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56. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Dans son état simple : 1°. […] On peut observer si un mot est simple ou s’il est composé ; juste, justice, sont des mors simples : injuste, injustice, sont composés. En Latin res est un mot simple, publica est encore simple, mais respublica est un mot composé. […] La figure, c’est d’être simple ou composé. Les adverbes sont de la figure simple, quand aucun autre mot ni aucune préposition inséparable n’entre dans leur composition ; ainsi justement, lors, jamais, sont des adverbes de la figure simple.

57. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Je me persuade qu’il y a là plus qu’une simple coïncidence. […] Sa conscience s’éclaire : « La simple honnêteté ne lui commandait-elle pas de sortir d’une Église, où il niait que Dieu pût se trouver ?  […] Il reçut dans les yeux, en plein visage, une éclaboussante gifle de lumière. » La conclusion s’impose aussitôt à son esprit ; la simple honnêteté lui commande de quitter le sacerdoce. […] Guinaudeau, c’est le caractère merveilleusement simple et vivant du récit. […] La vérité du séminaire, c’est ce que nous appelons d’un simple mot : erreur.

58. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — Q — Quellien, Narcisse (1848-1902) »

À l’entendre, on croirait que renaissent, avec les histoires du temps de la duchesse Anne, tous les exquis poèmes d’un passé d’amour simple et de simple croyance. […] C’est un simple et c’est un sincère.

59. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

Ainsi au lieu de supposer que les corps en mouvement subissent une contraction dans le sens du mouvement et que cette contraction est la même quelle que soit la nature de ces corps et les forces auxquelles ils sont d’ailleurs soumis, ne pourrait-on pas faire une hypothèse plus simple et plus naturelle ? […] Ces lois ont été étudiées par les expérimentateurs dans leurs moindres détails ; elles sont très précises et relativement simples. […] Les lois sont plus simples, mais elles sont de toute autre nature et pour ne citer qu’une de ces différences, pour les harmoniques d’ordre élevé le nombre des vibrations tend vers une limite finie ; au lieu de croître indéfiniment. […] Alors les faits qui d’abord nous apparaissaient comme simples ne seraient plus que les résultantes d’un très grand nombre de faits élémentaires que les lois seules du hasard feraient concourir à un même but. […] La mécanique vulgaire, plus simple, resterait une première approximation puisqu’elle serait vraie pour les vitesses qui ne seraient pas très grandes, de sorte qu’on retrouverait encore l’ancienne dynamique sous la nouvelle.

60. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

On se figure d’ordinaire les lois de l’évolution de l’esprit humain comme beaucoup trop simples. […] La variété ici devient parfois presque individuelle, une simple affaire de famille. […] La simple énonciation du fait est ce qu’il y a de plus difficile pour le peuple ; il y mêle toujours quelque explication apparente. […] La religion des Sémites nomades est extrêmement simple. […] I ou II) la simplicité d’Homère ne décrivant la grotte de Calypso que par cette simple épithète « tapissée de lilas ».

61. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VII. Philippe de Commines et Rollin. »

Comme écrivain de Vie, Philippe de Commines ressemble singulièrement à Plutarque ; sa simplicité est même plus franche que celle du biographe antique : Plutarque n’a souvent que le bon esprit d’être simple ; il court volontiers après la pensée : ce n’est qu’un agréable imposteur en tours naïfs. […] Chez les anciens, il fallait être docte pour écrire ; parmi nous, un simple chrétien, livré, pour seule étude, à l’amour de Dieu, a souvent composé un admirable volume ; c’est ce qui a fait dire à saint Paul : « Celui qui, dépourvu de la charité, s’imagine être éclairé, ne sait rien. […] Les premiers volumes de l’Histoire ancienne respirent le génie de l’antiquité : la narration du vertueux recteur est pleine, simple et tranquille ; et le christianisme, attendrissant sa plume, lui a donné quelque chose qui remue les entrailles.

62. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Nous connaissons les sensations simples et ces sentiments secondaires qui en sont les images. […] L’association a lieu non-seulement entre des idées simples, mais aussi entre des idées complexes, qui se fondent ensemble de façon à composer une idée qui paraît simple. […] Après avoir parlé, dit-il28, des états de conscience simples, nous devons passer aux états complexes. […] Cette explication de la mémoire est simple et ingénieuse, malheureusement elle n’est pas sans difficulté. […] L’auteur pense qu’on peut la résoudre aussi dans une simple association.

63. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Il est un point de vue pourtant, si un tel mot est permis en présence d’une figure si simple et si vraie, et la plus étrangère à toute attitude solennelle, il est un point de vue qui sera particulièrement le nôtre. […] Elle a raconté l’histoire de sa captivité et des événements arrivés au Temple depuis le jour où elle y entra jusqu’au jour où y mourut son frère, et elle l’a fait d’un style simple, correct, précis, sans un mot de trop, sans une phrase, comme il sied à un cœur profond et à un esprit juste parlant en toute sincérité des douleurs vraies, de ces douleurs véritablement ineffables et qui surpassent tout ce qu’on en peut dire. […] Une pareille idée d’opposition ne se présentera jamais, je puis l’assurer, à celui qui viendra de relire le simple récit chrétien et humain de Madame Royale au Temple. […] Sa vie était la plus régulière du monde et la plus simple, soit aux Tuileries, soit depuis dans l’exil. […] Les lettres qu’on a citées d’elle, et probablement toutes celles qu’elle a écrites, sont simples, sensées, un peu sèches au fond, et ne présentant rien de remarquable.

64. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Il divise les fables, en fables simples et en fables implexes ; il appelle simples, les actions qui, étant continues et unies, finissent sans reconnaissance et sans révolutions ; il appelle implexes, celles qui ont la révolution ou la reconnaissance, ou, mieux encore, toutes les deux. Dans la fable simple, il n’y point de révolution décisive ; les choses y suivent un même cours, comme dans Atrée. […] La fable implexe est à révolution simple ou à révolution composée. […] Il ne reste donc à la fable simple que le malheur d’un personnage mixte, c’est-à-dire qui ne soit ni tout à fait bon, ni tout à fait méchant. […] Il faut observer, dans cette sorte de fable, que celui qui a entrepris le crime ne l’abandonne pas par un simple changement de volonté, mais qu’il en soit empêché, par une cause étrangère.

65. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Qu’elle soit simple et claire. […] Si la scène est une, claire, simple et liée, j’en saisirai l’ensemble d’un coup d’œil ; mais ce n’est pas assez. […] C’est sans contredit le sujet le plus simple et la plus belle de ses esquisses. […] Et puis l’un est pur et simple imitateur, copiste d’une nature commune ; l’autre est, pour ainsi dire, le créateur d’une nature idéale et poétique. […] Quel groupe plus simple, plus beau que celui du Laocoon et de ses enfants ?

66. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Le roman, simple et complexe comme la vie, n’exclut rien, accueille tout témoignage, il peut tout dire et tout contenir. […] » Un événement très simple se produit, le retour d’Albert, fiancé de Charlotte. […] Stendhal analyse des idées, mais des idées en somme assez simples parce qu’elles sont superficielles. […] D’abord c’est l’amour simple et instinctif d’une belle jeune fille pour un beau jeune homme. […] Puis vient l’attente, des faits très simples, comme une visite manquée ; une rencontre prend une importance démesurée à ses yeux.

67. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

Mais, selon nous, une telle conclusion dépasse les prémisses du simple mécanisme et suppose un point de départ psychique. […] Voilà le vrai début de la volonté, qui, pour être encore extrêmement simple et infailliblement déterminée, n’en est pas moins déjà une impulsion se sentant elle-même, non un mouvement de rouage inerte. […] La volonté, ici, n’est pas encore tirée en divers sens, ni divisée d’avec soi ; sa marche est simple et rectiligne. […] Mais les neutres sont de simples femelles arrêtées dans leur développement sexuel ; la reine n’est qu’une femelle mieux nourrie et entièrement développée. […] Dès lors, il n’y a pas volition proprement dite, mais simple impulsion.

68. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Ce monument élégant et simple consiste en une fable de marbre verticale, d’un style grec, portant au fronton des tablettes entrelacées dans une couronne, la plume du correcteur et de l’écrivain, les emblèmes philologiques ; au milieu, le médaillon de Dübner, que couronnent deux figures allégoriques : une Minerve représentant l’Iliade, un Ulysse représentant l’Odyssée. […] Il ne serait même pas impossible de faire un jour, de tous ces morceaux dispersés, un petit recueil d’aménités littéraires philologiques à l’usage des simples amateurs de l’Antiquité, des humanistes curieux et non asservis à la routine. […] Victor Le Clerc et précisément comme d’un candidat possible pour l’Académie des Inscriptions, le savant et pédant doyen lui répondit de sa voix la plus aigre : « Nous avons résolu à l’Académie de ne nommer personne pour de simples recensions de textes. » M.  […] Lui étranger, il aurait manqué en cela du plus simple esprit de conduite. […] On dut en référer au Cabinet même de l’Empereur, où fut tranché le conflit en faveur de Dübner et de la simple équité.

69. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

VI. 4° Elle est une simple image sonore ; comment l’image tactile a disparu. […] La parole intérieure est une image simple, une image purement sonore ; de même, la parole extérieure d’autrui entendue par nous est une sensation simple, purement sonore ; mais il en est autrement de notre propre parole perçue par notre oreille en même temps qu’elle est produite par nos organes vocaux ; celle-ci est une sensation double, à la fois sonore et tactile, ou, pour mieux dire, un couple de sensations. […] Si, comme le soutient Bain, la parole intérieure était surtout une image tactile, par l’effet de quelle illusion Bossuet, Rivarol, Bonald n’ont-ils aperçu dans leur conscience qu’une simple image sonore ? […] Mais ce travail, si complexe qu’il soit, se résume en une affirmation simple, toujours la même ; aussi peut-on l’envisager d’une vue synthétique et l’appeler d’un terme simple : le jugement de perception externe. […] Le souvenir devient alors une simple réminiscence, un simple fait d’habitude ; il cesse d’être connu comme souvenir par l’être qui se souvient.

70. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Sans aborder encore l’examen de ces deux points, bornons-nous à présenter une observation fort simple, qui n’est d’ailleurs pas nouvelle. […] Nous avons, à mesure que nous avancions, multiplié les données irréductibles et grossi l’hypothèse simple d’où nous étions partis. […] La matière vivante, sous sa forme la plus simple et à l’état homogène, accomplit déjà cette fonction, en même temps qu’elle se nourrit ou se répare. […] On veut que ces états mixtes, tous composés, à doses inégales, de perception pure et de souvenir pur, soient des états simples. […] On raisonnera comme si elle nous était donnée, à la manière d’un souvenir, comme un état intérieur, comme une simple modification de notre personne.

71. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

C’est de-là que les mots sont primitifs ou dérivés, simples ou composés. […] Un mot est simple relativement aux autres mots qui en sont formés, pour exprimer avec la même idée quelqu’autre idée particuliere qu’on lui associe ; & ceux-ci sont les composés, dont le simple est en quelque sorte l’élément. […] Capio est un primitif simple ; particeps est un primitif compose ; capax est un dérivé simple ; participare est un dérivé composé. […] comment pourroit-il se faire que l’usage des langues s’accordât toûjours avec les vûes générales & simples de la nature ? […] La construction usuelle est donc simple ou figurée : simple, quand elle suit sans écart le procédé ordinaire de la langue ; figurée, quand elle admet quelque façon de parler qui s’éloigne des lois ordinaires.

72. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

À tout le moins, il a cet avantage incontesté, qu’en partant de quelques termes usuels il conduit aisément et promptement tout lecteur, par une série de combinaisons simples, jusqu’aux combinaisons les plus hautes365. […] Plus le thème est simple, et plus le développement est clair ; or, dans toute cette littérature, la première obligation de l’auteur est de développer clairement le thème qu’il s’est choisi. […] Il semble, à les lire, que les climats, les institutions, la civilisation, qui transforment l’esprit humain du tout au tout, soient pour lui de simples dehors, des enveloppes accidentelles qui, bien loin de pénétrer jusqu’à son fond, touchent à peine sa superficie. […] Parcourez les harangues de tribune et le club, les rapports, les motifs de loi, les pamphlets, tant d’écrits inspirés par des événements présents et poignants ; nulle idée de la créature humaine telle qu’on l’a sous les yeux, dans les champs et dans la rue ; on se la figure toujours comme un automate simple, dont le mécanisme est connu. […] Sauf dans les Pensées de Pascal, simples notes griffonnées par un chrétien exalté et malade, et qui certainement ne seraient pas restées les mêmes dans le livre imprimé et complet.

73. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Cependant Pajou en sait trop dans son art pour ignorer que la sculpture veut être plus grande, plus piquante, plus originale, et en même temps plus simple dans le choix de ses caractères et de son expression que la peinture, et qu’en sculpture point de milieu, sublime ou plat ; ou comme disait au sallon un homme du peuple : tout ce qui n’est pas de la sculpture est de la sculpterie. […] Je vois que ces soldats placés sur le fond qui tiennent la couverture levée feront une belle masse ; ils attendent sans doute que Pélopidas soit expiré pour la lui jetter sur le visage ; et je ne nie pas que cette idée ne soit simple et sublime. […] Pigalle, jettez-moi à bas et ce squelette, et cet Hercule, tout beau qu’il est, et cette France qui intercède ; étendez le maréchal dans sa dernière demeure, et que je voie seulement ces deux grenadiers affilant leurs sabres contre la pierre de sa tombe ; cela est plus beau, plus simple, plus énergique et plus neuf que tout votre fatras moitié histoire, moitié allégorie. […] La recherche et le luxe de son vêtement réclament encore contre son prétendu caractère ; l’innocence est simple en tout. […] Ce modèle de tombeau est simple et beau, l’ensemble en est pittoresque, et l’on ne désire rien à la figure de l’amitié de tout ce qui tient aux parties de l’art ; la position, l’expression, le dessin, la draperie, sont bien ; mais qu’est-ce qui désigne l’amitié plutôt qu’une autre vertu ?

74. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Nous ne le définissons jamais que par nos impressions présentes ou passées, futures ou possibles, complexes ou simples. […] Elle réduit le composé au simple, le dérivé au primitif. […] —  Point du tout. —  Vous croyez comme nous qu’on découvre les causes par la simple expérience ? […] Il est une simple analyse. […] Ce sont des portions de phénomènes, des extraits de cas complexes, des éléments simples enfermés dans des ensembles plus composés.

75. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Nous ne le définissons jamais que par nos impressions présentes ou passées, futures ou possibles, complexes ou simples. […] Elle réduit le composé au simple, le dérivé au primitif. […] — Point du tout. — Vous croyez comme nous qu’on découvre les causes par la simple expérience ? […] Il est une simple analyse. […] Tout notre effort consiste à passer de l’un à l’autre, du complexe au simple, des faits aux lois, des expériences aux formules.

76. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

La découverte de la loi dernière de nos actes psychologiques aurait donc cela de commun avec bien d’autres découvertes, d’être venue tard et de paraître si simple qu’on ait le droit de s’en étonner. […] S’il y a deux sensations successives et entre elles une différence de nature, moins encore, un simple hiatus entre deux moments d’une même sensation, moins encore, une différence d’intensité, alors il se produit une conscience plus ou moins claire : la vie psychologique est née. […] Associations simples. […] C’est dans les hémisphères cérébraux que la cohésion des actes associés se produit : deux courants de force nerveuse font jouer deux muscles l’un après l’autre ; ces courants, affluant ensemble au cerveau, forment une fusion partielle, qui, avec le temps, devient une fusion totale : — Ce qui est encore plus curieux que cette fusion des mouvements réels, c’est la fusion des simples idées de mouvements. […] La perception d’un objet externe n’est nullement un acte aussi simple qu’il semble au vulgaire ; pour qu’elle se produise, il faut qu’un grand nombre d’éléments, d’abord distincts, se soient associés par une répétition constante et uniforme.

77. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

La simple constatation des faits ne pourra jamais parvenir à constituer une science. […] Sans doute la médecine doit commencer par être une simple observation clinique. […] Elles renferment les cas les plus simples. […] Les corps simples des chimistes ne sont des corps simples que jusqu’à preuve du contraire. […] Rien n’est plus ordinaire, et c’est même le procédé le plus simple pour commencer un travail scientifique.

78. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Est-ce là une simple distraction ? […] C’est là un de ces pièges que tend le dictionnaire aux âmes simples. […] Chez l’un, c’est une surprise amusée, narquoise « simple rougeole. […] … oui, sans doute, mais l’incantation, pure et simple, a commencé. […] Les simples, les enfants.

79. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Les salons que l’auteur avait en vue n’y sont pas peints avec vérité, par la raison très simple que Beyle ne les connaissait pas. […] Il nous offre d’abord la vue d’une jolie petite ville de Franche-Comté avec son maire royaliste, homme important, riche, médiocrement sot, qui a une jolie femme simple et deux beaux enfants ; il s’agit pour lui d’avoir un précepteur à domicile, afin de faire pièce à un rival de l’endroit dont les enfants n’en ont pas. […] Au sortir de cette lecture, j’ai besoin de relire quelque roman tout simple et tout uni, d’une bonne et large nature humaine, où les tantes ne soient pas éprises de leurs neveux, où les coadjuteurs ne soient pas aussi libertins et aussi hypocrites que Retz pouvait l’être dans sa jeunesse, et beaucoup moins spirituels ; où l’empoisonnement, la tromperie, les lettres anonymes, toutes les noirceurs, ne soient pas les moyens ordinaires et acceptés comme indifférents ; où, sous prétexte d’être simple et de fuir l’effet, on ne me jette pas dans des complications incroyables et dans mille dédales plus effrayants et plus tortueux que ceux de l’antique Crète. […] Je voudrais un style plus simple ; mais, dans ce cas, les provinciaux l’achèteraient-ils ? […] Enfin il se donne bien de la peine pour s’expliquer une chose très simple ; il n’était pas de ceux à qui l’image arrive dans la pensée, ou chez qui l’émotion lyrique, éloquente, éclate et jaillit par places dans un développement naturel et harmonieux.

80. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Mais la Restauration devait amener dans le monde élevé, et à la surface de la société qu’elle favorisait, d’autres combinaisons moins simples que celles-là. […] Simple comme elle était, il semble qu’elle aurait pu s’ignorer toujours. Elle avait un don singulier de se proportionner à chaque chose, à chaque personne, et cela naturellement, sans effort et sans calcul ; elle était très-simple avec les simples, peu spirituelle avec les insignifiants, non par dédain, mais parce qu’il ne lui venait alors rien de plus vif. […] à conjurer ces fantômes : je ne savais pas qu’il n’y a de repos qu’en vous ; » quand on entend ce simple élan interrompre le récit, on sent que l’auteur lui-même s’y échappe et s’y confond, et qu’il dit sa propre pensée par la bouche de cette martyre. […] Veiller, c’est soumettre l’involontaire… » Quel sens mélancolique et profond les simples paroles suivantes n’empruntent-elles pas sur les lèvres de Mme de Duras !

81. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

On sait que la sélection des idées et leur suggestion a lieu tantôt en vertu de la simple rencontre ou contiguïté des impressions dans le temps, tantôt en vertu de leur ressemblance ou similarité. […] Le cerveau ne connaissait guère que la contiguïté, dont la similarité d’impressions est une conséquence ; l’intelligence ne connaît guère que la similitude, dont la contiguïté est pour elle une simple espèce et une ébauche. […] Aussi, des ressemblances les plus extérieures et les plus superficielles, comme celles qui tiennent à de simples coïncidences de temps ou de lieu, la pensée dégage peu à peu des ressemblances plus intimes et plus profondes. […] James, de dissocier préalablement ce qui avait été associé par la simple habitude et par la fréquence des simples contiguïtés. […] La conscience n’est donc ni si haut ni si bas que la placent ses admirateurs ou ses détracteurs : elle n’est pas une puissance indépendante du mécanisme naturel, mais elle n’est pas non plus un simple effet accidentel et superficiel de ce mécanisme ; elle est l’intérieur dont le mécanisme est l’extérieur.

82. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

Seulement, l’énoncé de la loi serait différent, parce qu’il serait traduit dans un autre langage ; il ferait évidemment beaucoup moins simple. De sorte que la définition implicitement adoptée par les astronomes peut se résumer ainsi : Le temps doit être défini de telle façon que les équations de la mécanique soient aussi simples que possible. […] Pour ne pas nous perdre dans cette infinie complexité, faisons une hypothèse plus simple ; considérons trois astres, par exemple, le Soleil, Jupiter et Saturne ; mais, pour plus de simplicité, regardons-les comme réduits à des points matériels et isolés du reste du monde. […] Je prendrai deux exemples simples ; la mesure de la vitesse de la lumière et la détermination des longitudes. […] Ainsi on adopte pour la vitesse de la lumière une valeur telle que les lois astronomiques compatibles avec cette valeur soient aussi simples que possible.

83. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

Le reste se composait de pêcheurs et de simples gens. […] Ils préludaient vraiment au royaume de Dieu, simples, bons, heureux, bercés doucement sur leur délicieuse petite mer, ou dormant le soir sur ses bords. […] L’œil clair et doux de ces âmes simples contemplait l’univers en sa source idéale ; le monde dévoilait peut-être son secret à la conscience divinement lucide de ces enfants heureux, à qui la pureté de leur cœur mérita un jour de voir Dieu. […] Une totale indifférence pour la vie extérieure et pour le vain appareil de « confortable » dont nos tristes pays nous font une nécessité, était la conséquence de la vie simple et douce qu’on menait en Galilée. […] L’avarice était le péché capital 495 ; or il faut bien remarquer que le péché « d’avarice », contre lequel la morale chrétienne a été si sévère, était alors le simple attachement à la propriété.

84. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

Simples ou complexes ? […] Est-elle courte, simple, violente, réduite à une crise rapide, comme c’est le cas dans nos tragédies classiques ? […] Rien de plus simple ensuite que de les classer d’après leur nature. […] En allant du simple au composé, nous rencontrons bientôt sur notre chemin deux analyses plus difficiles : celle du ton, celle du style proprement dit. […] simple ou élégant ?

85. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence en général. » pp. 177-192

La sublime est un mot vuide de sens : la simple est la seule qu’on puisse employer ? […] Il ne se moque point de Rollin, qui, l’ayant divisée après Aristote & Cicéron, en genre simple, en genre tempéré & en genre sublime, fait des comparaisons qui, quoique précédées d’explications, loin d’éclaircir, embrouillent davantage. […] Qui ne voit, sans tout cela, que le simple est celui qui n’a que des choses simples à dire ; le tempéré, celui qui regarde des matières de pur agrément, & sur lesquelles il ne faut répandre que des fleurs ; le sublime, celui qui roule sur de grands intérêts ? […] Il fit une réponse à l’adversaire qu’il ne jugeoit pas un concurrent digne de lui, mais une réponse simple, courte, & dans laquelle il lui reproche ses erreurs, ses bevues & ses mauvais raisonnemens.

86. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maeterlinck, Maurice (1862-1949) »

Maeterlinck se caractérise en ceci : qu’il s’exprime en phrases très claires, très simples, mais à double ou à triple sens, sens de plus en plus lointains sans cesser jamais d’être cohérents, et de s’amplifier les uns par les autres. […] Maeterlinck n’est pas un simple fantastique, et cet art n’est chez lui qu’une méthode, plus au juste une expression naturelle de son tempérament. […] L’atmosphère relative des Sept Princesses rappelle la Princesse Maleine ; d’autre part, les Sept Princesses, sans être tout à (ait, comme la Princesse Maleine, une suite d’accidents, une tranche d’histoire légendaire, n’est pas non plus le simple fait normal de l’Intruse ou des Aveugles. […] Il y a plus : il y a l’apport d’une émotion artistique de qualité spontanée et neuve, il y a l’emploi d’une phrase dont l’apparence simple est un miroir profond d’attitudes séculaires et de pensées accumulées, héritage perpétuel que se transmettront à jamais les âmes.

87. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Pol-Roux (1861-1940) »

Camille Mauclair Un berger ivre de soleil et de thym, mais dont les moutons auraient égaré leurs bêlements sur le chemin de la lumineuse Damas, c’est peut-être tout Saint-Pol-Roux, poète simple à la ferveur gaie, en qui se recèle un adorateur farouche de la Pourpre… Voici un homme au cœur vrai, pour qui le monde visible existe, tumultueux traineur d’images de pierreries dans la sèche politesse de nos logiques latines, j’ai dit ailleurs : le Monticelli des lettres. […] Ainsi la scène III du sixième tableau où la Communion des Amants : Simples comme la brise des vallons et de la mer, Simples comme l’aurore et comme l’eau de source… Le style imagé, coloré, souple et neuf convient étroitement à ce sujet d’humanité large. […] À sa voix, tout s’anime, tout prend corps ; les monstres surgissent de partout, apocalyptiques, hurlant chacun son symbole ; la nature inanimée se gonfle, se tord et, prise d’enfantement, accouche d’une création horrifique ; on s’effare ; on roule de cauchemar en cauchemar ; on se croit dans une autre planète ; et, tout à coup, au brusque déclic d’une métaphore, à un détour de phrase, à un mot, on s’aperçoit qu’il s’agit au fond de choses très simples dans le décor de l’éternelle poésie.

88. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

On voit que ce rapport n’a rien de mystérieux ; c’est une simple condition physique qui fait que le chemin est praticable ou non pour le parasite. […] C’était là, bien entendu, une simple désignation et non une explication. […] Le premier microscope simple avait été fabriqué en 1590 par le Hollandais L. […] Cet état, qui est le plus simple et le plus jeune sous lequel se présente l’élément, ne persiste pas ordinairement. […] Je n’y fus pas amené par des idées préconçues, mais au contraire par l’observation pure et simple des faits.

89. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

La seconde loi de la vie, et de l’art qui l’exprime, est le passage constant d’un état plus simple, relativement homogène, à un état plus complexe d’hétérogénéité. […] Elle fut d’abord populaire, universelle, très simple et comprise par tout un peuple. […] Nous pouvons savoir, seulement, que les émotions furent, au début, simples et peu nombreuses, fort vagues : et que les musiques des nations primitives furent spécialement rythmiques. […] Le peuple d’Allemagne était resté une race simple et naïve, spécialement disposée, par une multitude de circonstances historiques, à ressentir les émotions. […] Au dix-huitième siècle, les émotions n’avaient point cessé être naïves et simples t elles étaient devenues plus spirituelles.

90. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

De plus, l’« âme » est par définition un « être simple », et cet être prétendu simple devient par la mémoire une sorte de réceptacle et de magasin, comme celui que saint Augustin décrit éloquemment, ou l’on admet la présence « latente » des idées ; on introduit ainsi dans l’âme une multiplicité indéfinie d’images, on place en elle le pendant de toute la variété qui vient se peindre dans le cerveau : champs, maisons, villes, mers, ciel ; dès lors, à quoi bon surajouter à l’organisme vivant un être nouveau qui n’est que le double de cet organisme ? […] Quand je suis bien loin du clocher et dans un tout autre milieu, l’écho affaibli pourra se produire encore à l’occasion d’une simple représentation de la cloche. […] Sans doute, outre la simple propagation continue du mouvement, il faut considérer encore les modifications de structure que subit le cerveau, c’est-à-dire les traces laissées par le mouvement même dans cet organe. […] Une simple idée, causée par l’excitation des centres et non de la périphérie, produit toujours une certaine réaction émotionnelle, plus ou moins faible ; si l’idée est intense, vive, claire, elle produit une émotion plus intense et plus vive. […] Ici encore la régression va du plus complexe au plus simple, du moins organisé au plus organique.

91. (1903) Le problème de l’avenir latin

La raison de cet insuccès me paraît assez simple. […] Les simples faits cependant ont assez d’éloquence. […] Un simple regard jeté sur le monde suffit à l’établir. […] Dans l’état où nous sommes, fonder de l’espoir sur la pure et simple tolérance, c’est de la puérilité. […] Ce ne serait nullement par simple raison d’inimitié entre notre race et celle de nos vainqueurs.

92. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

A l’état de simple tendance, elle est partout dans la rature. […] Commençons par le cas le plus simple. […] On voit comment il y a une magie naturelle, très simple, qui se réduirait à un petit nombre de pratiques. […] Mais l’ensemble en est fort simple. […] Il y a l’acte de voir, qui est simple, et il y a une infinité d’éléments, et d’actions réciproques de ces éléments les uns sur les autres, avec lesquels l’anatomiste et le physiologiste reconstituent l’acte simple.

93. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Mais un fait est en réalité un faisceau d’inférences : un fait aussi simple que celui de voir une pomme sur une table, suppose outre la simple sensation de couleur, le rappel des idées de rondeur, saveur, etc. […] Quand John Hunter cherchait dans l’anatomie comparée l’élucidation de divers problèmes anatomiques, on se riait de lui : et maintenant tout le monde sait que l’embryologie et la physiologie comparées sont les plus sûrs guides dans toutes les questions biologiques, parce que les organismes simples sont plus faciles à étudier que les organismes complexes. […] Pourquoi, avec des jeux, voyons-nous les objets simples ? […] Nous voyons les objets simples avec nos deux yeux ; mais nous entendons aussi les sons simples avec deux oreilles ; nos deux narines nous donnent une odeur simple ; nos cinq doigts nous donnent les objets simples. […] Lewes, qu’elle est très simple.

94. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

. — Le premier moment du processus est la conscience d’une construction la plus simple par laquelle nous concevons des volontés autre que notre volonté. — Est-il vrai que la conscience ne puisse se dépasser soi-même. […] Je distingue de même les mouvements actifs et les mouvements passifs, par exemple un mouvement volontaire de mon bras et un coup reçu sur mon bras, ou même un simple déplacement involontaire de mon bras, quoique non douloureux d’ailleurs. […] D’une chose toute simple ils font un mystère insondable. […] Il y a toujours là un simple effet de déduction, de projection et, en définitive, d’imagination. […] Le zoomorphisme est la métaphysique instinctive de tous les animaux, et il se réduit à une simple combinaison d’images.

95. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Quand il s’agit d’une peine passée, il y a un sentiment de délivrance particulier, qui suppose encore une simple idéalité par opposition à la réalité. […] Le sentiment de ce dynamisme et de cet ordre interne, ce sera la représentation de la succession, qu’il faut se garder de confondre avec la simple succession des représentations. […] Renouvier a tort de croire que, pour Kant, l’intuition pure du temps soit simplement « la puissance mentale du classement des objets de la pensée en tant que successifs et plus ou moins durables », une simple « fonction du temps », une simple « loi » aboutissant à la « représentation des successifs »132. […] Une simple conception est elle-même un complexus de sensations possibles et, pour saisir ce complexus, il faut embrasser les parties dans un même regard intérieur. […] Le rêve d’éternité intemporelle, fait par Kant, est une simple idée dont rien ne peut garantir la valeur.

96. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

A priori elle acceptera la doctrine de l’unité simple de la connaissance, et de l’unité abstraite de la nature. […] Par un simple sic jubeo, elle pose un désordre qui serait une « absence d’ordre ». […] Dans la composition d’une oeuvre géniale comme dans une simple décision libre, nous avons beau tendre au plus haut point le ressort de notre activité et créer ainsi ce qu’aucun assemblage pur et simple de matériaux n’aurait pu donner (quelle juxtaposition de courbes connues équivaudra jamais au trait de crayon d’un grand artiste ?) […] Que le jeu pur et simple des forces physiques et chimiques puisse faire cette merveille, nous avons peine à le croire. […] Mais à travers les mots, les vers et les strophes, court l’inspiration simple qui est le tout du poème.

97. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Oui, si Dieu me demandait, pour lui épargner cette peine, d’éteindre ma pensée, de me condamner à une vie simple et vulgaire, j’accepterais. […] Je tremble quelquefois de voir en ma conduite une sorte d’hypocrisie ; mais j’ai sérieusement raisonné là-dessus ma conscience : Dieu me garde de scandaliser ces simples ! […] Je me figurais au milieu d’une foule turbulente, grossièrement ambitieuse, et moi, au milieu, simple et timide ; et il fallait se mêler à cette tourbe. Que de fois je fus tenté de choisir une vie simple et vulgaire, que j’aurais su ennoblir par l’intérieur. […] Que les âmes simples possèdent, beaucoup de vrai, oh !

98. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

La phrase reste toute simple ; elle parlait à l’imagination, elle parle au cœur, c’est-à-dire aux deux forces qui commandent à tous. […] Or ses livres sont des livres simples. […] La crise du roman est due, en partie, à l’erreur où nous sommes tombés, en prenant le roman pour une simple distraction et un amusement de lettrés. […] Que faut-il accepter et que faut-il rejeter, dans l’immense confusion d’idées qui nous presse, nous les simples, nous les pauvres ?  […] » Et d’abord, soyez simples, afin d’être compris.

99. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Après une journée de tumulte, on recouvre la tranquillité, par le simple effet sympathique de mouvements mesurés, comme la musique et la conversation de personnes calmes. […] Toutefois le toucher, considéré comme source de ces idées, n’est pas un sens simple ; il suppose de plus le sens du mouvement. Notre appréciation du poids d’un objet dépend beaucoup de l’exercice des muscles, quoiqu’elle puisse résulter aussi d’une simple sensation de pression exercée sur la peau. […] La succession est un fait simple, la coexistence un fait complexe. […] Comment se fait-il que l’image de chaque objet se peignant au fond de chaque œil, sur chaque rétine, l’objet cependant est perçu comme simple et non comme double ?

100. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Les vieux traités de rhétorique distinguaient le style simple du style sublime ; ils opposaient le style simple au style figuré. Pourtant le style sublime n’est souvent qu’une forme du style simple : rien de plus simple que le « qu’il mourût » ; rien de plus simple que la plupart des traits sublimes de la Bible et de l’Evangile. […] Faire des métaphores naturelles, empruntées au milieu où nous vivons habituellement (milieu qui va s’élargissant tous les jours pour l’homme des sociétés modernes), ce n’est pas sortir du simple. […] La poésie ne consiste plus à nos yeux que dans l’expression ; or, l’expression est d’autant plus vive que le mot est plus simple et s’applique plus exactement à l’idée. […] Qu’il s’agisse d’une chose, d’un être ou d’une simple idée, nous éprouvons une joie infinie à retrouver, à revenir vers ce qui est déjà connu, déjà ami par conséquent.

101. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

On aurait pu dire de son livre ce qu’on dit un jour de l’affreux Richard Cœur-de-Lion : « Prenez garde à vous, le diable est déchaîné » … Le livre des Blasphèmes est la conséquence très simple de l’état général des esprits. […] Respectons les joies simples des simples et ne médisons pas des albums d’Épinal en qui leurs âmes trouvent, malgré tout, des motifs de rêve et de désintéressement. […] Comme ce vers est simple tout ensemble et savoureux ! […] … Ceci forme un petit drame simple, exquis par sa simplicité même.

102. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

Le cardinal de Fleuri fut modeste et simple ; il eut l’ambition de l’économie et de la paix, deux choses qui font le bonheur des États, mais qui n’ébranlent point les imaginations. […] Peut-être cette différence est-elle seulement l’ouvrage du goût ; sans doute le panégyriste a pensé que toute espèce d’éloquence a un peu de faste, et que lorsque les événements ont de la grandeur, le ton doit être simple ; peut-être aussi cette différence tient-elle à celle des siècles. […] Le commencement est d’une élévation tranquille et d’une majesté simple. […] On citerait les grandes actions ; on citerait cette foule de traits qui, dans le cours d’une campagne ou d’une guerre, échappent à des héros que souvent on ne connaissait point ; car il est des hommes qui, simples et peu remarqués dans l’usage ordinaire de la vie, déploient dans les grands dangers un grand caractère, et révèlent tout à coup le secret de leur âme. […] Souvent même l’orateur prononcerait devant le souverain le nom de simples soldats ; il célébrerait en eux une sorte d’héroïsme inculte et sauvage, qui fait de grandes choses avec naïveté, et qui étonne quelquefois les autres sans se connaître lui-même.

103. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

C’est là, peut-être, une simple application de cette loi générale que les mouvements réflexes sont plus forts quand l’action des centres nerveux est moindre. […] Puisqu’ils doivent mourir, les êtres seront tout entiers dans leur regard, dans leur sourire, dans une simple parole, signes fuyants qui ne se reproduiront pas. […] La des peinture simples ridicules, comme dans Molière, n’a rien de démoralisant. […] Mais déjà la peinture des vices est plus dangereuse que celle des ridicules et des simples passions. […] De plus le luxe, recherchant la rareté, recherchera souvent la surcharge d’ornements ; or l’art véritable est simple.

104. (1926) L’esprit contre la raison

j » Or cette méfiance n’est pas un fait simple. […] Pour donner tout son sens au simple geste humain, son principe, il doit pousser hors de la réalité quotidienne la créature qui lui sert de truchement. […] Ils essaient de se rattraper aux branches secondaires, de dessiner des arabesques, d’oublier le fond pour la forme, de ne plus penser au pourquoi, mais au plus simple, au plus facile comment. […] Ainsi nous hante le secret d’une création si simple, si naturelle que nous allons droit aux toiles, comme si leur cadre en vérité n’était qu’une simple portecb. […] Cette citation montre que le divorce entre le corps et l’être, la souffrance devant un corps étriqué qui contraint la pensée ne peut être éludée par un simple renvoi à une pathologie exceptionnelle.

105. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Le duc de Chevreuse, tel qu’on le voit et par Saint-Simon, et dans sa correspondance avec Fénelon, se montre à nous précisément comme un type de ces hommes qui raisonnent à merveille, qui raisonnent trop bien, qui raisonnent sur tout et à perte de vue : seulement le principe d’où ils partent est faux ou contestable : « On était perdu, dit Saint-Simon, si on ne l’arrêtait dès le commencement, parce qu’aussitôt qu’on lui avait passé deux ou trois propositions qui paraissaient simples et qu’il faisait résulter l’une de l’autre, il menait son homme étant jusqu’au bout. » On sentait bien qu’il n’avait pas raison, mais il raisonnait si serré qu’on ne trouvait plus le joint pour rompre la chaîne. […] C’était bien la peine, dira-t-on, de faire la plus simple et la plus sensée des Logiques tout exprès pour quelqu’un, et d’atteindre justement en sa personne à ce résultat. […] Soyons simples, humbles, et sincèrement détachés avec les hommes : soyons recueillis, calmes et point raisonneurs avec Dieu. […] Il faut avouer que je vous ai toujours vu, dans votre enfance, aimant à être en particulier, et ne vous accommodant pas des visages nouveaux. » Il voudrait le voir accessible, ouvert à tous, sachant s’entourer mieux qu’il ne fait et de personnes plus considérées, sachant un peu proportionner ses témoignages de confiance à la réputation publique de ceux à qui il les accorde ; il voudrait surtout le mettre en garde contre tout ce qui semble dénoter une dévotion sombre, timide, scrupuleuse : Pour votre piété, si vous voulez lui faire honneur, vous ne sauriez être trop attentif à la rendre douce, simple, commode, sociable… (Et dans une autre lettre, à quelques jours de là) : Vous devez faire honneur à la piété, et la rendre respectable dans votre personne. […] Il faut la pratiquer d’une manière simple, douce, noble, forte et convenable à votre rang.

106. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

 » Ce sont là de ces passages qui ravissaient Fénelon : « Tout ce que l’esprit ajouterait à ces simples et touchantes paroles ne ferait, disait-il, que les affaiblir. » Le vœu de Tibulle se voyant en idée au lit de mort et tenant de sa main défaillante la main de son amie, Didon adjurant Énée au nom de tout ce qu’il y a plus doux et de plus sacré dans le souvenir, nous reviennent en mémoire ; mais Térence ici n’a rien à craindre à la comparaison. […] Comment traduire des beautés si simples ? […] Et aji même temps, pas une déclamation, pas une épithète inutile, pas de tirade proprement dite et pour la galerie ; c’est l’expression même de la nature, « une naïveté inévitable qu’il plaît et qui attendrit par le simple récit d’un fait très-commun. » C’est encore Fénelon qui dit cela. […] On me dira qu’il ne faut pas tant admirer des particularités de diction si simples, et que c’est la nécessité du vers qui détermine le plus souvent et commande cet heureux placement des mots. […] » Et M. de Belloy, homme de goût, serait le premier à confesser qu’il a été dans un embarras inexprimable en présence de ces beautés simples et courantes où les liaisons surtout et les petits mots, les mille attaches du discours, sont si difficiles ou plutôt impossibles à rendre.

107. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

La douleur d’un individu ne se transmet donc pas nécessairement à un autre sous forme de douleur ; ou, en tout cas le trouble nerveux qui se transmet peut être compensé d’autres causes, agir comme un simple, stimulant, aboutir même dans certains cas à ce qu’on a appelé la volupté de la pitié. […] On peut presque à volonté faire passer tour à tour une même sensation du domaine du simple plaisir dans le domaine du plaisir esthétique, ou de celui-ci dans celui-là. […] Un simple rayon de soleil ou de lune nous touche s’il évoque dans notre pensée les figures souriantes des deux astres amis. […] Le rythme le plus primitif, le simple roulement des coups frappés par nos doigts ou par le tambour, c’est encore le mouvement et la vie, car le rythme est la représentation d’une marche, d’une course, d’une danse, des battements du cœur. […] D’après le docteur Hammond de New-York, l’odeur de sainteté n’est pas une simple figure de rhétorique ; c’est l’expression d’une sainte névrose, parfumant la peau d’effluves plus ou moins agréables au moment du paroxysme religieux extatique.

108. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. […] Les mots peuvent être regardez, ou comme les signes de nos idées, ou comme de simples sons. […] Quant aux mots considerez comme de simples sons qui ne signifieroient rien, il est hors de doute qu’à cet égard les uns ne plaisent davantage que les autres, et par consequent que certains mots ne soient plus beaux que d’autres mots. […] Les simples soldats, les ouvriers mêmes ont des compagnons ; mais les magistrats seuls ont des collégues. […] Les mots françois sont donc, generalement parlant, moins beaux que les mots latins, soit qu’on les examine comme signe des idées, soit qu’on les regarde comme de simples sons.

109. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Si l’effet de l’éloquence est de faire passer dans l’âme des autres le mouvement qui nous anime, il s’ensuit que plus le discours sera simple dans un grand sujet, plus il sera éloquent, parce qu’il représentera le sentiment avec plus de vérité. […] L’éloquence ne ‘consiste donc point, comme quelques anciens l’ont dit, et comme tant d’échos l’ont répété, à dire les grandes choses d’un style sublime, mais d’un style simple. […] Quelques écrivains modernes ont prétendu que ce passage, bien loin d’être un exemple sublime, en était un au contraire de simplicité ; ils prenaient pour l’opposé du sublime ce qui en fait le véritable caractère, l’expression simple d’une grande idée. […] Le style naturel et simple, dit Pascal, nous enchante avec raison ; car on s’attendait à un auteur, et on trouve un homme. […] La plupart des poètes, accoutumés au langage ordinaire de la versification, le transportent comme malgré eux dans leur prose : ou s’ils font des efforts pour la rendre simple, elle devient contrainte et sèche ; et s’ils s’abandonnent à la négligence de leur plume, leur style est traînant et sans âme.

110. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Un simple symbole de l’intensité et de la durée, un mode de représentation imaginatif des successions possibles et des intensités possibles d’effort. […] Des expériences fort simples démontrent cependant le contraire116. […] Il est beaucoup plus simple d’apprendre à deviner empiriquement et machinalement les situations relatives des objets. […] Or, il est clair que ces sensations différent selon les trois dimensions, l’animal n’étant ni une simple ligne, ni une simple surface, mais un solide en équilibre. […] Les sensations cutanées semblent dépourvues d’accommodation, mais c’est peut-être une simple apparence.

111. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

Le climat n’est pas un agent simple, une force unique : il n’est pas seulement déterminé par le degré de latitude d’un pays, comme l’indiquerait son nom et comme parut le croire Montesquieu. […] S’il en subissait pleinement l’influence, le cas serait simple ; c’est celui des sauvages. […] Une remarque bien simple devient, entre les mains du spirituel auteur, la clef d’une multitude de phénomènes moraux : c’est qu’au nord il y a des nuits et des hivers, et peu ou point au midi.

112. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Deroulède, Paul (1846-1914) »

Il savait mal son métier ; ses rimes étaient pauvres et, parfois, se réduisaient à la simple assonance. […] Dans cette casemate, au milieu de ce paysage de la Turbie, où Banville lui-même chanta jadis son amour du laurier, parmi ces braves gens qui fumaient, dormaient ou jouaient aux cartes autour de moi, et que j’avais lentement appris à connaître depuis trois ou quatre mois, les mots, même les plus simples, avaient pris un nouveau sens, plus vivant, plus humain, s’étaient gonflés pour moi d’une sève nouvelle, d’une substance plus française, plus noble et plus populaire à la fois. […] Les vers, vierges de toute littérature, étaient allés droit à l’âme des simples, et, grâce à ces chants modestes, tous ces braves gens s’étaient sentis soudain liés à la vie de leurs compagnons, à l’avenir de leur régiment, aux destinées de leur pays.

113. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pottecher, Maurice (1867-1960) »

Henri Barbusse À Bussang, au pied des montagnes des Vosges, à mi-côte d’une hauteur verte magnifiquement encadrée d’un décor d’éléments, s’ouvre simple et grandiose, avec des airs d’horizon, la scène du Théâtre du Peuple. […] Il a pensé qu’il serait bon d’attirer vers des spectacles simples, sains, moralisateurs, la foule des travailleurs des champs, des paysans, des pauvres, qui n’ont trop souvent rien de beau à se mettre sous les yeux. […] Ces idées sont choisies parmi les plus simples, les plus générales et surtout les plus à la portée du peuple.

114. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Vue de loin, en effet, l’histoire prend assez bien cet aspect sériaire et simple. […] Et cependant, il est impossible de savoir par une simple inspection si réellement la coopération est le tout de la vie sociale. […] Si, dès le début de la recherche et en quelques mots, il procède à cette classification, c’est qu’il l’a obtenue par une simple analyse logique. […] En effet, on reconnaît principalement une chose à ce signe qu’elle ne peut pas être modifiée par un simple décret de la volonté. […] Garofalo prend pour le genre ce qui n’est que l’espèce ou même une simple variété.

115. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Lefèvre est, sous ce point de vue du style, un des plus instructifs exemples à consulter ; les défauts, les taches continuelles, qui s’y allient sans remède a une inspiration toujours réelle et sincère, font bien nettement comprendre le mérite du facile et du simple les beaux vers purs, qui se détachent çà et là isolés, entretiennent ce sentiment de regret. […] » Je ne chicanerai pas le poëte sur cette prétendue modestie, qui pourrait sembler à plusieurs une très-innocente et très-excusable vanité ; je serais fâché d’être dur, en insistant sur un simple caprice de cœur souffrant. […] Il aura beau dire que les épigraphes ne sont choisies qu’après sa pièce composée, et comme un simple enjolivement du titre, je reconnais souvent, dans le cours même du poëme, la traduction des vers et des pensées que m’avait offerts la petite préface anthologique. […] Mais lorsque le poëte, s’enfonçant fatalement dans une passion qui lui devient un supplice et une colère, ne se borne plus à reproduire par son procédé métaphysique des sentiments assez éprouvés de tous, lorsqu’il en vient aux invectives et à ce qu’il intitule ses agonies, alors, au lieu d’un simple regret et d’une fatigue, le lecteur qui persiste se soumet à la violence la plus pénible ; ce n’est pas une douleur enveloppée de chants, ce n’est pas même une blessure vivement entr’ouverte qu’il a devant lui ; c’est une plaie toute livide, un râle d’agonisant, quelque chose qui ressemble aux symptômes d’un empoisonnement physique. […] Timide et fier, et même un peu sauvage, il ne laissait pas d’en souffrir. « Dans sa droiture et dans sa fierté, » nous dit quelqu’un qui l’a bien connu, « il avait un tel éloignement de tout ce qui ressemble à l’intrigue, qu’il poussait cette aversion jusqu’à se refuser les plus simples démarches et relations qui pouvaient contribuer à la célébrité de son nom et de ses ouvrages.

116. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Mignet il n’est question que de celui-là) ne s’explique par aucun des motifs simples et personnels à l’aide desquels des écrivains étroits et déroutés ont jusqu’à présent cherché vainement à l’expliquer. […] Elle avait enfin développé et fortifié cette conscience religieuse qui régnait en Espagne plus despotiquement que le Roi lui-même et qui l’envoyait, malgré sa toute-puissance et la révolte de la nature humaine dans son cœur, aux auto-da-fé de ce tribunal implacable, mais populaire, et le forçait d’y assister, lui, le Roi, comme un simple corrégidor, un simple alcade, — un simple bourreau ! […] Ils n’ont été que de simples chroniqueurs, et ni l’un ni l’autre de ces messieurs n’a été, un seul instant, au-dessus du document… qu’il n’a pas trouvé !

117. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Rien de plus simple, diront quelques esprits, mais les vers d’Athalie sont aussi fort simples, et dans les arts comme en métaphysique, ce qui perd tout, c’est le compliqué. […] Cette méthode tient toute, il est vrai, dans le vieux procédé de l’induction, le vis-à-vis du syllogisme dans le raisonnement, et ceci menace d’être fâcheux pour les novateurs, qui s’imaginent que l’esprit humain doit procéder comme un joujou à surprise ; mais pour nous, qui savons quelle mince chose c’est, au regard de Dieu, que l’invention permise aux hommes, nous ne nous étonnerons pas de la reprise en sous-œuvre d’un procédé qu’une intelligence véritablement philosophique a su presque métamorphoser, en le grandissant… L’induction, telle que l’entend l’abbé Gratry, n’est plus le simple procédé de la raison décrit dans tous les livres de psychologie par les anatomistes de la pensée, c’est, sous sa plume, une méthode souveraine et d’un emploi sûr, dont on n’a pas jusqu’ici soupçonné la force parce que la rapidité foudroyante de ce procédé naturel a empêché de l’observer et de le fixer par l’analyse. […] Il y a tant de théologie nécessaire dans les moindres notions de la plus simple philosophie, que parmi ceux qui ont réfléchi, personne ne s’étonnera que ce soit un prêtre qui ait pris l’initiative de ce rapprochement salutaire entre les doctrines de l’avenir et les doctrines du passé. […] Le procédé simple et puissant dont l’abbé Gratry a tiré un si bon parti et qu’il a élevé jusqu’à la rigueur d’une méthode, est le procédé de l’humanité tout entière pour aller à Dieu, — comme nous disons, nous, — pour passer du fini à l’infini, comme disent les philosophes, — et soit que nous y allions sur les fortes ailes de la Méditation ou sur les humbles ailes de la Prière.

118. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Avant que la poésie lyrique s’alliât dans les fêtes à toutes les puissances de l’harmonie, elle employait surtout la forme simple du vers héroïque. […] Ne soyez donc pas étonné que, dans les hymnes placés sous le nom d’Homère et, ce semble, d’une langue contemporaine ou rapprochée de celle de ses deux grands poëmes, le mètre appliqué au mouvement lyrique demeure uniforme et simple : c’est la simplicité même du culte se communiquant à l’art. […] Quoi qu’il en fut des formes simples de l’hymne primitif, le rhythme dut varier bientôt et se prêter à tous les mouvements que l’élan de l’imagination, l’émotion du chant, le concert des voix, le tressaillement de la foule qui leur répond, pouvaient imprimer au poëte. L’hymne sacré, d’abord inculte comme la forêt dont il avait frappé les voûtes sauvages, puis longtemps rude et simple comme les pierres massives des premiers temples, s’embellit avec eux et déploya toutes les variétés, tous les calculs de l’harmonie. […] Sur le sommet des mâts un nuage s’est arrêté tout droit, signe de la tempête ; puis vient la terreur qui suit un danger subit. » Quelquefois encore, ces restes brisés de la couronne du poëte grec ne sont que des traits rapides et simples, une parole délicate et passionnée, un coup de pinceau qui ne s’oublie pas52 : La jeune fille triomphait, tenant à la main une branche de myrte et une fleur de rosier ; et ses cheveux épars lui couvraient le visage et le col » ; ou bien encore, avec moins de simplicité, cette autre peinture qui rappelle celle de Sapho : « Semblable passion d’amour, pénétrant au cœur, répandit un nuage épais sur les yeux et déroba l’âme attendrie. » Horace, dans sa vive étude des Grecs, avait sans doute gardé bien d’autres souvenirs d’Archiloque ; et quelques-unes de ses odes, son dithyrambe à Bacchus et d’autres, ne doivent être qu’une étude d’art et de goût substituée au tumulte des anciennes orgies, où le poëte de Paros se mêlait, en chantant : « Le cerveau foudroyé par le vin, je sais combien il est beau d’entonner le dithyrambe, mélodie du roi Bacchus. » Archiloque, s’il faisait des hymnes, devait être, ce semble, le poëte lyrique des Furies et non des Dieux.

119. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Certains psychologues ont cherché la première origine des émotions dans le domaine de l’intelligence et ont voulu les expliquer par un simple jeu d’idées. […] Helmholtz a montré que les sons de la flûte se rapprochent des sons simples privés de ces harmoniques qui viennent se superposer en si grand nombre aux notes fondamentales du violon. Le son de la flûte a donc la pureté du ton simple, tandis que le son du violon est d’une extrême complexité. Dès lors, il n’est pas étonnant que le violon rappelle une voix humaine et exprime des émotions très complexes, tandis que la flûte rappellera plutôt les voix, les sentiments purs et simples de la nature, aux heures de calme. Les anciens estimèrent la flûte un instrument incomparable, parce qu’ils aimaient surtout le beau simple ; les modernes préfèrent le violon avec ses accents humains et tragiques.

120. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Un récit exact et simple, circonstancié et fidèle, de cette passion mystérieuse que le poète des Méditations n’a célébrée qu’à demi en la dérobant, et qui semble avoir donné à son génie l’impulsion secrète, serait infiniment précieux comme étude et intéresserait assurément comme lecture. […] Je le crois, et pourtant, en ce qui est de la véritable Elvire, un récit fidèle et simple, où l’homme se souviendrait de tout et dirait tout, serait, je le répète, d’un grand prix et pourrait être encore d’un grand charme. […] Quand on se met une fois en frais d’idéal, il est plus simple de ne pas s’arrêter à mi-chemin dans ses souhaits d’ambition. […] Le sentiment n’était-il pas mieux observé dans cette simple écume jetée au hasard, que lorsque nous lisons aujourd’hui : « Une terrasse couverte de quelques mûriers sépare le château de la plage de sable fin où viennent continuellement mourir, écumer, lécher et balbutier les petites langues bleues des vagues. » Remarquez, même aux meilleurs endroits, que ce qu’on nous donne ici comme le dernier mot, n’est pas plus vrai ni plus réel : c’est moins contenu, et dès lors moins poétique. […] Or, on sent à tout moment dans Raphaël l’altération, le renchérissement subtil et sophistique de ce qui a dû exister à l’état de passion plus simple ; on sent la fable qui s’insinue.

121. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

Or, la tendance du mouvement à se continuer existait dès la première expérience : toutes les représentations et émotions de l’animal poursuivant ou déchirant sa proie étaient accompagnées d’exertion motrice : c’était mieux qu’un simple penchant, c’était une mise en action. […] L’idée du saut, à la corde, restant une simple idée, ne fournit pas à l’activité qu’elle commence de quoi l’achever ; c’est ce qu’on exprime en disant qu’un désir veut être comblé, rempli, satisfait. […] Le désir suppose une sorte de consentement plus ou moins complet à l’idée, un accord de l’idée avec l’ensemble de nos tendances, par conséquent une certaine activité antérieure qui, au lieu d’être un simple effet de l’idée, tend au contraire elle-même à la produire ou à la maintenir, et à la réaliser au dehors par des mouvements. […] II Origine des premiers mouvements appétitifs I Le plus simple des mouvements faits avec une intention définie doit avoir été précédé par un mouvement plus simple encore ; car un mouvement intentionnel défini présuppose l’idée de ce mouvement même avant sa réalisation actuelle ; l’idée, à son tour, présuppose un mouvement antérieur dont elle est le résidu mental. […] Il se produit certainement dans l’être animé, surtout dans un être de constitution très élémentaire, des mouvements explicables par une pure transmission mécanique, par une simple réflexion de mouvements ; mais il est probable que, dès le début, ces mouvements sont accompagnés d’un état de conscience sourde, l’animal étant sensible ; et comme cet état de conscience a un ton agréable ou pénible, on ne comprendrait pas que, du côté psychique, manquât une réaction à l’égard du plaisir ou de la douleur.

122. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

* *   * Chez les classiques, en général, ce fut très simple. […] Pour un livre de science, d’histoire et de droit, le nom à chercher est le plus simple, et le plus souvent c’est celui-là qui s’impose. […] Et l’on pourrait croire que ce sont des brochures écrites sérieusement et en vue d’édifier les fidèles, si le témoignage de Pellisson2 n’était là pour affirmer que ce furent de simples parodies. […] Habitude vicieuse et pleine de périls au théâtre surtout : car le public — il faut bien le constater — n’aime guère l’abscons ni le mystérieux, et, peu enclin à chercher la signification secrète des mots, affectionne les idées simples et d’assimilation facile. […] Il faut le reconnaître — et ce sera notre conclusion, — c’est sous les titres les plus simples que se cachent les vieux chefs-d’œuvre, parés de leur seule beauté.

123. (1874) Premiers lundis. Tome I « Charles »

La poétique du roman sentimental est simple, on la déduit aisément de la Nouvelle Héloïse, de Delphine, de Werther, Adolphe et René ; on la retrouve appliquée dans Charles. […] L’auteur a peint le premier sans effort et avec vérité ; il en a fait un homme simple, mais grand, passionné sous des dehors froids, et généreux sous une enveloppe épaisse ; on rencontre de telles gens devers Rotterdam. […] Et d’abord le style, quoique peu simple, se distingue par une singulière vigueur d’allure et d’expression.

124. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

Cependant, s’il existe une science des sociétés, il faut bien s’attendre à ce qu’elle ne consiste pas dans une simple paraphrase des préjugés traditionnels, mais nous fasse voir les choses autrement qu’elles n’apparaissent au vulgaire ; car l’objet de toute science est de faire des découvertes et toute découverte déconcerte plus ou moins les opinions reçues. […] Combien est plus dangereuse la doctrine qui n’y voit que le produit de combinaisons mentales, qu’un simple artifice dialectique peut, en un instant, bouleverser de fond en comble ! […] Comme les spiritualistes séparent le règne psychologique du règne biologique, nous séparons le premier du règne social ; comme eux, nous nous refusons à expliquer le plus complexe par le plus simple.

125. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Une idée domine les différentes publications dont j’ai à parler : cette idée, c’est que la copie fidèle de la nature, sa reproduction exacte, sincère, convaincue, faite avec suite et menée à fin avec une entière bonne foi, fût-elle accompagnée de fautes, d’incorrections et de gaucheries, même visibles, a son prix inestimable, son attrait, je ne sais quel charme auprès des esprits et des cœurs droits et simples. […] Auparavant, et plus on se rapprochait de l’époque de Henri IV, plus on était simple, naturel et voisin de la bonhomie : les arts eux-mêmes, qui avaient perdu de la délicatesse des Valois, marquaient de la probité et de la gravité, en attendant de retrouver mieux. […] Mais encore est-il plus sûr de laisser un nom collectif, le simple nom de famille, à leurs tableaux, et, sans qu’ils aient dû être pour cela collaborateurs, de leur appliquer cette belle devise de concorde et d’union, qui se lit au mur d’un ancien château du Midi, bâti par des frères : … Constans fecit concordia fratrum. […] Souvent encore, les Le Nain ont peint un vieux flûteur entouré de charmants enfants bouclés, qui prêtent une oreille attentive à la musique simple qui sort de cette flûte naïve. […] C’est un herboriste du métier dans cette espèce de botanique qui consiste à ne prendre dans nos terres si cultivées que de vrais simples et des fleurs des champs.

126. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Les natures simples des gens du peuple, dans les moments de passion, le prouvent assez ; ils ont le mot juste et souvent le mot unique. Une âme forte, qui serait toujours dans l’état d’excitation où sont quelquefois les âmes simples, aurait un langage continuellement net, franc, et souvent coloré. […] Napoléon n’a rien de tel ; il est simple et nu. […] , et qui n’avait pas cinquante ans, est un modèle achevé ; je le citerais bien, si je ne craignais qu’avec notre besoin de couleurs il ne parût trop simple. […] On ne trouve à reprendre dans ce simple et splendide résumé que ces fondements, désormais solides, qu’il suppose à la colonie d’Égypte.

127. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Sa mère, de famille dijonnaise, fille d’un greffier au parlement de Bourgogne, était de ces personnes fortes et simples qui suffisent à tous les devoirs. […] J’en ai signalé quelques défauts ; je voudrais maintenant la saisir dans un des morceaux où elle me paraît le plus irréprochable, tout à fait simple, touchante et neuve à la fois ; je voudrais pouvoir dire sans réserve : C’est beau ! […] La seconde oraison funèbre, celle de M. de Janson, est fort supérieure, elle est simple et vraie. […] Les détails que l’orateur a donnés sur sa simple enfance, sont imprégnés d’un parfum de vertu domestique qui va au cœur. […] J’indique là les parties simples, touchantes : les grands mouvements de l’éloquence s’y mêlent à propos.

128. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

On pourrait affirmer, à la simple vue, que certaines pages, qui portent la date de 1822, ont reçu une couche de 1837. […] Dans ce livre elle ne nommait pas M. de Chateaubriand, par la raison très simple que M. de  Chateaubriand était alors parfaitement inconnu et qu’il n’avait rien publié en France à cette date, Atala ne devant paraître qu’en 1801, et le Génie du christianisme en 1802. […] C’est là une prétention double, et au moins l’infatuation dont vous taxez votre père et votre frère était plus simple. […] Écrire de cette sorte ce qu’on a vu et ce qu’on a senti, ce serait, en effet, laisser un de ces livres simples et rares comme on en compte à peine quelques-uns. […] Mais, pour cela, il vous faudrait être un de ces poètes qui sont larges, simples et profonds comme la nature.

129. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Au moment de la mort du poète, il l’a loué par une jolie pièce latine dans laquelle il célèbre ses grâces ingénues, son naturel nu et simple, son élégance sans fard et cette négligence unique, à lui seul permise, inappréciable négligence, et qui l’emporte sur un style plus poli. […] Il y veut de la joie, de la légèreté, de la douceur ; il en bannit la tristesse et l’âpreté : « La piété, disait-il, n’a rien de faible, ni de triste, ni de gêné : elle élargit le cœur ; elle est simple et aimable ; elle se fait tout à tous pour les gagner tous. » Il réduit presque toute la piété à l’amour, c’est-à-dire à la charité. […] Les Entretiens que nous a transmis Ramsay, et dans lesquels Fénelon lui développa les raisons qui devraient amener victorieusement, selon lui, tout déiste à la foi catholique, sont d’une largeur, d’une beauté simple, d’une éloquence pleine et lumineuse qui ne laisse rien à désirer. […] Plus loin, après avoir cité des strophes d’Horace sur la paix, Fénelon arrive à rappeler une stance de Malherbe : « Voilà l’antique, dit-il, qui est simple, gracieux, exquis, voici le moderne qui a sa beauté. » Comme cela est bien dit ! […] On voit trace de sa douleur profonde jusque dans cette Correspondance badine ; mais que les paroles sont simples, vraies, et qu’elles rejettent bien loin toute maligne pensée !

130. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Dans un genre plus uni et plus simple, j’aime aussi à noter une comédie en vers, Les Familles (1851), de M.  […] La pièce principale, Primel et Nola, est assez difficile à raconter, tant elle est simple ! […] De jolis détails de mœurs, des vers qui peignent des coins de paysages et de courtil, viennent en aide, on le conçoit, à ce canevas si simple, mais, selon moi, trop simple. […] Cette seule nouveauté de situation produit dans l’expression des sentiments naturels et simples un véritable rajeunissement. […] ne regardez pas trop au fond de la littérature, vous tous qui l’aimez d’un amour virginal, honnête et simple !

131. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Ce n’est pas à trente ans qu’il faut commencer à l’apprendre, à moins que ce ne soit pour la simple curiosité ; parce qu’à trente ans l’esprit et le cœur sont ce qu’ils seront pour toute la vie. […] J’ajoute que plus le discours sera simple dans un grand sujet, plus il sera éloquent, parce qu’il représentera le sentiment avec plus de vérité. […] Car, nous ne saurions trop le redire, il n’y a qu’une sorte de style, le style simple, c’est-à-dire celui qui rend les idées de la manière la moins détournée et la plus sensible. Si les anciens ont distingué trois styles, le simple, le sublime et le tempéré ou l’orné, ils ne l’ont fait qu’eu égard aux différents objets que peut avoir le discours : le style qu’ils appelaient simple, est celui qui se borne à des idées simples et communes ; le style sublime peint les idées grandes, et le style orné, les idées riantes et agréables. […] 1°. à n’employer que des idées propres au sujet ; c’est-à-dire, simples dans un sujet simple, nobles dans un sujet élevé, riantes dans un sujet agréable ; 2°. à n’employer que les termes les plus propres pour rendre chaque idée.

132. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Est simple, pour le premier, tout principe dont les effets se prévoient et même se calculent : la notion d’inertie devient ainsi, par définition même, plus simple que celle de liberté, l’homogène plus simple que l’hétérogène, l’abstrait plus simple que le concret. […] Envisagée de ce nouveau point de vue, l’idée de spontanéité est incontestablement plus simple que celle d’inertie, puisque la seconde ne saurait se comprendre ni se définir que par la première, et que la première se suffit. […] Les faits psychologiques les plus simples, en effet, viennent se poser d’eux-mêmes sur des phénomènes physiques bien définis, et la plupart des sensations paraissent liées à certains mouvements moléculaires. […] On s’adresse alors à l’expérience, et on lui demande de montrer que le passage d’un état psychologique au suivant s’explique toujours par quelque raison simple, le second obéissant en quelque sorte à l’appel du premier. […] Ici encore tout essai de reconstitution d’un acte émanant de la volonté même vous conduit à la constatation pure et simple du fait accompli.

133. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Voilà que ces fictions, dont la simple représentation mentale nous enchantait, sont transportées sur la scène. […] On s’explique ainsi que le vers chanté produise un effet poétique que la simple lecture ne lui donnerait pas. […] Laissons-nous aller, sans nous imposer aucun effort de pensée, à la simple contemplation. […] En fait, en optant pour le principe de la simple numération des syllabes, on s’est engagé dans une impasse. […] Oui, elle suffit, pour les rythmes très simples, très connus, très uniformes, qui ont été jusqu’ici usités.

134. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

C’étoit d’ailleurs un fort honnête homme, de très-bonne compagnie, simple, sans rien de pédant et fort désintéressé. […] De simples bourgeois, seulement à cause qu’ils étaient riches, ont eu l’audace d’avaler en un seul morceau la nourriture de cent familles. […] Les Caractères ont singulièrement gagné aux additions ; mais on voit mieux quel fut le dessein naturel, l’origine simple du livre et, si j’ose dire, son accident heureux, dans cette première et plus courte forme143. […] La Bruyère s’étonne, comme d’une chose toujours nouvelle, de ce que madame de Sévigné trouvait tout simple, ou seulement un peu drôle : lexviiie  siècle, qui s’étonnera de tant de choses, s’avance. […] Mais non… ; La Bruyère en est encore pleinement, de son siècle incomparable, en ce qu’au milieu de tout ce travail contenu de nouveauté et de rajeunissement, il ne manque jamais, au fond, d’un certain goût Simple.

135. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Ce qui fait la principale valeur de cette distinction, c’est qu’elle met en pleine lumière une vérité importante, à savoir que la parole intérieure n’est pas un simple écho de la parole extérieure, un fait de répercussion ou de continuation sans but. […] Si ma parole intérieure répète une phrase que j’ai entendue, sans y rien changer, il n’y a là, évidemment, qu’un simple fait de mémoire. […] Les psychologues n’ont pu s’entendre jusqu’à présent pour désigner par une locution simple et désormais consacrée la reproduction, avec ou sans changement, des diverses sensations ou des groupes qu’elles forment naturellement. […] La parole intérieure n’est pas un simple écho de la parole, une simple habitude ; car l’habitude proprement dite, l’habitude pure et simple, mérite, si l’on considère ses effets, le nom d’habitude négative que nous lui avons souvent donné ; plus un fait est habituel, plus il est fréquent, c’est-à-dire moindre est l’intervalle qui sépare chacune de ses apparitions à la conscience ; mais aussi, à chaque nouvelle apparition, une moindre quantité de conscience lui est attribuée, c’est-à-dire qu’il dure moins et qu’il est moins intense. […] Mais il ne s’agissait pas de classer des faits simples et irréductibles ; nous faisions de l’éthologie plutôt que de la psychologie ; la différence des deux points de vue suffit à écarter toute équivoque.

136. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Tout ce qui s’offre directement aux sens ou à la conscience, tout ce qui est objet d’expérience, soit extérieure soit interne, doit être tenu pour réel tant qu’on n’a pas démontré que c’est une simple apparence. […] Si vous me demandiez de l’exprimer dans une formule simple, nécessairement grossière, je dirais que le cerveau est un organe de pantomime, et de pantomime seulement. […] J’ai tenté cette démonstration autrefois ; mais, quoiqu’elle soit bien simple, elle exige certaines considérations préliminaires sur le réalisme et l’idéalisme, dont l’exposé nous entraînerait trop loin 6. […] Rien de plus simple que leur explication. […] Voici l’interprétation très simple que je vous propose.

137. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

On alléguera de nouveau qu’il s’agit alors de sociétés humaines très simples, primitives ou tout au moins élémentaires. […] Pour la trouver, nous avons dû réduire la morale à sa plus simple expression. […] Ce qui est simple au regard de notre entendement ne l’est pas nécessairement pour notre volonté. […] Maintenant, le mécanisme voulu par la nature était simple, comme les sociétés originellement constituées par elle. […] La raison en est bien simple.

138. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 92-99

On y admire une éloquence naturellement proportionnée aux sujets, sublime dans les plus élevés, communicative & intéressante dans les plus simples ; une érudition choisie, toujours dirigée pour l’utilité ; une profondeur de raisonnement parée de toutes les graces de l’élocution. […] Peu d’Ouvrages offrent autant d’exemples de ce sublime, qui consiste dans l’expression simple d’une grande pensée. […] Il avoit la méthode de réduire chaque sujet à des propositions simples, mais vraies ; de ces propositions il en déduisoit plusieurs autres, qui toutes concouroient à développer les premieres.

139. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIII »

« Si les corrections sont de simples retouches, dit M.  […] Pour être simple, je deviens banal ; la concision engendre la sécheresse ; l’abondance rend diffus ; l’amour de l’économie fait les avares, l’émulation les jaloux. […] Mazel, la question est simple.

140. (1902) La poésie nouvelle

Elle lui substitue parfois la simple assonance. […] Ils n’expriment rien, en somme, que d’assez simple, et au moyen d’analogies peu compliquées. […] … Une simple remarque est significative. […] Une petite histoire d’amour, très simple, presque ingénue, « rêve d’enfant », en est toute l’inspiration. […] Ce sont de petits poèmes écrits le plus souvent en alexandrins et d’une composition beaucoup plus simple.

141. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Un paysage, quelque simple qu’il soit, se compose de trop d’éléments pour qu’on puisse le décrire minutieusement. […] Il traîne des linceuls au milieu des tombeaux, et Young, l’ennuyeux Young, est plus profond, plus simple, plus intéressant que lui. […] Répondre qu’on ne l’est pas est le moyen le plus simple, mais il est un peu primitif. […] Je le vois plein de bon sens, d’indépendance, de cœur et de générosité, simple, chercheur et jugeur. […] Je voudrais un style plus simple, mais dans ce cas les provinciaux l’achèteraient-ils ?

142. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Ne sachant ni théologie ni exégèse, ils font de l’accession au christianisme une simple adhésion à une coterie. […] Je vois autour de moi des hommes purs et simples, auxquels le christianisme suffit pour être vertueux et heureux. […] La question critique, telle qu’elle était posée dans mon esprit, leur eût paru quelque chose d’inintelligible, tant leur foi était simple et absolue. […] ce serait tout simple dans votre situation. […] Je voudrais pouvoir vous offrir des biens plus précieux… Mon offre, toute simple, ne vous blessera pas, j’espère. » Je le remerciai, et n’eus à cela aucun mérite.

143. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Homme de devoir, cela lui paraît tout simple : cela m’a paru touchant. […] Je le ferai dans les termes les plus simples, en me rapprochant le plus possible de mes dossiers, de mes sources. […] Elle n’en conçoit point d’autre ; elle trouve cela tout simple et croit n’en avoir jamais fait assez. […] De tels actes, une telle activité bienfaisante et, pour tout dire, une telle agence de charité instituée et gouvernée pendant des années par une simple particulière, n’ont pas été sans attirer les regards des supérieurs dans l’ordre spirituel. […] Qu’a donc fait ce simple curé, qui le tire du pair d’avec ses humbles confrères les desservants ?

144. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

C’est surtout en l’étudiant de près qu’on se convainc qu’une grande influence sociale a toujours sa raison, et que, sous ces fortunes célèbres qui se résument de loin en un simple nom qu’on répète, il y a eu bien du travail, de l’étude et du talent ; dans le cas présent de Mme Geoffrin, il faut ajouter, bien du bon sens. […] Je remarque toujours le goût noble et simple dont cette femme s’habille : c’était, ce jour-là, une étoffe simple, d’une couleur austère, des manches larges, le linge le plus uni et le plus fin, et puis la netteté la plus recherchée de tout côté. » Mme Geoffrin avait alors soixante et un ans. […] Le soir, la maison de Mme Geoffrin continuait d’être ouverte, et la soirée se terminait par un petit souper très simple et très recherché, composé de cinq ou six amis intimes au plus, et cette fois de quelques femmes, la fleur du grand monde. […] Les princes y venaient en simples particuliers ; les ambassadeurs n’en bougeaient dès qu’ils y avaient pied. […] On répète toujours que Thomas est enflé ; mais nous-mêmes nous sommes devenus, dans notre habitude d’écrire, si enflés, si métaphoriques, que Thomas relu me paraît simple.

145. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

C’est alors que dans un village de la vallée de la Meuse, aux confins de la Lorraine, vallée qui venait elle-même d’être envahie par des bandes et d’avoir sa part de douleurs communes, une jeune fille, née d’honnêtes laboureurs, simple, pieuse, régulière, crut entendre une voix. […] Les plus beaux mots de Jeanne, les mots simples, vrais, héroïques, sont enregistrés par les juges et nous sont transmis par eux. […] Ces juges, tout occupés de convaincre d’idolâtrie cette simple fille, l’interrogeaient à satiété sur son étendard, sur l’image qu’elle y avait fait peindre : si elle ne croyait pas que des étendards tout pareils à celui-là étaient plus heureux que d’autres à la guerre. […] Ce n’est pas qu’une critique sévère et précise, une critique d’un goût simple ne pût relever dans ce brillant et vivant morceau bien des inexactitudes et des infractions au ton vrai du sujet. […] En général, l’impression qui résulte de cette lecture des originaux, quand on la fait avec suite, est beaucoup plus grave, plus naïve et plus simple.

146. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Ce vieux guerrier simple, rude, opiniâtre, qu’on vient de voir dans toute sa grandeur militaire à Essling et à Wagram, mais qui par ses manières fait déjà contraste avec les généraux plus jeunes formés à l’école de Napoléon, est dessiné par l’historien, dans cette campagne de Portugal, en traits naturels et ineffaçables. […] Simple, dépourvu d’extérieur, ne cherchant pas à montrer son esprit, qui était pourtant remarquable, négligent même lorsqu’il avait encore toute l’activité de la jeunesse, déjà très dégoûté de la guerre, sacrifiant beaucoup à ses plaisirs, il n’avait pas cette hauteur d’attitude, naturelle ou étudiée, qui impose aux hommes, qui est l’un des talents du commandement, que Napoléon lui-même négligeait quelquefois de se donner, mais qui était suppléée chez lui par le prestige d’un génie prodigieux, d’une gloire éblouissante, d’une fortune sans égale. […] Celui-ci commençait à sentir vivement les inconvénients et les impossibilités de sa position en Espagne ; il avait écrit une lettre à la reine Julie, alors à Paris, dans laquelle il parlait d’abdiquer, de se retirer en simple particulier à Morfontaine : Il est bon que vous alliez près de lui, disait Napoléon à Rœderer (mars 1809) ; il continue à faire des choses qui mécontentent l’armée, il fait juger par des commissions espagnoles les Espagnols qui tuent mes soldats. […] Je comprends que lorsqu’on a à écrire, non pas seulement quelques pages, mais des volumes tout entiers, et à fournir un long cours de récit, on ne se laisse pas trop aller à ces bonnes fortunes qui tentent, que l’on choisisse de préférence un ton simple, uni, qu’on s’y conforme et qu’on y fasse rentrer le plus possible toutes choses, au risque même de sacrifier et d’éteindre quelques détails émouvants. […] Je ne sais si, par l’improvisation de ce système simple, M. 

147. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Mais du jour où, dans une province de Judée éloignée de Jérusalem, sur une colline verdoyante, non loin de la mer de Galilée, au milieu d’une population de pauvres, de pêcheurs, de femmes et d’enfants, le Nazaréen, âgé de trente ans environ, simple particulier, sans autorité visible, nullement conducteur de nation, ne puisant qu’en lui-même le sentiment de la mission divine dont il se faisait l’organe inspiré comme un fils l’est par son père, se mit à parler en cette sorte, de cette manière pleine à la fois de douceur et de force, de tendresse et de hardiesse, « d’innocence et de vaillance », un nouvel âge moral commençait. […] sont-ce même des simples d’esprit, comme on l’entend quelquefois par abus ? […] Un homme estimable et savant, qui a récemment travaillé sur les Évangiles, et qui n’a porté dans cet examen, quoi qu’on en ait dit, aucune idée maligne de négation, aucune arrière-pensée de destruction, qui les a étudiés de bonne foi, d’une manière que je n’ai pas qualité pour juger, mais certainement avec « une science amoureuse de la vérité », a qualifié heureusement en ces termes la mission et le caractère de Jésus, de la personne unique en qui s’est accomplie la conciliation la plus harmonieuse de l’humanité avec Dieu : « Celui qui a dit : Soyez parfaits comme Dieu, et qui l’a dit non pas comme le résultat abstrait d’une recherche métaphysique, mais comme l’expression pure et simple de son état intérieur, comme la leçon que donnent le soleil et la pluie : celui qui a parlé de la sainteté supérieure qu’il exigeait des siens comme d’un “fardeau doux et léger” ; celui qui, révélant à nos yeux une pureté sans tache, a dit que “par elle on voyait Dieu…”, celui qui, enfin, renonçant à la perspective du trône du monde, a senti qu’il y avait plus de bonheur à souffrir en faisant la volonté de Dieu qu’à jouir en s’en séparant… celui-là, c’est Jésus de Nazareth. » Lui seul, et pas un autre au monde42 ! […] Enfin c’est un homme qui, par son excellente beauté et ses divines perfections, surpasse les enfants des hommes. » Ce Lentulus, quel qu’il soit, parle déjà comme Jean-Jacques en son Vicaire savoyard. — Et maintenant, comment cette parole du Christ, cette manne première qui tombait et pleuvait sur les cœurs simples, au penchant des collines ou le long des blés, et que le Juste avait en mourant arrosée de son sang, comment, bientôt armée et revêtue de la doctrine et de la théorie de saint Paul, est-elle sortie de la Galilée et de la Judée pour s’approprier aux Gentils et pour leur être inoculée par lui ? […] Il n’y a pas d’art exactement contemporain de cette prédication simple et qui en soit l’expression fidèle.

148. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Elles ne faisaient d’autre vœu que le vœu simple de stabilité, mais il renfermait les trois autres, de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. […] Enfin, il y avait des filles du troisième rang, simples femmes de chambre et servantes, frappées d’une incapacité absolue pour tous autres emplois. […] Les habits étaient simples, mais non uniformes : « On pourra indifféremment choisir du noir, du gris, du blanc, du feuille-morte ou autre couleur obscure, pour le choix de laquelle on prendra l’avis de la Supérieure, qui réglera toutes ces choses, ayant égard à l’âge, à la condition des esprits, et à la qualité des personnes. » Et pour la forme tant du linge que des habits, il semblait que, sans être tout à fait des religieuses, les Filles de l’Enfance eussent déjà pour règle le code mignon de Gresset : Il est aussi des modes pour le voile ; Il est un art de donner d’heureux tours À l’étamine, à la plus simple toile. […] Il a pris ces noms et ce cadre de l’institut de l’Enfance comme un simple prétexte et un canevas à ses vives études et à ses goûts du moment ; il a voulu tracer, comme il dit, « un capricieux tableau d’histoire ». J’ai tant de respect, je l’avoue, pour tout ce qu’on peut savoir de vérité historique, que j’aurais préféré un récit tout simple, tout nu, de ce qu’on sait sur cette congrégation de l’Enfance, ou du moins un récit dans lequel les circonstances inventées n’eussent paru jurer en rien avec les faits d’autre part avérés et établis.

149. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Qu’on le nie devant les monuments irréfragables de l’histoire, ou que l’on confesse que la lumière naturelle n’est pas si faible pour nous avoir révélé tout ce qui donne du prix à la vie, les vérités certaines et nécessaires sur lesquelles reposent la vie et la société, toutes les vertus privées et publiques, et cela par le pur ministère de ces sages encore ignorés de l’antique Orient, et de ces sages mieux connus de notre vieille Europe, hommes admirables, simples et grands, qui, n’étant revêtus d’aucun sacerdoce, n’ont eu d’autre mission que le zèle de la vérité et l’amour de leurs semblables, et, pour être appelés seulement philosophes, c’est-à-dire amis de la sagesse, ont souffert la persécution, l’exil, quelquefois sur un trône et le plus souvent dans les fers : un Anaxagore, un Socrate, un Platon, un Aristote, un Épictète, un Marc-Aurèle ! […] Un souffle puissant pousse et soutient cette vaste machine ; suspendue deux fois, elle reprend son mouvement sans peine, par les tours les plus naturels et les plus simples : l’émotion va croissant ; elle est si vraie et si bien justifiée, qu’elle autorise deux mots qui ailleurs seraient emphatiques. […] S’il se porte à des figures plus hardies, elles sont suivies, raisonnables, tirées d’objets ordinaires, préparées de loin, sans rien qui puisse étonner ou choquer, simples effets d’une éloquence passionnée, simples moyens oratoires, au même titre que les raisonnements et les faits : « La religion de Pascal, dit-il, n’est pas le christianisme des Arnaud et des Malebranche, des Fénelon et des Bossuet ; fruit solide et doux de l’alliance de la raison et du cœur dans une âme bien faite et sagement cultivée ; c’est un fruit amer, éclos dans la région désolée du doute, sous le souffle aride du désespoir. » Telle est l’imagination de l’orateur, bien différente de celle de l’artiste, qui est brusque, excessive, aventureuse, qui se plaît aux images nouvelles, qui frappe et éblouit le lecteur, qui se hasarde parmi les figures les plus rudes et les plus familières, qui ne se soucie pas d’élever, par des transitions ménagées, les esprits jusqu’à elle, et dont la folie et la violence mettraient en fuite l’auditoire que l’orateur doit se concilier incessamment pour le retenir jusqu’au bout. […] Où est cet amour du style simple, le seul intelligible, cette haine des mots abstraits, toujours obscurs ? […] Il a dépouillé sa poésie, il est resté simple orateur ; son style est devenu plus mesuré ; et cependant sa jeunesse parfois lui revient ; il s’enflamme encore ; on sent alors qu’il oublie ses auditeurs ; il voit son idée se lever devant lui ; il s’éprend d’amour pour elle ; il retrouve son enthousiasme ; il écrit cette phrase dont j’entends d’ici l’accent transporté et poétique.

150. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

Le style donc doit subir des changements, par la révolution qui s’est opérée dans les esprits et dans les institutions ; car le style ne consiste point seulement dans les tournures grammaticales : il tient au fond des idées, à la nature des esprits ; il n’est point une simple forme. […] Les images qui ne répandent de lumière sur aucune idée, ne sont que de bizarres fantômes ou des tableaux de simple amusement. […] La beauté noble et simple de certaines expressions en impose même à celui qui les prononce, et parmi les douleurs attachées à l’avilissement de soi-même, il faudrait compter aussi la perte de ce langage, qui cause à l’homme digne de s’en servir l’exaltation la plus pure et la plus douce émotion. […] Cet éloge si simple d’un grand homme, cette gradation qui donne pour dernier terme de la gloire les affections de son pays, fait éprouver à l’âme la plus profonde émotion. […] l’amour constant pour une réputation de près de vingt années, pour un homme qui, redevenu par son choix simple particulier, a traversé le pouvoir dans le voyage de la vie, comme une route qui conduisait à la retraite, à la retraite honorée par les plus nobles et les plus doux souvenirs !

151. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

Elle se propose, soit d’analyser les faits complexes, soit de montrer comment ils se forment par une synthèse de faits simples. […] Le rapport de succession est le plus simple : il constitue le fait de conscience primitif. […] Les émotions ou passions sont de deux sortes : simples, composées. On ne s’entend ni sur le nom, ni sur le nombre des émotions simples. […] Le pouvoir volontaire, simple en apparence, est une machine compliquée, faite de pièces de rapport.

152. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

Ma rame bat avec langueur Sur la mesure de ton cœur ; Puis, las d’amour, j’aurai la joie, Avec un simple tour de reins, De faire voir aux riverains Comme une maîtresse se noie ! […] « Les maîtres vont de plus en plus au simple et au vrai. » Cet aphorisme, que suggérait à Jules Tellier l’étude des poètes contemporains, se trouve vérifié par l’application qu’on en peut faire à Paul Verlaine. […] Et où pourrait mieux se manifester ce retour au vrai ou au simple du poète que dans cette passion qui tout à coup le prend pour Desbordes-Valmore ? C’est le simple, c’est le vrai qui, dans cette âme candide, l’attire et le retient, et n’est-il pas évident, qu’au milieu des dandies amers, secs, brûlés, que sont les autres, la spontanéité, disons l’ingénuité de style et de pensée de Desbordes-Valmore frappe comme un rappel d’enfance et séduit comme une vertu ?

153. (1912) L’art de lire « Chapitre VI. Les écrivains obscurs »

Ils ont pensé en clair, d’abord, comme tout le monde, puis, par des substitutions patientes de mots impropres aux mots justes, de tournures bizarres aux tours simples, d’inversions aux tours directs, ils ont obscurci progressivement leur texte. […] Montaigne a une page admirable sur l’art de compliquer ce qui est simple et d’obscurcir ce qui est clair : « Il n’est pronostiqueur, s’il a cette autorité qu’on daigne feuilleter et rechercher curieusement tous les plis et lustres [détours ?  […] Ils se sont couverts d’ajustements compliqués et de harnois enchevêtrés ; il faut les mettre en chemise ; il faut les forcer d’être simples à leur corps défendant et les juger et peut-être les approuver et les goûter ainsi devenus. — Mais de même qu’en lisant un auteur simple on prend assez facilement l’habitude, par la lecture méditée, d’y mettre beaucoup de choses qu’il n’a point pensées ou qu’il n’a pensées qu’en puissance ; tout de même, en simplifiant les auteurs compliqués, ne leur fait-on pas le tort de leur ôter leur seul mérite ?

154. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Il aurait sans doute voulu être ; il a, simple virtualité, plusieurs fois frappé à la porte. […] Son influence sur l’Inde — venue d’ailleurs à l’islamisme — a été bien superficielle, mais à des âmes prédisposées une simple suggestion, un signal suffit. […] Seulement, ce n’est plus par de simples discours qu’il la propagera. […] La question était d’abord de savoir si les mystiques étaient ou non de simples déséquilibrés, si le récit de leurs expériences était ou non de pure fantaisie. […] Aussi ne prétendons-nous pas que le rapport du complexe au simple soit le même dans les deux cas.

155. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Audic, Charles (1863-1911) »

Audic, Charles (1863-1911) [Bibliographie] Poèmes simples (1895). […] [Préface aux Poèmes simples (1895).]

156. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rollinat, Maurice (1846-1903) »

Parmi ces bêtes, ces choses et ces gens simples, M.  […] Ce poète simple a voulu s’y compliquer et, comme son essence était d’être simple, compliqué il a cessé d’être ; d’où Les Névroses.

157. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Il lut alors un discours composé avec goût, simple et court, d’un juste à-propos. […] Elle était moins simple pour lui que pour un autre, à cause de son caractère d’ancien prêtre, d’évêque marié. […] On exigeait de lui un écrit ; les premiers essais de sa façon qu’on envoya à Rome ne furent pas agréés : il fallait une simple soumission. […] À la juger sérieusement et d’après le simple bon sens, cette conversion (si cela peut s’appeler une conversion) n’offrait pas de si grandes difficultés. […] Si vous vous attendez à trouver des reçus signés Talleyrand, vous êtes trop simples ; vous ne les aurez pas.

158. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Mais rien n’est plus simple, si c’est un Espace à deux dimensions que nous dotons de cette dimension supplémentaire. […] Une fois posée d’ailleurs la courbe à trois dimensions, espace et temps tout à la fois, la courbe à deux dimensions apparaîtrait au mathématicien de l’univers plat comme une simple projection de celle-ci sur le plan qu’il habite. […] Je vous livre ce qui s’offre à mes sens et à ma conscience : l’immédiatement donné doit être tenu pour réel tant qu’on ne l’a pas convaincu d’être une simple apparence ; à vous donc, si vous voyez là une illusion, d’apporter la preuve. […] Nous obtenons ainsi une infinité d’amalgames d’Espace et de Temps simplement pensés, tous équivalents à l’Espace pur et simple, perçu et réel. […] Un calcul très simple le montrerait.

159. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

L’humanité se révèle jusque dans les actes les plus simples de la vie matérielle. […] Stuart Mill et Bain ne voient dans la relation, soit accidentelle, soit constante de l’effet à la cause, qu’une simple association passée en habitude. […] Donc rien d’absolu, rien d’à priori dans cette notion : un simple fait associé à un autre fait. […] Ne pouvant voir la réalité elle-même, en ce qui concerne la libre spontanéité de nos actes, il en est réduit à juger de la causalité sur de simples apparences. […] Il n’a recours ni aux ingénieuses inductions de l’école expérimentale, ni aux savantes démonstrations des écoles spéculatives ; il tranche la difficulté par une simple distinction, magistralement affirmée.

160. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

La notoriété, presque glorieuse, que j’ai conquise en deux minutes, est l’effet d’un simple accident. […] La distinction est simple comme bonjour. […] Elles ne valent évidemment rien, en cas de larcin pur et simple. […] Qu’ils s’interrogent et qu’ils répondent ; c’est une simple question de bonne foi. […] On ne conçoit plus un retour à l’écriture simple du bon Joinville ou d’Amyot.

161. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

En général, George Sand est un auteur beaucoup moins excentrique et moins extraordinaire que la badauderie d’une certaine renommée ne le voudrait faire ; ses moyens sont très souvent simples ; ce qu’il a d’extraordinaire avant tout, c’est son talent. […] L’idée de Cosima est très simple et très autorisée : c’est la lutte de la passion et du devoir au sein d’un cœur pur qui va cesser de l’être ; c’est l’antique et éternel sujet du drame depuis Phèdre jusqu’à nous. […] Au lieu de cela, Geffroy l’a débitée comme la chose du monde la plus simple et la plus facile à penser et à dire, et le succès du passage en a été troublé. […] C’est avec regret que nous avons vu Beauvall et refuser au rôle d’Ordonio la noblesse et la grâce qui en font une partie essentielle, et en charger sans nécessité l’odieux avec une brusquerie vulgaire, qui pouvait compromettre les mots les plus simples.

162. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Ce ne sont là, au reste, que de simples points ; l’ensemble des conclusions, même en ce qu’elles parurent avoir d’abord de rigoureux, demeure approuvé. […] Simple auditeur au Conseil d’État vers 1805, s’il se sentait peu favorable d’affection au gouvernement impérial, il ne s’en montra que plus strict dans l’accomplissement de ses devoirs. […] Joinville est simple, naïf, candide ; sa parole lui échappe, colorée de fraîcheur, et sent encore son enfance ; il s’étonne de tout avec une bonne foi parfaite ; les choses du monde sont nées pour lui seulement du jour où il les voit. […] M. de Barante, qui concevait son ouvrage vers le même temps, eut une idée plus simple et dont l’exécution dépendait surtout du choix de l’époque. […] sLe prince de Talmont, on le voit par les Mémoires imprimés, était celui de tous les chefs qui, par ses antécédents et son caractère, se trouvait le moins en accord avec ces mœurs simples, frugales, chrétiennes, et avec cette espèce d’égalité fédérale des gentilshommes vendéens.

163. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Expliquons-nous sur ce mot : simple. […] Le soleil est simple. […] Une racine est simple. […] Shakespeare est simple de la grande simplicité. […] J’avoue que la bosse de Thersite est simple, mais les pectoraux d’Hercule sont simples aussi.

164. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

Prenez la plus simple de toutes, celle que provoque une figure reflétée dans une glace ; si la glace est bien pure et occupe toute une paroi de la chambre, si le jour est bien ménagé et si vous n’êtes pas prévenu, vous croirez voir la figure devant vos yeux à un endroit où il n’y a que des moellons du mur. […] L’empêchement pourrait être dans nos organes : il pourrait avoir pour cause la paralysie ou la simple incapacité qui provient de la fatigue. […] Ou bien les corps ne sont-ils qu’un simple faisceau de pouvoirs ou possibilités permanentes, desquels nous ne pouvons rien affirmer, sinon les effets qu’ils provoquent en nous ? […] Auquel cas le mouvement le plus simple, tel que nous l’attribuons à un point mobile, serait précisément la série la plus simple de ces événements moraux élémentaires dont nous avons vu les formes dégradées se prolonger, en se dégradant davantage encore, sous les événements moraux composés, sensations et images, dont nous avons conscience. […] À ce titre, tous les faits ou événements de la nature pourraient se ramener à des mouvements, et nos sciences, ayant toutes pour objet le dégagement des éléments simples, pourraient toutes, comme en effet elles y tendent, se ramener à la mécanique.

165. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Dans le roman où se dessine cette héroïne d’une si chaude vie, on peut suivre le même travail minutieux de représentation par un grand nombre d’incidents sur tous les personnages de premier plan ; toute une période de leur vie nous est donnée en d’innombrables instants pour Wronsky l’homme moderne du bel air, élégant, un peu lourd d’esprit ; mais noble, constant, délicat, digne d’être aimé, et se haussant parfois à de grandes idées humaines étrangères à sa caste, comme pour Lévine plus fruste, plus simple et plus profond et dépeint de ses occupations de gentilhomme campagnard à ses angoissantes préoccupations sur le but et le sens de la vie. […] Nul comme cet auteur ne suscite sans cesse la sensation de la simple chaire humaine blanche, rose, rouge et molle, imbibée de sang, traversée d’os et de nerfs, arrondie en forme de membres gros ou menus, produisant cette notion presque animale de communauté, de tiède contact qui naît du milieu des foules, sur les champs de bataille, dans les hôpitaux, partout où les hommes sont prostrés ou amalgamés dans la perte de tout ce qui les érige en individualités distinctes. […] Que l’on écarte toute idée de mièvrerie, de sensiblerie vertueuse, d’embellissement factice de la vérité ; il n’y a là aucune de ces effusions doucereuses, de ces feints attendrissements qui rendent odieux dans la littérature française les tableaux de la vie en famille ; mais la simple vérité virile et saine, comprenant les froissements, les conflits, les ridicules, le prosaïque de l’existence à plusieurs ; mais donnant aussi sa sûreté, sa dignité, sa douceur, sa gaîté, son aspect archaïque et patriarcal. L’émotion de sympathie cordiale que suscite le spectacle de vies humaines bien conduites et heureuses, s’attache à l’union aimante de Lévine et de sa femme Kitty, à la noblesse naturelle de leur condition que tempèrent si véridiquement la médiocrité de leurs pensées, leurs inclinations simples comme leurs manières, tous les incidents ordinaires de leur ménage, des singuliers accès de jalousie du mari à la transformation graduelle de la femme en une ménagère sans grand génie. […] Que l’on rapproche ces actes d’un sérieux humain singulièrement profond et simple, de la bonté sénile du vieux Rostow, de l’infinie faiblesse de géant du prince Pierre, que l’on note que la scène la plus grave de La Guerre et la Paix est celle où le soldat Karalaïef raconte, dans l’obscurité puante d’une chambrée de prisonniers, l’histoire comme évangélique d’un marchand injustement condamné pour un assassinat, heureux de souffrir et pardonnant au scélérat qui le fait mourir au bagne, et l’on reconnaîtra que l’impression dernière de ce livre de batailles est religieuse, morale, pénétrée de bon vouloir et d’amour.

166. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Tous les adjectifs que nous venons d’écrire, ont un caractère commun d’excès, de violence ; les passions chagrines dont use de préférence le romantisme sont plus intenses à degré égal que les passions joyeuses, par le simple fait physiologique qu’une douleur est toujours plus forte qu’un plaisir. […] D’autre part le fait simple de savoir toujours ce qu’il pense et ce qu’il fait supprime de son âme la passion, le premier mouvement, la sincérité. […] Le cas de Dickens est plus simple et plus facile à caractériser. […] Ils sont exclus du monde des faits, de la connaissance et de l’amour des simples objets naturels, par le maléfice d’une imagination incurablement raffinée, qui dégoûte de toutes choses par de plus séducteurs idéaux et oublie qu’il manque à ces fantômes la qualité primordiale de l’existence. […] Maurice Bouchor présentent également une série de petites pièces simples, passionnées, éprises ou ironiques, dénuées de déclamation, sans la grande emphase romantique, qui tiennent parfois de la sensibilité et de la méchanceté de Heine.

167. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Ma conscience me donne la sensation intérieure d’un fait simple, car en A était le repos, en B est le repos encore, et entre A et B se place un acte indivisible ou tout au moins indivisé, passage du repos au repos, qui est le mouvement même. […] Soit un mouvement simple, comme le trajet de ma main quand elle se déplace de A en B. […] On n’expliquera donc jamais par des particules, quelles qu’elles soient, les propriétés simples de la matière : tout au plus suivra-t-on jusqu’à des corpuscules, artificiels comme le corps lui-même, les actions et réactions de ce corps vis-à-vis de tous les autres. […] Un calcul fort simple montre qu’il faudra plus de 25 000 ans pour achever l’opération. […] Mais on nous fera difficilement comprendre comment la perception visuelle du relief, par exemple, perception qui fait sur nous une impression sui generis, d’ailleurs indescriptible, coïncide avec le simple souvenir d’une sensation du toucher.

168. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Guizot triomphe et dégage le dogme de la création de toutes les difficultés et les obscurités dont on voudrait l’environner : ce premier miracle lui paraît plus simple, plus clair que tant d’essais d’explications encore confuses et incompréhensibles ; il l’élève au-dessus de toute attaque, dit-il, à sa hauteur propre et isolée ; il le voit jaillir comme une cime rayonnante du sein des vapeurs mêmes et des nuages bibliques, et il en fait le sommet culminant de sa théologie et de sa foi. […] Guizot est simple : elle ne heurte aucune des communions chrétiennes, elle s’accommode de toutes ; elle s’en passe aussi jusqu’à un certain point. C’est le christianisme de Channing, de Chalmers, sans aucune marque calviniste expresse : il a réduit le christianisme à ses éléments les plus simples, les plus essentiels ; mais il lui garde expressément son caractère divin, surnaturel ; il le laisse entouré et glorifié des prophéties, prises au vrai sens, et des miracles ; il ne souffre aucune amphibologie sur la personne même du Christ, il voit en lui l’homme-Dieu et ne permet point qu’à cette nature divine on substitue, à aucun degré, le plus sage, le plus saint, et fût-ce même le plus divin des hommes. […] Il tient donc ces réponses pour de simples reflets de désirs, des répercussions et des réflexions du même au même, qui ne prouvent autre chose que le foyer intérieur d’où elles sont parties, et qui peuvent rester stériles comme tant de désirs. […] Regardez-y bien, je vous prie, il n’y a rien là que de parfaitement légitime et simple, et absolument rien de contraire à la liberté. — Recevez, etc. » À mon tour, je glisserai une légère observation.

169. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

En même temps que les compliments au cardinal de Richelieu, au chancelier Séguier et à Louis XIV, s’en sont allés avec tant d’autres choses, le fond des discours s’est mieux dessiné : celui du récipiendaire est devenu plus simple (plus simple de fond, sinon de ton) ; après le compliment de début et la révérence d’usage, le nouvel élu n’a qu’à raconter et à louer son prédécesseur. […] En devenant plus simples dans leur sujet, les discours sont aussi devenus plus longs ; les hors-d’œuvre, au besoin, n’y ont pas manqué : l’Empire et l’Empereur ont pourvu aux effets oratoires, comme précédemment avait fait Louis XIV ; le plus souvent même, on n’a pu les éviter, et la biographie des hommes politiques ou littéraires est venue, bon gré, mal gré, se mêler à ce cadre immense. […] Pindare, ayant à célébrer je ne sais lequel de ses héros, s’écriait au début : « Je te frappe de mes couronnes et je t’arrose de mes hymnes… » Quand le héros est tout à fait inconnu, le poëte peut, jusqu’à un certain point, faire de la sorte, il n’a guère à craindre d’être démenti ; mais quand il s’agit d’un académicien d’hier, d’un auteur de comédies et d’opéras-comiques auxquels chacun a pu assister, d’un rédacteur de journal qu’on lisait chaque matin, il y a nécessité, même pour le poëte, de condescendre à une biographie plus simple, plus réelle, et de rattacher de temps en temps aux choses leur vrai nom. […] Ce qu’il trouvera, ce ne sera pas sans doute ce que nous savons déjà sur la façon et sur l’artifice du livre, sur ces études de l’atelier si utiles toujours, sur ces secrets de la forme qui tiennent aussi à la pensée : il est bien possible qu’il glisse sur ces choses, et il est probable qu’il en laissera de côté plusieurs ; mais sur le fond même, sur l’effet de l’ensemble, sur le rapport essentiel entre l’art et la vérité, sur le point de jonction de la poésie et de l’histoire, de l’imagination et du bon sens, c’est là qu’il y a profit de l’entendre, de saisir son impression directe, son sentiment non absorbé par les détails et non corrompu par les charmes de l’exécution ; et s’il s’agit en particulier de personnages historiques célèbres, de grands ministres ou de grands monarques que le poëte a voulu peindre, et si le bon esprit judicieux et fin dont nous parlons a vu de près quelques-uns de ces personnages mêmes, s’il a vécu dans leur familiarité, s’il sait par sa propre expérience ce que c’est que l’homme d’État véritable et quelles qualités au fond sont nécessaires à ce rôle que dans l’antiquité les Platon et les Homère n’avaient garde de dénigrer, ne pourra-t-il point en quelques paroles simples et saines redonner le ton, remettre dans le vrai, dissiper la fantasmagorie et le rêve, beaucoup plus aisément et avec plus d’autorité que ne le pourraient de purs gens de lettres entre eux ? […] Molé s’est livré à des réflexions pleines de justesse et d’application : ce n’était plus un simple et noble amateur des lettres qui excelle à y toucher en passant, il en parlait avec autorité, avec conscience et plénitude.

170. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Vous n’y trouverez ni drames singuliers ou puissants, ni subtiles analyses de caractères, puisque tout s’y réduit à des amours suivies de séparations et que les personnages y ont des âmes fort simples. […] Aujourd’hui encore les simples et les trois quarts des hommes cultivés ne voient pas. […] Les gens du peuple, les esprits simples adorent les romances qui leur parlent de choses qu’ils n’ont point vues, de lagunes et de gondoles, ou qui leur présentent un Orient de vignettes avec caravanes, minarets et yatagans. […] Mais, de plus, c’est l’exotisme même de ses romans qui conseillait et imposait à Pierre Loti les sujets simples et les drames élémentaires. […] Car, outre que sa vie voyageuse lui a surtout fait connaître des hommes du peuple, des matelots, la satiété des impressions passionnelles, la misanthropie qui naît de l’excès d’expérience et le sentiment très net, chez un homme qui a vécu en dehors des cités, de ce qu’il y a d’artificiel, de misérable et d’inutile dans nos civilisations, lui font aimer et embrasser avec une ardente sympathie les êtres simples, plus intacts et plus beaux que nous, plus proches de cette terre dont il a parcouru la face et qu’il adore.

171. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

L’éloge ne s’y monte jamais au ton oratoire, et y affecte constamment celui d’une notice nette et simple. […] Il est évident que, pour les simples éloges des savants, il songeait trop à l’oraison funèbre ; il relisait bien plus volontiers Bossuet ou Fléchier qu’il ne relisait Fontenelle. […] Aussi je souffre toujours quand je vois une chose simple qu’on n’a pas osé dire dans un éloge historique par je ne sais quel scrupule de noblesse ou de fausse convenance. […] » car il sent bien qu’il est allé trop loin : « Je viens, dit-il, de parler sans mon guide, et d’exposer des idées qui, bien que liées au sujet que je traite, n’étaient peut-être pas dans le sage esprit de Cuvier. » Et c’est précisément parce que rien ne ressemble moins au procédé de Cuvier, que, dans un éloge de ce dernier, il eût été du plus simple bon goût de s’en abstenir. […] Il était né, le 5 août 1770, à Grand, bourg de l’arrondissement de Neufchâteau ; son père était un simple garde forestier.

172. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Les exemples les plus simples seront les meilleurs. […] Ferrier l’a montré, en s’appuyant sur une expérience très simple. […] Maury s’exprime encore plus explicitement. « Une simple différence de degré sépare l’extase de l’action de fixer avec force une idée dans l’intelligence. […] Je m’en tiens pour le moment à cette simple remarque46. […] Il est certain qu’entre ces quatre degrés il y a continuité et qu’il y a toujours en jeu un élément moteur, avec une simple différence du plus au moins.

173. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Notons cependant que le rôle pervers d’Ortrude y est indiqué, mais attribué à une simple servante. […] L’homme civilisé se manifeste par la richesse et la diversité des nuances entre les sentiments, et par un rythme plus complexe. » Wagner caractérise très bien les différents caractères de la mimique de l’homme : plus l’homme en effet est grossier, plus la mimique est simple et désordonnée. […] Au fond, une image soudaine vers laquelle tout semble converger, est la silhouette simple et placide de Parsifal, debout sur le rempart. […] Les chevaliers du Gral qui forment le chœur de ce drame, ont une attitude et un costume simples ; les deux jeunes écuyers, qui apparaissent enlacés, apportant du lac d’où ils viennent la fraîcheur, représentent la pureté du Gral — comme, aussi, le cortège de l’enterrement du Cygne. […] Voilà comment se présente aux yeux du simple la « vision du Gral » : on peut séparer cette scène en deux parties : Parsifal et ce qu’il voit.

174. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Maintenant, que la concurrence fortuite d’un plaisir et d’un certain mouvement se produise plusieurs fois, et bientôt, sous l’influence de la loi de retentivité, ces choses seront si intimement liées, que le plaisir ou même la simple idée du plaisir évoquera le mouvement approprié. […] Un acte aussi simple en apparence que celui de cracher, demande tant d’efforts que l’enfant ne peut le faire qu’à la fin de sa deuxième année. […] Il est difficile, souvent même impossible, d’arrêter un éclat de gaieté par une simple volition adressée aux muscles : que faisons-nous ? […] La théorie newtonienne de la gravitation explique d’une manière complète et scientifique les phénomènes naturels ; mais à l’idée de gravité substituez une autre idée. celle d’une polarité, par exemple, telle qu’elle existe dans un aimant ; faites en le type et le fond de toutes les forces de la nature, et voyez comme tout se brouille, comme vous substituez à une explication simple un mystère inintelligible. De même, demander si nos volitions sont libres ou non, c’est tout confondre, c’est ajouter des difficultés factices à un problème qui de sa nature n’est pas insoluble ; c’est ressembler au personnage à qui Carlyle fait demander : « si la vertu est un gaz. » Un motif me pousse, la faim ; je prends la nourriture qui est devant moi, je vais au restaurant, où j’accomplis quelque autre condition préliminaire : voilà une séquence simple et claire ; faites-y entrer l’idée de liberté, et la question devient un chaos.

175. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

Mais il est à peu près impossible d’arriver à l’hypothèse d’une relativité double sans passer par celle d’une relativité simple, où l’on pose encore un point de repère absolu, un éther immobile. […] Aucun philosophe ne pouvait se contenter tout à fait d’une théorie qui tenait la mobilité pour une simple relation de réciprocité dans le cas du mouvement uniforme, et pour une réalité immanente à un mobile dans le cas du mouvement accéléré. […] Sans doute une multitude de déplacements et de changements se montrent à sa surface et se cachent à l’intérieur d’elle ; mais ces mouvements tiennent dans un cadre fixe : je veux dire qu’on peut trouver sur la Terre autant de points fixes qu’on voudra les uns par rapport aux autres et ne s’attacher qu’à eux, les événements qui se déroulent dans les intervalles passant alors à l’état de simples représentations : ce ne seraient plus que des images se peignant successivement dans la conscience d’observateurs immobiles en ces points fixes. […] Ainsi le système Terre, quand nous ne tiendrons compte que de son état de repos ou de mouvement par rapport à un autre système, pourra être envisagé par nous comme un simple point matériel : ce point deviendra alors le sommet de notre trièdre. […] Le système de référence ne peut donc plus être un simple trièdre muni d’un observateur unique.

176. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rambert, Eugène (1830-1886) »

Édouard Grenier Toute sa poésie n’est qu’un hymne, un chant d’amour pour la Suisse… Fils d’un simple vigneron des environs de Clarens, il se fait gloire de son humble origine : Je suis né paysan et je le resterai. […] Il est devenu lettré, instituteur, professeur, écrivain et poète ; il ne lui est rien resté du paysan, si ce n’est l’amour de la terre natale et le goût de la vie simple : Je reste vigneron et paysan dans l’âme, écrit-il encore plus tard.

177. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Paul Fort, dans une intention sans doute amicale : le génie pur et simple. […] L’amour de la vie toute bonne et simple est triste comme le regard d’un chien. […] … Ces vers simples et clairs donneraient, selon M.  […] Daudet, s’est résolu en évidente lumière et en certitude pure et simple : les Goncourt furent un grand écrivain. […] Hello n’entre jamais au cœur des problèmes, ces troupeaux d’idées ; il les cerne, il les ceint d’un cercle d’où il leur défend de sortir, puis il leur parle ; ses discours sont uniformes : problème, tu es simple, trop simple pour que je m’attarde autour de toi, si simple que tu n’existes pas.

178. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Mais les expressions, qui d’elles-mêmes vont s’idéalisant à son sujet, doivent se tempérer plutôt : car, en abordant cette femme illustre, c’est d’un personnage grave, simple et historique, que nous parlons. […] Des détails intimes sur les sentiments de Mme Roland nous sont révélés dans la Correspondance avec Bancal, et ajoutent à tout ce qu’on connaissait en elle de profond et de simple. […] Mlle Phlipon se fit donc un caractère plus mâle et plus simple ; elle eut de bonne heure l’habitude de réprimer sa sensibilité, son imagination, de s’arrêter à des principes raisonnés, et d’y ranger sa conduite. […] Un éloge bien rare à donner aux grandes et glorieuses existences, tout à fait particulier à Mme Roland, c’est que plus on va au fond de sa vie, de ses lettres, plus l’ensemble paraît simple : toujours le même langage, les mêmes pensées sans réserve ; pas un repli, nulle complication ou de passions ou de vœux et de tendances diverses. […] « Quant au docteur Lanternas, disait-il en pleine Convention, tout le monde sait que c’est un simple d’esprit. » 82.

179. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

Il se garda bien de s’égarer en un monde irréligieux, qui voulait tirer de lui un vain amusement ; il n’aspirait à gagner que le peuple ; il garda pour les simples des moyens bons pour eux seuls. […] Jésus, en effet, ne pouvait accueillir l’opposition avec la froideur du philosophe, qui, comprenant la raison des opinions diverses qui se partagent le monde, trouve tout simple qu’on ne soit pas de son avis. […] D’une mansuétude exquise avec les simples, il s’aigrissait devant l’incrédulité, même la moins agressive 918. […] Mais les aristocrates de Jérusalem, qui le dédaignaient, avaient laissé les simples gens le tenir pour un prophète 935.

180. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Sachant l’immense parti que les protestants tirent de leurs traductions de la Bible, il s’est dit que les catholiques pouvaient imiter cette propagation par les livres, et il a rapproché, à l’aide d’une traduction fidèle et pure, de la pensée des plus nombreux, le texte de l’enseignement divin, afin que les simples autant que les doctes pussent y réchauffer leur foi ou y désaltérer leur piété. […] Les annotations qu’il a choisies indiquent suffisamment cette tendance fixe de sa pensée : « Ce livre — est-il dit dans le prospectus très simple et très intelligent qui serait la préface naturelle de son ouvrage — n’est pas seulement le travail d’un auteur isolé, mais l’œuvre de tous les grands hommes qui ont brillé dans la société chrétienne depuis les temps apostoliques jusqu’à nos jours, qui semblent s’être levés de toutes les parties du monde et, malgré la distance des temps et des lieux, s’être réunis, comme dans un concile auguste, pour nous montrer comment nous devons concevoir Jésus-Christ et interpréter son Évangile. […] Pour notre part, nous connaissons des mots sublimes (et un mot sublime c’est de la vertu instantanée) inspirées à des âmes simples par les plus simples images.

181. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

Quelques nobles mouvements naturels et simples viennent par endroits donner jour aux émotions que fait naître un tel spectacle : l’historien, sans intervenir trop fréquemment, est loin d’être impassible. […] Le style est ce qui, dans l’ouvrage, paraît laisser le plus à désirer ; le plus souvent on n’y songe pas, tant ce style est simple, facile et courant. […] Il a fait comme un homme qui, voyant un violent incendie dans la maison voisine, a l’énergie et la présence d’esprit de sauver sa propre maison séparée par un simple mur mitoyen, et qui a de plus le courage d’aller au secours des maisons d’en face elles-mêmes menacées.

182. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre cinquième. »

Cette fable, et les quatre suivantes, sont du ton le plus simple. […] Mais La Fontaine se contente de nous renvoyer au simple bon sens, et fonde sa morale sur la nature commune et sur la raison vulgaire. […] Cette petite fable, ainsi que plusieurs de ce cinquième livre, est du ton le plus simple : les deux meilleures sans contredit sont celles de l’ours et celle de la vieille et les deux servantes.

183. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

L’évêque de Meaux a créé une langue que lui seul a parlée, où souvent le terme le plus simple et l’idée la plus relevée, l’expression la plus commune et l’image la plus terrible, servent, comme dans l’Écriture, à se donner des dimensions énormes et frappantes. […] pourquoi frissonne-t-on à ce mot si simple, telle que la mort nous l’a faite ? […] — « Et maintenant, dit-il, ces deux âmes pieuses (Michel Le Tellier et Lamoignon), touchées sur la terre du désir de faire régner les lois, contemplent ensemble à découvert les lois éternelles d’où les nôtres sont dérivées ; et si quelques légères traces de nos faibles distinctions paraît encore dans une si simple et si claire vision, elles adorent Dieu en qualité de justice et de règle. » Au milieu de cette théologie, combien d’autres genres de beautés, ou sublimes, ou gracieuses, ou tristes, ou charmantes !

184. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

C’est une simple question de dose et de rapidité de l’absorption. […] Un simple sommeil paraît être la transition de la vie à la mort. […] Le problème du médecin expérimentateur consiste donc à trouver le déterminisme simple d’un dérangement organique compliqué, c’est-à-dire à découvrir la condition du phénomène pathologique initial qui amène tous les autres à sa suite par un déterminisme complexe, qui n’est lui-même que l’enchaînement d’un plus ou moins grand nombre de déterminismes simples. […] Une simple modification dans la température du sang, dans sa pression, suffit pour produire des troubles profonds dans la sensibilité, le mouvement ou la volonté. […] Une expérience simple vient en donner la démonstration.

185. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Un roi, un simple particulier, un commerçant, un laboureur, ne doivent point parler du même ton ; mais ce n’est pas assez. […] Dès-lors, dans une action simple, tout devient magique et surnaturel. […] Les sujets de Quinault sont simples, faciles à exposer, noués et dénoués sans peine. […] Le sujet d’Armide est encore plus simple. […] Le sujet doit être rempli d’intérêt, et disposé de la manière la plus simple et la plus intéressante.

186. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

On a découvert qu’une œuvre littéraire n’est pas un simple jeu d’imagination, le caprice isolé d’une tête chaude, mais une copie des mœurs environnantes et le signe d’un état d’esprit. […] C’est traiter les choses en simple érudit, et tomber dans une illusion de bibliothèque. […] Le vice et la vertu sont des produits comme le vitriol et le sucre, et toute donnée complexe naît par la rencontre d’autres données plus simples dont elle dépend. Cherchons donc les données simples pour les qualités morales, comme on les cherche pour les qualités physiques, et considérons le premier fait venu ; par exemple une musique religieuse, celle d’un temple protestant. […] De même qu’en minéralogie les cristaux, si divers qu’ils soient, dérivent de quelques formes corporelles simples, de même, en histoire, les civilisations, si diverses qu’elles soient, dérivent de quelques formes spirituelles simples.

187. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Si je parle quelque jour de Villehardouin, qui l’a précédé, il sera sensible, en passant de l’un à l’autre, que Joinville n’a pas la gravité simple ni le ton uni de ce premier en date de nos historiens : mais il a plus de bonhomie jointe à un sens subtil, il a de la gentillesse, de la grâce enfantine si l’on peut dire, une imagination tendre et riante. […] On jeta la sonde ; on sentit la terre ; on se crut perdu ; le roi, pieds nus, en simple cotte et tout échevelé, était déjà sur le pont, les bras en croix devant le Saint-Sacrement86, comme celui qui croyait bien périrk. […] On y voit confirmé le bel éloge que Voltaire a fait du saint roi quand il a dit : « Prudent et ferme dans le conseil, intrépide dans les combats sans être emporté, compatissant comme s’il n’avait jamais été que malheureux. » À considérer cette réponse magnanime et si simple qu’on vient de lire, la pensée se reporte à d’autres monarques de renom, et l’on se demande ce qu’en pareille circonstance ils auraient répondu, ce qu’ils auraient fait à leur tour. […] Ce sont là de ces mots qui touchant toujours, parce qu’ils tiennent à la fibre humaine ; et plus l’expression du sentiment est simple, plus on aime à la noter chez l’historien comme chez le poète. […] Mais tout aussitôt, dans la personne de son page et de son serviteur, il a su ramener, par contraste avec son insensibilité, les sentiments naturels et nous faire voir qu’il n’est pourtant pas tout à fait étranger aux larmes ; il nous montre l’enfant et l’homme pleurant comme de simples mortels, l’un son père et sa mère, l’autre sa femme et ses enfants.

188. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

Supprimez le spectateur, il y aura bien connexion objective des choses l’une avec l’autre, mais point de représentation, sinon virtuelle, point d’expression du multiple dans le simple, point de perception, sinon pour une conscience possible. […] Richet, est en retard sur la sensation simple. […] Point de plaisir, si matériel, si grossier et simple qu’il soit, qui ne renferme une forme rudimentaire d’activité intellectuelle, par cela même qu’il est un fait de conscience et que la conscience ne s’y sent pas isolée, mais en contact avec quelque autre chose qui lui résiste ou lui cède. […] Si, au lieu de considérer dans l’organe le mouvement et la fonction, d’où résultent plaisir et douleur, nous considérons la matière même et la substance, nous dirons que l’organisation de la substance nerveuse, son intégration, précède nécessairement sa désintégration, sa réduction à des composés plus simples. […] Un être entièrement automatique, dont toute l’existence consisterait, par exemple, en contractions et expansions rythmiques, régulières, n’aurait besoin que des sentiments généraux d’aise ou de malaise ; le reste se ferait par les simples lois de la propagation du choc.

189. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

quelles expressions simples et engageantes ! […] Le style de M. de Biran n’est pas le galimatias double ; ce n’est que le galimatias simple. […] « Car nulle cause ou force ne peut se représenter sous une image qui ressemble à l’étendue ou à ce que nous appelons matière. » « Toute cause efficiente dans l’ordre physique même est une force immatérielle. » « Les êtres sont des forces, les forces sont des êtres : il n’y a que les êtres simples qui existent réellement à leur titre de forces ; ce sont aussi les véritables substances existantes. » « Aussi les esprits conséquents et qui pensent comme il faut, se trouvent-ils éconduits au point de spiritualiser le monde, comme a fait Leibnitz, en n’admettant d’autre réalité que celle des êtres simples dont toute l’essence est la force active. […] Si vous dites que la résolution est le moi, vous prononcez qu’un simple fait est l’âme. Si vous dites que le pouvoir de se résoudre est le moi, vous prononcez qu’une simple qualité commune à plusieurs faits est l’âme.

190. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Disons plutôt que, pour le sens droit et vif, pour le bon goût dans l’art, il avait suspendu la décadence et fait remonter les esprits de la finesse trop ingénieuse de Fontenelle à la rapide brièveté d’une élégance plus saine et plus simple. […] Les beautés vraiment lyriques où il s’est élevé, ce sont ses souvenirs des Alpes et de l’Allemagne, des paysages magnifiques et des vertus simples de la Suisse ; c’est enfin sa douleur, quand il voit la liberté de ce peuple menacée par l’invasion républicaine de la France ; c’est son indignation, sa fureur de résistance, quand il craint pour l’Angleterre la même menace et la même profanation. […] Chrétien fervent et convaincu, il invoque parfois le simple déisme comme un port plus facile contre tant de vices, dont il voudrait à tout prix retirer les âmes. […] L’hymne religieux peut naître dans tous les pays, et à ce titre la plupart des chants chrétiens d’Héber, inspirés par ses études, sa vocation simple, ses contemplations de la foi, avaient précédé son séjour dans l’Inde. […] Amarrée sons les bosquets de tamarin, notre barque a trouvé son asile aujourd’hui, Avec sa voile repliée et ses flancs décorés de peintures, vois s’avancer la petite frégate ; sur sa poupe, aux clartés du charbon, le souper savoureux du musulman bouillonne, tandis qu’à l’écart, dans l’ombre du bois, l’Hindou prépare sa nourriture plus simple.

191. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « André Theuriet »

André Theuriet est assurément le meilleur peintre, le plus exact et le plus cordial à la fois, de la petite bourgeoisie française, mi-citadine et mi-paysanne ; et, comme cette classe sociale est la force même de la nation, comme elle lui est une réserve immense et silencieuse d’énergie et de vertu, les romans si simples de l’auteur des Deux Barbeaux deviennent par là très intéressants ; ils prennent un sens et une portée ; peu s’en faut qu’ils ne me soient vénérables. […] Telle est cette simple histoire, moins belle, mais plus mélancolique que celle de Fortunio, qui du moins fut aimé de celle pour qui il avait voulu mourir. […] » — Je sais que nul romancier, pas même George Sand, n’a su mêler aussi étroitement la vie des hommes et la vie de la terre sans absorber l’une dans l’autre ; ni mieux entrelacer l’histoire fugitive des passions humaines et l’éternelle histoire des saisons et des travaux rustiques  Je sais aussi que rien n’est plus charmant que ses jeunes filles ; car, tandis que la campagne les fait simples et saines, la solitude les fait un peu rêveuses et capables de sentiments profonds  La solitude, soit aux champs, soit dans les petites villes silencieuses, nul n’a mieux vu que M. 

192. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre II : Termes abstraits »

L’idée d’infini, qu’on a appelée une idée simple, est en réalité une idée extrêmement complexe. […] John Stuart Mill (note 3), n’est pas l’existence entre deux choses d’un lien mystique qu’on appelle Relation, auquel on suppose une réalité vague et abstraite ; mais une particularité très simple dans le fait concret que les deux noms expriment. On dit qu’il y a un rapport entre deux objets, lorsqu’il y a un fuit simple ou complexe saisi par les sens ou autrement, dans lequel tous deux figurent.

193. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

Lorsque la science était pauvre et solitaire ; lorsqu’elle errait dans la vallée et dans la forêt, qu’elle épiait l’oiseau portant à manger à ses petits, ou le quadrupède retournant à sa tanière, que son laboratoire était la nature, son amphithéâtre les cieux et les champs ; qu’elle était simple et merveilleuse comme les déserts où elle passait sa vie, alors elle était religieuse. […] L’Église ne pouvait donc prendre, dans une question qui a partagé la terre, que le parti même qu’elle a pris : retenir ou lâcher les rênes, selon l’esprit des choses et des temps ; opposer la morale à l’abus que l’homme fait des lumières, et tâcher de lui conserver, pour son bonheur, un cœur simple et une humble pensée. […] Berthollet est, dit-on, sur le point de prouver que l’azote, regardé jusqu’à présent comme une simple essence combinée avec le calorique, est une substance composée.

194. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 41, de la simple récitation et de la déclamation » pp. 406-416

Section 41, de la simple récitation et de la déclamation Les premiers hommes qui ont fait des vers, ont dû s’appercevoir que la récitation donnoit une force aux vers qu’ils n’ont pas, quand on les lit soi-même sur le papier où ils sont écrits. […] Nous trouvons même dans les usages de ce temps-là une preuve encore plus forte du plaisir que donne la simple récitation des vers qui sont riches en harmonie. […] Dès que la simple récitation ajoûte tant d’énergie au poëme, il est facile de concevoir quel avantage les pieces qui se déclament sur un théatre, tirent de la représentation.

195. (1915) La philosophie française « II »

Il faut, en effet, avoir poussé jusqu’au bout la décomposition de ce qu’on a dans l’esprit pour arriver à s’exprimer en termes simples. […] Ceux mêmes des philosophes français qui se sont voués pendant le dernier siècle à l’observation intérieure ont éprouvé le besoin de chercher en dehors d’eux, dans la physiologie, dans la pathologie mentale, etc., quelque chose qui les assurât qu’ils ne se livraient pas à un simple jeu d’idées, à une manipulation de concepts abstraits : la tendance est déjà visible chez le grand initiateur de la méthode d’introspection profonde, Maine de Biran. […] À cette idée on pourra toujours en opposer une autre, avec laquelle on construira, selon la même méthode, un système différent ; les deux systèmes seront d’ailleurs également soutenables, également invérifiables ; de sorte que la philosophie deviendra un simple jeu, un tournoi entre dialecticiens.

196. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Ce contraste s’exprime en deux mots : leur vie et leur esprit sont simples, notre vie et notre esprit sont compliqués. Partant, leur art est plus simple que le nôtre, et l’idée qu’ils se forment de l’âme et du corps de l’homme fournit matière à des œuvres que notre civilisation ne comporte plus. […] Au contraire, en Grèce, les sentiments sont simples, et, par suite, le goût l’est aussi. […] Il ne marche pas du même pas ; quoique contemporain, il reste, pendant ces deux siècles, inférieur et simple copiste. […] On voit par Aristophane que pour des paysans, des hommes du peuple, des esprits simples et un peu antiques, il est toujours celui qui « arrose la glèbe et fait pousser les moissons ».

197. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

Or, dans cette culture attentive de la langue française, l’idée directrice à laquelle obéissent plus ou moins consciemment les précieux, est l’effet d’un rationalisme instinctif : elle consiste à ne pas traiter les mots comme des formes concrètes, valant par soi, et possédant certaines propriétés artistiques, mais comme de simples signes, sans valeur ni caractère indépendamment de leur signification. […] Lorsque cette nature sera tout à fait polie, alors, mais alors seulement, la perfection du langage pourra consister dans le simple naturel. […] Elle songea à se nommer Académie des beaux esprits, ou Académie de l’éloquence, ou Académie éminente, et finit par s’appeler du meilleur et du plus simple nom : Académie française. […] C’était un gentilhomme savoisien, simple et bonhomme, fort gueux, et à qui la pauvreté arracha quelque jour d’équivoques démarches : du reste, il n’avait de passion que pour la langue française.

198. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Il se peut encore qu’on aperçoive ici, rarement, parmi tant de basses attitudes, l’allure noble et simple d’un homme. […] [Maurice Barrès] Maurice Barrès débuta par je ne sais quel individualisme bas, raffiné et onanique, quelque chose qui ressemble aux noblesses simples du stoïcisme ou de l’épicurisme comme les fantaisies d’un Baudelaire ressemblent à une religion directement sincère. […] Il accomplit un acte très simple, il fait sans réflexion son devoir » !!! […] Et, sous les attitudes triomphales, nous distinguons la lâcheté blêmissante de la plupart des gradés, je ne dis point seulement toutes les fois qu’il s’agit de se tenir debout devant un chef, mais souvent aussi quand il faut ne point reculer devant un simple danger matériel.

199. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Le Télémaque et Virgile lui enseignaient au même moment l’amour des paysages et le charme simple des scènes douces. […] Un simple outil a, pour l’ouvrier qui s’en sert, sa jeunesse, son âge mûr, ses vieux jours, et excite en lui, selon ses phases diverses, des sentiments divers aussi. […] De ces derniers petits récits, j’aime la vérité simple, la grâce rustique et naturelle, la belle humeur et la moquerie sans ironie. […] Ce que je puis dire, c’est que ces idiotismes, ménagés et bien pétris dans un style simple, me font l’effet d’un pain bis qui sent la noix. […] On entrevoit assez sur cette simple esquisse tout un cadre ouvert à une attrayante vérité.

200. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Ce fait est parfaitement compatible avec l’existence d’êtres nombreux qui gardent une organisation simple et rudimentaire en harmonie avec de simples conditions de vie. […] Les règles de classement systématique deviendront sans nul doute plus simples, quand nous aurons un objet bien déterminé en vue. […] Durant les périodes primitives de l’histoire de la terre, quand les formes de la vie étaient probablement moins nombreuses et plus simples, le changement était peut-être moins rapide ; et lors de la première aube de la vie, lorsqu’un très petit nombre de formes de la structure la plus simple existaient seules, ce changement peut avoir été extrêmement lent174. […] L’espèce ou plutôt la race aurait donc ainsi un fondement dans la nature autre que celui de la simple ressemblance, et la communauté d’origine aurait une valeur absolue pour délimiter les espèces. […] On peut affirmer, en toute certitude, que la somme des variations organiques entre la simple cellule primordiale et le premier poisson, est au moins équivalente à celle qui sépare le poisson de l’homme.

201. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

même en simple révolution de littérature, heureux qui n’a été que de 89 et qui s’y tient ! […] Il se trouve, en définitive, présenté, lui et son parti, comme le seul conséquent (c’est tout simple), et lui-même comme le plus conséquent de son parti. […] Les remèdes qu’il proposerait sont modestes, de simples palliatifs, les seuls qu’il croie proportionnés, dit-il encore, à l’état présent de l’estomac national. […] Il y a là une différence essentielle ; et c’est ce qui nous doit rendre fort humbles, fort circonspects, nous autres simples écrivains, quand nous jugeons ainsi à notre aise des personnages d’action. […] Il a essayé plusieurs fois d’Être utile, autrement que par sa simple assiduité aux séances. » (Notice de Sieyès sur lui-même.)

202. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

J’en sais, dans ce temps-ci, un assez grand nombre, de distingués et même d’assez ordinaires, simples majors ou caporaux déjà vieillis dans le régiment dont ils ne seront jamais colonels. […] Aussi je ne crains pas de dire qu’il faut une très-grande force de volonté aujourd’hui pour rester simple poëte, même quand on est poëte évidemment. […] C’est que dans l’intervalle l’auteur comprenant quel parti il y avait poétiquement à tirer de cette contrée bretonne où un simple retour de cœur l’avait porté au début, s’y était enfoncé avec une sorte d’amour sauvage et d’ivresse impétueuse. […] On respire comme un parfum antique dans cette poésie ingénieusement simple, qui se dit née aux landes sauvages. […] Évidemment l’auteur était en quête d’un titre ; j’en aurais mieux aimé un plus simple, le premier trouvé.

203. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Une âme simple et qui connaîtrait seulement le rôle politique de M.  […] Puis, résoudre la difficulté en affirmant sa duplicité volontaire, ce serait un peu trop simple et grossier. […] Il a souffert pour sa cause ; et si peut-être il n’avait pas la foi avant son exil, il a bien pu l’avoir après : on ne veut point avoir souffert pour un simple jeu d’esprit. […] Rochefort il est beaucoup plus simple d’avoir la foi  sauf à l’exagérer quand on la proclame, et à l’oublier le reste du temps. […] Rochefort est peut-être beaucoup plus simple que je ne l’ai vu, soit en bien, soit en mal.

204. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Mais mieux encore : la vérité même, simple, évidente, inévitable, excellente. […] Pareillement les œuvres vivantes et simples de Molière sont plutôt des romans dialogué ? […] Elle fut d’abord populaire, universelle, très simple et comprise par tout un peuple. […] Ces besoins sont plus simples, moins nombreux chez les hommes inférieurs ; donc, pour ceux-là, des droits plus simples, moins nombreux. […] Fait absolument simple ; et le trône des lois scientifiques n’a pas à en être ébranlé.

205. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

J’étudiai néanmoins ; je lus, et c’est le résultat de ces lectures qui compose aujourd’hui la vie de Rancé. » Cette humble origine de l’ouvrage sied à l’humilité du sujet ; cette docilité de l’illustre auteur est touchante ; mais le vieux confesseur avait raison ; avec le coup d’œil du simple, il lisait dans le cœur de René plus directement peut-être que René lui-même ; il avait touché les fibres secrètes par où René était fait pour vibrer à l’unisson de Rancé.  […] Les pieux biographes de Rancé sont extrêmement sobres de détails à cet endroit ; tout au plus s’ils se hasardent à dire à mots couverts que tantôt une cause ou une autre, tantôt la mort de quelques personnes de considération du nombre de ses meilleurs amis, le frappaient et le rappelaient à Dieu ; mais ils se plaisent à raconter au long, d’après lui, la simple aventure suivante, comme un des moyens dont Dieu se servait pour l’attirer doucement : « Il m’arriva un jour (c’est Rancé qui parle) de joindre un berger qui conduisoit son troupeau dans la campagne, et par un temps qui l’avoit obligé de se retirer à l’abri d’un grand arbre pour se mettre à couvert de la pluie et de l’orage. […] Je ne crois pas que je m’abuse, il me semble que la pensée divine, si elle se ménage l’entrée dans les cœurs mortels, doit le faire souvent par ces voies si paisibles et si unies, et qu’après les grands coups portés il lui suffit, pour gagner à elle, de ces simples et divins enchantements.  […] Nous ne croyons en général à ce venin qu’après y avoir regardé de très-près ; mais, dans le cas présent, il n’y a pas lieu même au doute : M. d’Aleth, à l’époque où Rancé le consulta, n’avait pas encore pris parti dans les querelles du temps ; il conseilla à Rancé la soumission pure et simple : celui-ci n’eut pas de peine à obéir. […] J’aimerois mieux un simple narré, tel que pouvoit faire Dom Le Nain, que l’éloquence affectée… » On avait proposé à Bossuet même de se charger de cette vie ; lui seul, aux conditions qu’il pose, était de force à l’exécuter, mais il ne le put à cause de sa plénitude d’occupations.

206. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Sans les passions, les gouvernements seraient une machine aussi simple que tous les leviers dont la force est proportionnée au poids qu’ils doivent soulever, et la destinée de l’homme ne serait composée que d’un juste équilibre entre les désirs, et la possibilité de les satisfaire. […] Dans toutes les sciences humaines, on débute par les idées complexes, en se perfectionnant, l’on arrive aux idées simples ; l’ignorance absolue dans ces combinaisons naturelles est moins éloignée du dernier terme des connaissances, que les demi-lumières. […] Les grands écrivains, deux siècles après, ont admis et fait admettre le genre simple ; et le discours du sauvage qui s’écriait : dirons-nous aux ossements de nos pères, levez-vous et marchez à notre suite ? […] Indépendamment de tous les crimes particuliers qui ont été commis, l’ordre social a été menacé de sa destruction pendant cette révolution par le système politique même qu’on avait adopté : les mœurs barbares sont plus près des institutions simples mal entendues, que des institutions compliquées ; mais il n’en est pas moins vrai que l’ordre social, comme toutes les sciences, se perfectionne à mesure qu’on diminue les moyens, sans affaiblir le résultat. […] L’on n’a point, au-dedans de soi, de transaction à faire avec des obstacles étrangers ; l’on mesure sa force, on triomphe, ou l’on se soumet ; tout est simple, tout est possible même ; car, s’il est absurde de considérer une nation comme un peuple de philosophes, il est vrai que chaque homme en particulier peut se flatter de le devenir.

207. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

J’y vois une première raison très simple. […] L’idée très simple et toute grossière que le dogme catholique lui donne du monde, partagé en deux camps, n’est pas pour le pousser à l’étude ni à l’analyse des dessous de la réalité. […] Un bon prêtre a l’âme simple, prend tout au sérieux et fait tout sérieusement. […] Beaucoup de fidèles sont d’ailleurs des âmes simples, dont la religion est toute de sentiment. […] Les paysages sont rudes, les personnages simples et violents.

208. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delarue-Mardrus, Lucie (1874-1945) »

Les poèmes en sont simples, d’une pensée douce et un peu grave, d’une forme et d’un rythme sûrs… Mme Lucie Mardrus peut être rangée au nombre des meilleurs poètes. […] Mais comme les dieux sont faillibles, à l’image des simples mortels et des poètes qui les inventèrent, il advient que, parfois, Mme Delarue-Mardrus soit égarée par celui qui l’inspire et qui lui conseilla quelques afféteries peu dignes d’elle.

209. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gérardy, Paul (1870-1933) »

Paul Gérardy est un des jeunes poètes belges le plus excellemment simple et chantant. […] C’est charmant, en vérité, de voir venir de temps à autre de là-bas ces minces volumes de vers ingénus, pleins de musique, nimbant des sentiments simples d’une langue naïve, d’une authentique naïveté, avec le petit goût vif d’un don réel des ressources du vers.

210. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Qu’on ne confonde pas ici une déclamation simple avec une déclamation froide, elle n’est souvent froide que pour n’être pas simple, & plus elle est simple, plus elle est susceptible de chaleur ; elle ne fait point sonner les mots, mais elle fait sentir les choses ; elle n’analyse point la passion, mais elle la peint dans toute sa force. […] Le style de la lettre est libre, simple, familier. […] Le début n’est que le titre du poëme plus développé, il doit être noble & simple. […] Il n’est point de caractere simple. […] Il faut, dit-on, des peintures simples & familieres pour préparer l’imagination à se prêter au merveilleux ; oui sans doute : mais le simple & le familier ont leur intérêt & leur noblesse.

211. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Puisque c’est la musique qui nous traduit toutes les émotions, il faut que la phrase soit réduite à sa plus simple expression et qu’elle ne contienne que des mots essentiels. […] Même le qualificatif est toujours réduit à sa plus simple expression. […] Les phrases sont ou platement banales, ou bien elles entassent des oripeaux de mélodrames sur la simple et sévère parole du maître ; laides, elles le sont toujours. […] Wilder comprend la langue concise et simple de Wagner. […] Ce que nous demandons est bien simple.

212. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

La perception n’est jamais un simple contact de l’esprit avec l’objet présent ; elle est tout imprégnée des souvenirs-images qui la complètent en l’interprétant. […] Mais d’autre part le principe de l’associationnisme veut que tout état psychologique soit une espèce d’atome, un élément simple. […] Mais l’illusion qui consiste à n’établir entre le souvenir et la perception qu’une différence de degré est plus qu’une simple conséquence de l’associationnisme, plus qu’un accident dans l’histoire de la philosophie. […] Le mettre, à l’état de modification moléculaire, dans la substance cérébrale, cela paraît simple et clair, parce que nous avons alors un réservoir actuellement donné, qu’il suffirait d’ouvrir pour faire couler les images latentes dans la conscience. […] Car tout événement dont le souvenir s’est imprimé dans la mémoire, si simple qu’on le suppose, a occupé un certain temps.

213. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Mais si simples que soient ces choses, elles sont au-dessus ou au-dessous de l’artiste moderne. […] Mais même dans le simple épisode, dans la simple représentation d’une mêlée d’hommes sur un petit espace déterminé, que de faussetés, que d’exagérations et quelle monotonie l’œil du spectateur a souvent à souffrir ! […] Quoi de plus simple et de plus compliqué, de plus évident et de plus profond ? […] Il y a de lui un paysage fort simple : une chaumière sur une lisière de bois, avec une route qui s’y enfonce. […] En tant que simple cheval, en quoi augmentent-elles son mérite ?

214. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Dans la première les sentiments avaient un caractère de généralité simple, pur, élevé ; ils sont devenus dans la seconde plus riches, plus profonds, plus intimes. […] Les mœurs étaient simples. […] Dans la comédie moderne, celle-ci domine si généralement, qu’une foule de productions comiques tombent ainsi dans la simple plaisanterie prosaïque, et même prennent un ton âcre et repoussant. […] Il en est de même partout où il n’y a, d’un côté, qu’une situation pénible, et de l’autre, que la simple moquerie et une joie maligne. […] Il tombe simple et libre, s’harmonisant avec les poses, le maintien et les mouvements.

215. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Il suffirait d’indiquer la scène, toute simple et tout ordinaire qu’elle soit, pour la rendre tragique. […] Par exemple, qui connaît, à présent, le nom de Pelin, un pauvre et simple avocat marseillais, auquel Mirabeau dut la rédaction d’un grand nombre de ses discours ? […] Il y a bien encore, dans ce domaine de la fiction simple, des horizons élargis vers lesquels le cœur pourrait s’ouvrir et l’âme se répandre. […] Le grand art simple a prise sur les âmes simples. […] Élever toute la masse à la hauteur de l’élite, faire de la foule l’auditoire des génies, voilà la mission simple qui s’impose aux écrivains et aux hommes d’action d’aujourd’hui.

216. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

L’intensité pure doit se définir plus aisément dans ces cas simples, où aucun élément extensif ne semble intervenir. […] Considérons le plus simple d’entre eux, le sentiment de la grâce. […] Mais les sensations nous apparaissent comme des états simples : en quoi consistera leur grandeur ? […] Sans doute on passe graduellement des unes aux autres ; sans doute il entre un élément affectif dans la plupart de nos représentations simples. […] Mais si S et S′ sont des états simples, en quoi consistera l’intervalle qui les sépare ?

217. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Il y aurait donc seulement un schéma simple à retrouver. […] Mais, dans des cas de ce genre, les allées et venues entre les deux contraires résultent de certains dispositifs très simples montés par l’homme social ou de certaines dispositions très visibles de l’homme individuel. […] Que la transformation s’opère : notre vie sera plus sérieuse en même temps que plus simple. […] Parce que le luxe coûte plus cher que le simple agrément, et le plaisir que le bien-être, on se représente la croissance progressive de je ne sais quel désir correspondant. […] Beaucoup estiment que c’est l’invention mécanique en général qui a développé le goût du luxe, comme d’ailleurs du simple bien-être.

218. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Il a détruit la prison où le positivisme nous enfermait dans des cellules numérotées, et il nous rend à l’anarchie pure et simple. […] Et la raison n’en est-elle pas bien simple ? […] Cette simple statistique n’est-elle pas intéressante ? […] Quelle que soit la définition exacte de l’art, il n’est certainement pas une simple copie de la réalité. […] Sans doute, dans la forme de leur réalisation pratique, ces conventions varient d’âge en âge ; peu importe, pourvu que les formes nouvelles soient simples et d’effet rapide.

219. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

La portion extérieure en est fort claire et fort simple ; il étudia beaucoup, se distingua dans ses classes, se concilia l’amitié de ses condisciples et de ses maîtres ; il allait deux fois le jour au collège ; il sortait probablement tous les dimanches ou toutes les quinzaines pour passer la journée chez sa grand’mère. […] Quoi qu’il en soit, le tableau que Farcy a tracé de souvenir est un chef-d’œuvre de délicatesse, d’attendrissement gracieux, de naturel choisi, d’art simple et vraiment attique : Platon ou Bernardin de Saint-Pierre n’auraient pas conté autrement. […] Cette convenance, la douceur du lieu, le voisinage des bois, l’amitié de quelques habitants du vallon, peut-être aussi le souvenir des noms célèbres qui ont passé là, les parfums poétiques que les camélias de Chateaubriand ont laissés alentour, tout lui faisait d’Aulnay un séjour de bonne, de simple et délicieuse vie. […] La pensée de l’art noblement conçu le soutient et donne à ses travaux une dignité que n’avaient pas ses premiers essais, simples épanchements de son âme et de sa vie habituelle. — Il comprend tout, aspire à tout, et n’est maître de rien ni de lui-même. […] Cet état convient mieux au pécheur qui va se régénérer ; il va plus mal au poëte qui doit toujours marcher simple et le front levé ; à qui il faut l’enthousiasme ou les amertumes profondes de la passion.

220. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Il sortit de là pour être mousquetaire, assista aux derniers moments de Louis XV, reçut un jour, au passage, un regard charmant de la jeune et nouvelle reine Marie-Antoinette : il paraît que ce furent là les plus vifs souvenirs de ce jeune mousquetaire au cœur simple, à la figure noble et pleine de candeur. […] Il y a de la force, de la dignité, un sentiment profond, à la fois historique et religieux ; mais ce chapitre me paraît gâté encore et interrompu dans ce qu’il a de simple et de grave par des raisonnements de théoricien et d’homme de parti. […] On sent dans ces dernières pensées l’homme de la famille, l’époux au cœur antique, l’homme simple et qui retrouvait dans le cercle domestique la bonhomie et l’aménité. Et ceci encore : Des sentiments élevés, des affections vives, des goûts simples, font un homme. […] Ses lettres à Joseph de Maistre, récemment publiées, nous le montrent simple en effet, suivant de tout point ses idées et les pratiquant, très occupé des détails, et revenant souvent d’une manière naturelle, mais cependant marquée, à ses soucis de famille et d’intérêts domestiques.

221. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Ce simple traducteur de Plutarque s’est acquis la gloire personnelle la plus enviable ; on le traite comme un génie naturel et original. […] On s’est demandé si, en un siècle aussi riche que le xvie , en un siècle qui possédait un si grand nombre d’écrivains énergiques, colorés, vifs, naïfs, ou même gracieux par endroits, il était juste de transférer tout l’honneur de la naïveté, de la grâce et de l’éloquence sur un simple traducteur. […] Rien ne peint mieux la morale d’une époque et d’une cour qu’une telle publication de la part d’un homme d’Église, précepteur en titre des fils du roi, une licence de cette force et qui paraît chose toute simple. […] L’ordinaire d’Amyot est, sans contredit, le simple langage délié et coulant de la narration, ou encore ce langage mêlé et tempéré qui s’adresse aux passions plus douces : mais là où son modèle l’exige, il sait atteindre à « ce langage plus haut, plein d’efficace et de gravité, et qui, courant roide ainsi qu’un torrent, emporte l’auditeur avec soi ». En ce qui est sobre, simple et grand, nulles pages ne sont plus belles que celles de la mort de Pompée.

222. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Il se voit quelques disparates dans ce premier pamphlet de Courier, un peu de mélange encore de ce style qui veut être tout simple, abrupt et d’un rustique raffiné, avec la phrase réputée élégante et harmonieuse. […] Le Simple discours de Paul-Louis, vigneron de La Chavonnière, aux membres du conseil de la commune de Véretz, à l’occasion d’une souscription proposée par S.  […] Ce Simple discours fut incriminé : « Sachez, avait-il dit, qu’il n’y a pas en France une seule famille noble, mais je dis noble de race et d’antique origine, qui ne doive sa fortune aux femmes : vous m’entendez. » C’était là une impertinence historique, et qui parut attentatoire à tout l’ordre de la monarchie. […] Dans sa Pétition pour des villageois, qui est une pièce des plus achevées, il se pose tout à fait en vieux soldat laboureur, devenu bûcheron et vigneron, ami de la vieille gloire nationale ; et, quand ce jeune curé d’Azay ou de Fondettes, sorti du séminaire de Tours où il a été élevé par un frère Picpus, interdit la danse sur la place de l’endroit, Courier s’écrie : Ainsi, l’horreur de ces jeunes gens pour le plus simple amusement, leur vient du triste Picpus, qui lui-même tient d’ailleurs sa morale farouche. […] Ce ne fut qu’au mois de juin 1830 que le mystère cessa, et qu’il dut être clair pour tous que cette mort n’était point un coup de parti ni une vengeance politique, mais quelque chose de plus simple et de plus commun, le guet-apens et le complot de domestiques grossiers, irrités et cupides, voulant en finir avec un maître dur et de caractère difficile.

223. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Une simple traduction des sensations de son en sensations de la vue ou du toucher : nous nous figurons voir ou sentir un mouvement de va et vient, comme l’onde visible de la mer ou la pulsation tangible du diapason. […] Elle constitue le droit des choses à l’existence, par opposition au simple fait d’exister. […] Selon nous, cette métaphysique transcendante est une dialectique abstraite qui transforme en idées a priori de simples processus d’expérience. […] Ce principe prétendu a priori est une simple conséquence du principe de causalité, en vertu duquel on ne peut concevoir l’anéantissement ni de l’existence, ni de l’action, ni du mouvement. […] » Non, ce n’est pas une vérité toute faite qui peut être donnée, c’est une simple direction de l’activité intellectuelle, une démarche essentielle, une fonction essentielle dont les vérités proprement dites ne peuvent être que les produits.

224. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Benjamin Constant a écrit un livre sur les religions, et l’idée de ce livre, très simple et très dangereuse dans un pays qui croit que la vérité ne peut jamais être compliquée, l’idée de ce livre est que les formes religieuses passent, mais que le sentiment religieux est éternel. […] « Dites aux simples, dit-il de son ton protecteur, de vivre d’aspiration à la vérité, à la beauté, à la bonté morale, ces mots n’auront pour eux aucun sens. […] Dieu, Providence, immortalité, autant de bons vieux mots un peu lourds que la philosophie interprétera dans des sens de plus en plus raffinés, mais qu’elle ne remplacera pas avec avantage. » L’aveu est toujours bon à enregistrer ; mais qu’importent les simples ! […] Ces simples et fortes notions, que le dix-huitième siècle avait troublées, furent reprises au commencement du dix-neuvième, et posées comme bases d’un système auquel le génie de M. de Bonald donna de sa propre solidité. […] Il répugne au simple.

225. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

Cet homme, si peu simple — en apparence  si obscur dans ses idées, si préoccupé d’étonner et de mystifier les autres, m’eût immensément déplu, j’imagine, à une première rencontre. […] Baudelaire s’épanche avec Sainte-Beuve plus librement qu’avec tout autre ; il est simple, affectueux, confiant. […] On considère la femme comme une esclave, comme une bête, ou comme une simple pile électrique, et cependant on lui adresse les mêmes hommages, les mêmes prières qu’à la Vierge immaculée. […] Il dédaigne les sentiments que suggère la simple nature.

226. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Un jour, dit-on, les simples gens de Galilée voulurent l’enlever et le faire roi 354. […] Continuons d’admirer la « morale de l’Évangile » ; supprimons dans nos instructions religieuses la chimère qui en fut l’âme ; mais ne croyons pas qu’avec les simples idées de bonheur ou de moralité individuelle on remue le monde. […] Les fondateurs du royaume de Dieu seront les simples. […] Ils seront un petit troupeau d’humbles et de simples, qui vaincra par son humilité même.

227. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

L’admiration n’est pas passive comme une sensation pure et simple. […] Au contraire, dans un simple regard de la personne aimée vous verrez jusqu’à son cœur, avec la diversité infinie des sentiments qui s’y agitent. […] Nous considérerions comme une simple preuve d’ignorance de méconnaître les gloires étrangères ; le nom de Byron, par exemple, a été beaucoup moins contesté en France qu’en Angleterre ; de même pour celui de Shelley, du moins à partir du jour où il a été connu. […] Il a représenté un type alors prédominant, mais qui a passé, n’étant point assez conforme à celui de la vie simple et éternelle.

228. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

De quelque manière simple & naturelle que les grands acteurs aient joué, ils ne sont jamais tombés dans le ton ordinaire & familier. […] « Il semble le voir, disent ses admirateurs, dans nos chaires avec cet air simple, ce maintien modeste, ces yeux humblement baissés, ce geste négligé, ce ton affectueux, cette contenance d’un homme pénétré, portant dans les esprits les plus brillantes lumières, & dans les cœurs les mouvemens les plus tendres. » Baron l’ayant rencontré dans une maison ouverte aux gens de lettres, le lendemain d’un jour qu’il avoit été l’entendre, lui fit ce compliment : « Continuez, mon pere, à débiter comme vous faites : vous avez une manière qui vous est propre, & laissez aux autres les règles. » Cet avis se ressent du caractère de Baron, le plus fier des hommes. […] Ils conviennent qu’on débite au barreau d’une manière propre au genre d’affaires qu’on y traite ; mais ils remarquent en même temps que les avocats, à force de vouloir être simples & modérés, deviennent souvent froids, pesans & monotones, & qu’ils prononcent un discours comme s’ils le lisoient. […] Mais la Le Couvreur n’en est pas moins louable d’avoir suivi les conseils de cet homme vrai, simple & naturel, qu’on a nommé le La Fontaine des philosophes, & qui, sans avoir aucun talent pour le théâtre, en jugeoit sainement.

229. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

II De donnée, du reste, le livre est si simple que j’incline vers le souvenir personnel, ou, du moins, vers une de ces observations faites sur le vif à côté de soi. […] Prenez-le comme il est là, assis sur ce banc, qui est probablement le banc de pierre du corps de garde, son képi posé près de lui avec ses deux simples contre-épaulettes, sa large poitrine, qui n’a pour toute décoration que son pauvre cœur intrépide, et son sabre, entre ses deux jambes écartées, sur lequel il s’appuie comme sur un ami sans avoir besoin de le regarder : il est, en vérité, à sa façon, aussi simple que M. de Turenne, ce soldat d’hier mort aujourd’hui tout entier, mais dans l’ombre du drapeau, qui vaut presque la gloire ! […] Seulement, et par cela même que la religion ne fut pas assez présente à ces fières et simples funérailles, il s’y mêla un détail que je regrette, qui m’en interrompt le pathétique et m’en déflore la grave simplicité.

230. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Considérons ces deux monuments qui, comme deux colonnes solitaires, sont placés à la porte du temple du Génie, et en forment le simple péristyle. […] Ces deux conjugaisons hébraïque et grecque, l’une si simple et si courte, l’autre si composée et si longue, semblent porter l’empreinte de l’esprit et des mœurs des peuples qui les ont formées : la première retrace le langage concis du patriarche qui va seul visiter son voisin au puits du palmier ; la seconde rappelle la prolixe éloquence du Pélasge qui se présente à la porte de son hôte. […] Ces mœurs-là sont plus vieilles encore que les mœurs homériques, parce qu’elles sont plus simples ; elles ont aussi un calme et une gravité qui manquent aux premières.

231. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Ces premieres idées qui naissent dans l’ame lorsqu’elle reçoit une affection vive et qu’on appelle communement des sentimens, touchent toujours, bien qu’ils soient exprimez dans les termes les plus simples. […] émilie interesse donc quand elle dit dans les termes les plus simples. […] D’ailleurs ces évenemens prodigieux veulent que le poëte leur procure la croïance du spectateur autant qu’il est possible, et un moïen de la leur procurer, c’est de les faire raconter dans les termes les plus simples et les moins capables de faire soupçonner celui qui parle d’exageration.

232. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Je ne vous en dirai donc point : je ne ferai que vous répéter à ma manière ce que j’ai lu dans le simple et éloquent rapport de M.  […] Ici d’abord, l’action, très simple, est bien ordonnée et forme un tout. […] C’est un simple « drame bourgeois » et, plus spécialement, une histoire d’âme. […] » Et il ajoute : « Une idée me vient, qui n’a contre elle que d’être simple à l’excès et de me venir un peu tard. […] La donnée est donc fort simple, mais elle est développée avec une rare puissance verbale et une outrance étonnamment soutenue.

233. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Magre, Maurice (1877-1941) »

Paul Souchon Maurice Magre est un lyrique simple, large et naturel. […] Trop heureux serais-je si, une seule fois, dans une pauvre maison, mes vers portaient quelque douceur à un cœur simple. » [Poètes d’aujourd’hui (1900).]

234. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Ce bruit est vraiment une parole ; il en a l’allure, le timbre, le rôle ; mais c’est une parole intérieure, une parole mentale, sans existence objective, étrangère au monde physique, un simple état du moi, un fait psychique. […] V, § 7]23 ; alors elle exprime, non plus la pensée discursive, momentanément suspendue, mais la simple vue de Dieu et surtout la volonté ou l’amour24. […] V], et, quand même la simultanéité serait sans exception, on ne saurait logiquement transformer en nécessité une simple universalité empirique. […] Cardaillac a pris pour un phénomène distinct une simple loi, une forme, l’association de l’idée avec le mot. […] Choisissons un exemple plus simple encore : qui peut se représenter une couleur d’une manière aussi distincte que lorsqu’elle est sons les yeux ?

235. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Chez La Fontaine la fable du renard et du corbeau est aussi courte que possible et réduite à sa plus simple expression. […] Sous le titre de Renart le Novel (le Nouveau Renard), un poète des dernières années du xiiie  siècle, Jacquemard Gieslée, de Lille en Flandre, a fait un ouvrage de morale et d’allégorie dans lequel il a réuni toutes ces inventions de la fin, qui s’écartent de ce qu’il y avait d’abord de vif et d’enjoué dans les simples branches en apologues. […] Dans tout ce début très simple, il y a un certain art du trouvère. […] Ce que le trouvère n’a pas cherché, mais ce qui ne laisse pas de frapper encore et d’émouvoir, le combat continuant, c’est le contraste du lieu riant et frais et de la mêlée si lourde et si sanglante : « Dedans un très beau pré, sur une douce pente, à mi-voie de Josselin et du château de Ploërmel, au chêne que l’on appelle de la mi-voie, le long d’une geneslaie qui était verte et belle… » Il y a là un sentiment comme involontaire de nature, un souvenir circonstancié de la terre de la patrie, qui ajoute à l’effet simple et grandiose. — Si le poète y a pensé, ce n’est pas pour y voir un contraste, mais plutôt pour y noter un accord entre cette belle nature chérie et ce beau fait d’armes glorieux : son patriotisme marie tout cela. […] Le vieux trouvère, dans sa simple rudesse, a peut-être même mieux réussi que Simonide, et le sang d’Othryades parle moins haut chez l’un, que chez l’autre le sang de Beaumanoir.

236. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Ceux qui veulent des larmes et ceux qui veulent de l’esprit, les amoureux d’extraordinaire et les quêteurs de modernité, les simples, les raffinés, les femmes, les poètes, les naturalistes et les stylistes, M.  […] III Nombre de ces petites histoires sont extrêmement simples, mais aucune n’est banale et beaucoup sont singulières et rares. […] Les hommes sont comme ça, ils n’aiment pas à voir pleurer ; et moi, je pleure toujours depuis la mort des petites… Une histoire bien simple que le Père Achille81 ! […] L’hiver dernier, ils ont déménagé trois fois, on les a vendus une, et ils ont tout de même donné deux grands bals travertis. » IV Voilà donc quelques-unes des simples histoires de M.  […] Cette idylle si simple, si discrète, si chaste, qui même est à peine une idylle, avec tous ses détails si gracieux et si vrais, dans la douceur sereine de cette belle nuit d’été, cela gonfle le cœur et l’emplit d’une langueur vague, d’un désir de larmes, comme dit le vieil Homère, ou d’une envie de s’amuser à pleurer, comme dit la petite Victorine de Sedaine.

237. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Et cependant, malgré ce qu’il y a d’admirablement simple et de majestueux dans l’accomplissement de telles productions uniques, nous voudrions, dans l’habitude de l’art, détendre un peu cette théorie et montrer qu’il y a lieu de l’élargir sans aller jusqu’au relâchement. […] un Homère avant tout, le père du monde classique, mais qui lui-même est encore moins certainement un individu simple et bien distinct que l’expression vaste et vivante d’une époque tout entière et d’une civilisation à demi barbare. […] Cette seule pensée apprendrait à un esprit juste à ne pas envisager l’ensemble des littératures, même classiques, d’une vue trop simple et trop restreinte, et il saurait que cet ordre si exact et si mesuré, qui a tant prévalu depuis, n’a été introduit qu’artificiellement dans nos admirations du passé. […] Les plus antiques des sages et des poètes, ceux qui ont mis la morale humaine en maximes et qui l’ont chantée sur un mode simple converseraient entre eux avec des paroles rares et suaves, et ne seraient pas étonnés, dès le premier mot, de s’entendre. […] Sur la même colline que Virgile, et un peu plus bas, on verrait Xénophon, d’un air simple qui ne sent en rien le capitaine, et qui le fait ressembler plutôt à un prêtre des muses, réunir autour de lui les attiques de toute langue et de tout pays, les Addison, les Pellisson, les Vauvenargues, tous ceux qui sentent le prix d’une persuasion aisée, d’une simplicité exquise et d’une douce négligence mêlée d’ornement.

238. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Et encore, MM Jean Moréas et Gustave Kahn, les promoteurs de ce lieu commun, ne surent-ils pas s’abstraire du simple Symbole d’images successives tel que le montre en ses essais M.  […] « Quant à la preuve à faire, par un poète, du moderne savoir assez disant partiellement pour une unanime vérité, une œuvre immense et simple est à venir : qui serait en une adéquate parole la philosophie de la matière en mouvement évolutive et transformiste. » Traité du Verbe. […] Car le simple raisonnement ne pouvait-il faire prévaloir cette vérité : que le langage est musique ? […] Et cette mathématique de l’alexandrin est si nécessaire et d’absolue logique, que tout vers plus court que lui n’en est qu’une fraction et n’est pas par lui-même un vers, et qu’un plus long n’est que le recommencement d’un autre alexandrin, mis à la suite sur même ligne par simple et naïf artifice typographique. […] Or, désormais deux rimes ne s’appelleront plus pour une simple consonnance, mais de manière que cette consonnance apporte une fixité plus grande encore de l’idée, ou autour de cette idée éveille un prolongement comme suggestif, etc.

239. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Est chose tout objet de connaissance qui n’est pas naturellement compénétrable à l’intelligence, tout ce dont nous ne pouvons nous faire une notion adéquate par un simple procédé d’analyse mentale, tout ce que l’esprit ne peut arriver à comprendre qu’à condition de sortir de lui-même, par voie d’observations et d’expérimentations, en passant progressivement des caractères les plus extérieurs et les plus immédiatement accessibles aux moins visibles et aux plus profonds. […] En effet, on peut dire en ce sens que tout objet de science est une chose, sauf, peut-être, les objets mathématiques ; car, pour ce qui est de ces derniers, comme nous les construisons nous-mêmes depuis les plus simples jusqu’aux plus complexes, il suffit, pour savoir ce qu’ils sont, de regarder au-dedans de nous et d’analyser intérieurement le processus mental d’où ils résultent. […] Déjà, alors qu’il s’agit simplement de nos démarches privées, nous savons bien mal les mobiles relativement simples qui nous guident ; nous nous croyons désintéressés alors que nous agissons en égoïstes, nous croyons obéir à la haine alors que nous cédons à l’amour, à la raison alors que nous sommes les esclaves de préjugés irraisonnés, etc. […] Or elle ne peut être connue par simple observation intérieure puisqu’elle n’est tout entière en aucun de nous ; il faut donc bien trouver quelques signes extérieurs qui la rendent sensible. […] Si donc, comme il est présumable, certaines lois de la mentalité sociale rappellent effectivement certaines de celles qu’établissent les psychologues, ce n’est pas que les premières soient un simple cas particulier des secondes ; mais c’est qu’entre les unes et les autres, à côté de différences certainement importantes, il y a des similitudes que l’abstraction pourra dégager, et qui d’ailleurs, sont encore ignorées.

240. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Même le socle en était joli, de marbre blanc avec des coins de cuivre d’un guillochage simple et léger. […] Du simple alcoolisme, et du tout simple alcoolisme « un vermouth », un madère, la verte de l’amitié, il en était arrivé, le pauvre ami, à l’opium, au haschisch, à la morphine à toute la drogue, exhilarante et stupéfiante. […] Les chaises et les fauteuils étaient ornés de vraies dentelles, du moins j’aimais à le croire, quoiqu’ils ne fussent, peut-être que de la simple imitation. […] J’aime ces services qui sont si simples et auxquels participe toute l’assistance, bien qu’ ils gardent un caractère cérémonieux. […] Mais je n’étais pas venu à Londres comme un simple touriste.

241. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Goffic, Charles (1863-1932) »

Cela est à la fois très simple et très savant… Il n’y a que Gabriel Vicaire et lui à toucher certaines cordes de cet archet-là, celui d’un ménétrier de campagne qui serait un grand violoniste aussi. […] Cela est à la fois très simple et très savant… Il n’y a que Gabriel Vicaire et lui à toucher certaines cordes de cet archet-là, celui d’un ménétrier de campagne qui serait un grand violoniste aussi. » M. 

242. (1881) Le naturalisme au théatre

Est-ce donc un simple souhait de poète ? […] Il s’agit pour le moment de constater de simples faits. […] C’est un simple procès-verbal. […] mon Dieu, rien de plus simple ! […] De la façon la plus simple du monde.

243. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

On ne peut s’empêcher de remarquer que Saint-Martin ici nous présente une simple contrariété de sa vie intérieure comme un malheur horrible, et cela en regard de cette véritable infortune publique de Louis XVI et de Marie-Antoinette, qu’il se contente d’appeler une bagarre. […] Quand on la contemple dans ses détails, on voit que, quoiqu’elle frappe à la fois sur tous les ordres de la France, il est bien clair qu’elle frappe encore plus fortement sur le clergé… Plein de respect pour l’idée de sacerdoce, qui est à ses yeux peut-être la plus haute de toutes, Saint-Martin trouve tout simple que les individus de cet ordre aient été les premiers atteints et châtiés, de même que cette « révolution du genre humain » a commencé par les « lys » de France : « Comme aînés, dit-il, ils devaient être les premiers corrigés. » Je ne fais qu’indiquer ces manières de voir qui nous sont devenues depuis lors familières par le langage si net et si éclatant de M. de Maistre ; mais Saint-Martin y mêle des idées et des sentiments qui lui sont propres et qui ont beaucoup moins de netteté. […] Je crois que les négligences et les imprudences où ma paresse m’a entraîné en ce genre ont eu lieu par une permission divine, qui a voulu par là écarter les yeux vulgaires des vérités trop sublimes que je présentais peut-être par ma simple volonté humaine, et que ces yeux vulgaires ne devaient pas contempler. — Le monde et moi, disait-il encore pour se consoler, nous ne sommes pas du même âge. […] Mais ce que je désirerais vivement, c’est que le manuscrit que j’ai sous les yeux, Mon portrait historique et philosophique, qui n’a été imprimé que tronqué et très incomplet, s’imprimât dans toute sa suite (à part huit ou dix pensées qu’il faudrait absolument retrancher comme étant de trop mauvais goût) ; on aurait alors un Saint-Martin à l’usage de tout le monde, à l’usage de ceux qui hantent Gui Patin comme de ceux qui lisent Platon ; un peu singulier, un peu naïf, agréable, touchant, élevé, communicatif, parfois bien crédule, nullement dangereux : on aurait enfin ce qui plaît toujours dans un auteur et ce qu’on aime à y rencontrer, un homme et un homme simple. […] [NdA] Voici le petit récit de Saint-Martin, si parfaitement simple, et si honorable pour M. de Chateaubriand : Le 27 janvier 1803, j’ai eu une première entrevue avec M. de Chateaubriand, dans un dîner arrangé pour cela chez M. 

244. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

La première Grèce était simple dans son principe architectural ; ce principe, c’était la ligne horizontale, la plate-bande (comme on dit en termes techniques) posant horizontalement sur deux points d’appui verticaux ; la stabilité résultait des simples lois de la pesanteur, sans qu’il fût besoin de l’adhérence des matériaux. […] Un jour vint et une heure, un moment social, non calculé, non prévu, général, universel, où il se trouva, — sans que personne pût dire ni à quelle minute précise, ni par quelle transformation cela s’était fait, — où, dis-je, il se trouva qu’une langue nouvelle était née au sein même de la confusion, que cette langue toute jeune, qui n’était plus l’ancienne langue dégradée et dénaturée, offrait une forme actuelle et viable, animée d’un souffle à elle, ayant ses instincts, ses inclinations, ses flexions et ses grâces : le français des XIe et XIIe siècles, cette production naïve, simple et encore rude et bien gauche, ingénieuse pourtant, qui allait bientôt se diversifier et s’épanouir dans des poèmes sans nombre, dans de vastes chansons chevaleresques, dans des contes joyeux, des récits et des commencements d’histoires, venait d’apparaître et d’éclore aux lèvres de tout un peuple. […] On le sait, le grand roi se flattait d’avoir le compas dans l’œil ; il se piquait, à la simple vue, de saisir la moindre irrégularité dans la pose d’une pierre, dans le tracé d’une fenêtre : il était esclave de la symétrie. […] Sa doctrine bien simple, et si peu suivie aujourd’hui, est de faire des édifices pour leur destination, et non pour la seule apparence extérieure. […] Il a bâti un hôtel de ville à Narbonne ; il est en train de réparer et de restituer le château de Pierrefonds, qui était à la fois une place militaire et une habitation de luxe ; il est inspecteur des édifices diocésains, et il construit même, bon an mal an, deux ou trois maisons à Paris pour de simples bourgeois.

245. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

La jeune fille de Saint-Cyr, tombée ainsi au milieu de ces gentilshommes révoltés, et de ce prochain de Bretagne moins joli et plus tumultueux que jamais, le prit sur un tout autre ton d’intérêt et d’émotion, on peut le croire, que Mme de Sévigné en son temps simple spectatrice pour son plaisir, du bout de son avenue des Rochers. […] Il faut dire encore que la figure et la situation de Mme de Pontivy commençaient à faire bruit ; que ce dévouement, si naturel chez elle et si simple, allait lui composer, sans qu’elle y songeât, une existence à la mode, et que Mme de Noyon, d’abord indifférente ou contrariée, s’accommodait déjà mieux, dans sa vanité de tante, d’une nièce à réputation d’Alceste. […] Mme de Pontivy, sans être exigeante, mais parce qu’elle était passionnée, trouvait nécessaire et simple que M. de Murçay se retranchât quelquefois certaines paroles, certains jugements, certaines relations même, qui pouvaient aliéner de lui l’esprit de sa tante, plus absolue en vieillissant, et rendre leur commerce moins facile. […] Il résultait de là, souvent de simples contradictions enjouées, parfois aussi des tiraillements réels et des froideurs, à la suite desquelles, au milieu de leurs entraves, se ménageaient bientôt des raccommodements passionnés. […] l’amour brisé comme un simple ressort, comme une porcelaine tombée des mains !

246. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Dans cette composition originale et simple, quel est en effet le personnage, le motif principal selon la pensée du peintre ? […] Ayant vu en Orient les effets désastreux du despotisme, il crut qu’il suffisait de la pure et simple liberté pour que tout fût bien. […] Ce ne fut qu’en 1792 que, redevenu simple particulier, il tenta en Corse son entreprise industrielle et agricole. […] Bonaparte, simple officier d’artillerie, visita la Corse et sa famille à l’époque où Volney était près d’Ajaccio. […] Lors de la sécularisation et de la mise en vente des biens du clergé, il indiquait dans Le Moniteur du 2 mai 1790 un moyen simple et assez ingénieusement calculé de les vendre promptement et sans dépréciation ; il avait hâte de voir se subdiviser les grandes propriétés et se multiplier le nombre des petits propriétaires.

247. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Première partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées religieuses » pp. 315-325

Un jour il vint du fond de la Judée un simple pêcheur, sans nom, sans autorité, dépourvu de toute science humaine. […] Ce simple pêcheur arrive tout seul dans la ville maîtresse du monde. […] Il ne m’appartient point de discuter comment la cour de Rome a usé d’un pouvoir qui remonte au prince des apôtres, au simple pêcheur venu de la Judée ; mais tant que les directions de la société furent exclusivement confiées à la force des sentiments religieux, la cour de Rome a dû être à la tête de la civilisation européenne, et cela suffit.

248. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

En Espagne, vous trouverez Ferdinand-le-Catholique, qui chassa et vainquit les rois Maures, et trompa tous les rois chrétiens ; Charles-Quint, heureux et tout-puissant, politique par lui-même, grand par ses généraux, et cette foule de héros dans tous les genres qui servaient alors l’Espagne ; Christophe Colomb, qui lui créa un nouveau monde ; Fernand Cortez qui, avec cinq cents hommes, lui soumit un empire de six cents lieues ; Antoine de Lève qui, de simple soldat, parvint à être duc et prince, et plus que cela grand homme de guerre ; Pierre de Navarre, autre soldat de fortune, célèbre par ses talents, et parce que le premier il inventa les mines ; Gonzalve de Cordoue, surnommé le grand Capitaine, mais qui put compter plus de victoires que de vertus ; le fameux duc d’Albe, qui servit Charles-Quint à Pavie, à Tunis, en Allemagne, gagna contre les protestants la bataille de Mulberg, conquit le Portugal sous Philippe II, mais qui se déshonora dans les Pays-Bas, par les dix-huit mille hommes qu’il se vantait d’avoir fait passer par la main du bourreau ; enfin, le jeune marquis Pescaire, aimable et brillant, qui contribua au gain de plusieurs batailles, fut à la fois capitaine et homme de lettres, épousa une femme célèbre par son esprit comme par sa beauté, et mourut à trente-deux ans d’une maladie très courte, peu de temps après que Charles-Quint eut été instruit que le pape lui avait proposé de se faire roi de Naples. […] Paul Jove a fait l’éloge ou le portrait de tous ces hommes, la plupart plus courageux que saints ; mais dans cette foule de noms, on aime à retrouver à Florence, les Médicis ; à Milan, ces fameux Sforces, dont l’un simple paysan, devint un grand homme ; et l’autre, bâtard de ce paysan, devint souverain ; à Rome, les Colonnes, presque tous politiques ou guerriers ; à Venise plusieurs doges et quelques généraux ; à Gênes, ce célèbre André Doria, qui vainquit tour à tour et fit vaincre Charles-Quint, redoutable à François Ier et à Soliman, mais grand surtout pour avoir rendu la liberté à sa patrie, dont il pouvait être le maître. Si vous portez vos regards plus loin, vous trouverez en Hongrie ce fameux Jean Hunniade qui combattit les Turcs, et simple général d’un peuple libre, fut plus absolu que vingt rois ; et ce Mathias Corvin son fils, le seul exemple peut-être d’un grand homme fils d’un grand homme ; en Épire, Scanderberg, grand prince dans un petit État ; et parmi les Orientaux, ce Saladin, aussi poli que fier, ennemi généreux et conquérant humain ; Tamerlan, un de ces Tartares qui ont bouleversé le monde ; Bajazet qui commença comme Alexandre, et finit comme Darius : d’abord le plus terrible des hommes, et ensuite le plus malheureux ; Amurat II, le seul prince turc qui ait été philosophe, qui abdiqua deux fois le trône, et y remonta deux fois pour vaincre ; Mahomet II, qui conquit avec tant de rapidité, et récompensa les arts avec tant de magnificence ; Sélim, qui subjugua l’Égypte et détruisit cette aristocratie guerrière établie depuis trois cents ans aux bords du Nil, par des soldats tartares ; Soliman, vainqueur de l’Euphrate au Danube, qui prit Babylone et assiégea Vienne ; le fameux Barberousse Chérédin, son amiral, qui de pirate devint roi ; et cet Ismaël Sophi, qui au commencement du seizième siècle, prêcha les armes à la main, et en dogmatisant conquit la Perse, comme Mahomet avait conquis l’Arabie.

249. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

Ce style gracieux, mais inégal, ces mètres faciles et simples, nous rendent-ils la poésie hardie et savante de celui que les anciens avaient rangé parmi leurs grands lyriques ? […] Pour Sparte, la mort, ce n’est pas de mourir, c’est d’avoir fui. » C’était encore Simonide qui avait consacré au même souvenir cette inscription, la meilleure de toutes, parce qu’elle est la plus simple. […] Ces pièces, cependant, d’un tour simple et délicat, étaient aussi des odes et doivent être comptées parmi les modèles que suivit Horace.

250. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Levi et Motti est plus parfait encore que précédemment ; les interprètes, toujours les premiers artistes d’Allemagne, sont tout à fait maîtres de leurs rôles : les personnages secondaires ont la même bonne volonté ; enfin, la mise en scène est simple toujours et minutieusement soignée ; et, toujours, c’est l’effet extraordinaire de ce théâtre vraiment féerique, où le drame apparaît comme la vision d’un autre univers qui se révèle aux assistants. […] Dans les rôles secondaires s’affirme la façon allemande de comprendre et de jouer le drame : ces très honnêtes gens traduisent en leur vie de tous les jours la vie toute mythique de leurs personnages ; sincères donc et simples, mais toujours en ces chevaliers du Saint Gral on reconnaît les sympathiques habitués des brasseries. […] Levi et Mottl se sont faits les fidèles ouvriers de cette terrible besogne, et, à force de soins, sont arrivés à ce simple et unique but, faire entendre la partition du maître ; aussi quelle merveille, quand monte de cet orchestre, le grand, le seul personnage du drame, l’essence profonde et totale de la pensée wagnérienne. […] C’était, uniquement, le héros du renoncement, — du renoncement pur et simple, buddhique. […] Selon la philosophie véhiculée par l’opéra, seul un jeune homme simple peut avoir accès à la véritable connaissance grâce à la pitié, à sa capacité de ressentir l’émotion de l’autre.

251. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Comme il y a une cité idéale de la religion, il y a aussi une cité idéale de l’art ; mais la première est, pour le croyant, l’objet d’une affirmation et d’une volonté, la seconde est un simple objet, de contemplation et de rêve. […] L’œuvre d’art proprement dite, loin d’être, un simple jeu, marque le moment où le jeu devient un travail, c’est-à-dire une réglementation de l’activité spontanée en vue d’un résultat extérieur ou intérieur à produire22. […] Il modifie donc le milieu social et intellectuel préexistant, il n’est pas lui-même le pur et simple produit du milieu. […] On pourrait conclure de là que, chez un grand nombre d’hommes, le caractère particulier de leurs jouissances artistiques renseigne seulement sur des facultés secondaires et superflues, parfois sur de simples aspirations, non sur leurs facultés essentielles. […] Taine est plus applicable au simple talent qu’au génie, et c’est la seconde qui exprime le trait caractéristique du génie, à savoir l’initiative et l’invention.

252. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre premier. La question de fait et la question de goût » pp. 30-31

Le bon sens indique qu’il faut aller du simple au composé, du particulier au général, et, par conséquent, qu’il faut déterminer tout d’abord les procédés d’étude qu’il convient d’appliquer à une œuvre littéraire, prise isolément. […] Elle n’est pourtant que l’expression précise de cette vérité très simple, qu’il y a, quand on examine une œuvre littéraire, des faits qu’on peut mettre hors de doute, connaître de science certaine.

253. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Vassé » pp. 323-324

La draperie simple, à grands plis, marque bien le nu aux cuisses et aux jambes. […] Elle est peut-être un peu trop ajustée ; une Minerve plus simple de vêtement en serait encore plus noble.

254. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Cependant l’amour apparaît : un amour simple, intime, domestique, l’amour de Bègue et de sa femme, tendresse mêlée de protection chez l’un, de tremblement et d’admiration chez l’autre. […] et tout ici est simple et vrai, sans cesser d’être grand. […] Il n’y a pas de scène de roman moderne qui ait une vérité plus simple et plus forte. […] Il faut seulement noter que le grand poète, en jetant sur ces vieilles légendes l’artistique perfection de sa forme, les a, si je puis dire, « sublimées » aux dépens du simple bon sens. […] Le public voulait du nouveau : quoi de plus simple, pour exciter son intérêt, et pour utiliser encore une part de ses émotions antérieures, que de lui présenter les pères ou les fils des héros qu’il aimait ?

255. (1864) Études sur Shakespeare

Les sentiments universels, les idées naturelles, les relations simples, qui sont le fond de l’humanité et de la vie, s’énervent et s’altèrent dans une condition sociale toute d’exception et de privilège. […] Pendant plus de dix siècles, rien dans notre Europe n’a été facile, général, ni simple. […] Comment seraient nées, dans un tel état des faits et des esprits, la distinction claire et la classification simple des genres et des arts ? […] Shakespeare eût cherché vainement, dans leur conduite et leur nature personnelle, ce mobile unique des faits, cette vérité simple et féconde qu’invoquait l’instinct de son génie. […] La nature et la destinée de l’homme nous ont apparu sous les traits les plus énergiques comme les plus simples, dans toute leur étendue comme avec toute leur mobilité.

256. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

Confiné alors aux champs, il y voit une personne simple, douce, plus âgée que lui, mais belle encore, un peu dévote, assez mystérieuse, Mme Pierson ; il en vient à l’aimer, à être aimé d’elle ; ici mille détails simples, enchanteurs, des promenades dans les bois, avec chasteté, puis avec ivresse. […] La résistance de Mme Pierson, la tristesse résignée d’Octave, les sons de la voix aimée qui n’éveillent plus en lui ces transports de joie pareils à des sanglots pleins d’espérance, sa pâleur, qui réveille au contraire en elle cet instinct compatissant de sœur de charité ; puis, au premier baiser, l’évanouissement, suivi d’un si bel effroi, cette chère maîtresse éplorée, les mains irritées et tremblantes, les joues couvertes de rougeur et toutes brillantes de pourpre et de perles ; ce sont là des traits de naturelle peinture qui permettraient sans doute de trouver en cet épisode la matière d’une comparaison, souvent heureuse, avec Manon Lescaut ou Adolphe, si une idée simple et un goût harmonieux avaient ici ménagé l’ensemble, comme dans ces deux chefs-d’œuvre. […] L’auteur en commençant, et n’étant pas encore sûr de son effet, a voulu faire, on le sent, un déploiement inaccoutumé ; plus tard, à mesure qu’il avançait, sentant que les vraies beautés ne lui manquaient pas, il a osé être simple.

257. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

  Si l’on en croit les Grecs, le poète est celui qui fait, celui qui crée ; il faut les croire ; — ΠΟΙΗΤΗΣ — dans ce simple mot tient tout son art et toute sa fonction. […] Paul Bourget ajoute : « Je ne saurais les relire, ces lignes si simples, sans une émotion presque pieuse, et je crois que beaucoup des écrivains qui ont eu leurs vingt ans entre 1855 et 1880 y retrouveraient de même, en un raccourci puissant, ce qui fut la foi profonde de leur jeunesse. » Nous retiendrons ce mot : l’empirisme était devenu une foi. […] Ils dirent encore : « Celui-ci chantera son rêve, et celui-là sa vie ; celui-ci sa chimère, celui-là sa simple douleur ; cet autre la nature, et cet autre les hommes. […] Et cependant, aucun ne songe à simplement appliquer au roman la simple loi du classicisme, la loi de tout art objectif, humain, qui tient dans cette brève formule : « Subordonner le plus de réalité possible à une idée préconçue de beauté.

258. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IX. La pensée est-elle un mouvement ? »

Muller a exposé cette difficulté en ces termes dans sa Physiologie : « L’hypothèse de Herbart, relativement aux monades et à la matière, explique l’action de l’âme sur la matière, sans que cette âme soit elle-même matière, puisqu’il ne s’agit plus que d’un être simple agissant sur d’autres êtres simples. […] Le problème de tous les temps a été de concevoir comment l’affection des parties du corps occupant une certaine position relative, par exemple, celle des particules de la rétine, rangées les unes à côté des autres, peut procurer à l’âme, qui est simple et non composée de parties, la perception d’objets étendus et figurés. » En s’exprimant ainsi, Muller semble dire que la difficulté n’existerait pas si l’âme elle-même était étendue et composée. […] Il suit de là que la perception suppose précisément le conflit dont on demande l’explication entre un sujet simple et un objet composé.

259. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Enfin, pour tout réduire à la plus simple expression, les uns placent la raison des lois de la société dans la société même, et les autres dans l’homme. […] Si les hommes qui appartiennent à la première classe dont nous avons parlé sont plus attachés aux idées anciennes, la raison en est bien simple. […] Si une fois cette division des hommes en deux classes pouvait être admise, il en résulterait une explication simple de plusieurs phénomènes sur lesquels on se dispute fort inutilement, puisque ces phénomènes se manifestent de différentes manières chez les différents hommes. […] Mais, avant de terminer ce chapitre, il faut que j’explique deux choses ; car, dans une telle matière, il est très difficile d’être clair d’après un simple énoncé, surtout lorsqu’on a peu l’habitude de ces sortes de discussions.

260. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

L’intensité d’un état simple n’est donc pas la quantité, mais son signe qualitatif. […] Ou bien donc il y a une formule psychophysique possible, ou l’intensité d’un état psychique simple est qualité pure. […] Au lieu d’une vie intérieure dont les phases successives, chacune unique en son genre, sont incommensurables avec le langage, nous obtiendrons un moi recomposable artificiellement, et des états psychiques simples qui s’agrègent et se désagrègent comme font, pour former des mots, les lettres de l’alphabet. […] Nous verrions que si ces états passés ne peuvent s’exprimer adéquatement par des paroles ni se reconstituer artificiellement par une juxtaposition d’états plus simples, c’est parce qu’ils représentent, dans leur unité dynamique et dans leur multiplicité, toute qualitative, des phases de notre durée réelle et concrète, de la durée hétérogène, de la durée vivante.

261. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

En réponse à ces excellentes exigences, nous n’avons rien à opposer sinon que M. du Clésieux, nous a-t-on dit encore, n’a pas employé ces six années de retraite, dont nous parlons, à de pures extases de cœur, à de simples élévations d’intelligence ; il a fait le bien, et a beaucoup amélioré les hommes autour de lui ; combien d’agitations bruyantes sont moins effectives ! […] En abordant, comme il le fait dans ses derniers morceaux, une poésie plus soutenue et plus figurée, M. du Clésieux aura à se garder de perdre la clarté simple de ses premiers essais.

262. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

. — Passage de l’image simple à l’image hallucinatoire, et de l’image hallucinatoire à l’image simple. — Autres cas où la sensation antagoniste est annulée. — Blessures sur le champ de bataille. — Hallucinations proprement dites. — Hallucinations de la vue après l’usage prolongé du microscope. — Restauration partielle de la sensation antagoniste. — Exemples pathologiques. — En ce cas, l’hallucination est détruite. — Histoire de Nicolaï. — Méthode générale pour détruire l’hallucination. — Cas où la sensation provoque l’illusion proprement dite. — Récit du Dr Lazarus. — En ce cas, on supprime la sensation provocatrice. […] Par un effet analogue et contraire, une chose dégoûtante qu’on est contraint de manger, provoque le vomissement par la simple image de sa saveur, et avant de toucher les lèvres. […] Maintes fois j’ai assisté ainsi tour à tour à l’achèvement qui fait de l’image simple une hallucination, et à la dégradation qui fait de l’hallucination une image simple. — Dans ce double passage, on peut noter les différences et découvrir les conditions des deux états. […] L’image ordinaire n’est donc pas un fait simple, mais double. […] — Quelques secondes s’étant écoulées, je ressaisis le fil de mes pensées, qui avait été rompu par ma recherche du Waldbruder, et, avec la plus grande facilité, je trouvai que l’idée de mon ami, par une nécessité très simple, avait dû s’introduire dans la chaîne de mes pensées.

263. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Il n’y aurait, au reste, rien que de très simple et de très naturel à cela : Massillon jeune, beau, doué de sensibilité et de tendresse, ayant du Racine en lui par le génie et par le cœur, put avoir en ces vives années quelques égarements, quelques chutes ou rechutes, s’en repentir aussitôt, et c’est à ces premiers orages peut-être et à son effort pour en triompher qu’il faut attribuer sa retraite à l’abbaye pénitente de Sept-Fons. […] Qu’on se représente bien (pour s’en donner toute l’impression), et le cadre, et l’auditoire, et l’orateur : Ne vous semble-t-il pas, disaient après des années les témoins qui l’avaient entendu, ne vous semble-t-il pas le voir encore dans nos chaires avec cet air simple, ce maintien modeste, ces yeux humblement baissés, ce geste négligé, ce ton affectueux, cette contenance d’un homme pénétré, portant dans les esprits les plus brillantes lumières, et dans les cœurs les mouvements les plus tendres ? […] Ce n’était pas des fleurs étudiées, recherchées, affectées ; non : les fleurs naissaient sous ses pas sans qu’il les cherchât, presque sans qu’il les aperçut ; elles étaient si simples, si naturelles, qu’elles semblaient lui échapper contre son gré et n’entrer pour rien dans son action. […] Toutefois j’avoue que les plans de ces Sermons de Massillon ne me paraissent point particulièrement mesquins, ils sont fort simples, et en ces matières c’est peut-être ce qui convient le mieux : le mérite principal et le plus touchant consiste dans l’abondance du développement qui fertilise. […] Lui-même, après avoir ainsi conquis les simples ou les rebelles, après avoir abattu en public les orgueils et fait fondre les incrédulités, il n’avait pas toute la force suffisante pour rallier et fortifier les nouveaux fidèles dans le secret.

264. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Cela est si vrai que l’aveu nous en échappe à nous tous involontairement en nos heures de philosophie et de raison, ou par l’effet du simple bon sens. […] Mais n’est-ce donc rien, demanderai-je à mon tour, que de poser le problème comme le fait l’auteur, de le serrer de si près, de le cerner de toutes parts, de le réduire à sa seule expression finale la plus simple, de permettre d’en mieux peser et calculer toutes les données ? […] Son milieu de famille fut simple, moral, affectueux, d’une culture modeste et saine. […] Critique, il ne faut pas, pour un simple passage d’un siècle à l’autre, prendre si vite son parti de la perte de la délicatesse. […] Taine avait quelque chose de plus simple à faire, c’était de ne pas le lui soumettre.

265. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Des molécules organiques partout répandues ou partout naissantes, des sortes de globules en voie de déperdition et de réparation perpétuelles, qui, par un développement aveugle et spontané, se transforment, se multiplient, s’associent, et qui, sans direction étrangère, sans but préconçu, par le seul effet de leur structure et de leurs alentours, s’ordonnent pour composer ces édifices savants que nous appelons des animaux et des plantes ; à l’origine, les formes les plus simples, puis l’organisation compliquée et perfectionnée lentement et par degrés ; l’organe créé par les habitudes, par le besoin, par le milieu ; l’hérédité transmettant les modifications acquises330 : voilà d’avance, à l’état de conjectures et d’approches, la théorie cellulaire de nos derniers physiologistes331 et les conclusions de Darwin. […] Maupertuis, Condorcet et Lalande sont mathématiciens, physiciens, astronomes ; d’Holbach, La Mettrie, Cabanis sont chimistes, naturalistes, physiologistes, médecins. — Grands ou petits prophètes, maîtres ou élèves, savants spéciaux ou simples amateurs, ils puisent tous directement ou indirectement à la source vive qui vient de s’ouvrir. […] Simple ou compliquée, stable ou changeante, barbare ou civilisée, cette société a en elle-même ses raisons d’être. […] Et ce fait élémentaire n’est pas seulement primitif ; il est encore incessant et universel, puisqu’on le rencontre à chaque moment de chaque vie, dans la plus compliquée comme dans la plus simple. […] Considérer tour à tour chaque province distincte de l’action humaine, décomposer les notions capitales sous lesquelles nous la concevons, celles de religion, de société et de gouvernement, celles d’utilité, de richesse et d’échange, celles de justice, de droit et de devoir ; remonter jusqu’aux faits palpables, aux expériences premières, aux événements simples dans lesquels les éléments de la notion sont inclus ; en retirer ces précieux filons sans omission ni mélange ; recomposer avec eux la notion, fixer son sens, déterminer sa valeur ; remplacer l’idée vague et vulgaire de laquelle on est parti par la définition précise et scientifique à laquelle on aboutit et le métal impur qu’on a reçu par le métal affiné qu’on obtient : voilà la méthode générale que les philosophes enseignent alors sous le nom d’analyse et qui résume tout le progrès du siècle  Jusqu’ici et non plus loin ils ont raison : la vérité, toute vérité est dans les choses observables et c’est de là uniquement qu’on peut la tirer ; il n’y a pas d’autre voie qui conduise aux découvertes. — Sans doute l’opération n’est fructueuse que si la gangue est abondante et si l’on possède les procédés d’extraction ; pour avoir une notion juste de l’État, de la religion, du droit, de la richesse, il faut être au préalable historien, jurisconsulte, économiste, avoir recueilli des myriades de faits et posséder, outre une vaste érudition, une finesse très exercée et toute spéciale.

266. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

L’homme intérieur est simple, parce qu’il n’y a qu’une conscience. […] Les hypothèses des Époques de la nature ont été corrigées ; leurs vérités subsistent, et telle en est la grandeur et la fécondité, que la science reconnaissante écrit ses réserves, à titre de simples notes, au bas du texte glorieux où la France et l’Europe les ont apprises pour la première fois. […] Mais le grand fait aimer le simple ; l’aimable est bien près de n’être que le simple ; le noble le cache. […] Je doute que le petit pavillon du jardin de Montbard où, jusqu’en ces derniers temps, le jardinier faisait sécher ses graines, ait vu le naturaliste écrire, tel qu’on l’a représenté, en manchettes et poudré, l’épée de gentilhomme au côté ; mais si on l’a dit, la faute en est à cette faiblesse de l’anobli pour le noble, nulle part plus messéante que dans des écrits dont le sujet est la nature, où il n’y a pas d’ordres privilégiés et où tout est simple.

267. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Vous êtes des hommes et nous le sommes aussi ; vous êtes malheureux, nous vous devons de la pitié. » — Qu’il fut grand, s’écrie Portalis, cet homme qui, simple ministre d’un souverain par sa place, sut, par la dignité de son caractère et l’élévation de ses sentiments, se constituer le magistrat du genre humain !  […] Quand de simples particuliers discutent de bonne foi un objet de législation, quand ils ne se proposent que d’offrir le tribut de leurs connaissances et de leurs lumières à la patrie, il faut voir en eux des auxiliaires et non des ennemis. […] Ces simples paroles qu’il a replacées depuis dans un discours public, mais dont on a ici la clef, nous rendent au vrai la définition des deux natures, et Portalis, sans y viser, s’y peignait fidèlement dans les derniers mots aussi bien que dans les suivants : La sagesse est l’heureux résultat de nos lumières naturelles et des leçons que nous recevons de l’expérience. […] Le plus sage des antiques Solons n’a pu, certes, rien trouver de plus grandement vu, ni de plus largement exprimé, que lorsque, contemplant la société humaine, cette grande machine compliquée que veulent simplifier les systématiques, et qu’ils croient faire aller avec un seul ressort, Portalis ajoute : L’homme n’est point un être simple : la société, qui est l’union des hommes, est nécessairement le plus compliqué de tous les mécanismes. […] La sienne fut complète, droite et simple, presque idéale dans sa continuité.

268. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Voltaire, dans une lettre à Vauvenargues, rapportant le talent de La Fontaine à l’instinct, à condition que ce mot instinct fût synonyme de génie, ajoutait : « Le caractère de ce bonhomme était si simple, que dans la conversation il n’était guère au-dessus des animaux qu’il faisait parler… L’abeille est admirable, mais c’est dans sa ruche ; hors de là l’abeille n’est qu’une mouche. » On vient de voir, au contraire, que La Fontaine voulait qu’on fût abeille, même dans l’entretien. […] Son premier livre est un essai ; on y voit la fable pure et simple, dans ce qu’elle a de nu, La Cigale et la Fourmi, Le Corbeau et le Renard, etc. ; il cherche à mettre sa moralité bien en rapport avec le sujet. […] La fable qui clôt le livre VIIe, Un animal dans la Lune, nous révèle chez La Fontaine une faculté philosophique que son ingénuité première ne laisserait pas soupçonner : cet homme simple qu’on croirait crédule quand on raisonne avec lui, parce qu’il a l’air d’écouter vos raisons plutôt que de songer à vous donner les siennes, est un émule de Lucrèce et de cette élite des grands poètes qui ont pensé. […] Il est tout simple que le grand représentant de cette poésie qui avait toujours manqué à la France, s’en prenne à La Fontaine qui est l’Homère de la vieille race gauloise. […] Il avait beaucoup observé les animaux, et il s’était accoutumé à ne voir en eux qu’une sorte d’étage très développé de l’édifice humain, une sorte de démembrement varié de l’harmonie humaine dans ses parties simples.

269. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Ruskin en effet est surtout grand en ceci, qu’il restitue aux plus simples aspects du monde, l’éternelle beauté que méconnaît l’artiste vulgaire. […] Les plus simples des choses, les plus banales, les plus chères choses que vous pouvez voir chaque soir d’été le long de mille milliers de cours d’eau parmi les collines basses de vos vieilles contrées familiales. […] Ruskin avait dit, en 1843, au début de son œuvre : « Ils (les artistes) doivent aller à la nature en toute simplicité du cœur et marcher avec elle, obstinés et fidèles, n’ayant qu’une idée : pénétrer sa signification et rappeler son enseignement sans rien rejeter sans rien mépriser, sans rien choisir. »31‌ Quel enseignement plus haut et plus simple put jamais être donné ? […] C’est pourquoi il se tourne, en art, vers les « Primitifs », vers les simples et les ignorants. […] Encore une fois la haute idéalité humaine a fait banqueroute devant la simple nature, devant la plus humble feuille éclairée par le jour, devant le plus banal visage de la rue.

270. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Ce goût pour l’abstraction a persuadé à M. de Biran de transformer en substances les forces, simples qualités ou rapports abstraits, de considérer la volonté comme l’âme, de changer l’étendue en une apparence, et de ressusciter les monades de Leibnitz. […] Cousin dans le panthéisme, a réduit sa philosophie à un monceau de phrases inexactes, de raisonnements boiteux et d’équivoques visibles ; en sorte que, lorsque l’amour du dix-septième siècle lui eut plus tard enseigné le style simple, ses doctrines n’ont plus eu d’appui que le préjugé public, sa gloire de philosophe et son génie d’orateur. […] Les philosophes, occupés à satisfaire le besoin du siècle, vérifiaient les idées en les ramenant à leur origine, exilant toutes les notions obscures ou douteuses, reliant les connaissances claires et certaines par une filiation si simple et des notations si exactes, que la philosophie parut une extension de l’algèbre, et que Condillac crut avoir chiffré les opérations de l’esprit. […] Soutenez la liberté française encore mal assurée et chancelante au milieu des tombeaux et des débris qui nous environnent, par une morale qui l’affermisse à jamais ; et cette forte morale, demandons-la à jamais à cette philosophie généreuse, si honorable pour l’humanité, qui, professant les plus nobles maximes, les trouve dans notre nature, et qui nous appelle à l’honneur par la voix du simple bon sens96. — Sorti du sein des tempêtes, nourri dans le berceau d’une révolution, élevé sous la mâle discipline du génie de la guerre, le dix-neuvième siècle ne peut en vérité contempler son image et retrouver ses instincts dans une philosophie née à l’ombre des délices de Versailles, admirablement faite pour la décrépitude d’une monarchie arbitraire, mais non pour la vie laborieuse d’une jeune liberté environnée de périls97. […] On s’était trouvé panthéiste en 1828, très-mauvais chrétien98, jusqu’à considérer le christianisme comme un symbole dont la philosophie démêle le sens, bon pour le peuple, simple préparation à une doctrine plus claire et plus haute.

271. (1911) Nos directions

Dans sa nudité simple et sûre, et pleine cependant, je vois comme un maximum nécessaire. […] Gygès est un pêcheur, un simple, un sain, un fort. […] Quelle fantaisie dans la mesure, quelle simple gravité, quel goût ! […] Mais cela eût été trop simple. […] Question de simple décence esthétique, question de choix.

272. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Il est une simple représentation objective du monde. […] De simples législations morales, des codifications d’un ensemble de préceptes nécessaires, de vérités indispensables à la vie et que la Nature nous révèle directement. […] Ainsi, pour lui, tout ce qui est simple est nécessairement accessible à tous. […] Ce qui est simple, c’est ce qui est vrai, dans un sens généralement humain ; mais tout ce qui est vrai n’est pas simple, en raison précisément des obstacles que l’erreur dresse sur les chemins de la Vérité. […] Par une opération très simple de multiplication ou de subdivision, on obtenait, sans erreur possible, tous les degrés voulus de vitesse, de légèreté ou de gravité.

273. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Si ces messieurs n’avaient été que des écrivains brillants d’esprit, que de simples successeurs des Voltaire, des La Bruyère, des Boileau, ils auraient cherché à rassembler dans leur écrit des raisons invincibles, et à les rendre intelligibles à tous par un style simple et lumineux. […] Rien ne me semble plus naturel et plus simple. […] Au surplus, vous dites qu’il nous faut aujourd’hui « un genre clair, vif, simple, allant droit au but ». […] Vous me défiez, monsieur, de répondre à cette simple question : Qu’est-ce que la tragédie romantique ? […] Un jour enfin le hasard le présente à une femme simple, naturelle, honnête, digne d’être aimée, et il sent qu’il a un cœur.

274. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Nous ne voulons pas qu’on nous promène par le monde, comme des enfants, pour le simple plaisir des yeux ; en peu d’années l’Europe a grandement vieilli ; sa tardive expérience cherche aujourd’hui partout une instruction sérieuse. […] Sensitive de ces rivages, elle est plus animée qu’une simple plante, et n’a point cependant la prévoyance des êtres entièrement organisés. […] Denis et de la littérature portugaise, et des ouvrages du poète, il devait oser se passer des combinaisons du roman, et ne chercher l’intérêt que dans la simple réalité.

275. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Lorsque l’espoir de faire une découverte qui peut illustrer, ou de publier un ouvrage qui doit mériter l’approbation générale, est l’objet de nos efforts, c’est dans le traité des passions qu’il faut placer l’histoire de l’influence d’un tel penchant sur le bonheur ; mais il y a dans le simple plaisir de penser, d’enrichir ses méditations par la connaissance des idées des autres, une sorte de satisfaction intime qui tient à la fois au besoin d’agir et de se perfectionner ; sentiments naturels à l’homme et qui ne l’astreignent à aucune dépendance. […] C’est surtout en combinant, en développant des idées abstraites, en portant son esprit chaque jour au-delà du terme de la veille, que la conscience de son existence morale devient un sentiment heureux et vif ; et quand une sorte de lassitude succéderait à cette exertion de soi-même, ce serait aux plaisirs simples, au sommeil de la pensée, au repos enfin, mais non aux peines du cœur, que la fatigue du travail nous livrerait. […] Comme le jugement qu’on doit porter sur de telles circonstances dépend d’un petit nombre d’idées simples et promptement aperçues, le temps qu’on y donne par-delà, est tout entier rempli par les illusions de l’imagination et du cœur.

276. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

Elle implique une philosophie simple et grande, qui est le nihilisme absolu. […] c’est très simple, c’est un jeu de mots, un coq-à-l’âne, auxquels il applique ce système de développement. […] Grévy, et nous montre M. de Freycinet s’apprêtant à découper le gâteau : « M. de Freycinet, dit-il, avec cette gravité qu’il apporte même aux choses sérieuses… » Cette simple phrase, remarquez-le, est un puits de profondeur, puisqu’on y suppose couramment admise une pensée qui passe elle-même pour surprenante et profonde, à savoir que c’est aux choses futiles que nous apportons le plus de gravité… N’ai-je pas raison de conclure que le délire de Grosclaude est le délire d’un sage ?

277. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

Wundt attribue aussi à l’aperception le fait suivant : dessinez au tableau un dé dont les arêtes seules soient indiquées, « vous pourrez mettre en avant dans votre esprit celle des deux faces que vous voudrez, selon que vous vous représenterez intérieurement le dé vu de dessous ou vu de dessus. » Mais qu’y-a-t-il de plus simple que ce changement de perspective, dû à la manière dont nos souvenirs intérieurs s’associent avec les lignes extérieures ? […] Pareillement, on peut voir par l’imagination un grand nombre de formes dans les nuages, dans les roches, dans les simples accidents d’une table en bois. […] Ainsi, dans une de ses expériences, les images suivantes se présentèrent : un arc, une flèche, une personne tirant de l’arc et n’ayant que les mains visibles, un vol de flèches occupant complètement l’œil de la vision (contiguïté), des étoiles tombantes, de gros flocons de neige (ressemblance), une terre couverte d’un linceul de neige (contiguïté), une matinée de printemps avec un brillant soleil (contiguïté et contraste), une corbeille de tulipes, disparition de toutes les tulipes à l’exception d’une seule ; cette tulipe unique, de simple, devient double ; ses pétales tombent rapidement, il ne reste que le pistil, le pistil grossit, etc.

278. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Je cherche avant tout à rendre sincèrement dans la langue la plus simple de mes impressions. […] La méthode est simple, à la portée de tout le monde. […] Tout le monde n’aurait pas trouvé cela, et pourtant rien de plus simple. […] Ne pressentez-vous pas quelles fusées d’idées nouvelles ce système nouveau peut vous renvoyer par simple effet de répercussion ? […] Après tout, pour vous fixer sur le fond de la question ici en litige, il y a un moyen bien simple.

279. (1874) Premiers lundis. Tome II « Sextus. Par Madame H. Allart. »

C’est ce qu’a fait madame Allart, et cela sans prodiguer les contrastes déclamatoires, sans s’arrêter à chaque instant pour s’étonner et faire remarquer, mais par le simple exposé, trop simple même et trop écourté souvent, de cette société qu’elle a observée à loisir.

280. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

La même gradation remarquée depuis les simples chansons jusqu’aux odes, et depuis les simples récits en vers jusqu’aux narrations du poème épique, apparaît clairement dans la poétique imitation produite par l’action feinte. […] Il en est de même des quatre espèces de tragédies qu’il distingue ; la simple, l’implexe, la pathétique, et la morale. […] Eux seuls nous feront distinguer le vrai simple du vrai idéal, double objet des spéculations de l’art. […] Aristote leur attribue quatre qualités principales : il distingue la tragédie, en simple, en implexe, en pathétique, et en morale. […] Une dignité monotone, un certain luxe artificiel qui l’exclut de notre scène, revêt et guinde en quelque sorte les plus simples rôles.

281. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre IV. Le développement général de l’esprit est nécessaire pour bien écrire, avant toute préparation particulière »

Il suffira de quelques conseils bien simples, bien évidents pour former le style ; quand l’esprit saisit bien, quand le cœur sent bien, quand on a échappé à la tyrannie paresseuse de la mémoire, on n’écrit jamais mal et l’on est tout près de bien écrire. […] Vous pouvez aimer votre vieux jardinier, sans être capable d’écrire ces simples mots : « Maître Paul vient de mourir ; notre jardin en est tout triste ».

282. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aicard, Jean (1848-1921) »

Ce livre a pour titre : Jésus, et renferme peut-être, sous la forme simple et châtiée, les meilleures inspirations du poète. […] Ce n’est pourtant pas une simple traduction versifiée du Nouveau Testament, l’imagination y prend sa place, la légende aussi, mais avec la discrétion qui convient à un pareil sujet.

283. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Schwob, Marcel (1867-1905) »

Marcel Schwob a un goût spécial, une prédilection pour les êtres très simples, héros ou criminels, en qui les idées se projettent sans nuances, en tons vifs et crus. […] Et Bûchette et Jeanie, qui regarde en dedans, et Ilsée, Ilsée qui est l’apparition la plus essentielle que je sache ; et Marjolaine qui, la nuit, jette des grains de sable contre les sept cruches multicolores et pleines de rêves, et Cice, la petite sœur de Cendrillon, Cice et son chat qui attendent le prince ; et Lily, puis Monelle qui revient… Je ne puis tout citer de ces pages, les plus parfaites qui soient dans nos littératures, les plus simples et les plus religieusement profondes qu’il m’ait été donné de lire, et qui, par je ne sais quel sortilège admirable, semblent flotter sans cesse entre, deux éternités indécises… Je ne puis tout citer ; mais, cependant, la Fuite de Monelle, cette Fuite de Monelle qui est un chef-d’œuvre d’une incomparable douceur, et sa patience et son royaume et sa résurrection, lorsque ce livre se renferme sur d’autres paroles de l’enfant, qui entourent d’âme toute l’œuvre, comme les vieilles villes étaient entourées d’eau… [Mercure de France (août 1894).]

284. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Van Lerberghe, Charles (1861-1907) »

Une idée se développe en ce qu’elle a d’essentiel avec quelques touches de décor, quelques métaphores simples, et c’est tout. […] Le tempérament du poète persiste sous ses multiples aspects et à travers ses manifestations les plus diverses ; son âme n’est ni violente, ni véhémente : réservée, lointaine, insaisissable presque, elle laisse cependant parvenir jusqu’à elle les émotions de la vie, qu’elle ressent intimement, mais adoucies et purifiées, et c’est avec un art parfait que le poète les exprime et les réalise avec un luxe simple de mots et d’images.

285. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Les faits de ma vie littéraire sont bien simples. […] Je me suis trouvé, vis-à-vis de lui, sans le vouloir, et par le simple fait de priorité, un concurrent et un voisin pour certains sujets. Au lieu de m’accorder ce qui eût été si simple et de si bon goût à un homme de sa supériorité, une mention franche et équitable, il a trouvé plus simple de passer sous silence et de considérer comme non avenu ce qui le gênait. […] Il y aura bien des heureux par ce moyen, et la chose ne se passera point en simples souvenirs. […] Sainte-Beuve ne pouvait se rappeler l’amabilité simple de M. 

286. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Pour l’adepte de l’individualisme intellectuel la vérité peut être un simple moyen de satisfaction logique ou esthétique, sans aucun rapport nécessaire avec les fins sociales. […] Draghicesco, qu’une simple forme réceptive, un lieu de passage et de concentration des influences émanées du milieu social. […] Après avoir accordé que l’hérédité agit dans les sociétés simples, ce sociologue affirme que son rôle devient nul dans les sociétés plus complexes. […] « Quant à la source du pouvoir que le grand homme exerce sur ses admirateurs, elle est assez manifeste, puisqu’il est méthodiquement acquis dans les cas les plus simples. […] L’individualisme stirnérien est une simple théorie de la différenciation humaine.

287. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Simple encore apparaît l’origine de l’art littéraire, si l’on consent à se rappeler ce qu’est fondamentalement le mot. […] La musique-virtuosité avait acquis une richesse grande ; Jean-Sébastien Bach, épris du besoin des anciennes expressions, n’en était pas moins sollicité par le souci des technicités acquises ; et son œuvre est la conciliation de ce double effort : des musiques définitives de virtuosité, — où sont, très simples et très simples, des expressions psychologiques. […] La musique, expression de la vie supérieure et réelle de l’âme, est la force capable à l’auditeur idéal (idéal : le Pur et Simple) pour suggérer toute la réelle et supérieure vie de l’âme : mais à nous, l’auditeur non idéal, à nous, hélas, le misérable végétant, impur et perverti, à l’accoutumé de l’unique Apparence, au vivant de l’Illusion, à l’ignorant du Vrai, hélas, à nous la pure musique ne sera-t-elle pas l’inintelligible langage d’un inonde inconnu, et ne dirons-nous pas le dissolvant « pourquoi ?  […] l’action extérieure est si simple que quelques mots l’expliquent amplement ; en leurs situations morales, en leurs multiples nuances, l’attente des amants, leur réunion, l’entrée de la voix de remords, l’adieu final, sont totales en la musique ; n’est-ce pas de toute évidence que le décor est posé musicalement et toute mimique inutile ? […] vous lutterez, âmes juvéniles et moroses, et vous aurez des immobilités effarantes, vous hurlerez, âmes lamentables, en des sarcasmes, des insultes et des prières, tandis qu’autour de vous résonneront les gais placides chants des bonheurs simples qui ne sont point vôtres, et vous tomberez, oh pitoyables âmes, après tant de rebondissements, dans le délicieux affamement de l’enfin qui ne peut pas venir.

288. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Il lui faut un culte, une légende, des cérémonies, afin de parler au peuple, aux femmes, aux enfants, aux simples, à tout homme engagé dans la vie pratique, à l’esprit humain lui-même dont les idées, involontairement, se traduisent en images. […] En face du dogme et du culte régnants, on développe, avec une ironie ouverte ou déguisée, ceux des diverses sectes chrétiennes, anglicans, quakers, presbytériens, sociniens, ceux des peuples anciens ou lointains, Grecs, Romains, Égyptiens, Mahométans, Guèbres, adorateurs de Brahma, Chinois, simples idolâtres. […] Elle est le texte authentique et simple dont les autres sont les traductions altérées et amplifiées. […] Voltaire veut que ce rêve soit vrai, parce qu’autrement il ne peut expliquer le bel arrangement du monde et qu’une horloge suppose un horloger ; il faudrait d’abord prouver que le monde est une horloge et chercher si l’arrangement, tel quel, incomplet, qu’on y observe ne s’explique pas mieux par une supposition plus simple et plus conforme à l’expérience, celle d’une matière éternelle en qui le mouvement est éternel. […] Car elle ne s’établit qu’en détruisant l’égalité primitive, et ses deux institutions principales, la propriété et le gouvernement, sont des usurpations. « Le premier420 qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile.

289. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

Cette proposition de Descartes que les cieux, les astres, une terre, de l’eau, de l’air, du feu, des minéraux et quelques autres telles choses seraient les plus communes de toutes et les plus simples, et par conséquent les plus aisées à connaître nous paraît aussitôt saugrenue. […]   Je ne veux point dans cette simple note entrer dans le fond du débat bergsonien. […] Les plus grandes révolutions, dans tous les ordres, n’ont point été faites avec et par des idées extraordinaires et c’est même le propre du génie que de procéder par les idées les plus simples. Seulement en temps ordinaire les idées simples rôdent comme des fantômes de rêve. Quand une idée simple prend corps, il y a une révolution.

290. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

La situation de ce roman est simple, la même que dans Werther : un jeune homme qui devient amoureux de la femme de son ami. […] Une simple glace entre eux deux : d’un côté le feu brûlant, de l’autre l’affectueuse indifférence !  […] M. de Bonald l’ayant à ce propos persiflée, dans le Journal des Débats du 28 mars 1817, d’un ton tout à fait badin214, une plume amie, qui n’est peut-être autre que celle de Benjamin Constant, la défendit dans le Journal de Paris du 30, et rappela au patricien offensant les simples égards qu’au moins il devait, lui, l’homme des races, à la petite-fille du maréchal de Münnich. […] Comme biographie, ce simple pastel, dans lequel on s’est attaché à l’esprit et à la physionomie plus encore qu’aux faits, laisse sans doute à désirer ; un de nos amis, M. […] Dans l’expression de cette simple relation avec Bernardin de Saint-Pierre, on sent combien Mme de Krüdner était exaltée.

291. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

La vie d’une simple cellule est la totalité des activités de cette cellule. […] La conscience, dans son sens général, étant la somme de toutes nos sensibilités, le confluent de plusieurs courants de sensations ; il en résulte que dans les animaux inférieurs, doués d’un système nerveux simple, les phénomènes sensitifs sont simples et qu’à mesure que l’organisation croit en complexité, les phénomènes sensitifs deviennent nécessairement plus complexes, et les éléments de la conscience générale plus nombreux. […] Généraux, colonels, capitaines, sergents, caporaux, simples soldats, tous sont des individus comme le généralissime, avec un pouvoir inférieur et des fonctions différentes, selon leurs positions respectives. […] Laissons de côté le premier argument tiré de ce préjugé universel que le cerveau est le seul sensorium ; car c’est là une simple pétition de principe. […] Si la sensation paraît différente de lui, la raison en est simple.

292. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Malgré les difficultés, que nous connaissons trop bien, de juger du fond en des matières si complexes et d’oser apprécier la forme en des hommes si honorés de nous, cette fois nous nous sentons presque à l’aise vraiment ; nous avons affaire à une destinée droite et simple qui, en se développant de plus en plus et en élargissant ses voies, n’a cessé d’offrir la fidélité et la constance dans la vocation, la fixité dans le but ; il est peu d’exemples d’une pareille unité en notre temps et d’une rectitude si féconde. […] Reportez en idée la méthode de M ignet à un événement déjà ancien et reculé dans les siècles, rien ne paraîtra plus simple, plus légitimement lumineux ; il n’y aura lieu à aucune réclamation. […] Les résultats essentiels qui se tirent de ce mâle et simple récit sont passés dans le fond de leurs opinions et presque de leurs dogmes : cela fait partie de cet héritage commun sur lequel on vit et qu’on ne discute plus, et je doute fort qu’à mesure qu’on ira plus avant dans les voies modernes, et que par conséquent on trouvera plus simple et plus nécessaire ce qui s’est accompli, on en vienne jamais à remettre en cause les articles, même rigides, de ce jugement historique et à les casser. […] Sous air de publier un simple recueil de dépêches, il a trouvé moyen de dresser toute une histoire politique du grand règne. […] On continuera donc probablement, comme par le passé, de publier des recueils de pièces, traités et correspondances, avec plus ou moins de liaisons et d’éclaircissements : à M.Mignet restera l’honneur d’avoir presque élevé un simple recueil de ce genre jusqu’à la forme et au mouvement de l’histoire80.

293. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

On isole une donnée simple, très générale, très accessible à l’observation, très familière, et que l’écolier le plus inattentif et le plus ignorant peut aisément saisir. […] Contre lui la révolte n’est qu’une juste défense ; quand nous nous ôtons de ses mains, nous ne faisons que reprendre ce qu’il détient à tort et ce qui est légitimement à nous  En second lieu, le code social, tel qu’on vient de l’exposer, va, une fois promulgué, s’appliquer sans obscurité ni résistance : car il est une sorte de géométrie morale plus simple que l’autre, réduite aux premiers éléments, fondée sur la notion la plus claire et la plus vulgaire, et conduisant en quatre pas aux vérités capitales. […] Une filiation exacte et continue rattache à nos perceptions les plus simples les sciences les plus compliquées, et, du plus bas degré au plus élevé, on peut poser une échelle ; quand l’écolier s’arrête en chemin, c’est que nous avons laissé trop d’intervalle entre deux échelons ; n’omettons aucun intermédiaire, et il montera jusqu’au sommet  À cette haute idée des facultés de l’homme s’ajoute une idée non moins haute de son cœur. […]  » — Ainsi « l’acte par lequel un peuple se soumet à des chefs n’est absolument qu’une commission, un emploi dans lequel, simples officiers du souverain, ils exercent en son nom le pouvoir dont il les a fait dépositaires et qu’il peut modifier, limiter, reprendre quand il lui plaît439 ». […] Notre État n’est point une simple machine utilitaire, un outil commode à la main, dont l’ouvrier se sert sans renoncer à l’emploi indépendant de sa main ou à l’emploi simultané d’autres outils.

294. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Leur simple voix fera la lumière dans ce chaos. […] La beauté non plus localisée dans les choses supérieures, confinée aux sommets, mais brillant au travers des plus rudes formes et des plus simples êtres ! […] L’admiration muette et prosternée devant une œuvre d’art, à côté du mépris devant le plus simple fait de la vie réelle, nous paraît l’odieux héritage de siècles sans esthétique véritable et profonde. […] La simple sensation qui émane d’une prairie au soleil ne vous a jamais envahis de ces mille bourdonnements d’insectes, de sa sève et de sa chaleur. […] Nationalisme… Voilà l’un de ces mots que leur emploi conventionnel et irréfléchi a revêtu d’une telle couche d’erreurs et de mensonges qu’il nous faut un effort gigantesque pour en découvrir le véritable sens, logique et simple.

295. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Mais qui ne voit que ses spéculations sont alors purement abstraites et qu’elles portent, non pas sur les choses mêmes, mais sur l’idée trop simple qu’il se fait d’elles avant de les avoir étudiées empiriquement ? […] C’est une simple masse de gelée protoplasmique, comme celle de l’amibe ; elle est déformable à volonté, elle est donc vaguement consciente. […] Sur d’autres lignes, la conscience arrive à se libérer assez pour que l’individu retrouve un certain sentiment, et par conséquent une certaine latitude de choix ; mais les nécessités de l’existence sont là, qui font de la puissance de choisir un simple auxiliaire du besoin de vivre. […] Les grands hommes de bien, et plus particulièrement ceux dont l’héroïsme inventif et simple a frayé à la vertu des voies nouvelles, sont révélateurs de vérité métaphysique. […] Nous étions tout à l’heure dans la région du probable ; nous voici dans celle du simple possible.

296. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Un père me disait un jour, en voyant son fils pâlir dès l’âge de douze ans sur les vieux livres, non pour les lire et en tirer des pensées, mais pour en admirer les vignettes, les fermoirs, les reliures (et le fils est devenu depuis un bibliophile féroce) : « Au moins il a un noble goût. » Un galant marquis, âme ardente, qui avait connu toutes les passions, chasse, amour, cavalcades effrénées, et qui finissait par les livres, répondait à quelqu’un qui s’en étonnait : « Après tout, c’est encore moins ruineux que les femmes, les chevaux et les chiens. » Ainsi il peut être utile en même temps qu’il est honorable à un jeune homme de s’adonner aux curiosités des livres, et c’est rassurant pour les siens de le voir commencer par là ; mais alors pourquoi ne pas s’en tenir au simple goût d’amateur ? […] n’eut en son temps aucun effet littéraire ni autre, aucun retentissement ni aucune sorte d’influence : aujourd’hui c’est un simple témoignage de la manière dont écrivaient les grands seigneurs quand ils s’en donnaient la peine, vers 165090. […] M. de La Rochefoucauld fit les siennes ; il y prit goût ; il eut l’idée d’y mettre en entier les résultats de sa philosophie et de son expérience, et c’est ainsi que de simples jetons de société sont devenus par lui des médailles immortelles. […] L’amour-propre, s’il est fin, change de ton et de voix ; il a des gémissements et des soupirs ; il se fait inquiet sur le sort de ses frères, sur le danger que courent des âmes fidèles et simples ; il faut, à tout prix, préserver les faibles : et l’amour-propre agit et s’en donne alors en toute sûreté de conscience et, comme on dit, à cœur joie : il accuse l’adversaire, il le dénonce, il le conspue, il le qualifie dans les termes les plus outrageux, les plus humiliants ; et comme il ne veut point cependant paraître, même à ses propres yeux, de l’amour-propre, il se retourne, quand il a fini, et se fait humble aussitôt ; il demande pardon à son semblable d’en avoir agi de la sorte : il n’a voulu que le toucher, le convertir ; on assure même qu’il est de force à lui proposer en secret (après l’avoir insulté en public) de lui donner le baiser de paix et de l’embrasser. […] Pour les cœurs sensibles, je veux pourtant ajouter un mot : La Rochefoucauld s’est réfuté lui-même une fois, et mieux que personne ne saurait faire ; il s’est réfuté par une de ses larmes, non de celles qu’il versa sur la mort et la blessure de ses fils : cela était trop naturel et trop simple ; mais il lui est échappé une autre larme, toute désintéressée.

297. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Il y a de la vigueur dans ce style simple, courant, direct, qui ne s’étale pas en plats bavardages : on aime mieux cette sécheresse archaïque et nerveuse que l’insipide et intarissable prolixité des Grébans. […] Jean Bodel a mis tout cela dans un drame bizarre, bien supérieur à son insipide et romanesque Chanson des Saxons : la nécessité d’aller au cœur de son public, la nouveauté d’un genre encore dénué de traditions ont maintenu le poète dans la simple sincérité, et comme dans le plein courant, de la vie. […] On ne saurait imaginer quels péchés ni quels pécheurs la Vierge arrache à l’enfer, au supplice, au déshonneur, sur un mot de repentir, même sur un simple acte d’hommage et de foi. […] Simples chansons et fabliaux, chansons de caractère et monologues, tout cela, comme les parades des bateleurs, contenait de quelque façon en puissance la comédie : tout cela dut en influencer le développement. […] De légères suppressions font de la pièce une œuvre purement dramatique : et d’autre part, pour un public encore peu habitué à la mobilité du dialogue scénique, la lecture et la simple récitation exigeaient certaines indications et parties de récit, sans lesquelles ces esprits peu alertes auraient eu peine à suivre et à comprendre le mouvement du morceau.

298. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Ils n’y viennent pas, ou, s’ils y viennent d’aventure, comme ce sont évidemment des simples et des résignés, ils ne s’irritent point d’être exclus des chaises réservées ; ils acceptent avec la douceur de l’habitude les plus mauvaises places à l’église comme dans la vie : cela leur semble naturel. […] Mais, informations prises, il est né à Blois, de simples honnêtes gens, ce qui est déjà bien beau. […] Mon plan est bien simple : 1°Dieu veut qu’on se confesse ; 2° nous n’avons pour nous en dispenser que de mauvaises raisons. […] J’estimerais peu les efforts que j’ai faits pour l’obtenir si je ne me sentais appuyé par l’interprétation unanime de dix-huit siècles », etc  Il a des façons violentes et hyperboliques d’exprimer des choses très simples : « Si j’allais vous dire, de mon autorité privée : Confessez-vous, est-ce que vous tomberiez à genoux ?  […] Un certain nombre de prédicateurs reviennent décidément, comme le Père Monsabré, à l’exposition pure et simple du dogme et de la morale chrétienne d’après la Somme de saint Thomas, qui est comme on sait, en grande faveur auprès de Léon XIII.

299. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Mais ce premier chapitre grandiose, entremêlé çà et là d’apostrophes et d’allusions aux oisifs, de ce que j’appelle le Raynal ou la déclamation d’aujourd’hui, me plaît moins que l’histoire toute simple et tout agreste de Germain le fin laboureur. […] On sent que cette simple enfant porte en elle toutes les qualités de nature qui font que la femme prudente est la providence du foyer. […] je vais chercher bien loin une femme que je ne connais pas, qu’on dit riche, qui est fière sans doute, qui croira me faire grand honneur en m’épousant avec mes trois enfants ; et voilà que j’ai tout près de moi une enfant simple, pauvre, mais riche des dons de Dieu, des qualités et des vertus naturelles, et qui serait un trésor dans ma maison et dans mon cœur. » Il faut que Germain, insensiblement, et avant la fin de ce court voyage, devienne amoureux de cette petite Marie qu’il n’avait jamais considérée jusque-là que comme une enfant. […] Comme il arrive toujours, on a fini par le plus simple. […] Pour moi, je préfère, je l’avoue, chez Mme Sand les productions simples, naturelles, ou doucement idéales ; c’est ce que j’ai aimé d’elle tout d’abord.

300. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Son Arlequin, toujours simple et bon, toujours facile à tromper, croit ce qu’on lui dit, fait ce que l’on veut, et vient se mettre de moitié dans les pièges qu’on veut lui tendre : rien ne l’étonne, tout l’embarrasse ; il n’a point de raison, il n’a que de la sensibilité ; il se fâche, s’apaise, s’afflige, se console dans le même instant : sa joie et sa douleur sont également plaisantes. […] Voilà bien l’Arlequin, tel que l’a renouvelé et créé Florian dans Les Deux Billets, dans Le Bon Ménage, dans La Bonne Mère ; un Arlequin bon, doux, ingénu, aussi babillard qu’honnête homme, simple sans être bête, naïf sans être niais. […] Vous gagnerez toutes les deux à l’erreur. » On voit combien Florian était moins simple et plus à double fin que Némorin. […] écrit Louise à Charles dans Le Presbytère (ce roman si simple et si vraiment touchant de M.  […] Ajoutez chez La Fontaine à cette liberté et à cette fantaisie de composition une poésie perpétuelle de détail, et des aperçus d’élévation, de grandeur, toutes les fois qu’il y a lieu, et tout à côté des circonstances les plus simples.

301. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

— « Citoyen… » — « Mais asseyez-vous donc, messieurs », reprend Carrel en montrant de la main des sièges, et il force, par ce simple accueil, ses interlocuteurs à changer de ton et à se rapprocher du sien. […] Cependant l’intérêt pour lui dans le public était extrême : sa jeunesse, sa fierté, sa constance à souffrir dans la prison, sa tenue ferme et simple aux audiences, son élévation naturelle de langage, ce quelque chose de contenu qu’il eut toujours et qui ne s’échappait que par éclairs, excitaient une sympathie universelle. […] Je veux m’expliquer plus clairement : si un véritable homme de lettres, bien simple, bien modeste, bien consciencieux, mais étranger à l’action, mais ne sachant ni payer de sa personne, ni représenter en Cour des pairs ou en cour d’assises, ni tenir tête aux assaillants de tout genre et de tout bord, ni dessiner sa poitrine avec cette noblesse dans le danger, avait écrit du fond de son cabinet la plupart des choses excellentes que Carrel a écrites (j’entends excellentes, littérairement parlant), il ne passerait, selon moi, que pour un bon, un estimable, un ferme, un habile et véhément écrivain ; mais il n’eût jamais excité les transports et les ardeurs qui accueillirent les articles de Carrel : c’est qu’avec lui, en lisant et en jugeant l’écrivain, on songeait toujours à l’homme qu’on avait là en présence ou en espérance, à cette individualité forte, tenace, concentrée, courageuse, de laquelle on attendait beaucoup. […] Mme Courier aurait bien désiré que le passage où se trouvait le mot d’équipée fût modifié et adouci, et elle visita Carrel : « Je vis là pour la première fois Mme Courier, me dit un témoin fidèle, et je n’oublierai jamais ni l’esprit avec lequel elle défendit sa thèse, ni la grâce parfaite de Carrel, maintenant son dire et son jugement. » Nous avançons lentement avec Carrel ; c’est que ce n’est pas un talent littéraire tout simple ni de première venue : c’est un esprit éminent, un caractère supérieur qui s’est tourné par la force des choses aux lettres, à la politique, qui s’y est appliqué avec énergie, avec adresse, et finalement avec triomphe, mais qui était plus fait primitivement, je le crois, pour devenir d’emblée un des généraux remarquables de la République et de l’Empire. […] On a essayé de dire qu’il y avait désaccord de vues politiques dès l’origine entre Carrel et ses deux amis : le plus simple examen, la lecture des articles que Carrel inséra dans le journal durant toute cette année 1830, avant et depuis les événements de Juillet, suffit pour détruire cette assertion.

302. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Je ne reçois de tout cela que le simple témoignage de leur bonne volonté. […] Cette simple histoire est l’œuvre véritablement immortelle de Bernardin ; elle ne peut se relire sans larmes, ce qui est vrai de si peu de livres admirés en naissant. […] Tout ici, presque tout est parfait, simple, décent et touchant, modéré et enchanteur. […] Il a supposé qu’on assistait à cette ancienne séance académique ; il a donné à entendre qu’il y assistait lui-même, simple lycéen alors, pour avoir le droit de la décrire. […] De cette étude bien imparfaite, mais qui repose sur plus de lectures et de comparaisons que je n’ai pu en apporter ici, il me semble résulter que Bernardin de Saint-Pierre, dans sa vie, n’a été qu’à demi un sage, et que, dans ses écrits, il a presque aussi souvent erré que rencontré avec bonheur : mais, une fois, il a eu une inspiration simple et complète, il y a obéi avec docilité et l’a mise tout entière au jour comme sous le rayon ; il a mérité par là que son souvenir reste à jamais distinct et toujours renouvelé dans la mémoire humaine, et qu’autour de ce chef-d’œuvre de Paul et Virginie, la curiosité littéraire rassemble, sans en rien perdre, les grâces éparses de l’écrivain.

303. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Voilà que tout à coup quelque chose s’en vint de Bretagne, un chant, — simple, avant tout, agreste et triste aussi ; car la poésie moderne, même celle qui vit aux champs et qui les aime, est vouée à d’indicibles et fatales tristesses. […] « Heureux, ajoute-t-il, qui s’en tient aux seules émotions de l’âme, aux habitudes du foyer, aux simples soirs du pays natal… mais combien pourraient dans la vie et dans l’art négliger la science et impunément se passer d’elle ?  […] On y retrouve au moins l’observation du détail simple, ingénu, domestique, et cette couleur locale, déjà vue et goûtée dans Marie, mais que dans Marie elle-même on voudrait plus profonde ; car nous sommes en Bretagne, et la Bretagne est un pays de clair-obscur. […] J’aime mieux pour mon compte cette simple et quelquefois trop simple poésie de Brizeux que la poésie vide de cruches, qui se croient des amphores, de ces Grecs du xvie  siècle, au xixe , qui se croient aussi des Grecs !

304. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Ils aspireront à quelque chose de mieux, au simple, au grand, au vrai, et se dessécheront et s’aigriront à l’attendre ; ils voudront le tirer d’eux-mêmes ; ils le demanderont à l’avenir, au passé, et se feront antiques pour se rajeunir ; puis les choses iront toujours, les temps s’accompliront, la société mûrira, et lorsque éclatera la crise, elle les trouvera déjà vieux, usés, presque en cendres ; elle en tirera des étincelles, et achèvera de les dévorer. […] Élève de Louis Racine, qui lui avait légué le culte du grand siècle et celui de l’antiquité, nourri dans l’admiration de Pindare et, pour ainsi dire, dans la religion lyrique, il était simple que Le Brun s’accommodât peu des mœurs et des goûts frivoles qui l’environnaient ; qu’il se séparât de la cohue moqueuse et raisonneuse des beaux-esprits à la mode ; qu’il enveloppât dans une égale aversion Saint-Lambert et d’Alembert, Linguet et La Harpe, Rulhière et Dorat, Lemierre et Colardeau, et que, forcé de vivre des bienfaits d’un prince, il se passât du moins d’un patron littéraire. […] Peut-être, si la fortune lui eût permis d’y arriver, s’il eût pu se fonder ainsi, loin d’un monde où il se sentait déplacé, une vie grande, simple, auguste ; s’il avait eu sa tour solitaire au milieu de son parc, ses vastes et majestueuses allées, pour y déclamer en paix et y raturer à loisir son poëme de la Nature ; si rien autour de lui n’avait froissé son âme hautaine et irritable, peut-être toutes ces boutades de conduite, toutes ces sorties colériques d’amour-propre eussent-elles complètement disparu : l’on n’eût pu lui reprocher, comme à Buffon, que beaucoup de morgue et une excessive plénitude de lui-même. […] C’est également quelque chose de fort, de noble, de nu, de roide, de sec et de décharné, de grec et d’académique, un retour laborieux vers le simple et le vrai.

305. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

La seconde moitié n’est pas moins heureuse ni moins simple : quand la célébrité fut venue, il resta le même ; rien ne fut changé à ses habitudes, à ses pensées. […] C’est une douce histoire, touchante, simple, savante pourtant de composition et sans en avoir l’air. […] Cet homme simple, et dont le lecteur croit devancer parfois la sagacité, se trouve toujours au niveau de chaque crise et la fait tourner à bien. […] Le moment où Gertrude lui apprend la grossesse de Rosa et où son premier sentiment, au milieu du surcroît d’anxiété qui lui en revient, est d’aller à la jeune mère et de la bénir, arrache des larmes par sa sublimité simple.

306. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

Ici, comme tout à l’heure, le même instrument travaille ; seulement il travaille non plus par une substitution simple, mais par une série de substitutions. […] Nous prenons des abstraits fort simples, la surface qui est la limite du solide, la ligne qui est la limite de la surface, le point qui est la limite de la ligne, l’unité ou qualité d’être un, c’est-à-dire l’existence distincte parmi des semblables. […] Rien, sinon qu’elle est une action ; par l’évanouissement des mots, nous l’avons vidée de ce qui la constitue ; nous la posons à part, pure et simple, ou, comme nous disons, spirituelle ; l’ayant dépouillée, nous la croyons nue ; et, remarquant plus tard que pour la produire nous avons lu des signes, nous croyons que le signe n’est pour elle qu’un aide préalable et un excitateur séparé. […] Les fausses théories qu’elles ont fait naître sont aussi compliquées que nombreuses et obstruent aujourd’hui la science ; quand on les aura déblayées, la science redeviendra simple. — Cette illusion-ci écartée, on voit les conséquences.

307. (1842) Essai sur Adolphe

Qu’il s’agisse de nous ou de nos amis les plus chers, ce n’est jamais en vain que nous consultons cette histoire si simple et d’une moralité si douloureuse. […] Plus tard, elle s’éprend d’une mélodie élégante et simple qu’elle n’avait pas d’abord aperçue, et chaque jour elle fait de nouvelles découvertes ; elle s’étonne de sa première ignorance, et la curiosité se rajeunit à mesure que la pénétration se développe. […] Habitué dès longtemps à converser avec lui-même, à se raconter les grandes choses qu’il espère accomplir, il est tout simple qu’il dédaigne la société réelle qu’il n’a pas étudiée, et qui ne peut le deviner. […] S’il avait choisi de bonne heure une route simple et droite ; si, au lieu de promener sa rêverie sur le monde entier qu’il ne peut embrasser, il avait mesuré son regard à son bras ; s’il s’était dit chaque jour en s’éveillant : Voilà ce que je peux, voilà ce que je voudrai ; s’il avait marqué sa place au-dessous de Newton, de Condé ou de Saint-Preux ; s’il avait préféré délibérément la science, l’action ou l’amour ; s’il avait épié d’un œil vigilant le premier éveil de ses facultés, s’il avait démêlé nettement sa destinée, s’il avait marché d’un pas sûr et persévérant vers la paix sereine de l’intelligence, l’énergique ardeur de la volonté ou le bonheur aveugle et crédule, il ne serait pas vain, il ne dédaignerait pas.

308. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Puisqu’il fallait qu’il se décidât à un parti pénible, une préface brève, nette et simple, aurait bien mieux convenu, et elle nous aurait convaincus plus réellement de la violence qu’il se faisait à lui-même. […] Parmi les auteurs qu’il lit d’abord et qu’il aime, nous trouvons le Tasse, Bernardin de Saint-Pierre, Ossian ; c’est tout simple, et l’affinité des natures, la parenté des génies se déclare. […] Ce premier amour avec Lucy, sous l’invocation d’Ossian, est une jolie esquisse, d’un trait pur et simple ; c’est finement touché : il y a du sourire, un peu de malice ; en un mot, de ces qualités qu’excède aisément le talent de M. de Lamartine, mais qui font d’autant plus de plaisir à rencontrer chez lui. […] Est-ce Bernardin de Saint-Pierre qui, pour exprimer la facilité de liaison et de cordialité naturelle aux conditions simples, aurait dit : « Le temps qui est nécessaire à la formation des amitiés intimes dans les hautes classes, ne l’est pas dans les classes inférieures.

309. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre V. Les figures de lumière »

Tant qu’il est au repos, nous pouvons le considérer, indifféremment, comme constitué par deux lignes simples rigides, rectangulaires, ou par deux lignes doubles de lumière, rectangulaires encore : la figure de lumière et la figure rigide coïncident. […] Or, que l’observateur intérieur au système S suppose son système en repos ou en mouvement, sa supposition, simple acte de sa pensée, n’influe en rien sur les horloges du système. […] Mais cela devient au contraire très simple et tout naturel, si l’on prend pour substitut du temps une ligne de lumière extensible, et si l’on appelle simultanéité et succession des cas d’égalité et d’inégalité entre lignes de lumière dont la relation entre elles change évidemment selon l’état de repos ou de mouvement du système. […] Avec la ligne de lumière, qui est du temps mais qui reste sous-tendue par de l’espace, qui s’allonge par suite du mouvement du système et qui ramasse ainsi en chemin de l’espace avec lequel elle fait du temps, nous allons saisir in concreto, dans le Temps et l’Espace de tout le monde, le fait initial très simple qui se traduit par la conception d’un Espace-Temps à quatre dimensions dans la théorie de la Relativité.

310. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

. — L’âme est une substance immatérielle, inétendue, simple, spirituelle. […] D’autant plus que cette manière est claire, simple, exempte de grandes phrases et d’abstractions rébarbatives, pouvant être employée dans un fauteuil au coin de la cheminée, et n’ayant pas besoin d’être étalée en chaire, avec accompagnement de métaphores et d’éloquence. […] Lorsque le cours de la logique portait le professeur d’analyse vers des endroits plus riants et plus agréables, il ne s’en détournait pas ; il consentait parfois à ramasser sous ses pas quelques fleurs littéraires ; il choisissait volontiers celles qui, simples et populaires, pouvaient se montrer sans disparate au milieu des raisonnements psychologiques, comme un bluet dans une gerbe d’épis mûrs. […] Il ne veut point admettre une simple capacité passive parmi les facultés ou puissances efficaces, et ne reconnaît de facultés que celles qui correspondent aux différentes classes d’actions.

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