Sans analyser ici le but qu’ils poursuivirent, sans en vérifier la légitimité, sans examiner s’ils ne l’ont pas outrepassé, constatons simplement qu’ils avaient un but, un grand but de réaction contre de trop vives et de trop aimables frivolités que je ne veux pas non plus apprécier ni caractériser ; — que ce but ils le visèrent avec persévérance, et qu’ils marchèrent à la lumière de leur soleil artificiel avec une franchise, une décision et un ensemble dignes de véritables hommes de parti. […] Tout ce monde, véritablement hors nature, s’agitait, ou plutôt posait sous une lumière verdâtre, traduction bizarre du vrai soleil. […] Ne vous semble-t-il pas que cette Didon, avec sa toilette si précieuse et si théâtrale, langoureusement étalée au soleil couchant, comme une créole aux nerfs détendus, a plus de parenté avec les premières visions de Chateaubriand qu’avec les conceptions de Virgile, et que son œil humide, noyé dans les vapeurs du keepsake, annonce presque certaines Parisiennes de Balzac ? […] Devant une destinée si noblement, si heureusement remplie, une destinée bénie par la nature et menée à bonne fin par la plus admirable volonté, je sens flotter incessamment dans mon esprit les vers du grand poëte : Il naît sous le soleil de nobles créatures Unissant ici-bas tout ce qu’on peut rêver : Corps de fer, cœurs de flamme, admirables natures !
Dans son trajet de l’abbaye d’Engelberg au Dittlisberg, Ramond rencontre bien des difficultés, des dangers, mais aussi de ces jouissances sans nom qu’il décrit de la sorte : Du haut de notre rocher, nous avions une de ces vues dont on ne jouit que dans les Alpes les plus élevées : devant nous fuyait une longue et profonde vallée, couverte dans toutes ses parties d’une neige dont la blancheur était sans tache ; çà et là perçaient quelques roches de granit, qui semblaient autant d’îles jetées sur la face d’un océan ; les sommets épouvantables qui bordaient cette vallée, couverts comme elle de neiges et de glaciers, réfléchissaient les rayons du soleil sous toutes les nuances qui sont entre le blanc et l’azur ; ces sommets descendaient par degrés en s’éloignant de nous, et formaient un longue suite d’échelons dont les derniers étaient de la couleur du ciel, dans lequel ils se perdaient. […] Le soleil aussi offre un spectacle nouveau : petit et presque dépourvu de rayons, il brille cependant d’un éclat incroyable, et sa lumière est d’une blancheur éblouissante ; on est étonné de voir son disque nettement tranché, et contrastant avec l’obscurité profonde d’un ciel dont le bleu foncé semble fuir loin derrière cet astre et donne une idée imposante de l’immensité dans laquelle nous errons. On peut dire que pendant l’été il n’y a point de nuit pour ces sommets ; du fond de la plaine, on les voit teints de pourpre longtemps après le coucher du soleil, quand les vallées sont déjà ensevelies dans les ténèbres ; et longtemps avant l’aurore, ils en annoncent le retour, par une belle couleur rose admirablement nuancée sur les glaces d’argent et d’azur qui couronnent leurs cimes.
» Un autre jour qu’au réveil, après une nuit d’été où avait éclaté un violent orage, le jeune prince, les yeux encore tout endormis, était de mauvaise humeur, et que, sans pousser l’emportement jusqu’à mériter qu’on lui montrât le portrait de la Médaille, il avait tout simplement des nerfs, comme nous dirions, Fénelon écrivait la fable : Le Nourrisson des Muses favorisé du Soleil. […] Le Soleil a des égards pour le pauvre nourrisson des Muses, en le trouvant si fatigué : « Il fut sur le point de ramener ses chevaux en arrière et de retarder le jour, pour rendre le repos à celui qui l’avait perdu. […] » Puis les deux Oiseaux inspirés reprirent ensemble : « Il aime nos douces chansons ; elles entrent dans son cœur, comme la rosée tombe sur nos gazons brûlés par le soleil.
« Mais heureux aussi celui qui, d’un esprit moins émancipé et d’un cœur plus humble, reconnaît dans la nature un Auteur visible, se manifestant par tous les signes ; qui croit l’entendre dans le tonnerre et dans l’orage ; qui le bénit dans la rosée du matin et dans la pluie du printemps ; qui l’admire et l’adore dans la splendeur du soleil, dans les magnificences d’une belle nuit, et qui ne cesse de le sentir encore à travers la douce et tiède nuaison d’un ciel voilé ! […] je traverse avec lui la basse-cour où j’admire la couveuse que j’effraye en passant, et le jeune poulet déjà coq qui se rengorge au soleil ; je longe la mare où flotte l’escadre criarde des canards, et j’arrive sans honte ni vergogne à l’étable aux pourceaux. […] Mais il est de ces fragments, de ces accidents heureux d’art et d’étude, qui, n’ayant rien à démêler avec les œuvres triomphales, n’en existent pas moins sous le soleil : — un rien, un rêve, une histoire de cœur et d’amour, une vue de nature, une promenade près de la mare où se baignent des canards et qu’illumine un rayon charmant, — et ce que je voyais l’autre jour encore à l’exposition du boulevard des Italiens, une vue de Blanchisserie hollandaise, par Ruisdaël, le Moulin d’Hobbema, ou un simple chemin de campagne regardé et rendu à une certaine heure du soir par un pauvre diable de paysagiste français nommé Michel, qui avait le sentiment et l’amour des choses simples.
Tel est l’effet que doivent produire sur un peuple des préjugés fanatiques, des gouvernements divers que ne réunissent point la défense et l’amour d’une même patrie, un soleil brûlant qui ranime toutes les sensations, et doit entraîner à la volupté lorsque cet effet n’est pas combattu, comme chez les Romains, par l’énergie des passions politiques. […] Les esclaves doivent aimer à se réfugier dans un monde chimérique ; et comme le soleil du Midi anime l’imagination, les contes arabes sont infiniment plus variés et plus féconds que les romans de chevalerie. […] En Italie tout semble se réunir pour livrer la vie de l’homme aux sensations agréables que peuvent donner les beaux-arts et le soleil.
Peut-il exister en dehors des divers systèmes politiques, aux confins des doctrines qui se combattent et se font la guerre, un terrain plus ou moins neutre, une sorte de lisière, où l’on est bien venu à errer un moment, à rêver, à se souvenir de ces choses vieilles comme le monde et éternellement jeunes comme lui, du printemps, du soleil, de l’amour, de la jeunesse ; à se promener même (si la jeunesse est passée) un livre à la main, et à vivre avec un auteur d’un autre âge, sauf à en raffoler tout un jour et à demander ensuite, en rentrant dans la ville, à chaque passant qu’on rencontre : L’avez-vous lu ? […] Encore une fois, je reconnais que ce droit de promenade buissonnière, qui est celui de toute littérature un peu vive et libre, et pas trop prosaïque, est suspendu dans les jours d’orage, de tempête civile, dans ces affreux moments où la lutte est engagée comme nous l’avons trop vu ; mais, le lendemain, le soleil se lève, le nuage s’entrouvre ; les cœurs restent encore émus et attristés, pourtant le droit que j’appelle le droit littéraire recommence. […] Leur passion n’est qu’un déjeuner de soleil.
Il dira de l’or d’une étole, qu’il est « assombri et quasi sauré » ; il dira encore : « des hommes soûls turbulaient » ; des fleurs lui apparaîtront « taillées dans la plèvre transparente d’un bœuf » ; il pourra écrire cette phrase : « Attisé comme par de furieux ringards, le soleil s’ouvrit en gueule de four, dardant une lumière presque blanche… grillant les arbres secs, rissolant les gazons jaunis ; une température de fonderie en chauffe pesa sur le logis ». […] Tout y apparaît, depuis l’appartement de garçon artiste où André s’installe après sa mésaventure conjugale, jusqu’à la place du Carrousel où il va promener sa nostalgie féminine et comtempler « le merveilleux et terrible ciel qui s’étendait au soleil couchant par de là les feuillages noirs des Tuileries…, les ruines dont les masses violettes se dressaient trouées sur les flammes cramoisies des nuages » ; depuis le brouhaha d’un café du Palais-Royal le soir, jusqu’à ces taches lumineuses que la nuit, les fenêtres éclairées, dans les maisons noires font passer devant le voyageur d’impériale. Ce livre avec lequel on pourra toujours restituer la physionomie exacte du Paris actuel, nous donne l’aspect intime de la rue le matin quand les cafés s’ouvrent sur le passage des ouvriers et des filles découchées la nuit au moment des rentrées tardives, le soir à l’heure discrète ou des messieurs bien mis enboitent le pas d’ouvrières en cheveux, au crépuscule, où déserte et morte, elle sèche d’une averse sous la flambée jaune du soleil couchant ; il nous donne les boutiques, les ateliers, le garni d’un peintre, les brasseries, les restaurants, l’appartement d’une fille, celui d’un employé, tout le dedans et le dehors de la capitale du monde moderne.
Il y avait eu de l’orage ; les feuilles étaient humides et l’air était doux ; un rayon de soleil vint à percer, et il m’arriva d’être content : je me sentis en possession de mon existence. […] Cet homme eut l’oppression des montagnes sur le cœur ; il en eut la noble infirmité et le chaos dans les hasards de ses délirants systèmes ; il en eut les contours et la virginité dans le galbe sans soleil de son style blanc et terne. » Mais c’est en entrant dans le Valais seulement que l’on comprend bien certaines descriptions désolées d’Oberman et ces contrées d’un amer abandon : le pays et le livre s’expliquent l’un par l’autre, et je me suis dit tout d’abord à cette vue : Et l’ombre des hauts monts l’a durement frappé !
Et pourtant que de moments faciles et gais, insensiblement heureux, dus au printemps, au soleil de chaque matin ! […] Je la regarde, je ne fais guère que la regarder, mais j’y prends plaisir, je l’avoue ; j’aime à la voir près de moi, à la promener un jour de soleil, et en la voyant là riante, qu’est-ce autre chose ?
Une nouvelle génération, arrivée à l’âge d’homme, voulut prendre sa place au soleil. […] Et par le voile aux plis trop onduleux, ces Femmes Amoureuses du seul semblant d’épithalames Vont irradier loin d’un soleil tentateur : Pour n’avoir pas songé vers de hauts soirs de glaives Que de leurs flancs pouvait naître le Rédempteur Qui doit sortir des Temps inconnus de nos rêves.
On n’en sait rien : peut-être une éclaboussure ignée de lave refroidie, lancée avec une impulsion rotatoire par quelque éruption d’un volcan céleste ; peut-être un grain de poussière éthérée soulevé dans sa course par le vent de quelque astre démesuré de grandeur ; peut-être un atome de fumée émané tout noir et tout calciné de quelque foyer de soleil ? […] L’homme atome noyé dans un rayon perdu de soleil, et qui se confondait par son imperceptibilité avec le néant, se confond tout à coup par sa grandeur avec la Divinité !
combien à mon tour Plaît ce dôme noirci d’une divine horreur, Et le lierre embrassant ces débris de murailles Où croasse l’oiseau chantre des funérailles ; Les approches du soir, et ces ifs attristés Où glissent du soleil les dernières clartés ; Et ce buste pieux que la mousse environne, Et la cloche d’airain à l’accent monotone ; Ce temple où chaque aurore entend de saints concerts Sortir d’un long silence et monter dans les airs ; Un martyr dont l’autel a conservé les restes, Et le gazon qui croît sur ces tombeaux modestes Où l’heureux cénobite a passé sans remord Du silence du cloître à celui de la mort ! Cependant sur ces murs l’obscurité s’abaisse, Leur deuil est redoublé, leur ombre est plus épaisse ; Les hauteurs de Meudon me cachent le soleil ; Le jour meurt, la nuit vient ; le couchant, moins vermeil, Voit pâlir de ses feux la dernière étincelle.
Bouilhet est le soleil couchant de la poésie romantique arrivée au soir de sa durée. […] Autrement, les soleils couchants sont bientôt couchés.
Son art nous offre le charme étrange et délicieux de ces couchers de soleil qui teintent l’horizon de mille nuances légères, après le chaud éclat d’une journée d’automne. […] J’imagine ce qu’il eût souffert, là-bas, au long de ces lugubres jours sans soleil, avec la cruelle musique du vent sur les fenêtres, écrasé par cette pesanteur de mort qui s’abat dans les veines et dans l’âme, quand vient novembre. […] Je me dis que, du moins, il est mort au soleil, un matin chaud d’été. […] Le soleil fut loué de tourner immuablement autour de la terre, puis la terre autour du soleil, en attendant qu’on se remette à faire tourner de nouveau le soleil, ce qui, raisonnablement, ne saurait tarder. […] Voilà pourquoi le soleil a tourné autour de la terre, et pourquoi c’est lui maintenant qui reste immobile.
Plus de soleil ! […] Le soleil céda aux ténèbres et ils dormirent encore couchés sur le rivage. […] Des oisillons chantaient, et, sous le soleil, le vol des pies tachait de noir et de blanc le vert des champs. […] Un grand parasol doublé de soie rose l’abritait contre le soleil violent. […] « Beaux jours de sable et de soleil !
Aux églises, les madones étincellent de pierreries et des soleils de diamants flambent sur leurs têtes. […] Le soleil nous manque, et le marbre est trop cher : notre pierre n’a pas d’éclat ; l’enduit dont on la couvre est un placage de café. […] Au soleil levant, à travers une forêt de sapins, on gravit la montagne. […] La pleine lumière du jour les enveloppe ; la force du soleil fait sortir, de leurs vieux membres, une senteur d’aromates. […] Ils descendent en des creux ou le soleil ne pénètre pas, et font une ombre sépulcrale.
Tel poème de Keats ou de Shelley nous semble enclore un rayon du soleil de la Grèce antique, et cependant il ne décrit rien. […] Depuis Gautier, nul peut-être n’avait pareillement déployé la richesse scintillante, le mica du soleil. […] Qu’on s’agenouille au soleil levant, mais qu’on sente la rudesse du sol et la chaude indifférence de l’astre. […] Le soleil de l’Espagne a mûri don Quichotte, l’opposition primordiale du bon sens raisonneur et de l’exaltation imaginative. […] Eût-il organisé la terre suivant sa volonté, qu’il eût convoité les planètes et les soleils.
Les rayons du soleil éclairaient vivement les cimes des arbres, s’éparpillaient dans les branches, et n’arrivaient jusqu’à terre qu’en minces et pâles filets. […] — Huit verstes. » Le soleil se couchait quand je sortis enfin du bois, et j’aperçus devant moi un petit village. […] Le soleil ne pouvait pénétrer à travers l’entrelacement des branches ; et pourtant il ne faisait pas sombre dans la forêt. […] Longtemps je ne la quittai point du regard ; toute saturée de soleil, elle se bornait, sans bouger, à secouer quelquefois la tête et à faire frémir ses ailes soulevées. […] Le soleil s’incline doucement sur le ciel bleu et limpide ; les nuages flottent lentement dans l’éther azuré ; ils paraissent avoir un but et savoir où ils vont.
Il print d’Herme, de Cypre, et du sein de l’Aurore, Des rayons du Soleil, et des Grâces encore, Ces attraits et ces dons, pour prendre hommes et Dieux. […] que me sert que si parfaitement Louas jadis et ma tresse dorée, Et de mes yeux la beauté comparée A deux Soleils, dont Amour finement Tira les trets causés de ton tourment ? […] Nous étions en juin ; un clair soleil s’épanchait sur le paysage. […] Là où le soleil est plein de force naissent les pierres vertes ou noires, et dans les lieux sombres, les rouges. […] Le feuillage obeyt à Zéphyr qui l’évente, Soupirant, amoureux, en ce plaisant séjour ; Le soleil clair de flame est au milieu du jour, Et la terre se fend de l’ardeur violante.
Œuvres. — Légendes Naïves, poésies, Edmond Girard, 1894, petit in-16 soleil. — Priscilla, poème, Mercure de France, 1895 […] Œuvres. — Nocturnes Solitaires, sonnets, in-16 soleil, Paris, en la Maison des Poètes, 1901. — Les Épigrammes de Leonidas de Tarente, Lille, Le Beffroi, in-18, 1905. […] Œuvres. — Races de Soleil, roman, 1900. — La Tragédie moderne, étude, préface de Paul Mounet. […] Œuvres. — Poèmes de la Mer et du Soleil, Paris, Vanier-Messein, 1905, in 18. — Un Amour, roman, Vanier, 1905, in-18. […] Collaboration. — La Vie Parisienne, Le Soleil, La Renaissance latine, La Revue Illustrée.
Allez, mon ami ; ouvrez vos ailes, et sans vous laisser arrêter ni retarder par nos inquiétudes, filez d’un vol rapide vers les régions mystérieuses où se lève le soleil de la poésie nouvelle.
Richard, dans un poème liminaire, prie le critique d’être indulgent ; on n’a besoin que d’être juste avec un poète qui sut trouver ces très beaux vers français (il s’agit d’un lion) : Les larges gouttes d’or qui forment ses prunelles Semblent vouloir saisir et renfermer en elles L’image du soleil à son dernier rayon et une délicieuse ballade latine où je note ceci : Vita fugacior rosâ Quae floret mysteriosa In valle Tempe frondosâ.
Voilà le joyeux soleil de la vieille Gaule qui, après une longue nuit, remonte à l’horizon. […] Les vers, colorés, souples, jolis même dans leurs négligences, — trop jolis, — sentent en maint passage l’improvisateur brillant, fils des pays du soleil.
Il n’a plus d’or, mais il lui reste le soleil, cette richesse de ceux qui n’ont rien. […] Dans Hernani, le soleil de la maison d’Autriche se lève ; dans Ruy Blas, il se couche.
La richesse embauma mon berceau de ses fleurs, Et plus tard, quand j’entrai dans les jeux de la vie, Mon étoile toujours, et selon mon envie, Monta comme un soleil, — et jamais les douleurs N’obscurcirent les jours de ma jeunesse verte. […] Dans Le Drack, où il nous fait passer par toutes les nuances de la peur surnaturelle, il entremêle au pathétique de son sujet des vers charmants : Ce sont les fleurs les plus étranges Et des fruits d’un goût sans pareil, Des orangers remplis d’oranges, Dans des champs tout pleins de soleil !