir, au lieu d’un philosophe, un chantre, et au lieu d’un orateur, un professeur dans les arts qui servent au théatre. […] Enfin il me paroît raisonnable de juger du progrès qu’une certaine nation pouvoit avoir fait dans les arts qui ne laissent point de monument durable sur lequel on puisse asseoir une décision solide, par le progrès que cette même nation avoit fait dans ces arts qui laissent de tels monumens. Or les monumens de la poësie, de l’art oratoire, de la peinture, de la sculpture et de l’architecture des anciens qui nous sont demeurez, font connoître que les anciens étoient très-habiles dans tous ces arts, et qu’ils les avoient portez à une grande perfection. […] L’art d’enseigner à fortifier et à menager sa voix, devint même une profession particuliere. […] Mais les visions mêmes de Neron et de ses pareils, montrent en quelle consideration tous les arts où la beauté de la voix est d’un grand avantage, se trouvoient dans ces temps-là.

107. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

C’est-à-dire que la faute venoit de l’artisan et non point de l’art qui avoit pourvû suffisamment à empêcher qu’on ne la fist. Les spectateurs et les acteurs sont d’autant plus à plaindre aujourd’hui, que les spectateurs sentent aussi-bien les fautes des acteurs que si l’art de la declamation existoit encore tel qu’il étoit aux temps de Quintilien, quoique les acteurs ne puissent plus s’aider de cet art qui est peri. Tous les arts ne sont autre chose que des methodes reglées sur de certains principes, et quand on examine ces principes, on trouve qu’ils sont des maximes formées en consequence de plusieurs observations faites sur les effets de la nature. […] Nous ne laissons pas donc de sentir les fautes où tombent nos comediens, quoique nous ne scachions pas l’art qui enseigne à ne les point faire. […] Peut-être même regretteront-ils qu’il n’y ait pas eu un pareil art quand ils étoient encore dans la jeunesse, temps où l’on apprend à operer facilement, suivant une certaine methode.

108. (1890) L’avenir de la science « XX »

L’art grec produisait pour la patrie, pour la pensée nationale, l’art au XVIIe siècle produisait pour le roi, ce qui était aussi, en un sens, produire pour la nation. L’art, de nos jours, ne produit guère que sur la commande expresse ou supposée des individus. […] Réfléchissez aux conséquences de ce déplorable régime qui soumet l’art, et plus ou moins la littérature ou la poésie, au goût des individus. […] Est-ce de la haute philosophie, ou, dans l’art, des productions pures et sévères, de hautes créations morales ? […] Ainsi, le riche réglant plus ou moins la production littéraire et artistique par son goût suffisamment connu, et ce goût étant généralement (il y a de nobles exceptions) vers la littérature frivole et l’art indigne de ce nom, il devait fatalement arriver qu’un tel état de choses avilît la littérature, l’art et la science.

109. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

À peuple nouveau, art nouveau. […] Ce n’est pas que ce drame puisse en rien mériter le beau nom d’art nouveau, de poésie nouvelle, loin de là, mais c’est que le principe de la liberté, en littérature, vient de faire un pas ; c’est qu’un progrès vient de s’accomplir, non dans l’art, ce drame est trop peu de chose, mais dans le public ; c’est que, sous ce rapport du moins, une partie des pronostics hasardés plus haut viennent de se réaliser. […] Le principe de la liberté littéraire, déjà compris par le monde qui lit et qui médite, n’a pas été moins complètement adopté par cette immense foule, avide des pures émotions de l’art, qui inonde chaque soir les théâtres de Paris. […] Et cette liberté, le public la veut telle qu’elle doit être, se conciliant avec l’ordre, dans l’état, avec l’art, dans la littérature. […] Ces détails de critique peuvent ne pas être sans intérêt ni sans enseignements, mais ils sembleraient minutieux aujourd’hui ; la liberté de l’art est admise, la question principale est résolue, à quoi bon s’arrêter aux questions secondaires ?

110. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Delacroix en a retenu ses idées sur l’amour qui font l’objet de son second chapitre, et ses idées sur l’art, qui font l’objet du troisième et dernier. […] Si l’œuvre d’art garde les traits de l’œuvre d’amour, la préoccupation de l’art ne va pas sans préoccupation d’amour. L’art, la critique, à plus forte raison la critique esthétique générale, exigent cette préoccupation. […] Mais l’état social a ses exigences comme l’art a les siennes et l’amour les siennes. […] Les malentendus de l’amour et de l’art avec la société seraient-ils, pour une intelligence, plus graves ?

111. (1911) Nos directions

Le danger permanent de leur art est ici : qu’ils préfèrent la vivante matière de cet art à cet art même ! […] On vit l’art humain, l’art complet, dissocié, scindé en deux tronçons distincts, se croyant l’art chacun, chacun insoucieux de l’autre. […] le bel art mouvant ! […] A leur art aussi, et rien qu’à leur art — à leur art qui est une joie ! […] Ils finiraient bien par nous faire croire que, art d’exception, l’art du théâtre est un art inférieur.

112. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Chapitre III Retour à l’art antique 1. […] Les Églogues, les Iambes : art classique, inspiration antique. […] On n’essayait pas de voir, par l’histoire, la vie de ces grands peuples ; on oubliait totalement quelle place l’art avait tenue dans leur civilisation. […] Il étudiait infatigablement les débris de l’art antique, les procédés, les matériaux, la signification, l’usage, etc. : toutes ces études partielles tendaient à restaurer dans les esprits une représentation plus fidèle de la vie antique. […] Personne plus que lui ne contribua à changer la direction de l’art français : Vien procède de lui, et David est l’élève de Vien (Serment des Horaces, 1784).

113. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 10, objection tirée des tableaux pour montrer que l’art de l’imitation interesse plus que le sujet même de l’imitation » pp. 67-70

Section 10, objection tirée des tableaux pour montrer que l’art de l’imitation interesse plus que le sujet même de l’imitation On pourroit objecter que des tableaux où nous ne voïons que l’imitation de differens objets qui ne nous auroient point attachez, si nous les avions vûs dans la nature, ne laissent pas de se faire regarder long-tems. […] Je répons que, lorsque nous regardons avec application les tableaux de ce genre, notre attention principale ne tombe pas sur l’objet imité, mais bien sur l’art de l’imitateur. […] Il faut toujours supposer, comme la raison le demande, que l’art ait réussi également ; car il ne suffit pas que les tableaux soïent de la même main. […] Or en distinguant l’attention qu’on donne à l’art d’avec celle qu’on donne à l’objet imité, on trouvera toujours que j’ai raison d’avancer que l’imitation ne fait jamais sur nous plus d’impression que l’objet imité en pourroit faire. […] L’art de la peinture est si difficile, il nous attaque par un sens, dont l’empire sur notre ame est si grand, qu’un tableau peut plaire par les seuls charmes de l’execution, independamment de l’objet qu’il répresente : mais je l’ai déja dit, notre attention et notre estime sont alors uniquement pour l’art de l’imitateur qui sçait nous plaire, même sans nous toucher.

114. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Éphémérides poétiques, 1891-1900 » pp. 179-187

Revues : L’Art social (Gabriel de la Salle). — La Revue blanche (Alexandre Natanson). — La Revue de l’Évolution. — Chimère (Paul Redonnel). — Le Carillon (L. de Saunier). […] Sully Prudhomme : Réflexions sur l’art des vers. […] -Émile Michelet). — La Syrinx (Joachim Gasquet). — La Revue jeune (Maurice Pujo). — L’Art et l’Idée (Octave Uzanne). — L’En dehors (Zo d’Axa). — Les Essais d’art libre (Edmond Coutances). — Les Essais des jeunes (Emmanuel Delbousquet). — Floréal (Paul Gerardy). — Le Réveil, Flandre et Wallonie (Max Elskamp-Gerardy-Maeterlinck). […] Guedy). — Le Livre d’art (Paul Fort). — La Revue rouge (Gustave Lenglet) […] Revues : L’Aube méridionale : Montpellier. — La Cité d’art (Clément-Lanquine).

115. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

et cet art de mandarins, est-ce l’art ? […] Mais son art procède de lui-même. […] On se demande si l’art doit se suffire à lui-même : doctrine de l’art pour l’art ; s’il doit belligérer au profit d’idées sociales, d’intérêts contemporains et généraux : doctrine de l’art social. […] Ce sont des écrivains d’art utilitaire, d’appétit moralisant, des écrivains d’art social. […] Inversement, je n’aimerais pas voir conclure de ces lignes que tous les partisans de l’art pour l’art sont des aigles et que tous les partisans de l’art social sont des écrivains inférieurs.

116. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIV »

Brunetière et l’art d’écrire. — Une conférence sommaire. — M.  […] Brunetière et l’inutilité du style. — Exposition superficielle. — L’art d’écrire, d’après M.  […] « On n’enseigne pas l’art d’écrire, a dit en substance M.  […] Brunetière, que cela ne les empêchait point d’être de bons écrivains, parce que tout cela n’a qu’une importance secondaire dans l’art d’écrire. […] Le travail ne lui semble pas une essentielle condition de l’art d’écrire !

117. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Observations générales sur l’art dramatique. […] En un mot, tout est art du côté de celui qui arrange une action théâtrale ; mais rien ne le doit paraître à celui qui la voit. […] L’art consiste à couvrir ce défaut par des beautés d’un ordre supérieur. […] L’art de tenir les esprits en suspens, n’est pas moindre que celui de préparer. […] Voyez avec quel art il y réussit !

118. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Avant MM. de Goncourt, des historiens modernes : Michelet, Audin, Dargaud, saisis, tous les trois, en raison des plus rares facultés artistiques, de cet amour des arts plastiques devenu presque la seule passion d’une société qui gâte ses passions les meilleures par les affectations de sa vanité, et qui les déshonore bientôt en les transformant en manie, avaient deviné le parti qu’on peut tirer, pour l’histoire d’un temps, de l’art de ce temps, et ils l’avaient souvent évoqué dans leurs œuvres. […] … Elle est surtout faite de tableaux vus et souvenus… Et en la lisant tulle qu’ils l’écrivent, on se demande si c’est la société du xviiie  siècle qui reflète son art, ou si c’est l’art du xviiie  siècle qui reflète sa société, et quel des deux est le caméléon ? […] Mais, grande ou petite, voilà leur originalité et l’explication de leur succès parmi nous, les affaiblis de la raison, qui n’avons d’intérêt que pour les arts de l’imagination et de la main ! […] C’était moins neuf, ceci, que l’histoire par l’art et toutes ses manifestations ; car on ne pouvait tirer d’une autre source que de celle-là l’histoire des mœurs d’une société morte et qu’on n’a pas observée soi-même sur le vif. […] Très modernes, et fous de son art, ils en avaient l’idolâtrie, et de leur livre il sortait clairement un xviiie  siècle plus grand que la réalité.

119. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Détail des changements opérés par ce poète dans l’art d’écrire en vers. — § VI. […] Mais il perfectionna l’art de Saint-Gelais avec les doctrines et sous l’influence de la poésie savante de Ronsard. […] Détail des changements opérés par Malherbe dans l’art d’écrire des vers. […] Cet esprit, c’était de rendre l’art difficile. […] Il n’est pas une de ses règles qui n’ait pour objet de rendre l’art difficile.

120. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

(Religion et Art.) […] L’Art est mauvais s’il reste seulement un Art ; l’Art est sacré, s’il est un moyen à nous faire chercher notre bonheur. […] Dans l’Art est le salut. L’Art est la Rédemption et la Joie. […] Et l’Art ne se renonce pas.

121. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence en général. » pp. 177-192

L’éloquence n’est point encore un art, selon un moderne*. […] L’éloquence est à la fois art & talent : art en elle-même, talent dans la personne éloquente. […] La poësie elle-même est aussi art & talent. Comme art, elle porte le nom de poëtique. Pour former un homme éloquent, l’art & le talent doivent concourir : mais l’art suppose le talent, le perfectionne & ne le donne pas.

122. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Ce grand art, qui n’a pour ainsi dire point de passé, sort consommé de la tête de Corneille. […] Quoique ce ne fût que l’apparence de l’art, l’admiration pour cette apparence était féconde ; elle préparait les esprits à admirer l’art lui-même. […] « Ce n’est pas, disait-il, que j’ignore les préceptes de l’art, Dieu merci ! […] Le mérite en est à Corneille, qui, en créant l’art, avait créé un public pour le goûter. […] Mais dans un pays où la tragédie est le premier des arts, où l’idée d’art implique l’idée d’une vérité durable, l’autorité même du grand Corneille n’a pas pu consacrer sa théorie.

123. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

S’il y a un art d’écrire, et si cet art se peut apprendre, il faut fréquenter les écoles où on l’enseigne. […] L’art de décrire, c’est l’art de voir, c’est l’art de sentir par tous les organes, par toutes les papilles nerveuses, et rien de plus. […] L’art d’écrire, qui ne peut être que l’art d’écrire à la mode du jour, est trop changeant pour pouvoir être enseigné. […] Deux arts ; M.  […] Cela, c’était l’art copeau.

124. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

— Trésors d’art de la Russie (1860-1863). — Histoire de l’art théâtral en France depuis vingt-cinq ans (1860). — Le Capitaine Fracasse (1863). — Les Dieux et les Demi-dieux de la peinture, avec A.  […] (1881). — Guide de l’amateur au musée du Louvre (1882). — Souvenirs de théâtre, d’art et de critique (1883). […] D’un autre côté, il a introduit dans la poésie un élément nouveau, que j’appellerai la consolation par les arts, par tous les objets pittoresques qui réjouissent les yeux et amusent l’esprit. […] Le poète a fait ce qu’il a voulu ; il a réalisé son rêve d’art ; il ne se borne nullement à décrire, comme on a trop dit, pas plus quo, lorsqu’il a une idée ou un sentiment, il ne se contente de l’exprimer sous forme directe. […] C’en est fait de l’art qui consiste à mettre Une émotion sincère en vers faux.

125. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

La renaissance, avec un art exquis et bizarre, y fait toujours répercuter l’Ancien Testament dans le Nouveau. […] Il donne à l’art ses ordres, dans les limites de son œuvre, bien entendu. Car ni l’art d’Eschyle, ni l’art d’Aristophane, ni l’art de Plaute, ni l’art de Machiavel, ni l’art de Calderon, ni l’art de Molière, ni l’art de Beaumarchais, ni aucune des formes de l’art, vivant chacune de la vie spéciale d’un génie, n’obéiraient aux ordres donnés par Shakespeare. L’art ainsi entendu, c’est la vaste égalité, et c’est la profonde liberté ; la région des égaux est aussi la région des libres. […] On y sent l’horreur sacrée de l’art, et la terreur toute-puissante de l’imaginaire mêlé au réel.

126. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Les réalisations de l’art et de la pensée n’intéressent qu’un public beaucoup plus restreint qu’autrefois. […] J’aboutirais à cet inquiétant paradoxe, qu’au point de vue des arts — oh ! […] Le football et la boxe représentent l’art populaire. L’art vrai est en dehors des foules. […] France, ait été dénué d’art et de pensée.

127. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

Il n’y a point de style digne de louange, s’il ne contient au moins deux des trois qualités qui, réunies, sont la perfection de l’art d’écrire. Les aperçus fins, les pensées subtiles et déliées qui n’entrent point dans la grande chaîne des vérités générales, l’art de saisir des rapports ingénieux, mais qui exercent l’esprit à se séparer de l’âme, au lieu de puiser en elle sa principale force, cet art ne place point un auteur au premier rang. […] La concision ne consiste pas dans l’art de diminuer le nombre des mots ; elle consiste encore moins dans la privation des images. […] Les principes littéraires qui peuvent s’appliquer à l’art d’écrire, ont été presque tous développés ; mais la connaissance et l’étude du cœur humain doivent ajouter chaque jour au tact sûr et rapide des moyens qui font effet sur les esprits. […] Cette sorte de style n’est point un art que l’on puisse acquérir avec de l’esprit, c’est soi, c’est l’empreinte de soi.

128. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

À cet égard, on pourrait dire que la théorie de l’art pour l’art est en germe dans leurs écrits, quelque surprise qu’ils dussent un jour éprouver de l’en voir sortir. […] Philosophie de l’art, t.  […] que par conséquent la fonction de l’art est d’élever jusqu’à sa hauteur ? […] Mais Dumas n’en avait pas moins raison de rappeler que ce n’est point l’homme qui est fait pour l’art, mais au contraire l’art pour l’homme ; et c’est ce que personne aujourd’hui ne conteste. […] Collignon, L’Art et la vie de Stendhal, Paris, 1868 ; — A. 

129. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

À l’école du document humain, pour qui la psychologie n’était que le jeu de l’instinct, devait succéder un art de rêve, tout en délicatesses et en nuances. […] Il ne faut pas oublier non plus les Taches d’encre, rédigées par le seul Maurice Barrès, les Écrits pour l’Art de René Ghil, la Cravache de Georges Lecomte, ni Art et Critique de Jean Jullien18. […] D’un format léger et d’un prix modique, elle fut éclectique et résuma à elle seule la Revue Indépendante, le Décadent, la Vogue, les Écrits pour l’Art, etc. […] Elle mit en exposition l’œuvre des peintres, des sculpteurs et des ouvriers d’art ; elle s’occupa de sociologie, de musique. […] Il suffit d’ouvrir les yeux pour se rendre compte qu’un souci d’art a pénétré presque dans les détails familiers de notre vie quotidienne.

130. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

C’était le cas surtout pour les critiques d’art qui écrivaient sous la Restauration. […] Celui-ci y joint et y apporte en sus un talent pratique, un art de description qui n’est qu’à lui. […] En fait d’art, montrer plutôt encore que juger est peut-être, de toutes les formes de critique, la plus utile. […] Il y a une sorte de gris (c’est son mot) dans l’art français, qu’il peut estimer, mais qui ne l’enflamme guère. […] Par un effet de ce grand goût qu’il a pour l’art et un certain art de convention, il a mieux aimé étudier la vie dans la comédie que de retrouver la comédie dans la vie.

131. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Il est, avec le Romantisme, la plus sérieuse manifestation d’art au dix-neuvième siècle. […] Cet art exista de tout temps, il peut produire et il a produit des œuvres intéressantes. C’est un art que j’appellerai moyen, une manifestation subalterne de l’esprit créateur. […] L’art complet doit aller au grand public. […] Nous savons qu’en art il est dangereux d’imiter.

132. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Mais exécuter, c’est le mot, le « Waldweben », sans décor, sans mimique, montre une véritable inintelligence de l’art wagnérien. […] Les uns et les autres ont un théâtre à la portée de leurs œuvres ou de leurs appétits ; les auteurs sont généralement incapables d’imposer un enseignement, une vérité au moyen de l’art ; le public n’est pas susceptible d’accepter la réalité dans l’art non plus que l’art dans la réalité. […] C’est une évolution qui commence, une période nouvelle qui s’ouvre : elle sera grande et féconde pour l’art français. […] Cette parole de Wagner à l’issue de la première Tétralogie à Bayreuth  : «  et maintenant, vous avez un art  !   […] L’article propose une interprétation plus vaste et plus wagnérolâtre : Wagner aurait apporté un art au monde entier.

133. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Dieu me garde de condamner un art si humain ! […] L’art le rendit égoïste, parce qu’il trouva dans l’art ses meilleures voluptés et un dédommagement à tout. […] L’esthétique de l’art pour l’art est celle de tous les écrivains amoureux de style et passionnés de leur métier. […] Est-ce au nom de l’art que vous prétendez limiter l’art ? […] L’art n’est pas divisible à ce point.

134. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 25, du jugement des gens du métier » pp. 366-374

Enfin ils sont prévenus en faveur de quelque partie de l’art, et ils la comptent dans les jugemens generaux qu’ils portent pour plus qu’elle ne vaut. […] Ce sont les artisans nez avec le génie de cet art, toujours accompagné d’un sentiment bien plus exquis que n’est celui du commun des hommes. […] C’est d’avoir trop d’égard dans l’apprétiation génerale d’un ouvrage à la capacité de l’artisan dans la partie de l’art pour laquelle ils sont prévenus. Le sort des artisans sans génie est de s’attacher principalement à l’étude de quelque partie de l’art qu’ils professent, et de penser après y avoir fait du progrès, qu’elle est la seule partie de l’art bien importante. […] Il fait sa décision sans aucun égard aux parties de l’art qu’il n’a point.

135. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Quel homme, digne du nom d’artiste, et quel amateur véritable a jamais confondu l’art avec l’industrie ?  […] Croyez-vous qu’il soit versé dans la pratique des arts, qu’il en ait fait une étude patiente ? […] L’art du coloriste tient évidemment par de certains côtés aux mathématiques et à la musique. […] N’empruntez à la tradition que l’art de peindre et non pas les moyens de sophistiquer. […] La plupart tombent dans le défaut que je signalais au commencement de cette étude : ils prennent le dictionnaire de l’art pour l’art lui-même ; ils copient un mot du dictionnaire, croyant copier un poème.

136. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

C’est là qu’est la littérature, l’art et la pensée. […] C’est un art difficile, certes, mais qui oblige à la règle essentielle de tout art : la composition, et à une des qualités les plus désirables : la concision. […] Cet art est secondaire. […] Je ne crois pas du tout que l’art de Sophocle et de Racine, de Shakespeare et de Molière, soit un art inférieur. […] Déclarez que l’art dramatique est un art inférieur, et toutes les petites revues rendront hommage à la supériorité de votre esprit.

137. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Il eut, dès sa première jeunesse, le sentiment de l’union et de la fraternité des arts et même des lettres. […] Parlez pleins de joie, jeunes soldats de l’Art ! […] Il s’acquitta de ses fonctions en conscience ; les notices que j’ai lues de lui sont simples, exactes, convenables, mais un peu sèches ; il y a peu de réflexions et de vues générales de l’Art. […] « Ses notices académiques, tous ses morceaux révélaient un grand art de composition. […] Cet aimable esprit, si curieux, si vacant, quoique possédé par un art spécial, et comme toujours aux regrets, nourrissait une tristesse intime, une plaie cachée.

138. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Le geste et l’attitude dans les arts plastiques et dans le poème. […] Comparée à la musique, la plastique est un art objectif : Aristote déjà l’indiquait. […] Désormais complétée elle s’est découverte elle-même en son double mode, comme chez les lyriques grecs, art musique et art plastique, selon le temps et selon l’espace. […] Mais elle n’a de signification ici que selon l’art et si l’on a songé à l’héroïsme, c’est uniquement pour les grandes et nobles lignes qui en accompagnent l’idée. […] Vielé-Griffin s’apparentent de près aux autres caractères de leur art : l’élégance, sœur jumelle de la grâce, est plus voisine du mouvement ; la noblesse, de la pose stable.

139. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Le système de l’égalité va s’introduire, à son tour, dans la région de la poésie et des arts. […] La plupart des observations que nous venons de faire sur la littérature s’appliquent aux arts : les arts aussi sont de la poésie. […] Les vêtements, il faut l’avouer, s’allient mal avec l’art statuaire ; de plus, cet art est monumental et public : on élève des statues aux héros, aux grands hommes ; mais si vous ne pouvez vous identifier avec la pensée de l’apothéose, il faut que vous renonciez au nu. […] Quatremère de Quincy vient d’agrandir pour nous l’horizon même des arts chez les anciens. […] Les arts de l’imagination doivent rester la noble décoration de la société.

140. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 20, de la difference des moeurs et des inclinations du même peuple en des siecles differens » pp. 313-319

Depuis un siecle les hommes se portent volontiers à l’étude comme à l’exercice des arts liberaux, quoique les encouragemens ne soient plus les mêmes qu’autrefois. Les sçavans médiocres et les personnes qui professent les arts liberaux avec un talent chetif, sont même devenus si communs, qu’il est des gens assez bizarres pour penser qu’on devroit aujourd’hui avoir autant d’attention à limiter le nombre de ceux qui pourroient professer les arts liberaux, qu’on en apportoit autrefois à l’augmenter. Leur nombre, disent-ils, s’est trop multiplié par rapport au nombre du peuple qui exerce les arts mécaniques. La proportion où sont présentement ceux qui vivent des arts mécaniques avec ceux qui vivent des arts liberaux, n’est plus la proportion convenable au bien de la societé. […] Je conclus donc, en me servant des paroles de Tacite, que le monde est sujet à des changemens et à des vicissitudes dont le période ne nous est pas connu, mais dont la révolution ramene successivement la politesse et la barbarie, les talens de l’esprit comme la force du corps, et par-consequent les progrez des arts et des sciences, leur langueur et leur déperissement, ainsi que la révolution du soleil ramene les saisons tour à tour.

141. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Activité conquérante, activité politique, activité colonisatrice, activité administrante ; et, avec cela, l’art toujours, art des poètes, art des sculpteurs, art des architectes, art des peintres. […] Ce que l’art vivifiait, la science le tue. […] Au-delà de l’art personnel et de l’art impersonnel, il y a l’art vrai. […] Savez-vous ce que signifient, ce que révèlent les arts mêlés, les arts artificiellement complexes ? […] À côté et au-delà de l’art de grande tranquillité, il y a « l’art blasé et avide de repos ».

142. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

Mais si c’est l’architecture qui a donné naissance à la peinture et à la sculpture, c’est en revanche à ces deux arts que l’architecture doit sa grande perfection, et je vous conseille de vous méfier du talent d’un architecte qui n’est pas un grand dessinateur. […] Tout l’art est compris sous ces trois mots : solidité ou sécurité, convenance et symétrie. […] On ajoute que l’édifice étroit que l’art a agrandi finit par être conçu tel qu’il est ; au lieu que le grand édifice que l’art et ses proportions ont réduit à une apparence ordinaire et commune, finit par être conçu grand, le prestige défavorable des proportions s’évanouissant par la comparaison nécessaire du spectateur avec quelques-unes des parties de l’édifice. […] Le talent d’agrandir les objets par la magie de l’art, celui d’en dérober l’énormité par l’intelligence des proportions, sont assurément deux grands talents ; mais quel est le plus grand des deux ? […] Si l’on a appauvri l’architecture en l’assujettissant à des mesures, à des modules, elle qui ne doit reconnaître de loi que celle de la variété infinie des convenances, n’aurait-on pas aussi appauvri la peinture, la sculpture et tous les arts enfants du dessin, en soumettant les figures à des hauteurs de têtes, les têtes à des longueurs de nez ?

143. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Tels furent ceux qu’on rendit à la mémoire de Michel-Ange, et qui peignent à la fois l’enthousiasme de son siècle et de sa patrie pour les arts. […] On était accouru de toutes les parties de l’Italie : c’était la fête des talents et des arts, célébrée par la reconnaissance. […] Le génie du czar Pierre, qui a porté les semences de tous les arts en Russie, y a fait naître aussi l’éloquence. […] Ainsi, les arts font le tour du monde. Ce n’est plus le Scythe Anacharsis qui voyage dans Athènes : ce sont les arts même de la Grèce qui semblent voyager chez les Scythes.

144. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Quelques exemples vous le feront d’ailleurs mieux entendre, si nous considérons dans l’histoire de l’art, ou dans celle de la littérature, les grandes lignes de l’histoire d’un genre, ou celles de l’évolution de l’art même. […] pourquoi les Germains n’ont-ils pas d’art dramatique ? […] 1° Quel est l’objet de l’art, en général, et particulièrement de l’art d’écrire ? […] Si l’art doit imiter la nature, nous avons vu, en parlant encore de Boileau, qu’il ne peut pas, pour des raisons tirées de l’objet même de l’art, l’imiter tout entière. […] Comment a-t-il conçu son art ?

145. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Faculté des arts. […] Il n’y a pas un seul art qui n’en sente la nécessité. […] L’art d’employer l’air, l’eau, la terre ou la pesanteur et le feu, est l’art d’épargner le temps et les bras de l’homme qui en fait ses domestiques. […] C’est en étudiant l’histoire naturelle que les élèves apprendront à se servir de leurs sens, art sans lequel ils ignoreront beaucoup de choses, et ce qui est pis, ils en sauront mal beaucoup d’autres : art de bien employer les seuls moyens que nous ayons de connaître ; art dont on pourrait faire d’excellents éléments, préliminaires de toute espèce d’enseignement. […] Quel est l’art mécanique où la science du chimiste n’entre pas ?

146. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

Par les peintres prédécesseurs des nôtres, j’entends parler seulement des peintres qui se sont produits depuis le renouvellement des lettres et des beaux arts. […] Ils les reconnurent pour leurs maîtres dans les arts, et nommément dans l’art de la sculpture. […] Ainsi nous sommes en état de juger si les anciens nous ont surpassez dans l’art de la sculpture. […] Il est sensible par ses récits que cette partie de l’art étoit en honneur chez les anciens, et qu’elle y étoit cultivée autant que dans l’école romaine. […] Le lecteur se souviendra de ce qui a donné lieu à cette digression sur la capacité des anciens dans l’art de la peinture.

147. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

On comprend donc au milieu de l’épanouissement de tous les arts que faisait fleurir la Renaissance, les progrès de la commedia dell’arte. […] Tels furent les principaux rôles dont la Comédie de l’art se composa d’abord. […] En résumé, la commedia dell’arte se retrouve partout sous sa forme première ; comme tous les arts, elle a sa période instinctive. […] Elle ne devient un art que lorsqu’elle prend conscience d’elle-même, qu’elle se systématise, obtient des effets voulus, et se propose un but. Mais elle est évidemment le dernier mot de l’art dramatique.

148. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

Mais ce qui me semble admirable est qu’on classe la littérature, sans hésitation, parmi les arts et métiers. […] Ce qu’à la vérité il conviendrait de répondre aux aspirants littérateurs qui sollicitent les conseils, pour obtenir les protections, ce n’est pas que la littérature est le plus difficile des métiers ou le plus ingrat des arts, c’est qu’elle n’est ni l’un ni l’autre. […] Ils reconnaîtront que le roman est un art, que le poème est un art, que le théâtre est un art, — se formulant, le premier, en une légende réaliste ou symbolique ; le deuxième, en un thème, des rythmes ; le troisième, en des mouvements et des déclamations. […] On discernerait enfin que des labeurs vulgarisateurs et commerciaux, étrangers à l’art et à la science, relèvent de l’Industrie : le journal, le roman populaire, le théâtre en gros, les manuels, les prospectus. […] Il y a, jusque sur les livres de la collection à cinq sous, la vieille trilogie : Sciences — Lettres — Arts, où l’on ne voit pas que le terme moyen, réductible aux extrêmes, est de toute inutilité.

149. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 46, quelques refléxions sur la musique des italiens, que les italiens n’ont cultivé cet art qu’après les françois et les flamands » pp. 464-478

Section 46, quelques refléxions sur la musique des italiens, que les italiens n’ont cultivé cet art qu’après les françois et les flamands Ce discours paroît me conduire naturellement à parler de la difference du goût des italiens, et du goût des françois sur la musique. […] C’est la destinée de tous les arts, qui ont une origine et un objet commun, que l’infection passe d’un art à l’autre. […] L’auteur d’un poëme en quatre chants sur la musique, où l’on trouve beaucoup d’esprit et de talent, prétend que lorsque le genre humain commença, vers le seiziéme siecle, à sortir de la barbarie et à cultiver les beaux arts, les italiens furent les premiers musiciens, et que la societé des nations profita de leur lumiere pour perfectionner cet art. […] Ce que l’art du musicien ajoûte à l’art du poëte supplée en quelque façon à la vrai-semblance, laquelle manque dans ce spectacle. […] L’art du musicien ne sçauroit compenser le plaisir que leur fait perdre le défaut de vrai-semblance, défaut essentiel pour un poëme, et cependant inséparable de l’opera.

150. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXII. Des éloges des hommes illustres du dix-septième siècle, par Charles Perrault. »

Au-dessus de l’envie, au-dessus de la haine, au-dessus de tous les petits intérêts, il exerça auprès de Colbert le ministère des arts, avec autant de noblesse que Colbert l’exerçait auprès du roi. […] Il avait embrassé une partie des sciences abstraites, saisi plusieurs branches de la physique, et jeté sur la nature en général, ce coup d’œil d’un philosophe, qui cherche à étendre la carrière des arts, et à y transporter, par de nouvelles imitations, de nouvelles beautés. […] Il y célèbre les hommes les plus distingués dans l’église, dans les armes, dans les lois, et enfin dans les sciences, les lettres et les arts. […] Enfin ceux qui sentent tout le prix des talents, et qui ont le goût des arts, voient avec intérêt, à la suite des princes, des généraux et des ministres, les noms des artistes célèbres ; de Lully, de Mansart, de Le Brun ; de ce Claude Perrault, qu’on essaya de tourner en ridicule, et qui était un grand homme ; de la Quintinie, qui commença par plaider avec éloquence, et qui finit par instruire l’Europe sur le jardinage ; de Mignard, dont ses parents voulurent faire un médecin, et dont la nature fit un peintre ; du Poussin, qui, las des intrigues et des petites cabales de Paris, retourna à Rome vivre tranquille et pauvre ; de Le Sueur qui mérita que l’envie allât défigurer ses tableaux ; de Sarrazin, qui, comme Michel-Ange, fut à la fois sculpteur et peintre, et eut la gloire de créer les deux Marsis et Girardon ; de Varin, qui perfectionna en homme de génie l’art des médailles ; enfin du célèbre et immortel Callot, qui eut l’audace, quoique noble, de préférer l’art de graver, à l’oisiveté d’un gentilhomme, et qui imprima à tous ses ouvrages le caractère de l’imagination et du talent. […] Il aurait pu ajouter que parmi les grands talents même, ou politiques, ou militaires, il y en a beaucoup qui, après eux, ne laissent point de traces ; au lieu que les monuments des arts restent.

151. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Quel est l’objet de l’art ? […] De là, à l’origine, la diversité des arts. […] Par là, elle tranche sur les autres arts. […] Elle n’est pas désintéressée comme l’art pur. […] Jourdain met son art au-dessus de tous les autres.

152. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

« Un caractère particulier de la France, et surtout de Paris, écrivait, en 1817, Joseph de Maistre, c’est le besoin et l’art de célébrer. » Depuis 1817, grâce à la politique, le besoin est devenu plus grand, et l’art moins délicat. […] Les écrits de Lamennais ne sont pas les seuls où l’on ait vu associés aux raffinements de l’art les derniers emportements de la passion. […] C’est le piège de la poésie personnelle ; mais là où le portrait reproduit fidèlement l’original, l’art n’a pas de beautés plus pénétrantes. […] Le sentiment de la nature, l’amour de l’humanité idéale, la méditation chrétienne, l’adoration de l’art, tel est le fond de ses premiers ouvrages. […] L’art de lire les bons livres serait son vrai nom.

153. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Telle est la signification de son livre : faire de l’art, en faisant du boudin ! […] Il y a des théories qui sont leurs théories connues sur la fin de l’art des Raphaël et des Michel-Ange, du temps des papes et des rois, et sur le commencement d’un art nouveau, l’art de l’avenir, industriel et athée, imaginé par les pouilleux du temps actuel ! […] C’est un homme d’art et d’étude, dit-il, en parlant de lui-même. D’étude, et d’étude acharnée, je le crois, mais d’art ?… Son art est faux et singulièrement raccourci.

154. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Critique dans les Arts libéraux ou les beaux Arts. […] Il connoît l’art de convaincre, non celui de persuader ; l’art de séduire, non celui d’émouvoir. […] C’est une question de fait sur les Arts ; nous nous en rapportons aux artistes. […] Art. de M.  […] Art bien peu connu, ou bien négligé jusqu’à nous.

155. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Voyez-vous un bon ou un mauvais signe en cette maîtrise de tous les arts, y compris celui d’écrire, par la critique moderne ? […] Ce fut un art tout do mouvement et de couleur, de sentiment et d’action. […] D’abord l’art, en toutes ses manifestations, est essentiellement « l’aspect en beauté » des idées religieuses d’une race et d’une époque vivantes. […] Et à peine cette question est-elle formulée qu’on voit que le plus notable fait esthétique de cette heure consiste en l’effort manifeste d’une synthèse do tous les arts en chacun des arts. […] Mais vous m’annoncez une autre lettre, sur les conditions nouvelles, précisément, que la démocratie et l’industrie feront à l’art de demain.

156. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

L’art, c’est la beauté, la beauté de tout, la beauté de la laideur ! […] Sans la sincérité des artistes que devient l’art ? […] C’est l’art qui excite l’imagination au plus haut degré. […] La musique est l’art de l’imagination, l’art des sensations harmoniques. […] L’unique base de la littérature est la vérité ; c’est le premier des arts, puisque c’est l’art utile.

157. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Ni les arts, ni les lettres ne descendront jamais à ce public. […] C’est l’homme qui dans la déroute des aristocraties est demeuré fidèle à celle de l’art, obstinément. […] Il n’admet pas que le littérateur, dans un but d’art pur, se libère des soucis moraux et politiques de son époque. […] Avec un réel souci d’art plus vivant, plus humain — un peu didactique — M. Trarieux représente une tendance d’art caractéristique.

158. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Ceux qui commencent à cultiver un art, ne s’en font jamais une idée bien nette : ils connaissent mieux le but que les moyens, et en voulant l’atteindre, ils le passent. Peut-être même dans tous les arts, poésie, peinture, sculpture, architecture, éloquence, tous les peuples et tous les siècles ont-ils commencé par l’exagération. […] L’art de se réduire est plus difficile, et il n’est pas donné à tout le monde de faire naître l’admiration et le plaisir, en ne présentant que ce qui est. […] Chacun d’eux appela sur lui les regards de la nation ; mais, ce qu’on doit remarquer, c’est que tous les arts précédèrent parmi nous celui de l’éloquence. […] Elle apprend à l’imagination l’art d’appliquer la couleur à la pensée ; à l’esprit, l’art de donner du ressort aux idées en les resserrant ; à l’oreille, le secret de peindre par l’harmonie, et de joindre la musique à la parole.

159. (1888) Études sur le XIXe siècle

Stephens, s’accentue encore dans un Dialogue sur l’art, de M. Orchard, que publia le dernier numéro de Art and Poetry. […] Nous sommes très loin de l’art prédicant de Holman Hunt, nous n’en sommes plus à l’art qui manifeste la religion comme le veut Ruskin, mais nous sommes encore dans un art religieux, en ce sens du moins que son inspiration est plus transcendantale que pittoresque. […] La poésie, art concret, cherchera à se rapprocher de l’abstraction autant qu’elle le pourra sans méconnaître sa nature, et la musique, art abstrait, devra se préciser autant que possible. […] Et c’est précisément là qu’est le triomphe de l’art symbolique.

160. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

L’art toscan était né de la pensée et de la main de cet enfant. […] Tout grand ouvrier en philosophie, en religion, en politique ou en art, laisse de sa vie dans son œuvre. […] L’Italie, sous leurs auspices, avait une seconde fécondité du printemps, supérieure, en ce qui concerne les arts, à celui d’Auguste. […] La poésie, qui cherche ses images dans la nature, a trouvé cette fois l’art assez surnaturel pour lui emprunter ses similitudes. […] « L’effet donc l’emporte ici-bas sur la cause et la nature est vaincue par l’art !

161. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Il en est dans les arts comme en politique ; malheur à qui se laisse arriérer. […] C’est ce que Corneille et Racine ont fait avec un art prodigieux, et chacun avec des procédés bien différents. […] Nous en sommes là aujourd’hui pour tous les arts. […] C’est aux gens de l’art à éclairer et à guider le public. […] Les arts libéraux, ainsi que l’indique assez leur nom, ne vivent que de liberté.

162. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Il n’existe pas de race ayant ces caractères de pureté et d’homogénéité, ou du moins il n’en existe pas qui soit devenue une nation, qui ait fondé un Etat civilisé, produit un art et une littérature. […] Pour les autres genres, et, en général, les arts, la peinture, la sculpture, la musique, il suffira de raisonnements plus brefs. […] Après ces développements, il sera facile d’expliquer comment il faut entendre qu’une littérature et un art représentent la société dont ils sont issus et écrivent son histoire intérieure. […] Une littérature, un art national comprennent une suite d’œuvres, signes à la fois de l’organisation mentale générale des masses qui les ont admirées, signes de l’organisation mentale particulière des hommes qui les ont faites. […] Taine donna une série de cours à l’Ecole des Beaux-arts, qui furent ensuite publiés : Philosophie de l’art en Italie (1866) ; Philosophie de l’art en Grèce (1869) ; Philosophie de l’art aux Pays-Bas (1869).

163. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Outre ces prétextes à « transpositions d’art », la musique a encore fourni à la littérature des procédés et des modèles. […] Et à supposer même que l’architecture sacrée ait été frappée au cœur par une découverte qui contenait en germe l’émancipation des intelligences, ce n’est pas une raison suffisante pour conclure à une hostilité fondamentale entre l’art d’écrire et l’art de bâtir. […] Les théories dominantes d’une époque se reflètent dans ses arts plastiques comme dans sa littérature. […] Il prétend enrichir l’art français d’un talent qui a manqué, suivant lui, à l’art grec. […] Il y avait là fusion ou plutôt confusion de deux arts plus éloignés encore que la poésie et la musique.

164. (1909) De la poésie scientifique

Comme l’art de Verlaine, celui de M.  […] Emile Verhaeren se montre acquis à l’art synthétique et suggestif de Stéphane Mallarmé. […] Emile Verhaeren en. 1887 (Art moderne, Bruxelles). […] Mauclair (L’art en silence) : « Leur mouvement est un mouvement de forme, plutôt que d’idées ». […] René Ghil par son très complet système d’Instrumentation. » (Écrits pour l’Art, article de Henri de Régnier, mars 1887).

165. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Il n’est pas d’homme qui fasse plus d’honneur à l’art français. […] Ce qu’il admire surtout en lui, c’est la synthèse des arts qu’il a effectuée dans son drame, et l’influence moralisatrice qu’il attribuait au théâtre, en opposition à ceux qui prêchent l’art pour l’art. On peut considérer l’art wagnérien comme une mesure de la culture d’un peuple. — L’Espagne a un grand avenir : une situation politique malheureuse t’écrase ; mais l’art et les sciences se relèvent ; un sérieux mouvement d’enthousiasme pour l’art de Wagner s’est manifesté ; l’auteur voit dans ce mouvement un signe de vitalité et une raison d’espérer. […] Il publia dans La Gazette des Beaux-Arts, des articles sur l’art allemand. […] On citera entres autres écrits sur l’art : D.

166. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

Il est facile d’appliquer ces moyens d’analyse à tous les genres et aux autres arts. […] L’art particulier et le tempérament de M.  […] Véron [Eugène Véron (1825-1889), professeur, journaliste, critique d’art, historien de la Prusse, a dirigé la revue L’art, fondée en 1875. […] Si Iago émeut une personne du commun, ce n’est pas que celle-ci sente et puisse même comprendre l’art et l’audace que le poète a mis à dresser ce personnage ; cet art et cette audace, on ne les reconnaît qu’après coup, par un examen critique, minutieux et difficile. […] Perçu comme une des figures détestables de « l’art humanitaire », Chenavard sera la cible des attaques d’un Balzac ou d’un Baudelaire.

167. (1767) Salon de 1767 « De la manière » pp. 336-339

La manière est dans les arts ce qu’est la corruption des mœurs chez un peuple. Il me semblerait donc premièrement que la manière, soit dans les mœurs, soit dans le discours, soit dans les arts, est un vice de société policée. à l’origine des sociétés, on trouve les arts bruts, le discours barbare, les mœurs agrestes ; mais ces choses tendent d’un même pas à la perfection, jusqu’à ce que le grand goût naisse ; mais ce grand goût est comme le tranchant d’un rasoir, sur lequel il est difficile de se tenir. Bientôt les mœurs se dépravent ; l’empire de la raison s’étend ; le discours devient épigrammatique, ingénieux, laconique, sentencieux ; les arts se corrompent par le raffinement. […] Mais le soleil de l’art n’étant pas le même que le soleil de la nature ; la lumière du peintre, celle du ciel ; la chair de la palette, la mienne ; l’œil d’un artiste, celui d’un autre ; comment n’y aurait-il point de manière dans la couleur ? […] L’imitation rigoureuse de nature rendra l’art pauvre, petit, mesquin, mais jamais faux ou maniéré.

168. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Il en est de même dans tous les arts. […] Vous verrez ce que peut être l’art musical aux États-Unis. […] Si mon art n’était pas la musique, cela irait encore ; mais, dans mon art, c’est un supplice atroce ! […] Le catholicisme avait cru prendre l’art à son service, et ce fut, à vrai dire, l’art qui le prit au sien en faisant semblant d’être son serviteur. […] Les papes encouragèrent les arts.

169. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Son éducation avait été des plus soignées pour les arts d’agrément, et on lui avait tout appris, hormis la morale. […] Elle aimait les arts et les choses de l’esprit comme pas une des maîtresses de qualité n’eût su le faire. […] Elle eût voulu faire de ce roi peu affable et peu donnant un prince ami des arts, des lettres, et libéral comme un Valois. […] Cette gloire, due à un art fragile, est plus durable que bien d’autres. […] Vous le serez bien davantage de celui qui va paraître pour l’établissement de cinq cents gentilshommes que Sa Majesté fera élever dans l’art militaire.

170. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Mais la condamnation prononcée, au nom de l’art, contre ces écrivains et leur nombreuse famille m’a toujours semblé trop absolue. […] Toute œuvre populaire, et on peut dire toute œuvre de grand art, est une œuvre d’éducation et d’ascension. […] Une école, nombreuse et forte, prétend que la littérature et l’art s’adressent et s’adressent nécessairement à une élite de l’humanité. […] J’aime mieux le comte Tolstoï, dans son livre Qu’est-ce que l’Art ? […] Tout cela est de l’art, tout cela est l’art même, dans ce qu’il a de plus noble et dans sa mission essentielle.

171. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

La perfection où nous avons porté l’art de raisonner, qui nous a fait faire tant de découvertes dans les sciences naturelles, est une source féconde en nouvelles lumieres. […] Je vois les arts necessaires négligez, les préjugez les plus utiles à la conservation de la societé s’abolir, et les raisonnemens spéculatifs préferez à la pratique. […] D’ailleurs, cet inventeur est venu en des temps où il pouvoit sçavoir tout au plus l’art de raisonner, tel qu’on l’enseignoit alors dans les écoles, art que les philosophes modernes méprisent avec tant de hauteur. […] N’ont-ils pas dit en termes exprès, que la philosophie étoit la mere des beaux arts. […] N’y dit-il pas en termes formels, qu’une difference qui est entre la geométrie et les autres arts, c’est que les autres arts ne sont utiles qu’après qu’on les peut avoir appris, mais que l’étude seule de la geométrie est d’une grande utilité, parce que rien n’est plus propre à donner de l’ouverture, de l’étenduë et de la force à l’esprit que la methode des geométres.

172. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

On peut marquer un terme aux progrès des arts ; il n’en est point aux découvertes de la pensée. […] Les pensées qu’on ajoute à la poésie, sont un heureux développement de ses beautés ; mais ce n’est pas la poésie même : Aristote l’a nommé le premier un art d’imitation. […] La métaphysique, l’art de généraliser les idées, a de beaucoup hâté la marche de l’esprit humain ; mais en abrégeant la route, elle a pu quelquefois la dépouiller de ses brillants aspects. […] Nos grands écrivains ont mis dans leurs vers les richesses de notre siècle ; mais toutes les formes de la poésie, tout ce qui constitue l’essence de cet art, nous l’empruntons de la littérature antique, parce qu’il est impossible, je le répète, de dépasser une certaine borne dans les arts, même dans le premier de tous, la poésie. […] Une nation qui encourageait de tant de manières les talents distingués, devait faire naître entre eux de grandes rivalités ; mais ces rivalités servaient à l’avancement des arts.

173. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Je trouve un merveilleux exemple de raisonnement inductif dans la Philosophie de l’art de M.  […] Voulant découvrir quel est l’objet de l’art, il ne fait point d’axiomes et de définitions a priori ; il ne sort pas de l’expérience. […] Poussant plus loin l’étude des faits, on remarque que, dans les arts du dessin et dans les lettres, l’imitation se porte sur les rapports et les dépendances mutuelles des parties. […] Dans les trois arts d’imitation, sculpture, peinture et poésie, ces ensembles correspondent à des objets réels. […] Il faut lire et méditer là-dessus les règles que donne Pascal dans son fragment de L’Art de persuader : nul n’a mieux connu que lui l’art de raisonner, nul n’a mieux raisonné.

174. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

La nature va ordinairement de l’un à l’autre dans les arts, ainsi que dans ses productions ; et il arrive presque toujours que l’idée nouvelle qui survient, a quelque rapport avec celle qui l’a fait naître. […] C’est pour cela que la philosophie a employé tant d’art à purger l’une et l’autre (pour user du terme d’Aristote), à dessein de conserver ce qu’elles ont d’utile, en écartant ce qu’elles peuvent avoir de pernicieux. […] S’il est vrai qu’en effet l’art de la tragédie résulte de leurs ouvrages, leur refusera-t-on le mérite de l’y avoir mis ? […] Sur ce principe, l’art de varier à l’infini les mouvements de la balance du théâtre, se présente de soi-même à l’esprit. […] L’art une fois découvert fait évanouir tout le charme : c’est par le choc violent des passions, qu’on vient particulièrement à bout de sauver l’art.

175. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre III. Partie historique de la Peinture chez les Modernes. »

Ainsi, selon l’antiquité, une passion volage produisit l’art des plus parfaites illusions. […] Ainsi, lorsqu’on entend soutenir que le christianisme est l’ennemi des arts, on demeure muet d’étonnement, car à l’instant même on ne peut s’empêcher de se rappeler Michel-Ange, Raphaël, Carrache, Dominique, Lesueur, Poussin, Coustou, et tant d’autres artistes, dont les seuls noms rempliraient des volumes. […] Les arts ne trouvèrent plus de retraites qu’auprès des chrétiens et des empereurs orthodoxes. […] Les prêtres avaient rassemblé au collège de l’orthodoxie, à Constantinople, la plus belle bibliothèque du monde, et les chefs-d’œuvre des arts : on y voyait en particulier la Vénus de Praxitèle127, ce qui prouve au moins que les fondateurs du culte catholique n’étaient pas des barbares sans goût, des moines bigots, livrés à une absurde superstition. […] Depuis ce temps, les arts, entre diverses mains et par divers génies, parvinrent jusqu’à ce siècle de Léon X, où éclatèrent, comme des soleils, Raphaël et Michel-Ange.

176. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

L’art qui médite, qui édifie, qui vit en lui-même et dans son œuvre, l’art peut se représenter aux yeux par quelque château antique et vénérable que baigne un fleuve, par un monastère sur la rive, par un rocher immobile et majestueux ; mais, de chacun de ces rochers ou de ces châteaux, la vue, bien qu’immense, ne va pas à tous les autres points, et beaucoup de ces nobles monuments, de ces merveilleux paysages, s’ignorent en quelque sorte les uns les autres ; or la critique, dont la loi est la mobilité et la succession, circule comme le fleuve à leur base, les entoure, les baigne, les réfléchit dans ses eaux, et transporte avec facilité, de l’un à l’autre, le voyageur qui les veut connaître. […] Théophile Gautier, qui occupe aujourd’hui (1839) un des premiers rangs dans l’école des images et de l’art pour l’art, dans l’école prolongée et renouvelée de M. […] Le procédé propre à l’art du style est d’emprunter à tous les arts, soit pour les couleurs, soit pour la forme, soit pour les sons, mais sans se borner à aucun de ces moyens, et surtout en les dominant et les dirigeant tous par la pensée et le sentiment, dont l’expression la plus vive est souvent immédiate et sans image. […] S’il y a une loi générale selon laquelle les littératures et les poésies, arrivées à un certain point de perfection et de maturité, dépérissent en se raffinant, il y a toujours moyen, pour les individus d’élite, de faire exception, et c’est surtout l’exception qui compte dans les arts. […] Je conçois un talent de peintre passé à la poésie, et s’en repentant, et par moments regrettant son premier art à la vue de l’inexprimable beauté : Artistes souverains, en copistes fidèles Vous avez reproduit vos superbes modèles !

177. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

Cet art a trouvé encore deux moïens de rendre ce chant plus capable de nous plaire et de nous émouvoir. […] Cet art a voulu encore faire des imitations de tous les bruits qui sont les plus capables de faire impression sur nous lorsque nous les entendons dans la nature. […] Mais quoique nous n’aïons pas travaillé beaucoup à perfectionner nos instrumens militaires, et quoique nous aïons si fort négligé l’art de les toucher qui donnoit tant de consideration parmi les anciens, que nous regardons ceux qui exercent cet art aujourd’hui, comme la partie la plus vile d’une armée, nous ne laissons pas de trouver les premiers principes de cet art dans nos camps. […] La musique ne sçauroit être bonne, si elle n’est pas conforme aux regles generales de ces deux arts sur le choix des sujets, sur la vrai-semblance, et sur plusieurs autres points. […] Mais on ne sçauroit être pathétique sans avoir du génie, et il suffit d’avoir professé l’art, même quand on s’y seroit appliqué sans génie, pour composer sçavamment en musique, ou pour rimer richement en poësie.

178. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

ces conditions fatales de l’art actuel ? […] mais pas avec ces messieurs ; on est symboliste ou rien, en art, puisque l’art est le symbole. […] L’art qui exprime des idées n’est-il pas plus élevé que l’art qui copie des formes ? […] — sur l’art tout entier. […] Mais leur art fut-il vraiment l’art divin, la Toute-Poésie ?

179. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Plus vous étudierez les maîtres et les disciples venus après eux, —  pater et juvenes patre digni , et plus vous trouverez qu’ils obéissent au même art poétique, où il est enseigné que la poésie est une imitation des actions, des paroles et des mœurs de nos semblables ; que cette imitation, pour être exacte et fidèle doit être conforme aux mœurs et aux usages des temps dont on parle, et que c’est justement dans la juste expression des caractères que les poètes font paraître cet art de l’imitation qui est un art si charmant, lorsqu’il est fidèle et complet ; même le mensonge est agréable s’il a les apparences de la vérité. […] C’est un art exquis, savez-vous, cet art qui soulève tant de méfiances, et depuis tant de siècles ; cet art également odieux aux philosophes païens et aux sages chrétiens ; odieux à Tertullien, à Sénèque, à saint Jérôme, à Bossuet. Ces dangers même et ces excommunications fréquentes se tournent en louange pour ceux qui mettent la poésie avant toutes choses, et qui placent l’art suprême, au suprême honneur ! — Il faut donc, se dit-on, que cet art dramatique ait en lui-même une puissance énorme, pour agiter à ce point les philosophes, les moralistes, les législateurs, les spectateurs et la critique ? […] En un mot, le grand art de la comédie c’est de plaire, elle peut se soucier du reste.

180. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Tout cet art est abstraction. […] La théorie de l’art pour l’art était encore très considérée et assez généralement adoptée à l’époque où M.  […] Les arts plastiques sont des arts où la beauté seule de l’exécution est le but. […] L’art pour l’art peut-il exister en ces conditions ? […] Les arts plastiques pourront n’avoir aucun but extérieur à eux.

181. (1890) Nouvelles questions de critique

Il n’y a pas d’art de parler, pas plus qu’il n’y a d’art d’écrire. […] Avancer, en effet, qu’il n’y a pas d’art de parler ou d’écrire, c’est à peu près comme si l’on osait dire qu’il n’y a pas d’art de peindre ou de sculpter. […] On écrivait encore sans art, comme Comynes et comme Marguerite ; et tout d’un coup, voici que l’on écrit avec art, comme l’auteur de Pantagruel. […] Volontiers ils auraient réduit l’art d’écrire à l’art de raisonner, et l’art de raisonner lui-même à la logique aride de l’école. […] Il faut que l’art et la vie soient mêlés, sous peine de n’être plus, l’art qu’un baladinage, et là vie qu’une fonction de l’animalité.

182. (1894) Propos de littérature « Bibliographie » pp. 144-146

Poèmes anciens et romanesques, (1890), Librairie de l’Art Indépendant. […] Tel qu’en songe, poèmes, (1892), Librairie de l’Art Indépendant. […] Collaboration à Lutèce, aux Écrits pour l’Art (1re série), aux Entretiens politiques et littéraires, à la Jeune Belgique, à l’Art Moderne, au Mercure de France, à Floréal, à l’Ermitage, à la Société Nouvelle, à la Revue Blanche, etc. […] Collaboration à Lutèce, aux Écrits pour l’Art (1re série), à l’Ermitage (où parut « Swanhilde »), au Mercure de France, à la Wallonie (entre autres pages les « Jeux Parnassiens » et « le Tombeau d’Hélène »), à la Revue Blanche, à Floréal. etc.

183. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre V. Le mouvement régionaliste. Les jeunes en province » pp. 221-231

À Toulouse, L’Effort (1896), fusion des Essais de Jeunes et des Pages d’Art (Voir les Écoles et les Manifestes). […] Elle défendra, en art, la simplicité vigoureuse des classiques et réagira contre le romantisme. Enfin elle estime l’action au-dessus de l’art purement formel ». […] Par cela même qu’elles propageaient le culte du pays natal, le goût de l’action, la recherche des méthodes naturelles d’évolution, elles éloignaient la jeunesse d’un art obscur, subtil où elle avait failli se perdre — (après y avoir d’ailleurs au début connu des beautés nouvelles). — Ici, nous n’avons qu’à constater cette floraison des provinces nouvelles. […] Elle veut agir dans le triple domaine de l’économie politique, de la littérature et des arts.

184. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

Il ne faut point séparer de ses Leçons, son Art de faire les expériences, trois vol. […] Regnault a mis en entretiens, d’abord le Physique en cinq volumes in-12., & depuis la Logique sous le titre d’Art de trouver la vérité. […] La description des arts, & le détail de leurs procédés & de leurs résultats, occupé dans ces derniers tems l’Académie des sciences. Cette illustre Compagnie a publié dans des cahiers séparés divers morceaux sur cette matiere aussi intéressans pour les artistes que pour les amateurs des Arts. Ceux qui ne pourroient se procurer cette collection, ont le Dictionnaire portatif des Arts & Métiers, par M.

185. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

ou bien un philosophe qui était tout à la fois physicien, géomètre, naturaliste, politique, dialecticien, qui avait porté l’analyse dans toutes les opérations de l’esprit, assigné l’origine et la marche de nos idées, cherché dans les passions humaines toutes les règles de l’éloquence et du goût, et en qui le concours et l’union de toutes ces connaissances devaient former un esprit vaste et une imagination qui agrandissait tous les arts en réfléchissant leur lumière les uns sur les autres, ne devait-il pas en effet avoir moins d’estime pour un orateur qui avait plus d’harmonie que d’idées, et pour un maître d’éloquence qui savait mieux les règles de l’art, que l’origine et le fondement des arts même et des règles ? […] Il faut en vérité estimer bien peu l’art d’écrire et de parler aux hommes pour donner de pareilles leçons. […] Isocrate ajoute qu’il eut le talent de gouverner ; qu’avant lui les habitants de l’île de Chypre, entièrement séparés des Grecs, étaient tout à la fois efféminés et sauvages, ignorant également la guerre et les arts, et joignant la barbarie à la mollesse ; que ce roi leur donna et le courage qui élève l’âme, et les arts qui l’adoucissent ; qu’il créa parmi eux un commerce et une marine, et de ces barbares voluptueux, fit tout à la fois des guerriers et des hommes instruits. […] Les arts et les plaisirs d’Athènes, un peuple facile, un caractère brillant, les grâces jointes à la valeur, la volupté mêlée quelquefois à l’héroïsme, de grands hommes populaires, des lois qui dirigeaient plus la nature qu’elles ne la forçaient, enfin des vertus douces et des vices même tempérés par l’agrément, devaient plaire bien davantage à un genre d’esprit qui ordonnait tout, et préférait la grâce à la force. […] Un autre grand mérite de cet orateur, c’étaient des finesses et des grâces de style ; or, ces finesses et ces grâces tiennent ou à des idées ou à des liaisons d’idées qui nous échappent ; elles supposent l’art de choisir précisément le mot qui correspond à une sensation ou délicate, ou fine ; d’exprimer une nuance de sentiment bien distincte de la nuance qui la précède ou qui la suit ; d’indiquer par un mot un rapport, ou convenu, ou réel entre plusieurs objets ; de réveiller à la fois plusieurs idées qui se touchent.

186. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Le grand art est dans l’à-propos. […] Art. de M.  […] Les autres arts ne sont pas si susceptibles de ce défaut. […] Elle est encore accordée aux grands talens, mais dans les arts sublimes. […] Il en est de même dans tous les arts.

187. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

L’art a-t-il trop oublié l’humanité ? […] De là la division des arts en deux grandes classes, arts de l’ouïe, arts de la vue ; d’un côté la musique et la poésie ; de l’autre la peinture avec la gravure, la sculpture, l’architecture, l’art des jardins. […] L’expression étant le but suprême, l’art qui s’en rapproche le plus est le premier de tous les arts. […] Sous ce rapport, la musique est un art sans rival : elle n’est pourtant pas le premier des arts. […] Il faut bien de l’art pour être heureux.

188. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Guillaume de Lorris fait un art d’aimer, selon la doctrine de l’amour courtois. — 3. […] Il y a là un art d’individualiser par l’extérieur les caractères généraux, qui est au fond identique à l’art de La Bruyère. […] L’œuvre est d’un art bien insuffisant : mais dans l’âme de l’homme point comme une obscure lueur, aube de la Renaissance encore lointaine. […] Les plus apparentes et vulgaires beautés de l’art font défaut à son œuvre : il n’a ni souci ni science de la composition, des proportions, des convenances. […] Fr. de l’Art d’aimer (dans la Poésie au moyen âge).

189. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

La beauté de l’art grec nous entraînait ; nous l’avons suivi jusque dans sa première éclipse et ses premiers retours. […] Puis survint, non pas encore l’art harmonieux, mais la tradition religieuse des Grecs, et avec elle des oracles, des exhortations ou des menaces, dont usait la politique des chefs de Rome. […] Mais auparavant, il est curieux pour l’histoire et pour l’art de recueillir certains effets soudains et populaires de cette poésie des Ennius, des Pacuvius, des Accius. […] Il mettait à rendre le génie du poëte, non seulement tout son art, mais sa propre douleur. […] Quant à ses successeurs, Horace même, si dédaigneux pour ces vieux temps, a cité l’art savant de Pacuvius et l’élévation d’Accius.

190. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

L’art est le complice de l’amour. L’amour ôté, il n’y a plus d’art ; et l’art ôté, l’amour n’est plus guère qu’un besoin physiologique. […] L’art est un langage, et il n’est que cela. […] En cela, il faut l’avouer, leur art est misérable. […] Si elles admettent encore une sorte d’art, cela sera de l’art « social », — pour que l’art soit nié sous son propre nom.

191. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

« Si l’art est noble, la critique est sainte. » — « Qui dit cela ?  […] Qui dit romantisme dit art moderne, — c’est-à-dire intimité, spiritualité, couleur, aspiration vers l’infini, exprimées par tous les moyens que contiennent les arts. […] Il n’y a pas de hasard dans l’art, non plus qu’en mécanique. […] J’ai déjà remarqué que le souvenir était le grand criterium de l’art ; l’art est une mnémotechnie du beau : or l’imitation exacte gâte le souvenir. […] Ici l’art est plus difficile, parce qu’il est plus ambitieux.

192. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

C’est la régularité qui forme les écoles des arts. […] Je vais donc passer aussitôt à l’examen de l’art dramatique, c’est-à-dire l’art d’imiter les actions des hommes, par l’action feinte. […] Vous amoindrissez l’art en le restreignant ainsi. […] Cette restriction n’est en usage que chez les Français où l’art s’est le plus épuré. […] Je n’en considère la nécessité que dans l’art dont nous nous occupons.

193. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Aussi la musique a-t-elle, entre les arts, des lois spéciales. […] La musique n’est pas un art, seulement, mais un art sacré, une Religion (p. 85-92). […] Il n’y eut même jamais un artiste, assurément, qui réfléchit à son art moins que Beethoven. […] Ainsi la musique apparaît-elle comme un art sacré, une religion (cf. […] Il redonne à la musique la place supérieure qui est la sienne alors même qu’elle avait été reléguée au rang d’art agréable au service des puissants.

194. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

Le culte de l’antiquité avait barré, contenu l’influence du rationalisme sur la littérature ; et c’est par là que la notion de l’art y avait été maintenue. […] C’était la Préface du Saint-Paulin (1680), où Charles Perrault saisissait l’Art poétique par son point faible, par l’étroite théorie du merveilleux païen. […] Or le succès de Perrault, qui affranchit la littérature moderne de l’imitation et du respect de l’antiquité, ce n’est rien moins que l’élimination de l’art, qui va être rejeté hors de la littérature moderne. Mais avec l’art s’en iront la poésie et l’éloquence. […] Et l’idée qui a exclu l’art, cette idée de progrès qui fournit aux modernes leur principal argument, c’est l’idée maîtresse de la philosophie du xviiie  siècle.

195. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VII. Des ouvrages périodiques. » pp. 229-243

Il avoit l’art d’égayer toutes ses matieres, & de renfermer en peu de mots l’idée d’un livre. […] On réserve le quatriéme aux arts utiles & agréables. […] Les hommes qui cultivent les arts & les sciences, sont considérés comme ne faisant qu’une seule république. […] Le Journal Encyclopédique embrasse tous les objets des sciences & des beaux arts. […] Il a pour objet l’économie considérée dans les parties relatives au commerce, à l’agriculture, & aux arts qui en dépendent.

196. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

L’on ne prend et l’on ne quitte pas à discrétion l’art de guérir. […] Quelque profonde connaissance qu’on ait de la théorie et de la pratique de l’art, suffit-il de lâter le pouls, d’examiner la langue, de s’assurer de l’état du ventre et de la peau, d’observer les urines, de questionner lestement le malade ou sa garde et d’écrire une formule ? Les médecins ne croiraient-ils point à leur art, ou feraient-ils plus de cas de l’argent que de notre vie ? […] Comme il serait difficile que pendant la durée d’un cours d’une ou de deux années il se présentât à l’art des exemples de maladies de toutes les espèces, indépendamment de ces leçons, chacun des deux professeurs en donnera dans l’école sur toutes celles dont les hommes peuvent être attaqués. […] Le premier parcourra les trois règnes, se renfermant dans l’étendue qui convient à l’art de guérir.

197. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

On a coutume de distinguer dans l’histoire d’un art, son enfance, sa maturité, sa décrépitude. […] Virgile n’a pas négligé le fumier d’Ennius : profitons de Schiller et encore plus de Shakespeare, mais avec discernement et avec art, en les dépouillant sans les reproduire. […] Il ne saurait exister entre vous et moi d’autres conventions que celles qui tiennent à la nature même de l’art que vous prétendez exercer. […] Par quel art ce Shakespeare, ce génie si âpre et si terrible, parvient-il à trouver les plus gracieuses, les plus délicates expressions de l’amour ? […] L’imitation est ici une simple copie, là un tableau original : selon les uns, il n’y a pas de théorie entre la nature et l’art ; selon les autres, l’art n’existe que par le goût, profond système d’études attentives, de conditions rigoureuses et de conventions raisonnables.

198. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Il y a une littérature le jour où il y a un art ; avec l’art cesse la littérature. Mais à quelle époque voit-on commencer l’art, et, dans la langue des lettres, que faut-il entendre par l’art ? […] Dans la première, il n’y a pas d’art ; il n’y a qu’un souvenir obscur et confus de l’art antique. […] L’art devient un fruit du sol, fécondé, en quelque façon par la connaissance du passé. […] Au reste, l’art n’est pas facile, même aux mieux doués.

199. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

La théorie de l’art pour l’art, bien interprétée, et la théorie qui assigne à l’art une fonction morale et sociale sont également vraies et ne s’excluent point. […] En même temps une conviction est le principe de la sincérité, de la vérité, qui est l’essentiel même de l’art, le seul moyen de produire l’émotion et d’éveiller la sympathie. […] Hugo attaque les partisans de l’art pour de l’art, parce qu’ils refusent de mettre le beau dans la plus haute vérité, qui est en même temps la plus haute utilité sociale. […] Ce n’est plus l’art pour l’art, c’est l’art pour la forme. Pour notre part, nous ne saurions admettre une doctrine, qui nous semble enlever à l’art tout son sérieux.

200. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXI. Le littérateur chez les peintres » pp. 269-282

Ils peuvent servir, pour se remémorer la peinture d’une année, aux historiens de l’art dont le travail, pour être chanceux, est moins vain que celui du chroniqueur immédiat. […] Ils sont très artistes, c’est-à-dire qu’ils ont une conception désintéressée de leur art en même temps qu’un amour familier de leur métier. […] J’oscille entre ces deux opinions, mais la seconde est plus juste. — Pourtant, il y a eu de l’art avant les artistes modernes, et depuis Delacroix. […] Et quand bien même ceux-ci n’eussent pas été, la possibilité d’un second empire et d’une troisième république dépourvues d’art pictural ne serait pas à ce point exorbitante. * * * Est-il temps d’aborder cette modeste question : « De la nature et de la fin de l’art de peindre ? 

201. (1885) L’Art romantique

Chenavard, réhabilitation de l’art hiéroglyphique, sont une réaction contre l’école de l’art pour l’art. […] Venise a pratiqué l’amour de l’art pour l’art ; Lyon est une ville philosophique. […] Y a-t-il un art pernicieux ? […] Voilà un art faux, me dis-je. […] La folie de l’art est égale à l’abus de l’esprit.

202. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

En art et en littérature, nous savions bien que MM.  […] Il ne s’y trouve que l’effet brut, l’effet, à l’œil, de la couleur sans illusion, et l’odieux, le fourmillant détail physique et technique et tout cru, et que l’art — je ne dis pas l’art suprême, mais l’art le plus élémentaire, — devrait cacher. […] Edmond de Goncourt, l’art, le croira-t on ? […] Au moins, lui, s’est-il adressé aux maîtres de leur art, qui savaient leur art ; mais le procédé n’en est pas moins inférieur, et c’est le leur à tous. […] Son art couvre sa loyauté et le visage n’est plus qu’un masque, — mais il est plus beau que le vrai visage, et l’amour même ne s’y reconnaît plus.

203. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

L’art de Diderot. […] L’art de Diderot Son art est en harmonie avec son tempérament et avec sa philosophie. […] J’entends par son art les intentions d’art qu’il exprime. Donc, il y aura d’abord chez Diderot un art naturaliste, expressif de la vie telle qu’elle est, des êtres tels qu’on les voit. […] Tout cela se retrouvera plus tard ; et cette communication établie entre l’art et la littérature ne sera pas sans contribuer à la révolution romantique.

204. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

. — Perfection de l’art grec. […] Nul doute, comme nous le voyons par Horace, que l’influence de cette vieille et libre poésie ne se soit mêlée à l’art alexandrin, dans les premières leçons d’élégance grecque et de poésie qu’un Lucrèce, un Gallus, un Catulle, rapportaient de Grèce et d’Égypte. […] Et n’est-ce pas le triomphe de la beauté de l’art que si peu de paroles si fortuitement sauvées suffisent pour assurer un immortel souvenir ? […] Ce qui touche à l’histoire de l’art, c’est que, née dans Lesbos, à Mytilène : ou dans le bourg d’Érèse, plus tard la patrie de Théophraste, Sapho fut une Athénienne de la côte d’Asie. […] Dans une telle vie cependant, toute aux arts, mais à des arts faits pour entretenir la passion, le seul intérêt touchant, la seule dignité qui pût ennoblir les transports d’une âme agitée sans cesse par la musique et la poésie, c’était la piété maternelle, la tendresse pour une fille, cette Cléis que le philosophe Maxime de Tyr avait nommée, et dont quelques vers retrouvés de Sapho nous parlent aujourd’hui : « J’ai, dit-elle, une belle jeune fille semblable, dans sa forme élégante, aux fleurs dorées, Cléis, ma chère Cléis.

205. (1902) Propos littéraires. Première série

C’est un art palpable. […] Qu’est-ce que l’art ?  […] L’art qui crée de la beauté est un art faux. L’art qui s’adresse à nos facultés esthétiques est un art faux. […] Tolstoï donne de l’art véritable.

206. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre V. Histoire littéraire. » pp. 212-219

Nous connoissons très-peu l’histoire des arts dans la Perse, dans le Mogol, dans les Indes ; mais en revanche, on a, pour ainsi dire, épuisé ce qui regarde l’Europe. […] L’histoire générale des sciences & des arts demanderoit une société savante, capable de tout connoître & de tout apprécier. […] Juvenel de Carlencas sur l’histoire des belles-lettres, des sciences & des arts, en 4. vol. […] L’Origine des loix, des arts & des sciences chez les anciens peuples, par M. […] Goguet trop tôt enlevé à la république des lettres, avoit commencé un grand traité sur l’Origine & les progrès des loix, des arts & des sciences en France depuis le commencement de la Monarchie jusqu’à nos jours.

207. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Il finissait par vous laisser entendre ceci : « Vous savez, c’est mon ami Hayashi qui m’a donné des notes sur l’art japonais. […] Le sens de la composition en art est une qualité, paraît-il, inférieure, comme le jugement et l’ordre. […] Il est vraisemblable qu’il ne voulait pas qu’on y enseignât son art, car on n’enseigne pas à mal écrire, ni à mal penser. […] Sienkiewicz et aussi de Flaubert qui avait cette conception d’un art et d’un style marmoréen. […] » Il dit encore : « Ce que les hommes et les femmes de race ont de supérieur aux autres et ce qui leur donne un droit indéniable à une estime plus haute, ce sont deux arts perfectionnés de siècle en siècle par héritage : l’art de savoir commander et l’art de l’obéissance fière.

208. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

À coup sûr, il n’est point d’art sans une convention préalable. […] Wagner et son art !  […] Le wagnérisme est une forme moderne qui se propage, et doit renouveler l’art français. […] Wagner a ouvert une voie à l’art qu’il s’agit d’explorer de façon originale. L’enjeu est bien la naissance d’un nouvel art français.

209. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Or, il paraît que tout le monde n’a pas pu oublier, par amour de l’art, que M.  […] Quand on a une passion d’art chevillée au cœur, on est forcément téméraire lorsqu’il s’agit de la faire triompher. […] L’art a triomphé, on ne s’occupe plus du reste. […] Le moment viendra où les hommes seront assez intelligents pour respecter l’art, alors même que l’artiste qui l’a créé ne peut avoir leur sympathie. […] Qu’on vienne donc maintenant nous parler d’art à propos de Wagner !

210. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre VI. Architecture. — Hôtel des Invalides. »

En traitant de l’influence du christianisme dans les arts, il n’est besoin ni de subtilité, ni d’éloquence ; les monuments sont là pour répondre aux détracteurs du culte évangélique. […] Le christianisme a rétabli dans l’architecture, comme dans les autres arts, les véritables proportions. […] quelle beauté dans cette cour, qui n’est pourtant qu’un cloître militaire où l’art a mêlé les idées guerrières aux idées religieuses, et marié l’image d’un camp de vieux soldats, aux souvenirs attendrissants d’un hospice ! […] Le siècle de Louis XIV est peut-être le seul qui ait bien connu ces convenances morales, et qui ait toujours fait dans les arts ce qu’il fallait faire, rien de moins, rien de plus. […] On sent qu’une nation qui bâtit de tels palais pour la vieillesse de ses armées, a reçu la puissance du glaive, ainsi que le sceptre des arts.

211. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Avant-propos » pp. 1-5

L’art de la poësie et l’art de la peinture ne sont jamais plus applaudis que lorsqu’ils ont réüssi à nous affliger. […] Enfin plus les actions que la poësie et la peinture nous dépeignent, auroient fait souffrir en nous l’humanité si nous les avions vûës veritablement, plus les imitations que ces arts nous en présentent ont de pouvoir sur nous pour nous attacher. […] D’un autre côté c’est rendre un service important à deux arts que l’on compte parmi les plus beaux ornemens des societez polies, que d’examiner en philosophe comment il arrive que leurs productions fassent tant d’effet sur les hommes. […] La veneration que j’y témoigne pour les arts qu’ils professent, leur fera voir que c’est uniquement par la crainte de repeter trop souvent la même chose, que je ne joins pas toujours au nom d’artisan le mot d’illustre ou quelqu’autre épithete convenable.

212. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Éprouvant que la fonction de l’art est de donner aux idées un corps, Mallarmé se désespérait de ne point trouver dans son art raréfié les éléments de ce corps. […] Cause de l’art, plutôt. […] A qui estime son art inexistant, il répond en acceptant le reproche et en souriant. […] L’art eut à leurs yeux sa terre de légende. […] Le poème Las de l’amer repos est son Art Poétique d’alors.

213. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

De ces deux conditions essentielles de l’art dramatique sont nées d’inévitables conventions sans lesquelles cet art ne saurait exister. […] De toutes les représentations que l’art nous donne de la vie, celle-là est assurément la moins propre à satisfaire les délicats. […] Inférieur ou non, c’est un art particulier et très puissant dont on peut déterminer les moyens et la forme nécessaire ; et c’est ce que j’ai fait. […] Il est comme ces critiques d’art qui, connaissant à fond les moyens d’expression, la « langue » propre à chacun des arts plastiques, sont particulièrement sensibles aux qualités de métier et les exigent avant toute chose. Le théâtre est un art qui, comme les autres, a sa langue spéciale.

214. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

La politesse, cette qualité si aimable, si douce, si estimable dans le monde, est maussade dans les arts d’imitation. […] Il faut aux arts d’imitation quelque chose de sauvage, de brut, de frappant et d’énorme. […] Et à quoi sert donc que tu broies tes couleurs, que tu prennes ton pinceau, que tu épuises toutes les ressources de ton art, si tu m’affectes moins qu’une gazette ? […] Cependant, s’il est vrai qu’un art ne se soutienne que par le premier principe qui lui donna naissance, la médecine par l’empirisme, la peinture par le portrait, la sculpture par le buste, le mépris du portrait et du buste annonce la décadence des deux arts. […] Tout élève commence comme l’art a commencé.

215. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

C’est un plaisir singulier de l’entendre librement discourir sur tout ce qu’il voit et ce qu’il sent, avec abandon, naïveté, complaisance, et quelquefois, s’il en a le temps, et si le caprice lui vient, avec art et curiosité. La vie, le sentiment de la réalité, y respirent ; de frais paysages, l’intelligence poétique symbolique de la nature, une conversation animée et sur tous les tons, l’existence sociale du xviiie  siècle dans toute sa délicatesse et sa liberté, des figures déjà connues et d’autres qui le sont du moment qu’il les peint, d’Holbach et le père Hoop, Grimm et Leroy, Galiani le cynique ; puis ces femmes qui entendent le mot pour rire et qui toutefois savent aimer plus et mieux qu’on ne prétend ; la tendre et voluptueuse madame d’Épinay, la poitrine à demi nue, des boucles éparses sur la gorge et sur ses épaules, les autres retenues avec un cordon bleu qui lui serre le front, la bouche entr’ouverte aux paroles de Grimm, et les yeux chargés de langueurs ; madame d’Houdetot, si charmante après boire, et qui s’enivrait si spirituellement à table avec le vin blanc que buvait son voisin ; madame d’Aine, gaie, grasse et rieuse, toujours aux prises avec le père Hoop, et madame d’Holbach, si fine et si belle, au teint vermeil, coiffée en cheveux, avec une espèce d’habit de marmotte, d’un taffetas rouge couvert partout d’une gaze à travers la blancheur de laquelle on voyait percer çà et là la couleur de rose ; et au milieu de tout ce monde une causerie si mélangée, parfois frivole, souvent souillée d’agréables ordures, et tout d’un coup redevenant si sublime ; des entretiens d’art, de poésie, de philosophie et d’amour ; la grandeur et la vanité de la gloire, le cœur humain et ses abîmes, les nations diverses et leurs mœurs, la nature et ce que peut être Dieu, l’espace et le temps, la mort et la vie ; puis, plus au fond encore et plus avant dans l’âme de notre philosophe, l’amitié de Grimm et l’amour de Sophie ; cet amour chez Diderot, aussi vrai, aussi pur, aussi idéal par moments que l’amour dans le sens éthéré de Dante, de Pétrarque ou de notre Lamartine ; cet amour dominant et effaçant tout le reste, se complaisant en lui-même et en ses fraîches images ; laissant là plus d’une fois la philosophie, les salons et tous ces raffinements de la pensée et du bien-être, pour des souvenirs bourgeois de la maison paternelle, de la famille, du coin du feu de province ou du toit champêtre d’un bon curé, à peu près comme fera plus tard Werther amoureux de Charlotte : voilà, et avec mille autres accidents encore, ce qu’on rencontre à chaque ligne dans ces lettres délicieuses, véritable trésor retrouvé ; voilà ce qui émeut, pénètre et attendrit ; ce qui nous initie à l’intérieur le plus secret de Diderot, et nous le fait comprendre, aimer, à la façon qu’il aurait voulu, comme s’il était vivant, comme si nous l’avions pratiqué. […] Ce serait pour nous une trop longue, quoique bien agréable tâche, de rechercher dans ces volumes et d’extraire tout ce qu’ils renferment d’idées et de sentiments par rapport à l’amour, à l’amitié, à la haute morale et à la profonde connaissance du cœur ; au spiritualisme panthéistique, véritable doctrine de notre philosophe ; à l’art, soit comme théorie, soit comme critique, soit enfin comme production et style. […] Et l’art chez Diderot ! non pas seulement l’art théorique, l’art esthétique et raisonneur, mais l’art qui produit et qui excelle en créant ; l’art qui se complaît aux détails, qui réalise en idéalisant, qui cisèle et qui peint : nous pourrions en citer vingt exemples tirés de ces lettres dont nous parlons.

216. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Il n’est pas de grand orateur, dit-il, sans le concours de l’art du génie. […] Il conçut en un moment, que l’art pouvoit tirer des couleurs qu’il emploïe, bien d’autres beautez que celles que lui-même il en avoit tirées jusques-la. Il comprit qu’il avoit ignoré l’art du coloris. […] Au contraire, rien ne décele mieux l’homme né sans génie, que de le voir examiner avec froideur, et discuter de sens rassis, le mérite des productions des hommes qui excellerent dans l’art qu’il veut professer. […] Ne désabusez pas si-tôt un jeune artisan, trop prévenu sur la consideration que son art mérite, et laissez-lui croire du moins durant les premieres années de son travail, que les hommes illustres dans les arts et dans les sciences, tiennent encore aujourdhui le même rang dans le monde qu’ils y tenoient autrefois en Grece.

217. (1888) Poètes et romanciers

L’art se prouve comme le mouvement. […] Il y a là à la fois les signes d’un grand art et d’une grande âme. […] Avec la période orientale commence un art nouveau. […] Je ne prétends pas pour cela que l’art en soit absent. […] La science et l’art ont également un objet infini.

218. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

De l’aveu de tout le monde, il y a là un événement considérable dont l’art national doit tirer grand profit. […] L’Art joue dans son système un rôle important : « L’Art, dit-il, a connaissance de la véritable essence du monde, des idées (I, 217)… Il résout, mais d’une façon différente de la philosophie, le problème de l’existence… Dans les œuvres d’art toute sagesse est contenue, mais virtuellement ou implicitement (II, 461, 463)… » Et dans la Musique plus spécialement : « Les autres arts ne nous montrent que l’ombre, la Musique nous révèle l’essence des choses… La Musique est l’image de la Volonté elle-même (1, 303, 310)… Aucun autre art n’exerce sur l’homme une action aussi immédiate, aussi profonde, car nul ne nous fait pénétrer aussi profondément dans l’essence même du monde (Fragments, 373)… etc. » Ce sont là les propres pensées de Wagner avant qu’il ne connût Schopenhauer. […] Mais nous n’avons à parler ici que de ce qui concerne l’art dramatique. […] Grande fut et sera l’influence du maître Richard Wagner sur l’art de notre temps. […] Schopenhauer donne à la musique une place essentielle dans l’art et l’élève à une dimension métaphysique qui ne pouvait que s’accorder avec la pensée wagnérienne.

219. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Mais l’art, dont l’objet est de plier et d’accommoder les faits à nos besoins et à nos jouissances, l’art est à nous. […] Tous les arts se perdraient en reculant ainsi à leur origine. L’art en toutes choses est venu fort tard. […] Elle prouve, du moins, en quoi l’art de Sieyès diffère de la logique élémentaire et à bout portant de Rousseau. […] Ils marchent, nous dansons ; nous avons de beaux arts, et nous négligeons l’art, parce que nous n’en avons que faire.

220. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Tout groupement littéraire, toute association d’art engendre moins d’œuvres que d’injures. […] « Tout ce qui est dans la nature est dans l’art », déclare Hugo. […] La haine du cliché, de « l’effet de l’art », enflamme jusqu’au délire le cerveau du vrai poète. […] Je n’ignore pas que l’art précède l’esthétique et que les chefs-d’œuvre créent les règles. […] Philosophie de l’art, t. 

221. (1912) L’art de lire « Avant-propos »

Savoir lire, on le sent, est donc un art et il y a un art de lire. C’est à quoi songeait Sainte-Beuve quand il disait : « Le critique n’est qu’un homme qui sait lire et qui apprend à lire aux autres. » Mais en quoi cet art consiste-t-il ? […] Un art se définissant d’après le but qu’il se propose, nous avons sans doute à nous demander pourquoi nous lisons. […] C’est un tout autre but ; c’est un tout autre point de vue, et c’est à cet art seul qu’est consacré le petit livre que je commence.

222. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Nous entendîmes là, dans ce salon d’art et de libre pensée, M.  […] quand la fange tente d’éclabousser l’art ! […] Le théâtre, pour moi, me semble le grand art des civilisations primitives. […] L’art théâtral, cet art malade, cet art fini, ne peut trouver un allongement de son existence que par la transfusion, dans son vieil organisme, d’éléments neufs, et j’ai beau chercher, je ne vois ces éléments que dans une langue littéraire parlée et dans le rendu d’après nature des sentiments, — toute l’extrême réalité, selon moi, dont on peut doter le théâtre. […] La grande comédienne se montre accueillante, avec une voix rude, rocailleuse, une voix que nous ne reconnaissons pas, et qu’elle avait l’art de transformer en une musique au théâtre.

223. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Ceux de nos bons écrivains qui se sont exercés avec succès dans l’art de traduire, auraient plus de droit de s’ériger en législateurs ; mais ils ont mieux fait que de transcrire des règles, ils ont donné des exemples. Étudions l’art dans leurs ouvrages, et non dans quelques décisions mal assurées, sur lesquelles on dispute. […] On croit communément que l’art de traduire serait le plus facile de tous, si les langues étaient exactement formées les unes sur les autres. […] Dans les hommes de génie, les idées naissent sans efforts, et l’expression propre à les rendre naît avec elles ; exprimer d’une manière qui nous soit propre des idées qui ne sont pas à nous, c’est presque uniquement l’ouvrage de l’art, et cet art est d’autant plus grand qu’il ne doit point se laisser voir. […] Mais il y a parmi nous une espèce de fatalité attachée à tous les arts qui consistent à se revêtir d’un personnage étranger.

224. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Tréguier »

Ce petit écolier consciencieux, laborieux, désireux de plaire à ses maîtres, c’est bien moi tout entier ; j’étais doué dès lors ; j’avais tout ce que j’ai maintenant ; je n’ai rien acquis depuis, si ce n’est l’art douteux de le faire valoir. […] Je ne vous enseignerai pas l’art de faire fortune, ni, comme on dit vulgairement, l’art de faire son chemin ; cette spécialité-là m’est assez étrangère. Mais, touchant au terme de ma vie, je peux vous dire un mot d’un art où j’ai pleinement réussi, c’est l’art d’être heureux. […] pour cela les recettes ne sont pas nombreuses ; il n’y en a qu’une, à vrai dire : c’est de ne pas chercher le bonheur ; c’est de poursuivre un objet désintéressé, la science, l’art, le bien de nos semblables, le service de la patrie.

225. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Peut-être, il a ravivé le sentiment du patriotisme supérieur à l’Art. […] Et ce n’est point Wagner, seulement, c’est tout l’Art qui est enjeu. […] Il faut que nous ressentions l’injure qui a été faite à l’Art, et que nous l’effacions. […] On peut donc espérer que Bayreuth exerce une influence heureuse sur l’art théâtral en général. […] En Russie, la question wagnérienne est uniquement musicale et ne concerne pas les autres domaines de l’art, alors qu’en France, elle concentre toutes les théories sur la fusion des arts.

226. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

C’est donc qu’il abolit l’ancienne distinction, et, unissant l’art et la foi, le vrai et le beau, va demander un art chrétien. […] Tout un art encore, celui des descriptifs modernes, de ceux qui pensent que la poésie, en prose ou en vers, peut être un art plastique, prend ici sa source. […] La moralité et la sensibilité rentrent dans l’esthétique littéraire, parce que l’art littéraire est un art psychologique. […] Je ne discute pas la théorie, mais j’en montre brièvement les conséquences : elle la conduit à repousser énergiquement l’idée de l’art pour l’art, c’est à dire de l’art pour le beau. […] Heureusement elle en a eu peu, et le théoricien de l’art populaire et de l’art utile aurait eu les meilleures raisons, en contemplant ses ouvrages, de professer la théorie de l’art tout simplement artistique.

227. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

Lévy-Bruhl nous dit, il est vrai, que l’art moral déduit de la sociologie ne sera pas impératif à la façon des religions, ni même des métaphysiques morales. […] Bayet manifeste, de son côté, une tendance à restreindre le champ d’action de l’art moral scientifique et à soustraire à son contrôle toute une part importante de la vie individuelle. […] L’art moral n’atteindra que les parties sociales de l’homme. […] Bayet laisse à chacun la faculté de cultiver, à ses risques et périls, son « jardin secret ». — « L’art social, dit-il, s’abstiendra d’intervenir aux heures douloureuses de la vie intérieure. […] L’art social reconnaîtra-t-il à des pensées nettement antisociales ou jugées telles le droit de s’exprimer (par exemple au pessimisme asocial ou antisocial, à l’immoralisme) ?

228. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Seulement, rien pourrait être tout, si l’art était grand. L’art élève au sublime, quand il est puissant, les plus simples données. […] Eh bien, l’art y est grossier et vulgaire, ou plutôt, il n’y a pas d’art. […] La femme, à qui on permet tout, envoie, en riant, promener les hommes et l’art et les théories ! […] Procédé, en art, grossier et élémentaire ; indigne d’un conteur, qui vient à cette heure avancée de la littérature.

229. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Cet art était né dans les plus beaux siècles de la Grèce, et convenait à l’imagination ardente et légère d’un peuple que le sentiment et la pensée frappaient rapidement, et dont la langue féconde et facile semblait courir au-devant des idées. […] Cet art fut cultivé depuis avec beaucoup de succès, et sons les empereurs, il procura la plus grande célébrité à ceux qui s’y exercèrent. […] On conçoit que la plupart de ces orateurs ou sophistes, dont l’art et le talent était de s’affecter avec rapidité de tous les sujets, devaient avoir une imagination vive et un esprit enthousiaste ; l’un, nommé par la ville de Smyrne pour aller en ambassade vers un empereur, adresse sur-le-champ une prière aux dieux, pour qu’ils lui accordent l’éloquence d’un de ses rivaux ; un autre ne méditait jamais que la nuit. […] » Mais par quel art ces hommes singuliers pouvaient-ils parvenir à parler sur-le-champ avec éloquence sur toutes sortes de sujets ? […] Tel était probablement l’art de ces orateurs ; mais pour savoir quel était ou pouvait être le genre de leur éloquence, il faut considérer tout ce qui pouvait influer sur elle.

230. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

L’art de Dickens est tout autre. […] On chercherait en vain chez l’auteur anglais un récit contenu et impassible, une scène où l’écrivain ait l’art supérieur de laisser porter de leur poids propre les événements et les idées qu’il exprime et retrace. […] Ce sera de l’art caricatural, et c’est l’art de Dickens dans la plupart des livres dans lesquels, on sait avec quelle outrance, il déverse sans cesse le ridicule, l’aversion, la haine, la faveur, la bienveillance sur les personnages qui les peuplent. […] Mais sa carrière et son art y ont gagné une enviable unité. […] Il eut les dehors, le caractère, la vie, l’art surtout d’un enthousiaste.

231. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

L’art de rendre avec intérêt ces détails, est ce qu’on appelle l’art des développements. […] Avec quel art Racine la mêle à toutes les autres ! […] L’art consiste à le relever sur-le-champ et à le montrer plus grand encore. […] C’est que Racine a eu le grand art de faire espérer qu’Oreste serait aimé. […] La réunion de cet art, aussi sublime que voisin de la nature, avec l’art dramatique, a donné naissance au spectacle de l’opéra, le plus noble et le plus brillant d’entre les spectacles modernes.

232. (1900) La culture des idées

La beauté, c’est la femme ; et aussi l’art c’est la femme. […] La notion de l’art est même assez nette, pour les artistes et pour l’élite ; l’idée d’art est fort bien dégagée. […] L’idée d’art s’est de nouveau souillée à l’idée d’utilité ; l’art est appelé social par les prêcheurs modernes. […] L’art catholique, comme la religion elle-même, est la suite naturelle et logique de l’art païen. […] L’art est obligé d’être utile, quand il veut être populaire.

233. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

. — Détail de l’art de la Bruyère. — § VI. […] Des changements et additions dans les diverses éditions des Caractères. — Détail de l’art de La Bruyère. […] Célimène lui avait appris cet art ingénieux de nous instruire en flattant notre penchant à médire. […] Les traits qu’il a réunis et groupés dans une personnification vivante, nous les avons vus éparpillés sur un certain nombre d’originaux dont son art a fait un type. […] Il s’agit de cette logique qui, dans tous les arts, n’est que l’imitation de la nature, laquelle ne crée pas de membres séparés du corps.

234. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Prenons d’abord les trois principales œuvres de l’intelligence humaine, la religion, l’art, la philosophie. […] Que le lecteur considère quelques-unes de ces grandes créations de l’esprit dans l’Inde, en Scandinavie, en Perse, à Rome, en Grèce, et il verra que partout l’art est une sorte de philosophie devenue sensible, la religion une sorte de poëme tenu pour vrai, la philosophie une sorte d’art et de religion, desséchée et réduite aux idées pures. […] Pareillement dans une race, selon que l’aptitude aux idées générales sera différente, la religion, l’art et la philosophie seront différents. […] La question posée en ce moment est celle-ci : Étant donné une littérature, une philosophie, une société, un art, telle classe d’arts, quel est l’état moral qui la produit ? […] À ce moment et dans ces pays, les conditions se sont trouvées remplies pour un art, et non pour les autres, et, une branche seule a bourgeonné dans la stérilité générale.

235. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

« Art. […] « Art. […] « Art. […] « Art. […] « Art.

236. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Deuxième cours des études d’une Université (suite de la faculté des arts.) Qui commencera avec le premier cours, et sera commun à tous les élèves qui le suivront jusqu’à leur sortie de la faculté des arts dont il est la suite. […] Ils ne finiront l’un et l’autre qu’au sortir de la faculté des arts, ou qu’à l’entrée des facultés de médecine, de jurisprudence et de théologie. […] Si peu d’hommes savent tirer parti de leurs talents, soit pour conserver leur bien, soit pour l’accroître, la misère est une si puissante ennemie de la probité, le renversement des fortunes est si fréquent et a de si funestes effets sur l’éducation des enfants, que j’ajouterais ici les éléments de la science économique, ou de l’art de conduire sa maison ; art dont les Grecs et les Romains faisaient si grand cas. […] Et nous voilà sortis du second cours de la faculté des arts.

237. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

L’art robuste Seul a l’éternité. […] Son esthétique n’est pas fixe. — Est-il à ranger parmi les adeptes de l’art pour l’art ? […] User de l’art comme d’un moyen d’enseignement : hérésie. […] Ils défendent l’art pour l’art, la moralité du beau ; ils parsèment leurs écrits d’étincelants morceaux de prose, et, en ces dernières années, alors que M.  […] l’imprévu érigé en système d’art !

238. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

La musique française n’a pas produit d’art ? soit : il n’y a pas d’art musical français. […] tant mieux pour l’Allemagne ; et vive cet art, puisqu’il est un art ! […] Jullien, sur l’art dramatique au dix-huitième siècle. […] Il établit, comme base de son système, que l’homme est en proie à un mouvement sans fin : « L’Art de la danse, dit-il, est le plus réaliste de tous les arts.

239. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Le luxe, les arts, les commodités de la vie, y sont au premier rang ; il fait la civilisation à l’image de sa vie. […] Il y a une autre sorte d’esprit qui fait presque toujours compagnie à la raillerie enjouée, c’est l’art de louer, aussi en perfection dans notre pays que l’art de railler. […] Il est très vrai que l’art de louer n’est pas une vertu héroïque ; mais c’est encore moins un vice. […] Voltaire a un grand art : il nous fait goûter des louanges qui ne sont pas pour nous. […] Outre l’art de louer les autres, il y a dans la Correspondance l’art de recevoir leurs louanges.

240. (1883) Le roman naturaliste

Zola nie qu’il y ait un art de la composition. […] Que si maintenant de ces divers procédés vous vous rendez un compte bien exact, nous pourrons définir déjà l’impressionnisme littéraire une transposition systématique des moyens d’expression d’un art, qui est l’art de peindre, dans le domaine d’un autre art, qui est l’art d’écrire. […] capables de renouveler les procédés de leur art ? […] Il aimait l’art, dira-t-on, et je répète obstinément : Qu’est-ce qu’aimer l’art sans aimer l’homme ? […] La théorie de l’art pour l’art est essentiellement latine.

241. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Il en fit passer les principes & les preuves dans un ouvrage intitulé, Nouvelles réflexions sur l’art poëtique. […] Cet oratorien aimoit les sciences & les arts ; mais il n’aimoit que les sciences abstraites, quoiqu’il eût beaucoup d’imagination. […] Mais les anathèmes, lancés contre un art qui fait le charme des ames sensibles, ne le rendent point odieux. […] Il faudroit que le gouvernement proscrivît aussi ces arts aimables, à cause des objets dangereux qu’ils présentent quelquefois à la vue. […] Pourquoi flétrir un art émané du ciel, & qui porte tous les caractères d’une inspiration divine ?

242. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Quatremère de Quincy la transportaient dans la littérature et les arts”. […] Guizot, il a certainement son art et ses règles. […] Le but de l’art est presque divin. […] La théorie de l’art pour l’art était due à M.  […] Sainte-Beuve, Nodier cultiva la rime avec amour, l’art pour l’art, avec des préoccupations constantes de la langue nouvelle qui se développait sous sa plume.

243. (1896) Le livre des masques

Un tel art est l’art tout entier, l’art primordial et éternel, et une littérature délivrée de ce souci serait inqualifiable ; elle serait nulle, d’une signification esthétique adéquate aux gloussements du hocco ou aux braiements de l’onagre. […] La beauté en art est un résultat relatif et qui s’obtient par le mélange d’éléments très divers, souvent les plus inattendus. […] Par la vulgarisation de l’art l’amour nous est enfin revenu du nu. […] Ce dernier point est facile à expliquer d’un seul mot : pour le non-artiste, l’art est toujours immoral. […] Charles Maurras, doivent étudier l’art classique de faire difficilement des vers faciles.

244. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Croce, d’intervertir ces rapports, et de soumettre l’intuition à la réflexion, l’art à la science, l’individuel à l’universel. […] En art, au contraire, c’est le régime de la liberté. […] Or il est vrai que l’art n’a qu’un seul but : la beauté ; l’art n’a pas à se préoccuper de la morale ; c’est une vérité qu’il faut proclamer bien haut ; pour ma part je la défends depuis vingt ans. […] Je tiens à répéter que l’art n’a pas à se préoccuper de la morale. […] Mais précisément pour cela elle atteignit aussi, par le génie d’un Corneille et d’un Racine, les sommets de l’art pur.

245. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Toutes ces difficultés à vaincre pouvaient rendre très aisément ridicule celui qui ne connaissait pas l’art de les éviter. […] Depuis quelque temps, on appelle un caractère décidé celui qui marche à son intérêt, au mépris de tous ses devoirs ; un homme spirituel, celui qui trahit successivement avec art tous les liens qu’il a formés. […] Les préceptes de l’art tragique ne mettent pas aux sujets que l’on peut choisir autant d’entraves que les difficultés mêmes attachées à l’exigence de la poésie. […] La philosophie s’étend à tous les arts d’imagination, comme à tous les ouvrages de raisonnement ; et l’homme, dans ce siècle, n’a plus de curiosité que pour les passions de l’homme. […] Le public français accueille difficilement au théâtre les essais dans un genre nouveau ; admirateur, avec raison, des chefs-d’œuvre qu’il possède, il pense qu’on veut faire rétrograder l’art, quand on s’écarte de la route que Racine a tracée.

246. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

En effet, de même qu’à Marathon et à Salamine ce fut Athènes qui repoussa surtout le poids de l’invasion barbare, ainsi c’était dans Athènes seule qu’avait commencé et que s’était rapidement agrandie la merveille de l’art antique. […] C’était au pied de l’acropole d’Athènes qu’un art nouveau, et si grand déjà, faisait accourir les autres citoyens de la Grèce comme spectateurs et non comme rivaux. […] C’est là que, pour juges de ce prix de l’art dramatique décerné, aux applaudissements d’un peuple idolâtre, la tragédie naissante avait eu les dix généraux de l’armée de Marathon. […] La Grèce, si polie dans ses arts, si républicaine dans ses lois, et menacée d’épreuves si terribles et si proches, voulait l’histoire pour témoin et la lyre pour auxiliaire. […] On sait comment d’ailleurs elles étaient, pour la langue et l’art, négligées de presque tous, hormis quelques rares érudits, jusqu’à la renaissance poétique tentée par André Chénier.

247. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

L’art du compositeur serait d’y parvenir. […] Ainsi il s’agit d’un art nouveau. […] C’est l’art spontané surgissant auprès de l’art traditionnel et le renouvelant. […] L’art nouveau qui s’est révélé au vieux poète ne sera pas étouffé ! […] Il s’agit de la confrontation de l’art « spontané » et de « l’art traditionnel ».

248. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

On sçait que ce célébre Orateur n’atteignit à la perfection de son art qu’à force de travail. […] Le bel art de l’Eloquence ne fit que dégénerer depuis Pline. […] Jamais l’art de la parole n’a été plus avili qu’alors. […] Il porta la force du raisonnement dans l’art de prêcher, comme Corneille l’avoit porté dans l’art dramatique. […] L’art n’y est pas toujours caché, & l’on sent qu’il dirige souvent la nature.

249. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

La vie, si on la connaissait, de ce prodigieux acrobate, qui a su se faire de sa mutilation une grâce de plus, et dont l’énergique volonté a remplacé, par un art inouï, le membre le plus nécessaire ù son art, doit être bien autrement attachante que l’histoire de la jambe cassée et pleurée du clown de M. de Goncourt ! […] Dans ce roman, le meilleur de son œuvre, Victor Hugo mêle la critique d’art au drame, comme dans ses autres romans il mêle à son drame la critique sociale, avec cette brouillonnerie indifférente et ce mépris de l’unité qu’il a en tout, ce majestueux Monsieur Sans-Gêne, qui se croit souverain et qui, tout en proclamant l’art pour l’art, a toujours fait de la littérature la servante de ses idées et de ses ambitions. […] L’important, pour lui, l’art suprême, c’est l’impression et l’expression, — c’est la scène qui succède à la scène, — c’est le pathétique et le poignant des choses, des événements et des personnages. […] L’auteur de La Vie et la mort d’un clown a sur les romanciers du moment, qui ne tiendront qu’un moment, sur cette école de photographes qui se croient si plaisamment le dernier mot de l’art de peindre, l’avantage immense, et qui leur est inconnu, d’avoir de l’âme dans le talent et de la pensée dans le style. […] Catulle Mendès pousse toujours, à chaque horreur qu’il étale, le cri de la conscience indignée que les romanciers modernes n’ont plus, et que l’art, disent-ils, est d’étouffer.

250. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Ami des philosophes pythagoriciens et des arts de la Sicile, attiré par un despote corrompu à cette cour de Syracuse où, un siècle auparavant, Pindare avait été l’hôte favori d’un roi généreux, Platon aimait les hautes pensées et la majesté religieuse du grand lyrique thébain. […] Les arts du dessin, que la domination d’un maître gêne moins, semblaient mieux garder leur génie ; et Alexandre était plus heureux à trouver des peintres, ou des statuaires que des poëtes dignes de lui. […] La morale, l’histoire, la poésie didactique et comique, furent encore cultivées avec un art habile, une finesse savante, ou un heureux éclat. […] Lui-même cultivait parfois, sous la forme la plus sévère, cet art poétique dont il a donné les lois. […] Après quelques années d’une soumission assez douce et d’un loisir encore illustré par les arts, sous la domination de Démétrius de Phalère, ce Périclès dégénéré comme le peuple qu’il gouvernait, Athènes, en se croyant délivrée, tomba dans les dernières bassesses de la servitude.

251. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Tout vestige d’art même a disparu de leurs productions. […] Depuis tantôt trente ans, il défend dans le même journal sa vérité : et cette vérité, au fond, c’est la doctrine de l’art pour l’art. […] Il y a un fond de vérité dans cette doctrine : c’est la valeur de la technique, et de la technique spéciale à chaque art comme à chaque genre en tous les arts. […] Et nous avons l’art subtil, obscur, tourmenté de M.  […] Larroumet, Nouvelles Études de littérature et d’art, Hachette, in-18, 1894.

252. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Paul Verlaine en ses derniers volumes d’où même s’est envolé tout l’art musicien et léger d’autrefois et qui pourraient être de n’importe qui), ce sont encore de nuageuses spéculations de mysticisme lilial — en une langue apâlie et murmurante, plutôt Lamartinienne : et c’est M.  […] À mesure qu’il s’est précisée et que la vérité d’idée et d’art qui me guide me faisait un devoir très haut de me retirer — courtoisement, de tout le présent poétique, qui ne me satisfaisait pas dès l’entrée en l’art ? […] Une Revue, les Écrits pour l’Art, qui continue son œuvre de droite et artistique propagande, dès 1887 se fondait par le dévouement ami de M.  […] Et merci aussi à la Wallonie, autre Revue qui, en Belgique, accueillit l’Art nouveau. […] Stuart Merrill, Achille Delaroche, Albert Saint Paul, Georges Khnopff, Émile Verhæren, Albert Mockel, tous si fièrement sincères et artistes orgueilleux bellement, dont malheureusement la place me manque pour parler comme le voudraient mon amitié et mon admiration… Bien que tout individualiste soit mon Art.

253. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lantoine, Albert (1869-1949) »

Les petits poèmes en vers alternent avec les petits poèmes en prose, ciselés avec une délicatesse et un art exquis. […] Albert Lantoine appartient à ce clan tout nouveau de poètes dont l’écriture-prose rivalise d’orfèvrerie nette avec l’écriture-vers en des pièces d’une fort jolie hardiesse… C’est de l’art rare, de l’art exquis, de l’art qu’on ne soulève pas à la pelle.

254. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

— imitation ou reproduction sans logique et sans art, sans art apparent tout au moins, et, comme la vie même, décousue, fragmentaire et incohérente. […] Telle n’est pas sa manière de comprendre son art ! […] Mais déjà, presque de toutes parts, un art nouveau s’annonçait, plus approprié à des temps et à des goûts nouveaux. […] La vérité même de son art se retournait contre lui. […] Les Grecs et lui ont seuls possédé le grand secret de l’art de Melpomène.

255. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

dont ton art suprême       Reproduit tous les mouvements. […] Comme ils sont tous très ignorants dans l’art de la guerre, ils croient rendre cet art méprisable en le déprimant ; mais, comme je vous l’ai dit, ils décrient généralement toutes les sciences, et ils élèvent la seule géométrie sur ces débris, pour anéantir toute gloire étrangère, et la concentrer uniquement sur leurs personnes. […] L’un qui, dès sa jeunesse errant et rebuté, Nourrit dans les affronts son orgueil révolté, Sur l’horizon des arts sinistre météore, Marqua par le scandale une tardive aurore, Et, pour premier essai d’un talent imposteur, Calomnia les arts, ses seuls titres d’honneur, D’un moderne cynique affecta l’arrogance, Du paradoxe altier orna l’extravagance, Ennoblit le sophisme, et cria vérité ; Mais par quel art honteux s’est-il accrédité ? […] Cependant le nom de Léon X a prévalu, parce qu’il encouragea les arts, plus qu’aucun autre. […] Le czar Pierre s’est instruit chez les autres peuples ; il a porté leurs arts chez lui, mais Louis XIV a instruit les nations : tout, jusqu’à ses fautes, leur a été utile.

256. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Sous Octave, deux hommes qui étaient nés libres, et qui tous deux avaient vu les proscriptions, louèrent à l’envi l’assassin qui, à force d’art et de souplesse, avait asservi Rome ; j’en demande pardon à ces deux hommes, mais il faut les nommer, c’est Horace et Virgile. […] À l’égard d’Horace, né avec de l’imagination, un esprit délicat, la manie de plaire aux grands et l’art de réussir, il eut les talents et les vices d’un courtisan poli. […] Si quelqu’un veut éprouver toute l’indignation que la flatterie inspire ; s’il veut apprendre comment on ne laisse échapper aucune occasion de louer un homme puissant ; comment on s’extasie sur ses bonnes qualités, quand il en a ; comment on dissimule les mauvaises ; comment on exagère ce qui est commun ; comment on donne des motifs honnêtes à ce qui est vicieux ; comment on rabaisse avec art, ou sans art, les ennemis ou les rivaux ; comment on interrompt son récit par des exclamations qu’on veut rendre passionnées ; comment on se hâte de louer en abrégé, en annonçant que dans un autre ouvrage on louera plus en détail ; comment, et toujours dans le même but, on mêle à de grands événements, de petites anecdotes ; comment on érige son avilissement en culte ; comment on espère qu’un homme si utile et si grand, voudra bien avoir longtemps pitié de l’univers ; comment, enfin, dans un court espace, on trouve l’art d’épuiser toutes les formules, et tous les tours de la bassesse, il n’y a qu’à lire ces soixante pages, et surtout les vingt dernières. […] Cet Espagnol, qui vint de bonne heure à Rome pour y faire des vers, médire et flatter, et qui y eut tout le succès qu’un esprit fin et piquant peut avoir dans une grande ville, où il y a de l’oisiveté, des arts et des vices, nous a laissé près de quatre-vingts petites pièces ou épigrammes, faites en l’honneur de Domitien. […] On croirait qu’il est impossible d’être plus vil ; Martial a trouvé l’art de l’être encore plus ; c’est de répéter les mêmes éloges pour Trajan, et de blâmer alors les crimes de Domitien, qu’il avait élevé jusqu’au ciel quand il régnait.

257. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

Mais ce qui caractérise surtout les orateurs de ce temps, c’est la flatterie la plus basse ; c’est ce qui acheva de dénaturer les arts et d’anéantir le goût. […] Il fallait sans cesse forcer l’expression, pour que le langage ne fût point au-dessous des autres arts. […] Il semble en effet que, depuis Marc-Aurèle, les arts et les lettres pouvaient difficilement habiter dans Rome. […] Tout cela réuni, disposa peu à peu les esprits à cette fermentation utile, d’où naît l’amour des lettres et des arts. […] Il fut choisi pour ranimer dans Autun, qui était sa patrie, le goût de l’éloquence et des arts.

258. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Ce n’est que pour le vulgaire qu’un art se popularise en se mésalliant. […] Or, en fait d’art, la sensation est dans la foule, mais le jugement est dans l’élite. […] Il augmente l’effet matériel de son art ; mais il l’augmente en altérant sa nature, en abdiquant son indépendance, en mêlant un art à un autre art, et même à plusieurs autres arts, de manière à en accroître l’effet sur les sens, mais à en diminuer la véritable magie sur l’âme. […] Il y a de l’adultère entre un art et un autre art : leur vraie nature leur interdit certaines unions, sous peine de se diminuer en croyant se grandir. […] Chaque art y était d’autant plus complet qu’il était plus isolé et plus lui-même.

259. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Cet art, M.  […] Il y a l’art de composer une intrigue, l’art de composer un caractère, l’art de composer un état. L’art de composer une intrigue est, évidemment, un art, mais c’est plus évidemment encore, un art inférieur. […] L’art de M.  […] Leur art n’est pas désintéressé.

260. (1897) Aspects pp. -215

Mallarmé se glorifie de son incompétence… Le snob admire fort ce beau détachement : c’est le triomphe de l’Art pour l’Art. […] Son art affolé, tordant la langue, culbutant les métaphores, vole en foudre. […] Ce n’est plus l’art ; ce sont les hors-d’œuvre et les condiments de l’art. […] Mallarmé — l’art artificiel fut. […] Nous avions à nous guérir des langueurs, des spleens, des raffinements équivoques, de tous les parfums troubles, de tous les aromates verbaux dont nous empoisonnèrent les pontifes de l’Art pour l’Art.

261. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre IV. Des Ecrits sur la Poétique & sur divers autres genres de Littérature. » pp. 216-222

C’ Est un principe établi que nous avons dans chaque Art plus de préceptes que d’exemples. […] L’Art poétique d’Horace est l’élixir des réfléxions d’Aristote, nous avons fait connoître ce Poëme dans le Chapitre des traductions des Poëtes latins. […] L’Art de sentir & de juger en matiere de goût, par M. […] Le rédacteur connu lui-même par un bon livre intitulé le Spectacle des beaux Arts & par son Dictionnaire des beaux Arts, peut être compté parmi les auteurs qui ont le mieux écrit sur la littérature.

262. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

M. de Régnier conserve l’attitude et la ligne arrêtée dans l’Espace ; il pratique aussi un art plus strictement objectif au regard de M.  […] Dans la musique même, — art tout entier selon le temps, par sa nature, — c’est surtout par l’impulsion du Rythme que l’Harmonie participe de ce mode. […] L’art est subjectif, mais il est objectif aussi, sans cela pourquoi ne point songer seulement, pourquoi écrire, peindre, sculpter ? […] Vielé-Griffin est, en art et ailleurs, un individualiste ; je ne l’aurais pas dit qu’on l’eût deviné. […] — un art d’agrément ?

263. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Les choses prises sur le vrai, dans le vif, voilà son champ et son horizon ; l’art au premier degré et de premier jet, ce fut le sien. […] On parle toujours de croyance dans l’art, on admire cette disposition chez quelques peintres anciens et pieux qui ont rendu dévotement ce qu’ils sentaient. […] Je voudrais, en la dégageant de toute vaine fumée et de toute exaltation passagère, bien rétablir la question d’art telle qu’elle se posait en ces années heureuses. […] Il en est de ces premiers jets de la critique comme de ceux de l’art ; on fera plus fort peut-être ensuite et plus marqué, on ne fera ni plus léger, ni mieux touché, ni plus agréable. […] J’espère tirer un grand fruit de mon voyage, non-seulement sous le rapport de l’art, mais aussi pour la connaissance que j’ai acquise de moi-même.

264. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Les artistes diversifieront leurs compositions à l’infini : mais les règles de l’art, ses principes et leurs applications, resteront bornés. […] Mais ces gens, qui se moquent de la gloire de la nation, des progrès et de la durée de l’art, de l’instruction et de l’amusement publics, n’entendent rien à leur propre intérêt. […] Mais comment voulez-vous que le talent résiste et que l’art se conserve, si vous joignez à cette épidémie vermineuse la multitude de sujets perdus pour les lettres et pour les arts, par la juste répugnance des parents à abandonner leurs enfants à un état qui les menace d’indigence ? L’art demande une certaine éducation ; et il n’y a que les citoyens qui sont pauvres, qui n’ont presque aucune ressource, qui manquent de toute perspective, qui permettent à leurs enfants de prendre le crayon. […] Mais il faut que les loix inviolables de nature s’exécute ; c’est que nature ne fait rien par saut, et que cela n’est pas moins vrai dans les arts que dans l’univers.

265. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

. — Art savant de Catulle. — Lucrèce. […] Ami des Scipions, il avait trouvé pour l’art et pour le goût, dans le commerce de quelques nobles âmes, ce que la culture plus générale des esprits devait un jour étendre et renouveler sous le règne d’Auguste. […] Depuis Hésiode et depuis Homère, l’art grec avait dû bien des fois reprendre ce souvenir voisin des Argonautes et de la guerre de Troie. […] Catulle s’inquiète peu de l’ordre à mettre dans cette richesse, et du soin qui en lierait les diverses parties : il jette des vers admirables de description ou de passion, comme autant de couleurs dérobées aux maîtres de l’art hellénique. […] Mais il faut nous recueillir un peu et bien étudier le prix du naturel dans l’art, pour parler aujourd’hui d’Horace.

266. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

L’art d’écrire et de parler s’applique à tout. […] Théophile Gautier le chapitre de la poésie, celui de l’art dramatique à M.  […] Si favorable qu’elle soit à l’art du jour, elle ne se croit plus obligée de dénigrer l’art d’autrefois. […] C’est de l’art pourtant, de l’art suprême ! […] L’art est libre ; il n’y a pas beaucoup à craindre de sa liberté.

267. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

Pour les critiques enfin, c’est leur ennemi personnel ; ils y voient la marque de l’esprit bourgeois, de la médiocrité, de la sottise : « Silence, vous à qui la synthèse des arts échappe, et dont l’infini ne traverse pas l’âme !  […] Il y trouvera l’énergie sans déclamation, l’élégance sans recherche, le sublime sans emphase et un art délicat qui sait se borner et dire en toute chose ce qu’il faut, et cela seulement. […] Car enfin, si elle avait ce crédit, il semble que nous devrions être les plus fins connaisseurs du monde, les plus amoureux de l’art et de l’art le plus sublime. […] Elle perd de jour en jour le goût de l’art ; non seulement elle ne le comprend plus, mais elle le méprise ; elle n’a pour lui que la froideur de l’indifférence ou le sourire protecteur du dédain. […] Elle ne dirige pas l’art, elle en constate les progrès ou la décadence.

268. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

On n’aperçoit clairement dans l’histoire de l’art ni progrès ni même continuité. […] Les études scientifiques s’enrichiront des pertes de l’art découragé. […] Il est clair qu’un artiste doit être possédé d’abord de l’amour de son art, et cet amour, distinct de celui de la gloire, est évidemment bien plus nécessaire, puisqu’on peut devenir glorieux en aimant son art sans aimer la gloire, tandis qu’il est impossible d’être un grand artiste, quelque passion qu’on ait de la gloire, si l’on n’a pour son art que de l’indifférence. […] De même que la poésie est étrangère à la notion idéale de la fable, l’art n’est point contenu dans la théorie de la critique. […] ou à l’art moderne, qu’il annonce, mais qu’il annonce trop tard, après coup, sans avoir contribué à son avènement ?

269. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Tout entier, il est admirable d’art et de grâce et d’une simplicité virgilienne. […] Né dans l’art, M.  […] On croyait avoir trouvé l’art intégral, ― et cela dura dix ans : ce fut encore M.  […] Un art si complexe demande un apprentissage et veut aussi la plus longue patience. […] Il n’y a donc pas de science de l’homme ; mais il y a un art de l’homme.

270. (1874) Premiers lundis. Tome I « Hoffmann : Contes nocturnes »

En un temps où on est las de toutes les sensations et où il semble qu’on ait épuisé les manières les plus ordinaires de peindre et d’émouvoir, en un temps où les larges sentiers de la nature et de la vie sont battus, et où les troupeaux d’imitateurs qui se précipitent sur les traces des maîtres ne savent que soulever des flots de poussière suffocante, lorsqu’on avait tout lieu de croire que le tour du monde était achevé dans l’art, et qu’il restait beaucoup à transformer et à remanier sans doute, mais rien de bien nouveau à découvrir, Hoffmann s’en est venu qui, aux limites des choses visibles et sur la lisière de l’univers réel, a trouvé je ne sais quel coin obscur, mystérieux et jusque-là inaperçu, dans lequel il nous a appris à discerner des reflets particuliers de la lumière d’ici-bas, des ombres étranges projetées et des rouages subtils, et tout un revers imprévu des perspectives naturelles et des destinées humaines auxquelles nous étions le plus accoutumés. […] Il semble avoir découvert dans l’art quelque chose d’analogue à ce que Mesmer a trouvé en médecine ; il a, sinon le premier, du moins avec plus d’évidence qu’aucun autre, dégagé et mis à nu le magnétisme en poésie. Jusqu’à quel point s’étend cette conquête nouvelle de l’art ; jusqu’à quel degré est-il possible de la féconder ; et contient-elle en elle-même un art tout nouveau dont nous entrevoyons à peine les promesses, ou bien doit-elle éternellement demeurer à l’état de vague et de nuageux ? c’est ce que nous ne saurions décider en aucune manière ; mais que la conquête existe, que la limite de l’art et des effets qu’il produit ait été reculée, c’est ce qui nous paraît hors de doute dans un cas comme dans l’autre, et ce qui le paraîtra à tous les lecteursiIntelligents d’Hoffmann, comme à tous les observateurs impartiaux du magnétisme animal. […] Aussi, dès qu’il se borne à peindre l’art et les artistes dans ce moyen âge, où il y avait du moins harmonie et stabilité pour les âmes, quelque chose de calme, de doré et de solennel succède aux délirantes émotions qu’il tirait des désordres du présent ; depuis l’atelier de maître Martin le tonnelier, qui est un artiste, jusqu’à la cour du digne landgrave de Thuringe, où se réunissent autour de la jeune comtesse Mathilde, luth et harpe en main, les sept grands maîtres du chant, partout dans cet ordre établi, on sent que le talent n’est plus égaré au hasard, et que l’œuvre de chacun s’accomplit paisiblement ; s’il y a lutte encore par instants dans l’âme de l’artiste, le bon et pieux génie finit du moins par triompher, et celui qui a reçu un don en naissant ne demeure pas inévitablement en proie au tumulte de son cœur.

271. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVI »

Les images ont une grande importance dans l’art d’écrire. […] De là notre désaccord avec les purs théoriciens qui voudraient rendre l’art d’écrire inaccessible et indémontrable. […] Si l’auteur de l’Art d’écrire (cet art de s’aimer soi-même) avait eu quelque souci de logique vraie dans la disposition des parties de son livre, à coup sûr il eût commencé par l’un des derniers chapitres, celui qu’il intitule : « Comment on crée les images ». […] Tout cela, néanmoins, serait excellent, si l’art d’écrire pouvait s’assimiler à la serrurerie ou au charronnage. […] Le lecteur en jugera : J’ai dit, page 287 de l’Art d’écrire, que « pour trouver des images ou les rendre saillantes quand elles ne le sont pas, le travail et la refonte sont les deux grands moyens après le génie naturel ».

272. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Fromentin et Baudelaire ont été peut-être les deux plus grands critiques d’art qui aient existé en France. […] Il se fait de la hauteur de son art une idée très nette, estime qu’il a encore tout à apprendre. […] De là chez Fromentin une distinction plus nette des deux arts. […] Un historien de l’art, M.  […] Art de communiquer sa pensée à autrui, art de composer, art d’écrire, autant de tortures pour Amiel, autant de cadres techniques où il se trouve mal à l’aise.

273. (1902) La poésie nouvelle

L’art est réaliste ou symboliste.‌ […] Laforgue a conçu l’Art comme un moyen d’expression. […] L’évolution de l’Art résulte de l’évolution de l’âme humaine. […] L’objectivité est la raison d’être et la condition de l’Art. […] L’art est un déguisement.‌

274. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Mais je laisse pour cette fois la littérature : en art, quel ton hautain que le sien ! […] Combien j’aime, au contraire, ces esprits aimables et sensés, qui, ayant pratiqué un art par eux-mêmes et en sachant les difficultés et tous les périls, sont modestes et mesurés quand ils entreprennent de juger, dans un art voisin et différent, leurs confrères, leurs supérieurs ou leurs semblables ! […] L’art est une convention, l’art de la peinture particulièrement. […] Doué de sens exquis, d’une mémoire visuelle merveilleuse, d’organes et d’instruments d’imitation fins, rapides et sûrs, plus prompt à faire qu’à dire, il eut de l’art toute la première vue qu’on peut désirer ; mais s’il y a dans l’art autre chose que l’immédiat, s’il y a une seconde vue plus idéale, celle-là il ne l’eut point. […] Tout ce qui se piquait d’art pur se montra deux fois plus rigoureux pour lui.

275. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Lamoureux ait fait preuve d’une inintelligence chaque fois plus manifeste de ce qu’est l’art wagnérien, — nous reviendrons sur ce chapitre, s’il le faut. […] Au fond, la meute n’a qu’un gibier, et ce n’est ni Berlioz, ni même Wagner : c’est l’Art. L’Art, voilà ce qui la fait baver de rage, crier de peur, hurler d’angoisse. […] Oui, celui qui — en vue de tels bas intérêts de succès ou d’argent, — essaie de grimacer, en un prétendu ouvrage d’Art, une foi fictive, se trahit lui-même et ne produit qu’une œuvre morte. […] Oui, c’était bien ainsi que je m’étais imaginé le rôle de l’Art !

276. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

L’art le plus puissant est celui qui redevient régulièrement à la mode dans les périodes de renaissance. » De Chirico s’élève contre la partialité, veut un art de synthèse et « le retour au métieral », ce qui est un peu le retour à l’homme, au dessin (il est de l’avis d’Ingres qu’il cite : un tableau bien dessiné est toujours assez bien peint). […] Mais si le cubisme est une discipline et non une Esthétique, ce néoprimitivisme (espèce de « petit nègre » de l’art) satisfait moins encore. […] Les aviateurs futuristes sont on train de créer aujourd’hui une nouvelle forme d’art qui exprimera, moyennant le vol, les états d’âme les plus complexes. […] Cet art est analogue à la danse, mais infiniment supérieur par l’ampleur de la scène et son extraordinaire dynamisme dans les trois dimensions de l’espace. […] L’essence des arts est une. » (Giovanni Lista, Futurisme, op. cit.

277. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Qu’est-ce que les lois générales, de l’art ? De quel art ? […] On peut rapprocher les métiers et les arts dans cette élucidation. […] On objectera : l’art est matière à génie, point le métier, parce que seul l’art est créateur. […] Elle est si riche, si expressive, si pittoresque, la langue des arts et métiers ! 

278. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « De la peinture. A propos d’une lettre de M. J.-F. Raffaëlli » pp. 230-235

Raffaëlli, qui, comme on le sait par sa préface du catalogue de son exposition en 1884, est un théoricien de son art, parurent extrêmement intéressantes, et grâce à la personne qui servait de truchement, il fut possible d’en obtenir un exposé par écrit. […] Mais est-il juste de donner la place suprême à un art semblable, surtout lorsqu’il est représenté dans une exposition par le portrait de Sarasate, et de faire fi d’autres recherches ? […] Raffaëlli, dominé d’une sympathie humaine qui est belle en soi et qui vivifie son grand talent, voudrait borner cet art à nous donner de notre race et de nos contemporains, une série d’effigies caractéristiques, propre à nous les faire connaître intimement et par conséquent aimer, admirer, ou haïr et ridiculiser. […] Son art aboutit à la connaissance passionnée, sympathique ou antipathique, d’une portion représentative de l’humanité de ce temps. […] Mais ces tendances et ces résultats sont-ils par excellence ceux que doit poursuivre l’art pictural ?

279. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

J’ai essayé de rendre compte de la marche lente, mais continuelle, de l’esprit humain dans la philosophie, et de ses succès rapides, mais interrompus, dans les arts. […] Étudier l’art d’émouvoir les hommes, c’est approfondir les secrets de la vertu. […] La poésie est de tous les arts celui qui appartient de plus près à la raison. […] Par un singulier contraste, les arts, qui font goûter la vie, rendent assez indifférent à la mort. […] Qu’il est humain, qu’il est utile d’attacher à la littérature, à l’art de penser, une haute importance !

280. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Dans un seul art je suis devenu presque un maître, dans l’art d’écrire en allemand, et c’est ainsi, poète malheureux, que je perds hélas ! […] quel sentiment de l’art du seizième siècle ! […] Il faisait de l’art pour l’art : excellente doctrine, quoi qu’on en ait pu dire, et il ne se souciait de rien prouver, sinon qu’il était un maître. […] Les œuvres de l’art lui cachaient un peu les œuvres de la nature. […] Né en 1796, il entra dans l’art par la porte de l’industrie.

281. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « II »

Il n’y a ni âme ni justice, ni devoir, ni vie future, ni art d’écrire, ni travail, ni formation du style, ni vérité, ni méthode, ni enseignement. […] Qu’est-ce que l’Art ? […] Pendant des années, j’ai été littéralement obsédé par l’étude des phrases, les secrets de la prose, les différences des styles, l’anatomie et le mécanisme de l’art d’écrire. […] Pendant des années, j’ai été littéralement obsédé par l’étude des phrases, les secrets de la prose, les différences des styles, l’anatomie et le mécanisme de l’art d’écrire. […] Albalat, dont l’Art d’écrire… eut un réel et mérité succès, auteur de la Formation du style, qu’il s’agit pour M. de G… de réfuter.

282. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Eugène Véron pour son livre de la Supériorité des Arts modernes sur les Arts anciens 13. […] Il faut, en toute espèce d’art, une éducation préalable et une première docilité de l’esprit. […] C’est par les yeux, c’est par les arts encore, c’est par les débris des monuments qui ont gardé je ne sais quoi de leur fleur première et de leur éclat de nouveauté, que les Anciens, les Grecs, se sauvent le plus aisément aujourd’hui. […] Mais cela ne suffit pas ; et je réclame la prééminence pour l’art des arts, la poésie. […] Voici le titre complet : Du Progrès intellectuel dans l’Humanité ; Supériorité des Arts modernes sur les Arts anciens : — Poésie, — Sculpture, — Peinture, — Musique — par M. 

283. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Le caractère de leur style et l’allure de leurs vers sont les mêmes, et abondent en qualités pareilles ; Chénier a retrouvé par instinct et étude ce que Regnier faisait de tradition et sans dessein ; ils sont uniques en ce mérite, et notre jeune école chercherait vainement deux maîtres plus consommés dans l’art d’écrire en vers. […] Prenant successivement les quatre ou cinq grandes idées auxquelles d’ordinaire puisent les poëtes, Dieu, la nature, le génie, l’art, l’amour, la vie proprement dite, nous verrons comme elles se sont révélées aux deux hommes que nous étudions en ce moment, et sous quelle face ils ont tenté de les reproduire. […] On le voit, l’art, à le prendre isolément, tenait peu de place dans les idées de Regnier ; il le pratiquait pourtant, et si quelque grammairien chicaneur le poussait sur ce terrain, il savait s’y défendre en maître, témoin sa belle satire neuvième contre Malherbe et les puristes. […] Mais, avant cette formidable époque46, Chénier ne sentit guère tout le parti qu’on peut tirer du laid dans l’art, ou du moins il répugnait à s’en salir. […] Je lis dans les notes d’un voyage d’Italie : « Vers le même temps où se retrouvaient à Pompéi toute une ville antique et tout l’art grec et romain qui en sortait graduellement, piquante coïncidence !

284. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

L’art de M.  […] La fin, pour lui, la seule fin, c’est l’art ; un art qui emploie la réalité. […] Mais enfin l’art de MM.  […] C’est un art qui n’attend pas ; c’est un art qui n’a pas le loisir d’attendre. […] Et seul échappe à la destruction promise l’artificiel, qui est, pour ainsi dire, de l’art au second degré : l’art de l’art, en quelque sorte, l’artificiel étant à l’art ce que l’art est à la réalité.

285. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

L’éloquence, y est-il dit, est le plus noble des arts. […] Eloquence, art de dire ce qui doit être dit, de persuader ce qu’il faut faire ou ce qu’il faut croire ; ainsi l’entendait tout le monde. […] Quelques-unes de ses lettres seraient de fort bons modèles de l’art d’écrire en prose. […] L’éloquence, l’art de convaincre les autres de ce dont on est convaincu soi-même, voilà ce qu’on reconnut dans Balzac avec un applaudissement universel. […] Il fallait pour ce grand art la maturité du dix-septième siècle.

286. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Diffusion et abaissement des arts grecs par la conquête macédonienne. — Règne des Ptolémées. — Littérature artificielle. […] Ainsi se dégradent les arts, dans l’abaissement de fortune et l’avilissement de cœur que souffrent les peuples. […] Il n’en fut pas de même pour les arts du goût, bien que cultivés avec non moins de faveur et de zèle. […] Il se plaît aux amours des nymphes qu’il poursuit, et aux merveilles des arts qu’il inspire. […] Mais un art nouveau prête un sens moral aux pompes et aux symboles d’une solennité presque étrangère.

287. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Il le voulait libre, aussi bien que florissant par les arts ; et il ne déshonora d’aucune lâche faiblesse cette couronne de poëte qu’il reçut au Capitole. […] Honorons-la surtout de ce qu’elle fit alors, pour le goût et les arts ! […] Ce n’étaient pas les Olympiques, c’était le chant du passage de la mer Rouge qui convenait à l’art du poëte et devait l’inspirer. […] L’art de ce poëte est partout exquis et brillant ; mais son charme est surtout religieux. […] Un autre signe heureux du progrès de l’art, c’est la puissance qu’il exerce par l’imitation.

288. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

L’art vrai, l’art total doit s’imposer, comme la plus noble manifestation de nos énergies latentes, et se rit des barrières derrière lesquelles on le veut enfermé. […] « Deux pôles et puis du mouvement pour les confondre », tels nous apparaissent l’art gothique et l’art impressionniste. […] Mithouard donne de l’art mauresque une excellente explication. […] Il existe une dominante dans tous les arts. […] À l’art purement expressif doit s’allier l’art harmonieux et c’est dans ce dosage méthodique que résidera la grande poésie.

289. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

L’art et le talent restent classiques. […] L’art est analogue à l’observation : un art flou, souple, insinuant, enveloppant surtout, où l’expression à chaque instant diffuse ou entortillée finit par donner le sentiment des plus fines nuances. […] Stendhal a vraiment donné là un modèle d’art réaliste, ou plutôt d’art vrai. […] Notre romancier a appris à écrire dans l’Art de raisonner, l’Art de penser, et la Grammaire de Condillac. […] Il peut ne penser qu’à l’art ; il évitera la niaiserie ingénieuse de Scribe, le néant intellectuel de Gautier.

290. (1925) Comment on devient écrivain

C’est qu’en art, le difficile, c’est de voir. […] La première condition de l’art, c’est d’être moral. […] L’art de bien parler n’est pas autre chose que l’art de bien écrire, et c’est pour cela que nous avons voulu consacrer un chapitre aux sermons. […] Théorie de l’art pour l’art, par A. […] Cassagne, la Théorie de l’art pour l’art, p. 132.

291. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

Ainsi la découverte du feu, l’application de cet élément aux usages de la vie, l’art de forger les métaux, l’idée de fertiliser la terre en la remuant, la première et la grossière ébauche d’une charrue, voilà sans doute quels furent les premiers titres pour les éloges des nations : tout ce qui est vil aujourd’hui commença par être grand. […] Dans ces temps d’une grossièreté simple, on loua les bienfaiteurs de l’humanité, même de leur vivant : l’orgueil n’avait point encore éveillé l’envie : l’homme sauvage admire, et ne calcule point avec art pour échapper à la reconnaissance. […] On y trouve une imagination plus forte qu’étendue, peu d’art, peu de liaison, nulle idée générale, nul de ces sentiments qui tiennent au progrès de l’esprit, et qui sont les résultats d’une âme exercée et d’une réflexion fine ; mais il y règne d’autres beautés, le fanatisme de la valeur, une âme nourrie de toutes les grandes images de la nature, une espèce de grandeur sauvage, semblable à celle des forêts et des montagnes qu’habitaient ces peuples, et surtout une teinte de mélancolie, tour à tour profonde et douce, telle que devaient l’avoir des hommes qui menaient souvent une vie solitaire et errante, et qui, ayant une âme plus susceptible de sentiment que d’analyse, conversaient avec la nature aux bords des lacs, sur les mers et dans les bois, attachant des idées superstitieuses aux tempêtes et au bruit des vents, trouvant tout inculte et ne polissant rien, peu attachés à la vie, bravant la mort, occupés des siècles qui s’étaient écoulés avant eux, et croyant voir sans cesse les images de leurs ancêtres, ou dans les nuages qu’ils contemplaient, ou dans les pierres grises qui, au milieu des bruyères, marquaient les tombeaux, et sur lesquelles le chasseur fatigué se reposait souvent. On sent assez quel doit être le caractère des ouvrages d’un pareil peuple ; mais ce qui étonne, c’est que déjà on y trouve l’art d’opposer les idées douces aux idées terribles, et de placer presque partout l’image de l’amour à côté de celle de la guerre ; peut-être ce qui nous paraît un art, n’était que l’expression naturelle des mœurs de ces peuples. […] Ce prince qui, au milieu d’une vie agitée, et occupé sans cesse de législation et de conquêtes, trouvait encore du temps pour aimer les arts, fit rassembler tous ces ouvrages, et les fit traduire en vers dans la langue des anciens Romains.

292. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

Art français La Peinture à l’Exposition de 1855. […] La peinture est-elle en un mot un art spiritualiste ? […] La peinture n’est-elle pas plutôt un art matérialiste, vivifiant la forme par la couleur, incapable de vivifier par les intentions du dessin, le par dedans, le moral, le spirituel de la créature ? […] L’Art du XVIIIe siècle51. […] Deux années encore, et l’histoire de l’art français du xviiie  siècle, dans toutes ses manifestations véritablement françaises, était terminée.

293. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 50, de la sculpture, du talent qu’elle demande, et de l’art des bas-reliefs » pp. 492-498

Section 50, de la sculpture, du talent qu’elle demande, et de l’art des bas-reliefs Tout ce que nous avons dit touchant l’ordonnance et l’expression des tableaux, peut aussi s’appliquer à la sculpture. […] Je ne prétend pas loüer l’Algarde d’avoir tiré de son génie la premiere idée de cette execution, ni d’être l’inventeur du grand art des bas-reliefs, mais bien d’avoir beaucoup perfectionné par l’ouvrage dont il s’agit ici, cet art déja trouvé par les modernes. Nous ne voïons pas du moins dans les morceaux de la sculpture grecque ou romaine qui nous sont restez, que l’art des bas-reliefs ait été bien connu des anciens. […] On peut donc dire que les anciens n’avoient point l’art des bas-reliefs, aussi parfait que nous l’avons aujourd’hui, quoiqu’on voïe des figures admirables dans des bas-reliefs antiques.

294. (1912) L’art de lire « Chapitre XI. Épilogue »

Épilogue L’art de lire, c’est l’art de penser avec un peu d’aide. Par conséquent, il a les mêmes règles générales que l’art de penser. […] Il faut s’armer de sagesse même contre les passions les plus innocentes, parce qu’il n’y a pas de passions innocentes, et même en parlant de la lecture il faut dire : Le sage qui la suit, prompt à se modérer, Sait boire dans sa coupe et ne pas s’enivrer Aussi bien chacun sent qu’il y a un art de lire et, si la lecture n’offrait aucun danger, il n’y aurait pas besoin d’art pour s’y livrer.

295. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Breton, Jules (1827-1906) »

— La Vie d’un artiste, art et nature (1890). — Un peintre paysan, souvenirs et impressions (1895). […] Daudet À une époque où les littérateurs se préoccupent tellement de l’art de peindre qu’ils lui empruntent des procédés, des termes particuliers, il est curieux de voir les peintres entrer dans le domaine de la poésie avec cet éternel souci de la couleur qui peut leur devenir en littérature une qualité ou un écueil. […] En somme, voilà une œuvre sincère, imprégnée d’art et de vie et qui renferme suffisamment l’élément philosophique réclamé de toute œuvre moderne. […] [Études de littérature et d’art, 4e série (1896).]

296. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

L’art de lire est un talent spécial. […] Nous serons frappés de ce fait que l’art de développer est à lui seul la moitié de l’art d’écrire. […] Elle était la base de l’art d’écrire. […] C’était réellement enseigner l’art d’être diffus. […] C’est le Télémaque de l’art de traduire.

297. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Mais leur principe était irréprochable : si l’on y songe, il n’est d’art véritable que symbolique, et l’art est déjà un symbole. […] Il a écrit les Habitations à bon marché et l’Art pour le peuple à défaut de l’art par le peuple. […] L’art se dépouille de ses vertus primordiales. […] Et le relief est traité avec un art incomparable. […] L’art est une si drôle de chose !

298. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Ici je vois quatre ou cinq recueils en un : l’Ame, — les Jeunes filles, — la Vie, — Paris, — l’Art, — autant de livres distincts et qui ont chacun la diversité de couleur ou de sujets. […] L’auteur semble préoccupé d’une idée qui revient souvent dans ses vers : c’est qu’il est plus poëte en dedans qu’en dehors ; il se méfie de sa force et de son art, il craint de ne point donner à son rêve tout l’éclat et la solidité d’une création. […] si mes doigts jamais ne te rendent sensible, Poëme intérieur dont je suis consumé, Tu chanteras en moi sur la lyre invisible Que l’art suspend au cœur de ceux qui l’ont aimé. […] Gaston Paris, contre les désespoirs ou les fantaisies de la génération précédente ou présente, et à ce propos il nous donne une idée de l’art poétique rajeuni qui est le sien, et dont il voudrait faire la loi de ses jeunes contemporains : A défaut des vieillards, les jeunes le diront, Ils chercheront du moins ; leur fierté répudie Du doute irréfléchi le désespoir aisé. […] Ce qui veut dire que le studieux et le rêveur lui-même, celui qui autrefois eût été le clerc ou le moine dans sa cellule, et qui hier encore était l’homme de livres et de cabinet, va en chemin de fer et en profite désormais pour visiter le monde, pour prendre sa part de toutes les curiosités, de toutes les beautés d’art ou de nature.

299. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

l’Essai sur Tite-Live (1856), mais surtout l’Histoire de la littérature anglaise (1863) et les études sur la Philosophie de l’art (1865-1860), voilà les maîtresses pièces de la critique de Taine. […] Dans ses belles études sur la Philosophie de l’art, Taine, procédant toujours, comme il a dit, en naturaliste, suit dans la sculpture grecque, dans la peinture et la sculpture italiennes, dans la peinture des Pays-Bas, l’action déterminante de la race, du milieu et du moment. Il donne les formules d’un art objectif, impersonnel, classique, sinon de méthode, du moins d’effet : l’imitation de la nature est posée comme l’objet de l’art, mais non pas l’imitation exacte ; ce que l’art imite, « ce sont les rapports et les dépendances des parties » ; encore les altère-t-il souvent. […] Il note très finement les caractères généraux que la race, le milieu, le moment déterminent ; il explique la nette opposition de l’art flamand et de l’art hollandais ; il voit dans chaque groupe les éléments communs, ce qui rapproche, par exemple, Paul Potter, Ruysdael et Rembrandt. […] Devant une Adoration des mages, c’est Rubens ; devant la Leçon d’anatomie, c’est Rembrandt que ce délicat critique découvre : eux-mêmes en ce qui les fait être eux et non autres, eux-mêmes, et non seulement la définition de l’art flamand ou de fart hollandais.

300. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Faut-il s’étonner s’il dédaigne tout spectacle de vanité & de luxe, s’il chérit cette simplicité, vrai caractère de la grandeur, soit dans les Arts soit dans les mœurs. […] Que seront à ses yeux les foibles imitations d’un Art limité ? […] qu’il est doux dans le sein de cette auguste amitié, de n’obéir qu’à la voix du génie, de suivre ses inspirations secrettes, de nourrir chaque jour ce feu sacré des beaux Arts, ce goût épuré qui forme une trempe d’ame également vigoureuse & sensible. […] Amour des beaux Arts, que n’enflammes-tu tous les cœurs ? […] Que l’émulation n’excite plus parmi vous que de ces disputes dont les Arts puissent s’ enrichir.

301. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Chamond, a donné un véritable voyage du Levant dans ses Observations sur le commerce & sur les arts d’une partie de l’Europe, de l’Asie, de l’Afrique & même des Indes orientales, 1762. deux vol. […] &c., avec des observations sur diverses productions de la nature & de l’art : ouvrage traduit de l’Anglois, à Paris 1763. quatre vol. […] Le voyageur anglois, très-riche seigneur, qui posséde excellemment l’art de voyager & sur-tout celui d’observer, tous deux plus rares qu’on ne pense, est accompagné d’un habile physicien, dont les découvertes enrichissent extrêmement ses rélations. Je placerai encore dans cet article les Voyages d’un Philosophe, ou Observations sur les mœurs & les arts des peuples de l’Afrique, de l’Asie & de l’Amérique : brochure in-12. qui parut en 1768. […] Ce livre retrace à peu-près les mêmes objets que celui de M. l’Abbé Richard ; mais il est infiniment plus utile aux amateurs des arts & aux artistes, par l’examen critique que l’auteur fait des chefs-d’œuvre de peinture, de sculpture & d’architecture, répandus en Italie.

302. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Avec art maintenant dessinons sous ces plis La forme bondissante et les contours polis. […] Mais quiconque a pratiqué et goûté les vieux maîtres de notre xvie  siècle ne saurait accorder trop d’estime à leur disciple original, à l’aimable et modeste poëte qui a eu de dures années de jeunesse et qui s’en dédommage aujourd’hui dans d’ingénieux loisirs ; qui aime la nature, la campagne, l’amour, l’amitié et toutes les belles et bonnes choses de l’art et de la vie. […] M. de Belloy est aussi un poëte de l’art ; il ne prodigue pas ses impressions et ses émotions, il ne les exhale pas au hasard ; il les enferme dans une forme exacte et pure. […] Il s’agit d’une de ces beautés à la mode qui baissent et qui savent encore réparer ; à force de toilette et d’art, les premières traces des années ; mais qu’une jeunesse toute simple passe dans sa fraîcheur à côté d’elles, et les voilà trahies, éclipsées. […] Félix Arvers, qui n’a pas toujours visé très-haut dans l’art, qui n’a pas réalisé toutes les espérances qu’avaient fait naître ses brillants débuts, ses succès universitaires, qui s’est un peu dispersé dans les petits théâtres et dans les plaisirs, a eu dans sa vie une bonne fortune ; il a éprouvé une fois un sentiment vrai, délicat, profond, et il l’a exprimé dans un sonnet adorable.

303. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

N’en trouve t-on pas mille traits dans son Art poétique, où il a eu le talent de répandre les fleurs de l’imagination sur l’aridité des préceptes, d’enrichir les détails de quantité de traits, dont le moindre annonce l’Homme de génie ? […] « Bien des gens semblent vouloir regarder l’Art poétique de Despréaux comme une compilation de celui d’Horace. […] Parmi environ douze cents Vers qui composent l’Art poétique de Despréaux, il y en a peut-être une cinquantaine d’empruntés ou de traduits, si l’on veut, d’Horace. […] A quel genre de sentiment pouvoit se livrer l’Auteur de la Satire à son esprit, de l’Art poétique, du Lutrin ? […] Horace en a-t-il étalé dans son Art poétique ?

304. (1920) Action, n° 2, mars 1920

L’art n’est pas plus la logique et la géométrie qu’une perpétuelle éjaculation. […] Un art d’impressions pures n’est pas un art : il n’en est que les éléments. […] Il a là de la poésie, de l’art, et même du roman feuilleton. […] Il participe à de nombreuses revues, dont Art pour tous, Art social de Gabriel de La Salle, Ennemi du peuple d’Émile Janvion et Francis Jourdain. […] Le 15 mars 1919, il fonde L’Art libre à Bruxelles, où il écrit sur l’art (sous le pseudonyme de Jacques Olivier) et la politique.

305. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

De la littérature italienne et espagnole La plupart des manuscrits anciens, les monuments des arts, toutes les traces enfin de la splendeur et des lumières du peuple romain, existaient en Italie. […] Le fanatisme religieux est ennemi des sciences et des arts, aussi bien que de la philosophie ; mais la royauté absolue ou l’aristocratie féodale protègent souvent les sciences et les arts, et ne haïssent que l’indépendance philosophique. […] L’Arioste est le premier peintre, et par conséquent peut-être le plus grand poète moderne : mais l’un des caractères d’originalité de son ouvrage, c’est l’art de faire sortir la plaisanterie du sérieux même de l’exagération. […] Les Italiens ont-ils poussé très loin l’art dramatique dans leurs tragédies ? […] Les Italiens n’ont pas besoin d’être attendris, et les auteurs, faute de spectateurs, et les spectateurs, faute d’auteurs, ne se livrent point aux impressions profondes de l’art dramatique.

306. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

De là vient qu’elle est incapable de prendre ses propres émotions comme matière d’art, de les réaliser directement dans une forme expressive. […] Elle n’a pas de « sensations d’art » : ce qui l’attache, ce sont les souvenirs historiques, les idées auxquelles les choses servent d’appui ou d’occasion. […] Dans ce voyage d’Italie, l’art italien lui échappe : elle raisonne froidement, rapidement sur la peinture et la sculpture ; mais vraiment de Brosses et Dupaty638 en parlaient mieux. […] Elle professe encore que « la poésie est de tous les arts celui qui appartient de plus près à la raison ». […] Elle est trop mondainement aristocrate pour ne pas être effarouchée de Hermann et Dorothée, de Guillaume Tell, trop réfractaire à l’art objectif pour ne pas goûter froidement Iphigénie.

307. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Mais, si tel est le devoir des parents, n’aperçoit-on pas qu’on ne peut, sans exagération, sans péril pour l’art, en étendre l’obligation aux écrivains ? […] Non ; là commencerait un abus tout à fait condamnable, destructeur de la sincérité, de la beauté, de l’art lui-même. […] Et entre ces extrêmes, quel plaisir de surprendre l’art particulier d’un Théophile Gautier, d’un Balzac, d’un Flaubert, d’un Alphonse Daudet ! […] Non, la littérature est un art et la peinture en est un autre. […] Où sont les modèles de cet art parfait ?

308. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Pour l’humanité naissante, l’Orient seul était habitable ; de l’Orient seul l’antiquité nous a transmis un art, une poésie. […] On le sait, ce génie, dès qu’il se tourna vers les arts, aima l’Italie, en étudia, en imita la poésie. […] Dans un siècle d’innovation philosophique et d’ambition active, il ne vécut que pour la perfection de l’art, la curiosité de l’étude et la paix solitaire du cœur. […] Il avait, dans la variété de ses études, compris la théorie de cet art, et il chantait avec goût ; mais il ne chantait que pour lui-même et la Muse. […] Écoutons un moment cette création de l’art, qui ressemble à l’action spontanée du génie : « Tombe sur toi la ruine, impitoyable roi !

309. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Que demandons-nous à ceux qui se consacrent à l’art difficile de flatter le palais ? […] L’art est national ; il n’est point cosmopolite. […] La conversation en France est un art véritable, et cet art né au dix-septième siècle avec la formation de la société polie, après avoir brillé quelque temps de cette belle simplicité par laquelle tous les arts commencent, en était déjà à sa période d’affectation et de décadence. […] L’ignorance de l’anatomie faisait de la science de guérir un art purement empirique et conjectural. […]  ; article Art dramatique.

310. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PAUL HUET, Diorama Montesquieu. » pp. 243-248

Hoffmann, en son admirable conte de l’Église des Jésuites, à l’endroit où le peintre Berthold, ce pauvre génie incomplet, s’épuise dans ses paysages à copier textuellement la nature, introduit à son côté un petit Maltais ironique, espèce de Méphistophélès de l’art, qui lui frappe sur l’épaule et lui donne de merveilleux conseils : on dirait que M. Huet en a profité d’avance ; dans sa manière d’envisager et de peindre la nature, il serait tombé tout à fait d’accord avec Hoffmann et avec le petit Maltais ; voici le passage : « Saisir la nature dans l’expression la plus profonde, dans le sens le plus intime, dans cette pensée qui élève tous les êtres vers une vie plus sublime, c’est la sainte mission de tous les arts. […] C’est ainsi que certains paysages ne sont que des copies correctes d’un original écrit dans une langue étrangère. — L’artiste initié au secret divin de l’art entend la voix de la nature qui raconte ses mystères infinis par les arbres, par les plantes, par les fleurs, par les eaux et par les montagnes. […] J’ai toujours paru ne me préoccuper d’art qu’incidemment ; j’en ai rarement écrit, bien persuadé que, pour être tout à fait compétent en ces matières, il faut y passer sa vie ; mais je n’ai cessé tant que j’ai pu de voir et de regarder, et je n’ai pas laissé l’occasion de dire mon mot et de donner mon coup de collier à ma manière. […] La veille encore, à cinq heures du soir, cet ami de quarante ans était assis à mon coin du feu, causant, non sans quelque ombre de tristesse, de toutes ces choses qui nous étaient communes et chères, idées d’art et de philosophie sociale, souvenirs du passé, perspectives un peu sombres et voilées de l’avenir.

311. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VI. Des éloges des athlètes, et de quelques autres genres d’éloges chez les Grecs. »

L’univers a changé ; arts, sciences, travaux, instruments, guerres, tout est perfectionné, ou du moins tout a pris une forme différente ; la vigueur du corps n’est plus rien, l’intelligence a trouvé l’art de se passer de la force. […] Une force unique et terrible, distribuant au hasard les dangers, égale le fort au faible, et le courageux au lâche ; l’art même plus perfectionné décide presque toujours la victoire par les postes : le génie d’un homme rend inutiles les bras de cent mille hommes. […] Ainsi, avant l’invention de la poudre, c’est-à-dire avant qu’on eût découvert l’art d’unir la mollesse au courage, et que la faiblesse fût parvenue à détruire sans effort et à triompher sans mouvement, la force du corps a été et a dû être en effet dans la plus grande estime sur toute la terre. […] C’est là encore que l’on voit le génie de ce peuple, qui mêlait à ses plaisirs mêmes des leçons de grandeur ; là, tous les arts étaient asservis à la politique, et la musique même, qui ailleurs n’est destinée qu’à réveiller des idées douces et voluptueuses, ou à irriter une sensibilité vaine, célébrait dans Athènes les grandes actions et les héros.

312. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Eux, ayant entendu la lecture de ces divers poèmes, et les jugeant sans passion, sans esprit de rivalité, n’écoutant que l’intérêt de la vérité, et ne considérant que la convenance de l’art, déclarèrent unanimement que la compilation d’Aristarque et celle de Zénodote étaient les meilleures ; enfin, jugeant entre les deux, celle d’Aristarque eut la préférence. […] C’est une des facultés les plus naturelles et les plus universelles de l’homme que de reproduire en lui par l’imagination et la pensée, et en dehors de lui par l’art et par la parole, l’univers matériel et l’univers moral au sein duquel il a été placé par la Providence. […] Cette musique n’était que l’art de conformer le vers à l’accent et l’accent aux vers. […] Supposez, dans l’enfance ou dans l’adolescence du monde, un homme à demi sauvage, doué seulement de ces instincts élémentaires, grossiers, féroces, qui formaient le fond de notre nature brute, avant que la société, la religion, les arts eussent pétri, adouci, vivifié, spiritualisé, sanctifié le cœur humain ; supposez qu’à un tel homme, isolé au milieu des forêts et livré à ses appétits sensuels, un esprit céleste apprenne l’art de lire les caractères gravés sur le papyrus, et qu’il disparaisse après en lui laissant seulement entre les mains les poésies d’Homère ! […] En sorte que le monde ancien, histoire, poésie, arts, métiers, civilisation, mœurs, religion, est tout entier dans Homère ; que le monde littéraire, même moderne, procède à moitié de lui, et que, devant ce premier et ce dernier des chantres inspirés, aucun homme, quel qu’il soit, ne pourrait, sans rougir, se donner à lui-même le nom de poète.

313. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Puis, le romantisme a fait l’éducation artistique de Flaubert : du romantisme, il a retenu le sens de la couleur et de la forme, la science du maniement des mots comme sons et comme images ; de la seconde génération romantique, de Gautier et de l’école de l’art pour l’art, il a pris le souci de la perfection de l’exécution, la technique scrupuleuse et savante. […] Il sent dans Boileau un art impersonnel et la perfection d’une certaine technique. […] Aussi se faisait-il de l’art la plus haute idée : c’était sa religion, le remède au mal métaphysique, la raison de vivre. Par l’art seul, l’intelligence et la volonté saisissent leurs objets qui, partout ailleurs, leur échappent : dans l’art seulement, l’homme peut connaître et créer ; hors de l’art, il n’y a qu’illusion et impuissance. […] Mais ce romancier médiocre est un homme intelligent, d’esprit ouvert à toutes les idées, curieux d’art, de science, de philosophie, universel et cosmopolite comme un Genevois cultivé peut l’être.

314. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Si nos oreilles avoient été faites comme celles de certains animaux, il auroit fallu réformer bien de nos instrumens de Musique : je sais bien que les rapports que les choses ont entre elles auroient subsiste ; mais le rapport qu’elles ont avec nous ayant changé, les choses qui dans l’état présent font un certain effet sur nous, ne le feroient plus ; & comme la perfection des Arts est de nous présenter les choses telles qu’elles nous fassent le plus de plaisir qu’il est possible, il faudroit qu’il y eût du changement dans les Arts, puisqu’il y en auroit dans la maniere la plus propre à nous donner du plaisir. […] L’art vient à notre secours, & nous découvre la nature qui se cache elle-même ; nous aimons l’art & nous l’aimons mieux que la nature, c’est-à-dire la nature dérobée à nos yeux : mais quand nous trouvons de belles situations, quand notre vûe en liberté peut voir au loin des prés, des ruisseaux, des collines, & ces dispositions qui sont, pour ainsi dire créées exprès, elle est bien autrement enchantée que lorsqu’elle voit les jardins de le Nôtre, parce que la nature ne se copie pas, au lieu que l’art se ressemble toûjours. […] De plus la nature ne nous a pas situés ainsi ; & comme elle nous a donné du mouvement, elle ne nous a pas ajustés dans nos actions & nos manieres comme des pagodes ; & si les hommes gênés & ainsi contraints sont insupportables, que sera-ce des productions de l’art ? […] Une des plus belles fictions d’Homere, c’est celle de cette ceinture qui donnoit à Vénus l’art de plaire. […] Les Musiciens ont reconnu que la Musique qui se chante le plus facilement, est la plus difficile à composer ; preuve certaine que nos plaisirs & l’art qui nous les donne, sont entre certaines limites.

315. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Dans l’art surtout est visible le quid divinum. […] L’art a, comme l’infini, un Parce-que supérieur à tous les Pourquoi. […] L’arabesque dans l’art est le même phénomène que la végétation dans la nature. […] Il y a donc un art officiel, fils de la critique officielle. […] La nature n’a dans cet art-là qu’une entrée restreinte.

316. (1927) Des romantiques à nous

Cet art avait pénétré chez eux. […] Ils n’incorporaient pas à un art ce qui était sans art. Leur art en rejoignait un autre, un vieil art russe, quelque peu byzantin, son seul ancêtre légitime. […] Tout art est matière et l’on pourrait dire que tout y est matériel. L’art ne vit que de beauté.

317. (1864) Études sur Shakespeare

La poésie dramatique dépend, plus que tout autre genre, de cette profonde et générale union des arts avec la société. […] Le reflet de cette harmonie générale se répandit sur les lettres et les arts. […] Ainsi chaque art, chaque genre se développa librement, isolément, dans les limites de sa mission. […] Si le système romantique a des beautés, il a nécessairement son art et ses règles. […] Différent en ceci des autres arts, outre les règles absolues que lui impose, comme à tous, l’invariable nature de l’homme, l’art du théâtre a des règles relatives qui découlent de l’état mobile de la société.

318. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Le symbolisme n’apporta pas en réalité un art original, ni même une conception nouvelle de la beauté. […] Et puis efforçons-nous vers un art ingénu, naturel. […] Aussi le seul remède à cet état de choses sera donc de refuser aux arts ce caractère aristocratique où l’on voudrait le limiter. […] C’est cet art là que nous prêcha M.  […] « Il faut que les réformes d’art se subordonnent aux réformes mentales », a dit l’auteur de l’Annonciation.

319. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

Vielé-Griffin n’a usé que discrètement de la poésie populaire — cette poésie de si peu d’art qu’elle semble incréée — mais il eût été moins discret qu’il n’en eût pas mésusé, car il en a le sentiment, et le respect… Je ne parle pas de la part très importante qu’il a eue dans la difficile conquête du vers libre ; mon impression est plus générale et plus profonde, et doit s’entendre non seulement de la forme, mais de l’essence de son art : il y a, par Francis Vielé-Griffin, quelque chose de nouveau dans la poésie française. […] Aussi, jamais chez aucun écrivain les rapports entre la nature et l’art n’ont-ils paru si harmoniques et fonciers. La nature, dont le vrai rôle est d’être toujours le rythme de l’art, apparaît réellement chez lui inspiratrice divine, source et mère d’émotion, en qui convergent toute chanson et tout cœur. [L’Art jeune (15 janvier 1896).] […] Vielé-Griffin y sut allier la plus simple et la plus sincère inspiration rustique à un art d’autant plus parfait qu’il se dissimule.

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