Quoique jaloux de tromper les autres, il ne veut pas les tromper trop grossièrement, car ils pourraient bientôt reconnaître leur erreur, et s’en vengeraient par un mépris, souvent aussi injuste que leur estime. […] Voilà, si je ne me trompe, la raison pour laquelle l’estime et l’accueil des grands sont si recherchés de la plupart des gens de lettres. […] On se tromperait néanmoins, si on avançait sans restriction que les récompenses mal distribuées découragent toujours les génies supérieurs : elles sont bonnes quelquefois à faire produire de grandes choses à ceux qui ne les obtiennent pas ; ils travaillent non dans l’espoir d’y parvenir, mais dans la vue de les mériter.
Mais aussi, il s’agit de successions et de simultanéités uniquement définies par l’aspect que prennent les deux trajets P et Q : l’observateur en S′ ne se trompe pas, puisque P est pour lui égal à Q ; l’observateur en S ne se trompe pas davantage, puisque le P et le Q du système S′ sont pour lui inégaux. […] Alors on fera comme si, les deux trajets P et Q apparaissant inégaux quand l’observateur est extérieur à S′, l’observateur en S′ se trompait en qualifiant ces lignes d’égales, comme si les événements du système matériel S′ s’étaient disloqués réellement dans la dissociation des deux systèmes, alors que c’est simplement l’observateur extérieur à S′ qui les décrète disloqués en se réglant sur la définition posée par lui de la simultanéité. […] Et il me dira, comme ils auraient dit, que je me trompe, que je n’ai pas le droit d’expliquer par mon immobilité l’égale vitesse de propagation de la lumière dans toutes les directions, car je suis en mouvement.
Les artistes et, avec eux, les critiques, les amateurs d’art, ne sont-ils pas soumis à des modes qui les trompent sur la valeur réelle de l’expression choisie par eux ? […] Au commencement D’Annunzio trompait sans doute son public, sans se tromper lui-même ; il affectait de mépriser la « grande Bête » (c’est son expression) et lui donnait en souriant la pâture désirée. […] Mais quand Victor Hugo, ne songeant qu’à Shakespeare, proclame la nécessité de mêler le rire aux larmes, il se trompe aussi bien que Castelvetro ; et il aboutit souvent lui-même, dans ses œuvres dramatiques, à un comique qui révèle par trop le procédé. — Jules Lemaître a découvert d’ailleurs, jusque dans Athalie, une ironie qui frise le comique ; je ne sais s’il a raison ; en tout cas le ton général de la tragédie (considérée comme forme spéciale du drame) ne supporterait pas les plaisanteries chères à Hugo ; ce serait une faute qui n’a rien à voir avec le théâtre même ; ce serait une faute de goût.
Aussi ne vous y trompez pas ; vous voyez une foule de corps, mais si vous cherchez des âmes humaines, la solitude est profonde ; ce ne sont plus que des bêtes sauvages. […] je me trompe peut-être, mais je voudrais bien ne pas me tromper : la composition de cet ouvrage m’a animé d’un esprit héroïque qui me met au-dessus de la crainte de la mort et des calomnies de mes rivaux. […] Il les trompa tous : après une invocation courte, grave et touchante, il lut le commencement de la loi, et suivit une méthode familière aux anciens jurisconsultes, mais toute nouvelle dans les concours.
Je trouve l’auteur assez aimable, mais il a, si je ne me trompe, une grande ambition de célébrité ; il brigue à force ouverte la faveur de tous nos beaux esprits, et il me paraît qu’il se trompe souvent aux jugements qu’il en porte.
Mme de Sévigné se trompe : Madame n’était nullement étonnée de sa grandeur ; elle se sentait faite pour ce haut rang d’épouse de Monsieur, elle se fût sentie à sa place plus haut encore ; mais Mme de Sévigné, qui se promenait pourtant si volontiers dans ses bois de Livry ou dans son parc des Rochers, ne devinait pas la jeune fille fière, brusque et sauvage, qui avait mangé avec délices son morceau de pain et ses cerises cueillies à l’arbre, à cinq heures du matin, sur les hauteurs de Heidelberg. […] Dieu veuille que je me trompe !
Longtemps je crus à ce que je désirais ardemment, et, toujours déçu, je me laissais tromper toujours, leurré chaque matin d’une attente nouvelle, et dupe du lendemain, même dès l’enfance ! […] Il cherchait à m’inviter à aller au jardin en tambourinant des pattes sur mon genou, ou par un regard d’une telle expression qu’il n’était pas possible de s’y tromper.
Qu’on ne s’y trompe point toutefois, Malplaquet n’est point un de ces noms à jamais néfastes qu’on doive hésiter à prononcer et dont le patriotisme ait à souffrir, infaustum Allia nomen ; une de ces journées dont le poète a dit, en les voilant d’une larme : Son nom jamais n’attristera mes vers ! […] Le prince ne put jamais se figurer que le maréchal fît cette manœuvre à sa barbe, et c’est ce qui le trompa.
Mes amis et ma famille s’y sont opposés : on m’a représenté que j’avais trop de bien dans ce pays-ci pour prendre un pareil parti ; j’ai cédé : il a donc fallu tâcher de se mettre ici à même d’aller son chemin ; je l’ai fait, et dans peu vous verrez si je vous trompe ; je ne saurais vous en dire davantage à présent. […] En vieillissant, il se crut devenu un bonhomme et rien que cela, il le disait, et se trompait.
après y avoir un peu regardé, je crois qu’on se tromperait en raisonnant ainsi, et que le malencontreux traducteur Marolles n’a pas eu cette satisfaction de se sentir utile un seul jour, par la raison toute simple qu’il n’a jamais été lu, et que ses livres n’ont pu obtenir aucun crédit, aucun débit. […] Marolles, appliquant à toute espèce de sujets le nouveau talent qu’il s’était découvert, lâcha donc les rimes par milliers, et de plus il en savait exactement le chiffre : il calculait que, d’une part, l’ensemble de ses traductions en vers des poètes profanes (sans parler d’une géographie sacrée, d’une description de Paris, etc., etc.) formait un total de 133124 vers, et que, d’autre part, ses traductions poétiques des livres sacrés, des grands et des petits prophètes, etc., etc., allaient à plus de 40000 vers : « Si quelqu’un sans besoin (c’est-à-dire apparemment, sans y être forcé) en peut mettre autant en ligne de compte, je serais bien trompé », ajoutait-il ; et il nous assure qu’il s’y est agréablement diverti.
Le roi était défiant ; les malintentionnés lui insinuaient que l’archevêque pouvait bien le tromper et s’entendre sous main avec Rome. […] Feuillet lui répondit qu’il n’en savait rien, mais que depuis peu il avait dit sur ce sujet à Monsieur (et l’on sait de quelle nature étaient les mœurs de ce prince) qu’il n’avait point besoin de confesseur en menant la vie qu’il mène à la Cour, et qu’il lui conseillait d’épargner les 6,000 livres qu’il donne à son confesseur qui ne sert qu’à le tromper, et qu’il valait bien mieux pour lui de les donner aux pauvres, afin de fléchir pour leurs prières la miséricorde de Dieu sur sa personne : après quoi, si Jésus-Christ lui donnait quelque sentiment de pénitence pour se convertir, il choisirait lui-même un homme de bien pour régler ses mœurs et la conduite de sa vie. — Ce discours, que la plupart des gens prendraient pour quelque chose de bien grave et de bien sérieux, parut à M. de Paris si agréable et si divertissant qu’il fut plus d’un bon demi-quart d’heure à en rire de tout son cœur. » 54.
Victor-Amédée allait avoir vingt ans ; Catinat le jugea d’abord un enfant indécis, encore incapable de se rendre compte au net d’une affaire et de se fixer à une résolution ferme ; il se trompait : c’était déjà un homme à double et triple fond, qui jouait plus d’un jeu à la fois. […] Elle n’augmente point l’estime que j’avais pour vous, mais elle me fait connaître que je ne me suis point trompé lorsque je vous ai donné le commandement de mon armée.
Au lieu de cette opportunité du moins dans le malheur, il survécut obscurément, se fit perdre de vue durant plus de dix années sans donner signe de vie au public ni aux amis ; il se laissa devancer sur tous les points ; la mort même, on peut le dire, la mort dans sa rigueur tardive l’a trompé. […] s’il y a eu dans mon roman d’amour quelqu’un de trompeur, ce n’est pas moi, quelqu’un de trompé, ce n’est pas vous !
Vouloir tromper le Ciel est folie à la terre. […] Son chant soutenu rassemble les impressions que ses accents imitatifs ont produites, et de toutes les sensations notées une à une elle compose un air. — Les gens d’esprit et savants s’y sont trompés.
qui trompe-t-on ici ? […] Au même instant, un domestique apporte une facture : c’est une note de modiste, une robe, un mantelet de velours, un chapeau à la Marie Stuart, les pièces de conviction du délit ; plus de doute, son mari la trompe, il a une maîtresse !
Les contemporains de Mlle de Lespinasse, ses amis les plus proches et les mieux informés, n’y avaient rien compris ; Condorcet, écrivant à Turgot, lui parle souvent d’elle et de ses crises de santé, mais sans rien paraître soupçonner du fond ; ceux qui, comme Marmontel, en avaient deviné quelque chose, se sont trompés tout à côté, et ont pris le change sur la date et l’ordre des sentiments. […] Elle se trompe sur elle-même quand elle dit : « J’ai une force ou une faculté qui rend propre à tout : c’est de savoir souffrir, et beaucoup souffrir sans me plaindre. » Elle sait souffrir, mais elle se plaint, elle crie ; elle passe en un clin d’œil de la convulsion à l’abattement : « Enfin, que vous dirai-je ?
Ce portrait de Fontenelle par La Bruyère est pour nous une grande leçon : il nous montre comment un peintre habile, un critique pénétrant, peut se tromper en disant vrai, mais en ne disant pas tout, et en ne devinant pas assez que, dans cette bizarre et complexe organisation humaine, un défaut, un travers et un ridicule des plus caractérisés n’est jamais incompatible avec une qualité supérieure. […] En tout, le travail de Fontenelle est comme celui de cet orfèvre : il s’attache à dépouiller chaque objet de la couche d’illusion qui l’enveloppe et qui trompe.
M. d’Argenson ne se trompait pas dans un sens, mais il se trompait dans un autre : le livre de Montesquieu, avec tous ses défauts, allait déjouer les craintes et surpasser les espérances de ses amis mêmes.
Elle croit en moi, à mon honnêteté, et je ne la tromperai pas. […] On se tromperait en prenant pour un être purement pervers la comtesse Irène de Fumée, qui se livre, dans un accès de contrition, à son ancien et dédaigné amant, puis se reprend, quand celui-ci a presque brisé sa vie.
Cependant, ne nous y trompons pas. […] VIII Car elle a osé, l’humble femme, repousser le ciel inventé par le Dante, de toute la force de son âme chrétienne ; de toute la force d’une âme que cette vie mortelle a trompée, mais que la vie future doit venger.
Quelquefois, il est vrai, on l’y suppose, comme fit Saint-Chéron dans sa traduction du livre très politique et très peu catholique de Ranke, qui clama, mais assez vainement, car ceux qui lisent la supposition ne liront peut-être pas la réclamation, et, par un côté du moins, le coup est porté à cette opinion publique qui voit juste, mais à la longue, et qu’il faut d’autant plus se hâter de tromper qu’il est bien sûr qu’un jour ou l’autre elle reviendra de son erreur. […] Sismondi lui-même, malgré tout ce sang versé qui l’aveugle et le fait frémir, y voit clair encore, et à la page 412 du VIe volume de son Histoire, frappé du langage d’Innocent dans ses lettres après que les ambassadeurs d’Aragon lui eurent dévoilé la vérité, il avoue que ce Pape put être trompé par ses légats.
Il croit servir le sens, il se trompe.
Il y a une règle assez générale qui ne trompe guère, c’est qu’il ne faut pas que ces prétendues découvertes qui se font dans le champ de l’inédit arrivent trop à point nommé et à souhait.
Voici l’article sur Cinq-Mars, tiré du Globe, 8 juillet 1826 : Pendant que Richelieu, vainqueur des grands et des calvinistes au dedans du royaume, et de la maison d’Autriche au dehors, poursuivait tout ensemble, dans cette triple voie de l’organisation intérieure, de la religion et de la politique, les plans tour à tour conçus et ébauchés par Louis XI contre la féodalité, par François Ier contre la réforme, et par Henri IV contre la postérité de Charles-Quint, Louis XIII, indolent et mélancolique, renfermé dans ses maisons de plaisance, cherchait à tromper son ennui par des jeux puérils ; son goût le plus prononcé était d’élever et de dresser des oiseaux.
Voici un petit livre qui a fait quelque bruit en son temps, et dont on a parlé durant cinq ou six mois en 1829, si je ne me trompe.