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943. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Ariane me tire des larmes si vraies que je ne m’avise pas qu’il y en ait de meilleur aloi, et ni Bérénice, ni Phèdre, ni Hermione ne me rendent moins touchante l’amante délaissée de Thésée. […] Crébillon, d’ordinaire si incorrect, et qui semble recevoir ses mots de la rime, les a tirés cette fois de son cœur et de sa raison. […] Des écoliers bien appris pouvaient se tirer agréablement de rôles qui ne dépassent pas pour la plupart la force d’une composition de rhétorique. […] Ducis voulut remplacer son faux poli par un peu de rudesse imitée de Shakspeare, corriger sa sécheresse par un peu de poésie descriptive imitée de Paul et Virginie, réchauffer sa rhétorique par quelques accents tirés de son cœur d’homme de bien.

944. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Aussi de Pure dit-il dans ce même roman, publié en 1656, que le mot de précieuse « est un mot du temps, un mot à la mode, qui a cours aujourd’hui, comme autrefois celui de prude ou de feuillantine, et qui s’applique à certaines personnes du beau sexe qui ont su se tirer du prix commun, et ont acquis une espèce et un rang tout particulier. […] Pour les unes, précieuse était synonyme de prisée, l’opposé de méprisée, ou femme de grand prix, opposée à femme commune ; pour les autres, le mot était synonyme de femme qui se prise beaucoup, surfait son mérite, fait la renchérie, et n’est au fond qu’une hypocrite bel-esprit, Une seule idée commune aux précieuses de tout genre resta attachée à ce mot, ce fut celle de femmes qui se sont tirées du pair par des mœurs irréprochables, par un esprit plus ou moins cultivé. Ce titre se donne, dit de Pure dans La Précieuse, page 26, aux personnes du beau sexe qui ont su se tirer du prix commun des autres. […] Il n’en a été tiré que soixante exemplaires.

945. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

La première, Mme de Staël régna sur le sien par le génie mais un génie qu’elle en tirait comme le ciel tire de la terre les pluies qu’il lui renvoie. […] C’est le thème que trente ans après George Sand tirera du même fonds, des mêmes intérêts de sexe. […] Déduire, inventer, tirer ses feux d’artifices, tout ce métier d’écrire qu’il a découvert à quarante ans, l’amuse. […] C’est d’ailleurs presque une loi en littérature que la première génération qui jouit d’un bienfait en tire le meilleur parti et en épuise la substance originale : aux débutants les mains pleines. […] Mais ce sont là des exceptions : presque tout ce qu’il publia était tiré des manuscrits de l’inépuisable exil, surtout des années cinquante.

946. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

De ce qu’on s’arrête, à un certain moment, dans les conséquences que de plus avancés ou de plus aventureux que nous prétendent tirer d’un principe, il ne s’ensuit pas qu’on renonce à ce principe et qu’on le répudie. […] Et c’est ainsi qu’au déclin d’une école et quand dès longtemps on a pu la croire finissante, quand de ce côté la prairie des muses semble tout entière fauchée et moissonnée, des talents inégaux, mais distingués et vaillants, trouvent encore moyen d’en tirer des regains heureux et de produire quelques pièces presque parfaites qui iraient s’ajouter à tant d’autres dans la corbeille, si un jour on s’avisait de la dresser, — dans la couronne, si l’on s’avisait de la tresser —, d’une anthologie française de ce siècle.

947. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Je commence à douter que cette histoire de vos amours que vous me racontez si au long, sans considérer que je n’ai point d’oreilles pour entendre ce discours, ne soit une énigme tirée des paraboles de l’Évangile où l’on fait si souvent des noces, particulièrement une où il n’y a que les vierges qui soient appelées. […] Les lettres de la mère Agnès tirent une bonne partie de leur intérêt des personnes à qui elle les adresse.

948. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

Il quitte sa maîtresse, se bat avec son ami et est blessé ; guéri, il se jette dans la débauche, dans l’orgie, jusqu’à ce que la mort de son père l’en tire. […] M. de Musset est, de nos jeunes auteurs modernes, celui duquel on tirerait peut-être le plus grand nombre de vives et saillantes épigraphes, c’est-à-dire de pensées concises, colorées et comme inscrites sur un caillou blanc.

949. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Le voilà devenu ambitieux ; la lutte a commencé ; les Charmettes tirent à la fin. […] Étendu tout du long, il écoutait les sons que Juliette tirait de son clavecin, et en même temps il suivait des yeux les nuages qui flottaient au gré du vent dans l’azur du ciel.

950. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

Ici encore il s’est effacé ; il a tiré toutes ses idées des documents et des textes ; il a été affranchi de tout point de vue doctrinal : il n’a voulu apporter qu’une méthode, et son jugement. […] Il voyait la laideur expressive de Molière, le paysage natal de Racine, cette nature sévère et harmonieuse de la Ferté-Milon, l’intérieur de bourgeois cossu du poète vieilli ; il nous le montrait dans son cabinet, en sa robe de chambre « bordée de satin violet », devant ses rayons garnis de livres, ou, lorsqu’il s’en allait à la cour, en « manteau d’écarlate rouge » et « en veste de gros de Tours à fleurs d’or », avec une « petite épée à garde et poignée d’argent » au côté, montant dans son carrosse rouge que tiraient deux bons vieux chevaux.

951. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire Conférence faite à l’Université de Bruxelles Mesdames, Messieurs, Lorsque Boileau se constituait le défenseur des anciens contre Perrault et ses amis, le docte Huet déniait à ce poète si médiocrement érudit qu’il eût qualité pour le faire, et lui disait en le voyant s’échauffer : « Monsieur Despréaux, il me semble que cela nous regarde plus que vous. » J’ai peur, Mesdames et Messieurs, qu’en venant discourir ici sur la méthode scientifique  moi dont la culture et l’étude sont entièrement littéraires  j’ai peur que mes deux illustres compatriotes qui sont ici, le mathématicien Poincaré et le biologiste Le Dantec, ne me tirent par la manche et ne me disent : « Mon cher collègue, cela nous regarde plus que vous. » Ce n’est qu’avec beaucoup de discrétion et de réserves que j’ose transporter cette notion de méthode scientifique à l’histoire littéraire, et il faut d’abord que je précise brièvement en quel sens et dans quelle mesure nous osons prétendre que nous faisons du travail scientifique. […] De la méditation des méthodes scientifiques, tirons avant tout des scrupules, l’idée de ce que c’est qu’une preuve, l’idée de ce que c’est que savoir, pour nous rendre moins complaisants à nos fantaisies et moins prompts aux certitudes.

952. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Mais d’un paysage vu sans faute, Maurice Barrès sait tirer des inductions personnelles. […] Le bénéfice tiré de Jésus-Christ est le désir de son imitation.

953. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

La volonté de l’égoïste n’est accessible qu’à des motifs d’ordre utilitaire ; la volonté de l’ambitieux n’est accessible qu’à des motifs tirés de l’appétit de puissance. […] Le Dr Toulouse a proposé une théorie du « frein volontaire » dont il a tiré des conclusions contraires à l’individualisme qui place son idéal dans l’épanouissement du moi égoïste32.

954. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

Ne voit-on pas que du principe ainsi compris on ne pourra plus rien tirer ? […] Leur tâche n’était pas facile, et si Lorentz s’en est tiré, ce n’est qu’en accumulant les hypothèses.

955. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Verlaine avait décidé de tirer parti de sa plume. […] Sans la moindre hésitation, il tira de sa paillasse les précieux papiers et les tendit d’un geste simple à l’huissier qui les empocha (c’était moins qu’il n’était dû) et sortit, tandis que le logeur, qui assistait à la scène, n’en revenait pas de sa surprise.

956. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

Son analyse a pour objet de montrer que nos sentiments les plus forts sont des agrégats, et que c’est de là qu’ils tirent leur force ; qu’ils sont formés par la juxtaposition, ou pour mieux dire, par la fusion des sentiments simples ; que l’affection étant le résultat d’un plaisir, une affection profonde résulte d’une grande somme de plaisirs ressentis. […] « Les actions d’où nous tirons quelque avantage ont été classées sous ces titres : prudence, courage, justice, bienfaisance, lesquels constituent la vertu parfaite. » L’auteur s’efforce de montrer que si nous approuvons, soit en nous, soit dans les autres, ces diverses manières d’agir, cette approbation est fondée sur une association d’idées qui se termine à un plaisir.

957. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Saint-Marc Girardin n’a jamais fait ainsi ; il a été frappé à première vue des défauts, des travers, des ridicules du temps, et il les a raillés, il en a badiné avec un côté de raison sérieuse et piquante ; il a tiré parti de tout ce qu’il voyait, de tout ce qu’il lisait, pour se livrer au jeu auquel son esprit se complaît surtout et excelle, pour moraliser. […] Saint-Marc Girardin aime à tirer de l’Écriture des exemples ou des maximes de morale, et il en assaisonne à ravir son enseignement.

958. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

Le vœu d’intellectualisme, attribué à l’individu comme on l’attribua à l’Être universel, est condamné, pour jouir de ses réalisations partielles, à ne s’assouvir jamais intégralement, à se voir toujours contrarié par le vœu contraire, par la tendance passionnelle dont il tire sa substance et où il prend ses racines. […] La morale ainsi promulguée a pour effet de procurer la fin voulue par l’utilité vitale, soit la multiplication de l’espèce, pi c’est du fait de cette utilité vitale que les vérités religieuses ou rationnelles, où cette morale s’exprime, tirent leur consistance et leur crédit.

959. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Le bon Chardin que vous connaissez me prend par la main, me mène devant ces tableaux et me dit avec le nez et la lèvre que vous savez : tenez, voilà de l’ouvrage de littérateur… il ne tenait qu’à moi de tirer certains papiers de ma poche, et de lui dire : tenez, voilà de l’ouvrage de peintre. […] Webb, écrivain élégant et homme de goût, dit dans ses réflexions sur la peinture, que les sujets tirés des livres saints ou du martyrologe ne peuvent jamais fournir un beau tableau.

960. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 35, de l’idée que ceux qui n’entendent point les écrits des anciens dans les originaux, s’en doivent former » pp. 512-533

Les figures tirées d’un combat de gladiateurs, peuvent-elles frapper un françois qui ne connoît gueres, ou du moins qui ne vit jamais les combats de l’amphitéatre, ainsi qu’elles affectoient un romain épris de ces spectacles ausquels il assistoit plusieurs fois en un mois ? […] Au lieu de tirer la plûpart de leurs métaphores d’un ruisseau dont l’eau fraîche désaltere le voïageur, ou d’un bouquet de bois qui donne un ombrage délicieux aux bords d’une fontaine, ils les auroient empruntées d’un poële ou des effets du vin et des liqueurs spiritueuses.

961. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

Les compositeurs de déclamation, c’est Quintilien qui parle, lors qu’ils mettent une piece au théatre, sçavent tirer des masques mêmes le pathetique. […] Suivant les apparences, les anciens n’auroient pas souffert ce désagrément dans les masques s’ils n’en avoient point tiré quelque avantage, et je ne vois pas que cet avantage pût être autre chose que la commodité d’y mieux ajuster les cornets propres à rendre plus forte la voix des acteurs.

962. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

Aussi ne chasse-t-il jamais de compagnie ; pas un ne l’a vu tirer, donc pas un ne l’a vu manquer. […] Après des tribulations infinies et des pérégrinations sans nombre, le manuscrit s’arrêtera enfin chez quelque imprimeur prédestiné, qui le tirera à cinquante exemplaires, avec la certitude d’en écouler deux ou trois : car, comme a dit Boileau, un niais trouve toujours un plus niais pour lui attacher une branche de laurier à la boutonnière.

963. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

On n’est point fâché que la liberté d’esprit, que la spontanéité, que le jaillissement intellectuel se marque à ceci que le penseur n’a pas toujours pensé la même chose et n’a pas tiré toutes ses idées les unes des autres comme des formules algébriques. […] C’est une contradiction, sans doute, et pour mon compte j’en suis persuadé : les grandes idées générales dérivant toujours des sentiments, il est probable que Rousseau, dans la plupart de ses écrits, a tiré ses idées de sa passion pour l’indépendance et pour la solitude, et dans un de ses livres de sa passion, très honorable, pour la République de Genève.

964. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

Six forts chevaux tiraient un coche, vers aussi lourd, aussi rude, plus rude même, mais plus court, qui par conséquent serait plus léger s’il n’était pesant par la rudesse des sons et qui, à cause de cela, semble tronqué, semble n’avoir pas pu aller jusqu’à fin de lui-même. […] Faites ces observations ou des observations analogues, ou contraires ; mais faites-en pour tirer tout le parti possible des écrivains qui savent écrire en musique.

965. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Par opposition à la littérature classique, on a nommé littérature romantique celle où l’on professe une plus grande indépendance des règles, où l’on se permet de nouvelles alliances de mots, et surtout de nouvelles inventions de style ; où l’on secoue les lois de l’analogie, où l’imitation étend son domaine, où la pensée fait effort contre la parole fixée, la parole écrite ; où les sujets sont tirés des traditions modernes. […] Lorsque l’homme doué de génie prenait cette lyre d’or que lui avait donnée le ciel, il en tirait des sons qui lui étaient inconnus à lui-même ; et il n’y avait alors que ces sons divins qui eussent reçu le pouvoir d’adoucir les mœurs, d’élever les sentiments, d’agrandir les facultés.

966. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

C’est là, en effet, le mérite incontestable et presque rayonnant de ce livre étrange, souvent forcé, qui ne serait rien de plus qu’un livre excentrique et qui en aurait la destinée si le style n’y mettait pas son âme, et, par le plaisir qu’il nous donne, ne le tirait pas du cercle étroit de la pure curiosité littéraire. […] En proie à deux tendances qui le tiraient en sens contraire, il ne savait à laquelle entendre ; ce que son sang voulait, ses nerfs ne le voulaient pas.

967. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

on ne comprend plus, si l’on veut faire l’entendu à la manière humaine, si on la tire hors de son nimbe, cette tête divinement incompréhensible qui doit y rester, et qui se joue, de là, de l’observation scientifique et des proportions naturelles. […] Quand sainte Térèse, dans sa Vie, nous rend compte de ses contemplations intérieures, qu’elle nous dresse une carte de mysticité comme pilote n’en dressa jamais des mers qu’il aurait parcourues, et où tout est marqué, même les plus imperceptibles écueils ; quand sa pensée va du recueillement à la quiétude, de la quiétude à l’extase, et de l’extase au ravissement, sainte Térèse s’exprime rarement par des images, et lorsqu’elle en a, c’est comme Dante : elle les tire des objets les plus familiers et les plus agrestes.

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