Gusman, le scélérat de la pièce, est respectueux envers son père ; à sa prière, il met en liberté des aventuriers qu’il avait le droit de traiter en ennemis ; il souffre avec une patience héroïque les injures atroces que son rival lui dit devant sa femme ; il finit par lui céder cette femme, et meurt comme un saint. […] Un téméraire encens que Dieu ne peut souffrir, N’a, pour servir sa cause et venger ses injures, Ni le cœur assez droit ni les mains assez pures. […] Il y a parmi ces orateurs syracusains des gens timides qui savent à peine parler : ils auraient joué un triste rôle dans les conciliabules politiques qui ont voulu nous régénérer ; mais on les souffre sur la scène française, où ils sont employés, non pas à la régénération, mais au remplissage du théâtre. […] Argant dans cette scène, plus on souffre de le voir esclave de sa femme dans les choses mêmes où c’est un devoir sacré pour un mari d’employer son autorité.
Non toutefois qu’il s’en doit repentir ; Car heureux est qui souffre pour tel bien. […] Les juges lui paraissent iniques par leur art de prolonger indéfiniment les procès, par leur complaisance à souffrir le verbiage énorme et funeste des avocats, par leur souci des formes et leur insouciance du fond, par cette conviction, commune à tous les serviteurs privilégiés du public, que le public est fait pour eux. […] Cependant on souffrira les paillardises, adultères, ivrogneries, blasphèmes au nom de Dieu quasi comme choses licites ou bien de petite importance. […] Mais il n’en souffrait point et même en ce genre d’ouvrages, trouvait le moyen de montrer, par digressions, un très grand talent.
Balzac souffrit prodigieusement dans ce collège, où sa nature rêveuse était meurtrie à chaque instant par une règle inflexible. […] Balzac, comme le Jupiter de l’Olympe poétique allemand, ne pouvait souffrir le tabac, sous quelque forme que ce fut ; il anathématisait la pipe, et proscrivait le cigare. Il n’admettait même pas le léger papelito espagnol ; le narguilhé asiatique trouvait seul grâce devant lui, et encore ne le souffrait-il que comme bibelot curieux et à cause de sa couleur locale. […] A peine se souvient-on de soi-même ; d’ailleurs, les vivants réclament leur part de publicité avec une telle énergie, que les morts doivent en souffrir, et moi, dont aucun génie n’a trouvé l’admiration infidèle, je ne suis pas non plus sans quelques remords à l’endroit de la mémoire de Marilhat. […] ce jeune homme si vivace, si robuste en apparence, qui jamais n’avait dit « je souffre », brisé, emporté, disparu, sans qu’on ait eu la triste douceur des adieux éternels !
Parmi les très nombreux passages où Shakespeare semble annoncer sa résolution de retraite, il en est deux qui ne souffrent aucune objection et qui ont la clarté de l’évidence même. […] Vous souffriez physiquement, à coup sûr, car vous étiez assez près de la réalité pour souffrir de la sorte. […] Lorsque nous nous fûmes éloignés un peu plus du rivage maudit, j’aperçus à la propre lumière qui les environnait des hommes et des femmes en quantité innombrable, et des multitudes de diables sans repos employaient incessamment toutes leurs forces pour les faire souffrir. […] Son père mourut pendant qu’il était encore à Halifax, laissant sa famille sans ressources ; mais l’avenir de Laurence ne souffrit en rien de cet événement. […] Tristram Shandy est rempli d’indécences, cela est certain ; mais ces indécences sont enveloppées et entortillées de telle sorte que c’est à peine si les yeux de l’homme le plus expérimenté peuvent les surprendre ; miss Lydia pouvait donc en copier les pages sans que son innocence en souffrît plus que si elle avait copié son prayer book.
Cousin était tel dans les sujets littéraires qu’il aimait et qu’il traitait : il ne souffrait point, je ne dirai pas de rivalité, mais de voisinage. […] De là un revers de main violent, et ces injustices de détail dont souffrent de près et saignent les cœurs honnêtes.
L’homme souffre de douter, et cependant il doute ; il essaye de ressaisir ses croyances, elles se fondent dans sa main ; il voudrait s’asseoir et se reposer dans les doctrines et dans les satisfactions qui suffisaient à ses devanciers, il ne les trouve pas suffisantes. […] Une souris amasse, calcule, souffre comme un homme. « Je crois bien que par-ci par-là elle vole ; eh bien !
Il faut que d’un coup d’œil il puisse saisir les plus légères inflexions d’une ligne, mesurer les proportions d’un corps aussi exactement que s’il y mettait le compas, discerner et comparer les nuances, doser les valeurs ; il faut que sa rétine ait une sensibilité exquise, pour souffrir du rapprochement heurté de deux tons comme l’oreille du musicien souffre de la plus aigre discordance. […] L’explosion d’une douleur physique excite en nous la pitié, le besoin d’assister l’être qui souffre, un sentiment de révolte contre l’iniquité de cette souffrance ; mais la sensation même n’est pas partagée. […] Et, si l’on s’y applique trop longtemps, on en peut souffrir jusqu’à l’angoisse la plus douloureuse13. » Telle est bien l’impression que produisent, il faut le reconnaître, certaines compositions et décorations symbolistes. […] On sait comme ses compositions ont souffert de ces imprudentes expériences. — Quelques tableaux de Charles Sellier ont tellement noirci en quelques années, qu’à peine aujourd’hui peut-on en discerner le sujet.
Fais énergiquement ta longue ou courte tâche, Dans la voie où le sort a voulu t’appeler, Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. […] Si la raison de l’homme, en effet, peut s’élever toute seule, d’elle-même et sans effort, à l’idée d’une Providence générale, qui gouvernerait le monde par des lois générales, immuables, et nécessaires, il nous est moins aisé de concevoir l’idée d’une Providence particulière, dont l’active sollicitude, partout et toujours présente, ne souffrirait ni que la liberté de nos caprices troublât l’ordre de ses desseins, ni qu’il tombât sans sa permission « un seul cheveu de notre tête ». […] Pour vingt manières qu’il y avait de démontrer l’immortalité de l’âme ou le droit divin des rois, on n’en souffrait pas une de les nier. […] Par exemple : « Il est évident qu’on doit empêcher le mal si l’on le peut ; et cependant notre théologie nous enseigne que Dieu ne fait rien qui ne soit digne de ses perfections, lorsqu’il souffre tous les désordres qui sont au monde, et qu’il lui était facile de prévenir. » Selon l’expression de l’Église, le dogme nous est donc donné pour nous être une occasion de scandale, et, celui-là seul étant vraiment chrétien qui n’y succombe pas, notre premier devoir est ainsi d’abdiquer notre raison entre les mains de la théologie.
Le fatalisme et le déterminisme en sont le témoignage, qui font croire aux hommes, et notamment à nos compatriotes, que les maux subis et soufferts, dans le domaine des choses d’Etat notamment, tiennent, non à de mauvaises institutions et à une mauvaise politique, non au mûrissement des erreurs et lâchetés, mais à des nécessités lointaines et inéluctables, comme la rotation de la terre, ou la succession des saisons. […] L’ouvrier est, avant tout, sentimental, et il souffre de revenir sur un enthousiasme, par lequel il s’abandonne à son guide, à son maître, à son docteur. […] Celui qui souffre et ne cherche pas à distinguer les causes de sa souffrance, pour la guérir, est stupide. L’habitant français du XIXe siècle aura souffert des maux inouis, tenant à l’imbécillité de ses dirigeants, choisis par lui, encore plus qu’à leur malfaisance ; il aura cru que ces maux étaient nécessaires. […] mon pauvre monsieur, que vous allez souffrir et quelle mort horrible vous attend !
Personne ne soupçonnait la peine infinie dont il souffrait. […] Pourquoi donc faire des fautes, puisque aucune ne m’échappe, pourquoi en souffrir dans mes écrits ? […] Alphonse Daudet me disait qu’il avait adoré Montaigne et qu’il ne pouvait plus le souffrir. […] Montesquieu en souffrait aussi.
On a souffert, on trouve que haïr est une consolation. […] Personne n’avait à déchoir, aucune vanité n’avait à souffrir. […] Voltaire, historien, a souffert aussi des attaques portées à sa renommée. […] Certes, le sort général de l’humanité nous importe ; mais notre sympathie est plus vivement émue, quand on nous raconte ce que firent, ce que pensèrent, ce que souffrirent ceux qui nous précédèrent sur la scène du monde : c’est là ce qui parle à notre imagination, ce qui ressuscite pour nous la vie du passé, ce qui nous fait assister au spectacle animé des générations ensevelies.
Le seul plaisir qu’on gardât et qu’on souffrît était le nasillement des psaumes, l’édification des sermons prolongés, l’excitation des controverses haineuses, la joie âpre et sombre de la victoire remportée sur le démon et de la tyrannie exercée contre ses fauteurs. […] Il prend à tâche de révolter même les sens ; l’odorat, les yeux, tout souffre devant ses pièces ; il faut que ses auditeurs aient eu des nerfs de matelot. […] Leurs personnages, par plaisanterie, échangent des duretés ; ils s’amusent à se blesser ; un Français souffre d’entendre ce commerce de prétendues politesses ; nous n’allons point par gaieté à des assauts de pugilat.
comment souffrir qu’on dise qu’Hercule savoit la physique, & qu’on ne pouvoit résister à un philosophe de cette force ? […] Il fait gloire de souffrir pour la bonne cause, & non pas il fait vanité. […] Ces vers de cinq piés à deux hémistiches égaux pourroient se souffrir dans des chansons : ce fut pour la Musique que Sapho inventa chez les Grecs une mesure à-peu-près semblable, qu’Horace les imita quelquefois lorsque le chant étoit joint à la Poésie, selon sa premiere institution.
Il souffre impatiemment cet exil dans un pays sans terre et sans ciel, pays fait pour l’intrigue et la guerre, et non pour la poésie.
Le lion vieilli, dompté par l’amour, en relief sur les vases étrusques, est le symbole de cette puissance de souffrir et de jouir en même temps qui caractérise cette forte race d’Étrurie.
On souffre du poids qui les écrase ; on voudrait soulager leurs membres qui semblent plier en se roidissant sous cette masse ; on sent que le ciseau de Phidias tremblait, brûlait dans sa main, quand ces sublimes figures naissaient sous ses doigts.
Il souffrit profondément : mais il n’était pas sentimental, bien que sérieux et mélancolique.
Vincent, comme on l’appelait, était ennemi de l’éloquence : il ne pouvait souffrir l’esprit, la pompe, la science étalée et ronflante.
Cette façon de se prêcher et de se démontrer sans cesse, cette perpétuelle argumentation, cette mise en scène sans naïveté, ces longs raisonnements à la suite de chaque miracle, ces discours raides et gauches, dont le ton est si souvent faux et inégal 53, ne seraient pas soufferts par un homme de goût à côté des délicieuses sentences des synoptiques.
Vous croyez faire une métaphore en disant : « Je souffre dans toutes les parties de mon être », et vous n’exprimez que l’exacte vérité : quand une partie de l’organisme sent la souffrance, toutes les autres la sentent par contre-coup, chacune selon son importance et son degré d’organisation.
Mais le matin de la lecture, sur l’annonce des journaux, nous recevions la visite d’une personne qui nous apprenait l’existence d’une marquise de la Rochedragon, d’une vieille femme qui souffrait de l’idée de se voir affichée, imprimée.
J’ai rarement souffert de l’anxiété, comme dans ce cauchemar, où j’éprouvais quelque chose de la sensation d’un homme, qui deviendrait fou de la persécution des choses, ainsi qu’il arrive dans les féeries.
Et encore ces cœurs souffrent par moi, et ces héritages, je ne suis pas sûr de n’en être pas dépossédé demain pour aller mourir sur quelque chemin de l’étranger, comme dit le Dante.
“Je ne me serois pas hazardé à écrire des fables, dit-il, si j’avois cru qu’il fallût être absolument aussi bon que la Fontaine pour être souffert après lui ; mais je pensois qu’il y avoit des places honorables au-dessous de la sienne….
Mais il peut aussi être souvent arrivé qu’une espèce nouvelle, appartenant à un groupe, ait pris la place d’une espèce appartenant à un groupe distinct, et causé ainsi son extinction ; et si un grand nombre de formes alliées sont sorties de cette même forme conquérante, un nombre égal de formes aura souffert dans le groupe vaincu, parce que généralement des formes alliées héritent en commun des mêmes infériorités.