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537. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Préface »

Elle n’avait pas lu la préface générale, placée à la tête du premier volume des Œuvres et des Hommes (le volume des Philosophes et des Écrivains religieux), ou si elle l’avait lue, elle ne s’en souvenait plus, car il est dit positivement dans cette préface, que pour être plus dans le mouvement de son temps, l’auteur laisserait là toute exposition artificielle ou chronologique, et ne partirait jamais, tout en embrassant le siècle tout entier, dans un nombre indéterminé de volumes, que des publications contemporaines ou des réimpressions par lesquelles on atteint à tous les moments du passé et à tous les hommes qui y ont laissé une place durable ou éphémère… Avec ce système, il y a des attentes, il n’y a pas d’oublis !

538. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

L’ardeur serait un grand inconvénient dans cette cour-ci, dont le système me paraît être d’attendre et voir venir, et même de tendre des panneaux pour se mettre en avantage le plus qu’ils peuvent. […] Il est prouvé par l’expérience que ces gens-ci ne font rien par reconnaissance et par inclination, et il est même peut-être vrai de dire qu’ils ne le doivent pas ; car, leur intérêt étant de faire le moins qu’ils peuvent, puisqu’ils ne font rien qu’à leur détriment, leur système doit être de ne faire jamais que le plus pressé : or, ce qui presse le plus, c’est la crainte ; et en effet, c’est là le vrai mobile de tous les ressorts de cette cour-ci : or la hauteur, quand elle n’est pas trop excessive, inspire une espèce de crainte, au lieu que trop de politesse et d’égards courent risque d’être pris ici pour de la timidité et de la faiblesse. — Soyez certain, dit-il encore à propos de quelques manèges qu’il voit se pratiquer autour de lui, que cela ne me fera pas prendre un moment d’humeur ; mais je vous avoue que je voudrais que mon caractère pût se prêter à un peu de hauteur, qui, quand elle sera jointe avec de la sagesse et de la raison, fera toujours, je crois, un bon effet ici ; je sens que cette qualité me manque, mais je ne chercherai pourtant pas à affecter de l’avoir, parce que, ne l’ayant pas intérieurement, il serait impossible que je l’affectasse si bien que le naturel ne me trahît souvent ; et je pense, pour cette raison, qu’il ne faut jamais se proposer un système de conduite qui ne s’accorde pas avec le caractère qu’on a ; car, celui-ci venant à démentir le système comme il arrive toujours en ce cas, la conduite d’un homme ne paraît plus qu’une bigarrure tissu d’inégalités, ce qui est, je crois, fort préjudiciable à la réputation, et par conséquent aux affaires.

539. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Il y a trois siècles environ (c’est un fait), l’esprit humain, dans notre Occident, la pensée humaine, en se dégageant des débris et de la décadence du moyen âge finissant, en brisant les liens de la scolastique et d’une autorité pédantesque à bout de voie, s’est enhardie, et en même temps que d’un côté on affirmait la figure véritable de la terre et qu’on découvrait un nouveau monde, en même temps que de l’autre on perçait les sphères étoilées et qu’on affirmait le véritable système planétaire, en même temps on regardait, on lisait d’un bout à l’autre les livres dits sacrés, on traduisait les textes, on les discutait, on les jugeait, on commençait à les critiquer ; on choisissait ce qui semblait le plus conforme à la religion qu’on n’avait point perdue, et à la raison qui s’émancipait déjà. […] Pour me résumer, messieurs, le vrai rôle moderne, la disposition qui me paraît le plus désirable pour un Gouvernement, pour un État, dans cet ordre de discussions et de conflits, ce serait, si je m’en rapportais à une parole de Napoléon Ier 61, une sorte d’incrédulité supérieure et bienveillante dans sa protection à l’égard des divers systèmes et opinions théologiques, métaphysiques et autres, même les plus contraires ; — mais j’aime mieux une définition moins hautaine, et je dirai plutôt que la disposition vraie d’un Gouvernement dans ces sortes de questions devrait être une équitable et suprême indifférence, une impartialité supérieure et inclinant plutôt à la bienveillance envers tous, de manière toutefois à maintenir et à réserver les libertés et les droits de chacun. […] Le 25 août 1828, Hippolyle Royer-Collard, fils du médecin aliéniste distingué, — neveu et digne neveu de l’illustre philosophe, — présenta et soutint sa thèse, intitulée : Essai d’un système général de Zoonomie. […] Que tout soit pour le mieux dans notre système actuel, qu’il n’y ait pas lieu à modifier tel rouage, à lever tel empêchement, à introduire des améliorations secondaires, je suis bien loin de le soutenir.

540. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Le cartésianisme, comme système philosophique, a eu la destinée de tous les systèmes. […] En sorte qu’on peut se demander si c’est par le fond même de leur système que les grands philosophes sont immortels, ou bien par leur méthode, leur logique, par la beauté de leurs discours, par l’art de faire servir les vérités de la vie pratique à rendre leurs spéculations plus claires ou plus familières. […] C’était, de plus, un système, par opposition à l’esprit d’affirmation des sectes religieuses, et une sagesse, eu égard aux excès de cet esprit.

541. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

La principale, c’est le système dramatique suivi par Corneille. […] Cet art parasite qui a les situations pour but, et l’intrigue pour moyen, gâte toutes les pièces où Corneille a suivi le système espagnol. […] Il est vrai que, pour la plupart, la vieillesse s’était jointe au mauvais système. […] Je reconnais un autre vice du système espagnol dans ce mélange de la vérité héroïque et de la vérité bourgeoise, qui marque la plupart des pièces de Corneille.

542. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Dans ces articles, de justes et claires explications du système Wagnérien, et des vues intéressantes sur les œuvres. […] Wagner a écrit quelque part qu’on pouvait juger Tristan d’après les lois les plus rigoureuses qui découlent de ses affirmations théoriques, — tant il est sûr de les avoir suivies d’instinct, — mais il avoue qu’il s’était, en composant, affranchi de toute idée spéculative et qu’il sentait même, à mesure qu’il avançait dans son œuvre, combien son essor faisait éclater les formules de son système écrit. « Il n’y a pas, ajoute-t-il avec quelque nuance de regret, de félicité supérieure à cette parfaite spontanéité de l’artiste dans la création, et je l’ai connue en composant mon Tristan. » Il en fut de même, à ce qu’on peut croire, quand il termina l’Anneau du Nibelung, interrompu pour Tristan, et quand il écrivit les Maîtres Chanteurs et Parsifal. […] Il n’a donc pas écrit cette page véritablement unique en application directe de son système, mais à côté, presque à rebours, puisque les mobiles intérieurs sur lesquels il prétendait se guider échappaient à l’art musical et qu’il en arrivait, sans s’en apercevoir, à ne plus exprimer qu’un sentiment très banal, qu’une situation très ordinaire. Il ne croyait pas dire aussi vrai quand il avouait « avoir oublié toute théorie en composant Tristan et Iseult et n’avoir senti que ce jour-là combien son essor créateur brisait les barrières de son système écrit. » Il faut le bien préciser : cette discussion est purement musicale et ne tend à prouver autre chose, sinon que, pour rendre l’amour en musique, il convient de s’en tenir aux « lieux communs de morale lubrique « dont parle Boileau.

543. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Wagner est toujours pour moi le plus grand musicien qui se soit produit depuis Beethoven ; mais je ne saurais admettre son système dans toute sa rigueur. Ses sujets légendaires me semblent puérils, et son génie, enserré dans les liens étroits du leitmotiv, me paraît moins fécond que lorsque, sans esprit de système, il écrivait Lohengrin, qui, à mon avis, restera son chef-d’œuvre devant la postérité. […] Wagner a exercé une énorme influence sur la musique contemporaine, et ceux-là mêmes qui répudient son système ont profité et profiteront encore de ses hardiesses et de ses innombrables trouvailles. […] La poésie dans le drame wagnérien ; le système poétique ; la langue, le vers ; l’invention poétique, les sujets, leurs origines.

544. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Voltaire lui-même avait eu le pressentiment de cette rénovation poétique au contact de la science, et jamais il ne s’était plus approché de la grandeur que le jour où il s’était inspiré du vrai système du monde. […] Partout se découvrent aux yeux de l’esprit des perspectives sans limite dans l’espace et dans le temps ; la science montre à l’homme que ses conceptions les plus hautes et les plus profondes sont inférieures à la réalité : elle semble, dans son progrès continu, être devenue le commentaire vivant de cette pensée du grand géomètre qui est aussi parmi les plus grands des philosophes et des poètes : « L’imagination se lassera plus tôt de concevoir que la nature de fournir. » En même temps que se dévoile devant notre pensée la grandeur illimitée de la création, le sentiment de l’harmonie universelle, de la solidarité des êtres, de la connexion des phénomènes, se révèle de plus en plus clairement aux esprits attentifs que l’esprit de système n’a pas troublés. […] Il faut, pour soutenir une longue suite de vers et pour y intéresser le lecteur, un système vigoureusement accepté, traduit par une conviction ardente. […] En tout cela, je ne vois pas la conviction enthousiaste d’un système qui doit animer une pareille œuvre, je ne trouve que les perplexités honorables du penseur, qui perd tour à tour et retrouve la justice.

545. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Quand on fut en plein Système de Law, Bayle, chose singulière ! […] Par malheur, cette vignette, gravée par Picard, avait été faite au moment où le Système était florissant : on y voyait, à gauche, la France triste et affligée portant une corne d’abondance vide, d’où sortaient de maigres et secs billets ; mais, à droite, on avait figuré la Banque royale assiégée de la foule, avec une France triomphante et des Génies tenant une corne d’abondance d’où sortaient des espèces en quantité, des flots d’or et d’argent. […] Mais, quand la vignette parut, le Système était à vau-l’eau, la Banque était tombée en discrédit, et l’éloge se tournait dès lors en une sanglante satire.

546. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Ce système est devenu odieux à quelques personnes, par les conséquences atroces qu’on en a tirées à quelques époques désastreuses de la révolution ; mais rien cependant n’a moins de rapport avec de telles conséquences que ce noble système. […] Malgré cela, je suis persuadé qu’on peut être clair, même dans la pauvreté de notre langue, non pas en donnant toujours les mêmes acceptions aux mêmes mots, mais en faisant en sorte, autant de fois qu’on emploie chaque mot, que l’acception qu’on lui donne soit suffisamment déterminée par les idées qui s’y rapportent, et que chaque période où ce mot se trouve, lui serve, pour ainsi dire, de définition. » Après avoir cité cette opinion d’un grand maître contre les définitions, je dirai que je ne donne jamais au mot philosophie, dans le cours de cet ouvrage, le sens que ses détracteurs ont voulu lui donner de nos jours, soit en opposant la philosophie aux idées religieuses, soit en appelant philosophiques des systèmes purement sophistiques.

547. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

C’est un chaos de systèmes et de pratiques, où il se manifeste que l’homme ignore ce qu’est son âme, et son corps, et l’univers, et Dieu : l’Apologie de Raimond Sebond, cet immense chapitre de trois cents pages, est le recueil de toutes nos ignorances, erreurs, incohérences et contradictions, et conclut au doute absolu, universel. […] Il ne s’embarrasse pas de faire un système, ni de savoir si les fondements de ses idées sont solides en bonne logique : il lui suffit que nature les ait mises en lui. […] Il n’a pas d’art, et surtout il ignore l’art oratoire : il faudra que ces capricieuses divagations soient réduites en système ordonné d’abord, puis en thèmes oratoires.

548. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Ne nous laissons point imposer par une certaine rigueur de système et par une certaine emphase de talent : je trouve en lui l’écolier d’abord, et puis aussitôt le tigre ; dans l’intervalle il n’avait pas eu le temps de devenir homme. […] Des portions sérieuses, des complications de systèmes sur le monde physique et moral s’y mêlaient. […] Je n’ai jamais considéré, d’ailleurs, la Révolution française au point de vue de cet auteur, adversaire à outrance, qui a pu compulser et produire bien des documents et les interpréter dans le sens de ses systèmes, mais qui n’a pas la tradition des choses dont il parle : la tradition, cette voix divine, comme disaient les anciens, et qui maintient et remet le chanteur dans le ton juste.

549. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Selon que le système nerveux est plus ou moins complexe, selon qu’il comporte des centres d’inhibition plus ou moins nombreux, plus ou moins forts, scion que la faculté d’imaginer et la mémoire sont plus ou moins puissantes, plus ou moins capables de combattre les excitations immédiates par la représentation d’excitations futures ou passées, selon le degré de force ou de faiblesse également de cette excitation immédiate, au gré de toutes ces causes purement organiques, l’individu se forme une conception du bonheur plus ou moins brutale, plus ou moins abstraite et raffinée. […] Sur cette idée de responsabilité est fondé tout le système de l’éducation individuelle et sociale qui implique le droit de punir. […] En même temps, si l’on se place au point de vue de la beauté logique, de la richesse et de l’harmonie des systèmes, il est manifeste que l’on ne saurait mettre en comparaison les fables primitives, les premiers balbutiements de l’esprit avec les théorèmes d’un Spinoza, les constructions idéologiques d’un Hegel, les hypothèses d’un Schopenhauër, d’un Nietzsche ou d’un Guyau.

550. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

Je ferai ici une simple remarque : c’est qu’ayant relu depuis peu la première édition des Maximes en la comparant à la dernière qu’a donnée l’auteur et qui est celle qu’on suit généralement, j’y ai trouvé assez de différences pour pouvoir affirmer que c’est la première seule qui contient toute la pensée de l’homme, pensée franche, absolue à l’origine, toute verte et toute crue, sans adoucissement, et qui, par la portée, va rejoindre d’autres systèmes moraux de date plus récente. […] Il ne faudrait pourtant pas trop presser ce juste milieu religieux et moral en tant que système : cela n’a toute valeur que comme expression d’une nature individuelle, et ce qui en fait la force en M. de Sacy, c’est d’être avant tout porté par un bon fonds, préparé de longue main.

551. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Les premiers écrivains qui nous sont connus, dirait-on, et en particulier le premier poète, n’ont point été surpassés depuis près de trois mille ans, et souvent même les successeurs des Grecs sont restés bien au-dessous d’eux ; mais cette objection tombe, si l’on n’applique le système de perfectibilité qu’aux progrès des idées, et non aux merveilles de l’imagination. […] L’origine des sociétés, la formation des langues, ces premiers pas de l’esprit humain nous sont entièrement inconnus, et rien n’est plus fatigant, en général, que cette métaphysique qui suppose des faits à l’appui de ses systèmes, et ne peut jamais avoir pour base aucune observation positive.

552. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Où lisais-je donc que, faute de base scientifique pour ériger un système de critique absolue, il fallait s’en remettre à la divination des écrivains de valeur, qui se prouvaient tels par les vers ou la prose, et sur ce garant accepter avec plaisir, avec recueillement un peu, les opinions qu’ils émettent et comme une sténographie de leurs conversations ? […] Et je suis assez entêté dans mon système de critique, pour tomber des nues s’ils ·s’en fâchent.

553. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

Durkheim admettrait plutôt des évolutions partielles, variables avec la structure des sociétés et leurs conditions d’existence, chaque société se défendant comme elle l’entend, et se créant son système de contraintes et de sanctions efficaces contre l’individu. […] Aucun système rationaliste n’a donc autorité pour régenter la conduite de l’individu.

554. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Les deux parties de son système, ou, pour mieux dire, ses deux conceptions du royaume de Dieu se sont appuyées l’une l’autre, et cet appui réciproque a fait son incomparable succès. […] Nous suivons le système de Jean, d’après lequel la vie publique de Jésus dura trois ans.

555. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Les anciennes enceintes, quelque système qu’on adopte, ne comportent pas une population quadruple de celle d’aujourd’hui, laquelle n’atteint pas 15,000 habitants. […] C’est le système des synoptiques (Matth., XXVI, 47 et suiv. ; Marc, XIV, 42 et suiv. ; Luc, XXII, 7 et suiv., 45).

556. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Aussi singuliers l’un que l’autre dans leurs idées extravagantes de mysticité, dans leurs rafinemens d’amour pur, en se communiquant leurs erreurs, ils les réduisirent en système. […] Son système n’étoit que le développement des idées orthodoxes des pieux contemplatifs.

557. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

Pour bien faire comprendre cette philosophie, il faudrait pouvoir exposer avec détail et précision toutes ces belles théories, qui resteront dans la science : la théorie de l’effort volontaire, par laquelle Biran établit contre Kant et contre Hume la vraie origine de l’idée de cause ; la théorie de l’obstacle, par laquelle il démontre, d’accord avec Ampère, l’objectivité du monde extérieur ; la théorie de l’habitude, dont il a le premier démontré les lois ; ses vues, si neuves alors, sur le sommeil, le somnambulisme, l’aliénation mentale, et en général sur les rapports du physique et du moral ; la classification des opérations de l’âme en quatre systèmes : affectif, sensitif, perceptif et réflexif ; enfin sa théorie de l’origine du langage. […] En Allemagne, le système de Schelling est appelé idéalisme objectif, et celui de Hegel idéalisme absolu, ce qui correspond bien à la différence que nous signalons.

558. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Le système s’incorpore à la pensée, le parti pris vous a pris à son tour et ne vous lâche plus, et la spontanéité est perdue ! […] Si un homme de la hauteur de Goethe, en se faisant païen comme il le devint sur ses derniers jours, a, pour tous ceux qui ne mesurent pas la grandeur du génie à son ombre, diminué la portée comme la chaleur de ses rayons, on peut s’interroger sur ce que peut produire un système d’idées comme le matérialisme de Stendhal sur des facultés moins nombreuses, moins enflammées et moins opulentes !

559. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Le système s’incorpore à la pensée ; le parti pris vous a pris à son tour et ne vous lâche plus, et la spontanéité est perdue ! […] Si un homme de la hauteur de Gœthe, en se faisant païen, comme il le devint sur ses derniers jours, a, pour tous ceux qui ne mesurent pas la grandeur du génie à son ombre, diminué la portée comme la chaleur de ses rayons, on peut s’interroger sur ce que doit produire un système d’idées, comme le matérialisme de Stendhal, sur des facultés moins nombreuses, moins enflammées et moins opulentes !

560. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Mais aujourd’hui, là même où, en dehors des cadres réguliers et du train régnant de la société, il y a incontestablement système philosophique élevé, et à la fois chaleur de cœur, de conviction, il n’y a plus suite directe et immédiate des idées de la Révolution française. […] A lire les détails de la lutte commençante et les vicissitudes si prolongées, si tiraillées, on comprend, à moins d’avoir un système de philosophie de l’histoire préexistant, combien la destinée de l’Amérique du Nord était liée à lui, et combien, un homme manquant, il pouvait de ce côté ne pas se former d’empire. — On parlait de Washington : « C’est un bien grand homme, disais-je, et les Mémoires du général La Fayette montrent que sans lui la révolution d’Amérique aurait pu de reste ne pas réussir. »  — « Oui, répondit un philosophe74, il était bien nécessaire ; mais quand les choses sont mûres, ces sortes d’hommes nécessaires se rencontrent toujours. »  — A la bonne heure ! […] Il n’a tenu qu’à moi de participer à toutes les faveurs compatibles avec son système. […] La Fayette (dans ses Souvenirs en sortant de prison 80) remarque, il est vrai, qu’on a poussé un peu loin le fatalisme dans les jugements sur la Révolution française, et cette observation, chez lui précoce, antérieure aux systèmes historiques d’aujourd’hui, bien autrement fatalistes, rentre trop dans ce que je crois vrai pour que je ne cite pas ses paroles : « De même, dit-il, qu’autrefois l’histoire rapportait tout à quelques hommes, la mode aujourd’hui est de tout attribuer à la force des choses, à l’enchaînement des faits, à la marche des idées : on accorde le moins possible aux influences individuelles. […] Dans leur hardiesse d’érudition (s’ils sont érudits) et leur intrépidité de système, ils remuent, ils lèvent sans doute çà et là des idées que des chemins plus ordinaires n’atteindraient pas ; mais le plus souvent à quel prix !

561. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

L’objet de l’anatomie et des sciences zoologiques n’est pas de suggérer d’éloquents systèmes sur la nature de l’organisation, ou d’exposer aux yeux l’ordre des animaux par une classification ingénieuse, mais de conduire la main du chirurgien et les prévisions du médecin. […] Celle des anciens a produit de beaux écrits, des phrases sublimes, des disputes infinies, des rêveries creuses, des systèmes renversés par des systèmes, et a laissé le monde aussi ignorant, aussi malheureux et aussi méchant qu’elle l’a trouvé. […] Nous voyons trop souvent des systèmes entiers se fonder du jour au lendemain, au caprice d’un écrivain, sortes de châteaux fantastiques dont l’ordonnance régulière simule l’apparence des édifices véritables, et qui s’évanouissent d’un souffle dès qu’on veut les toucher. […] Le poëte ressuscite des âmes, le philosophe ordonne un système, l’orateur reforme des chaînes de raisons ; mais tous trois vont au même but par des voies différentes, et l’orateur comme ses rivaux, et par d’autres moyens que ses rivaux, reproduit dans son œuvre l’unité et la complexité de la vie. […] Le mathématicien peut aisément démontrer qu’une certaine force, appliquée au moyen d’un certain levier ou d’un certain système de poulies, suffira pour élever un certain poids.

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