Mais le rusé prince danois, tandis que ses compagnons dormoient, ayant visité le paquet et connu la trahison de son oncle et la méchanceté des courtisans qui le conduisoient à la boucherie, rasa les lettres mentionnant sa mort, et au lieu y grava et cisela un commandement à l’Anglois de faire pendre et étrangler ses compagnons… « Vivant son père, Amleth avoit été endoctriné en cette science avec laquelle le malin esprit abuse les hommes, et avertissoit le prince des choses déjà passées. […] Ce jeune prince, fou par calcul, peut-être un peu par nature, rusé et mélancolique, ardent à venger la mort de son père et habile à veiller pour sa propre vie, adoré de la jeune fille envoyée pour le perdre, objet de l’effroi et toujours pourtant de la tendresse de sa coupable mère, et, jusqu’au moment de l’explosion, caché et incompréhensible pour toutes les deux ; ce personnage plein de passion, de péril et de mystère, versé dans les sciences occultes et à qui peut-être, « à travers la violence de sa mélancolie, le malin esprit fait deviner ce que nul homme ne lui a jamais déclaré » ; quelle donnée admirable pour Shakespeare, scrutateur si curieux et si profond des agitations obscures de l’âme et de la destinée humaines ! […] De même Jago n’est pas simplement un ennemi irrité et qui veut se venger, ou un scélérat ordinaire qui veut détruire un bonheur dont l’aspect l’importune ; c’est un scélérat cynique et raisonneur, qui de l’égoïsme s’est fait une philosophie, et du crime une science ; qui ne voit dans les hommes que des instruments ou des obstacles à ses intérêts personnels ; qui méprise la vertu comme une absurdité et cependant la hait comme une injure ; qui conserve, dans la conduite la plus servile, toute l’indépendance de sa pensée, et qui, au moment où ses crimes vont lui coûter la vie, jouit encore, avec un orgueil féroce, du mal qu’il a fait, comme d’une preuve de sa supériorité.
La Science se venge contre Arnolphe du système absurde d’éducation morale, par lequel il a voulu proscrire de sa famille jusqu’à l’alphabet ; Agnès, contre le dessein de son tuteur, a appris à écrire, et elle se sert de l’écriture pour le tromper.
Sa mémoire est étonnante pour les parentés et les généalogies ; il possède à fond la science précieuse de l’étiquette ; à ces deux titres, il est un oracle et très consulté. « Il a beaucoup augmenté la beauté de sa maison et de ses jardins à Saint-Ouen. » — « Au moment de mourir, dit M. de Luynes, il venait d’y ajouter vingt-cinq arpents qu’il avait commencé à faire enfermer dans une terrasse revêtue… Il avait une maison considérable en gentilshommes, pages, domestiques de toute espèce, et faisait une dépense prodigieuse… Il avait tous les jours un grand dîner… Il donnait presque tous les jours des audiences particulières.
« — Je n’en ai vu, dis-je, qu’au panorama de Paris, et je ne me fie pas beaucoup à la science maritime que j’en ai tirée.
Lorsque j’eus fini mon modèle, je l’enfermai dans une petite boîte, et je dis au duc : Que Votre Excellence soit tranquille, je lui ferai une médaille plus belle que celle du pape Clément, parce que la sienne était la première que j’eusse faite ; et Mgr Laurent, qui a de l’esprit et de la science, me donnera l’idée d’un revers qui soit digne de vous.
Platon les guide en vain dans ses cavernes sombres ; En vain de Pythagore ils consultent les nombres : La science les fuit ; ils courent au-devant, Esclaves de quiconque ou la donne ou la vend.
XXXII Aussi ce poëme merveilleux, féodal, historique des premières migrations germaniques est-il une des plus utiles découvertes de ces derniers temps ; il a réveillé l’Allemagne lettrée et la reporte par la science et par l’étude à sa véritable source nationale, le surnaturel, la religion, la philosophie, la chevalerie, les traditions, la féodalité, la philosophie primitive.
J’accorderais aux Abeilles l’intelligence des sauvages bâtissant leurs huttes lacustres, plutôt que celle d’un professeur de mathématiques, et je croirais à leur art plus aisément qu’à leur science.
Mais, d’un autre côté, expériences manquées, chefs-d’œuvre avortés en naissant, si quelques curieux les connaissent, — et si d’ailleurs les historiens de la littérature ou de la science ne doivent jamais négliger de s’en enquérir scrupuleusement, — l’humanité les ignore ; et elle a bien raison ! […] Comment, en effet, la science nous apprend-elle qu’une variété se forme et qu’une espèce commence à se métamorphoser ? […] Je ne sache pas qu’il ait été très curieux de science, de mathématiques ou de physique, non plus que de politique, et, si je crois devoir en faire en passant la remarque, c’est qu’en vérité on le lui a reproché. […] Au théâtre ou dans le roman, nous appelons psychologie l’anatomie du cœur, la science de ses mouvements, la connaissance des sentiments ou des sensations élémentaires, primitives, inconscientes en partie, dont nos actions ne sont que le total extérieur. […] Écoutez plutôt ce bout de scène de la Fausse suivante : TRIVELIN Un beau matin, je me trouvai sans un sou ; comme j’avais besoin d’un prompt secours, et qu’il n’y avait point de temps à perdre, un de mes amis que je rencontrai me proposa de me mener chez un honnête particulier, qui était marié et qui passait sa vie à étudier des langues mortes… Je rentrai chez lui… Là, je n’entendis parler que de sciences, et je remarquai que mon maître était épris de passion pour certains quidams, qu’il appelait des Anciens, et qu’il avait une souveraine antipathie pour d’autres, qu’il appelait des Modernes… FRONTIN Et qu’est-ce que c’est que les Anciens et les Modernes ?
Et cela devait être, dans une civilisation rudimentaire, dans une société imparfaitement assise, où la guerre était encore l’état naturel et où, d’autre part, les sciences physiques étant peu avancées, l’homme se sentait plus entouré de mystère, comme menacé par des forces inconnues… La vie de ces gens-là offrait aux aventures une bien autre prise que notre vie à nous, peuple de bourgeois et d’employés que nous sommes ! […] Ce que sont les choses, nous ne pouvons que l’induire par le raisonnement, qui trompe : mais l’effet qu’elles font sur nous, nous le connaissons de science certaine. […] — J’obéis. » Etc… Huitièmement, les auteurs de Barbe-Bleue blaguent la Science et, neuvièmement, la Mort. […] C’est ainsi que le plus ou moins de science ou d’ignorance, le plus ou moins de sensualité ou de sentimentalité, ce qu’il peut y avoir, chez une vierge, d’instinctif ou de conscient, les mystères du corps et ceux de l’esprit, forment des mélanges et des combinaisons, fort agréables à regarder, mais souvent difficiles à définir… Et c’est à cause de cette variété de la flore humaine qu’il fait bon, en somme, habiter la terre…) Molière a largement et puissamment décrit deux types extrêmes : Agnès et Henriette, celle qui ne sait rien et celle qui sait tout.
J’avoue que, si j’étais réduit à me faire à moi-même ma science, je me résignerais à ignorer presque tout. […] Si nous croyons, malgré Cléante, que c’est bien à la religion qu’il en veut, nous devons donc croire, malgré Clitandre, qu’il en veut aux sciences et aux lettres en général, et il se trouvera qu’étant déjà Voltaire, il est aussi Jean-Jacques. Ce qui surprend, car l’antijésuitisme à la Homais qu’on lui prête semble, au contraire, inséparable du zèle pour la science laïque, pour l’instruction des femmes et pour la « diffusion des lumières »… M.
. — Son livre de la Science universelle […] Il affirmait avoir composé en dix heures les sept cent cinquante vers d’un ouvrage sur l’Entrée du Roi et de la Reine à Paris ; enfin il eut l’aplomb de raconter qu’il travaillait à une Science universelle en deux cent mille vers, et qu’en ayant fait déjà cent mille, il aurait bientôt mis la dernière main à cette encyclopédie digne de son génie immense. […] La Science Universelle ne parut jamais ; le monde fut déshérité de ce chef-d’œuvre, et les pièces qu’il donna, au nombre de huit à dix, tragédies ou comédies, sont assez médiocres, bien qu’il ne manquât ni d’esprit, ni d’imagination, ni de facilité. […] Nul doute que si la science de la phrénologie eût été connue de son temps, on n’eût découvert sur son crâne la bosse poétique la plus proéminente.
Il faut faire entrer dans notre être tous les modes imaginables, ouvrir toutes les portes de son âme à toutes les sciences et à tous les sentiments ; pourvu que tout cela n’entre pas pêle-mêle, il y a place pour tout le monde.
Mais je sais que juger est un métier que tout le monde ne sait pas faire : il y faut de la science et de la conscience, qui sont choses qui ne se rencontrent pas souvent en une même personne. » N’est-ce pas là une belle définition des devoirs de la critique, et qu’a-t-on trouvé de mieux après deux siècles ?
En poésie, je n’ai été qu’une main novice qui fait rendre par un attouchement léger quelques accords à un instrument à cordes dont le doigté n’est pas une vraie science, mais une inhabile improvisation de l’âme.
Bourgeois aussi, le « membre de l’opposition », radical avancé qui tient un cabaret « fréquenté de tous les souteneurs et de toutes les filles de la ville » ; bourgeois, le péremptoire docteur Triceps, homme de progrès et de science, quelque chose comme le docteur Homais, et de la race horrible des « médecins-députés »… Si donc le « bourgeois » n’est, au bout du compte, qu’un type moral, pourquoi l’a-t-on appelé de ce nom de bourgeois, qui est celui d’une classe sociale, flottante, à vrai dire, et elle-même assez malaisément définissable ?
Je n’aurais pas cru Ary Scheffer, un portraitiste de cette science.
Sous ce rapport, l’art suit nécessairement le développement de la science, pour laquelle il n’y a rien de petit, de négligeable, et qui étend sur toute la nature l’immense nivellement de ses lois.
À moins qu’on ne nous explique bien si cette expression elle-même signifie l’ordre dans le temps ou dans l’espace, ou quelque autre chose encore, il me semble qu’elle n’ajoute absolument rien à notre science.
« Sa première entrée dans le monde fut heureuse en esprits distingués. » Il ajoute, et ceci se peut appliquer à la critique, lorsqu’elle est faite avec zèle, avec bonheur, « Né avec un esprit au-dessous du médiocre, mais un esprit capable de se limer, de se former, de se raffiner, d’emprunter d’autrui sans imitation et sans gêne, il profita infiniment d’avoir vécu toute sa vie avec les personnes du monde qui toutes en avaient le plus, et des plus différentes sortes, en hommes et en femmes de tout genre, de tout âge et a de tous personnages. » On voudrait écrire l’histoire même du feuilleton, né avec un esprit au-dessous du médiocre, empruntant d’autrui, et se formant et se raffinant avec les personnes du monde qui ont le plus de goût, de science et d’esprit, on n’écrirait pas une plus juste et plus véridique histoire. — Un peu plus loin, M. le duc de Saint-Simon, complétant le dénombrement des hommes considérables du siècle de Louis XIV, ajoute que rien ne manquait à ce beau siècle : « Pas même cette espèce d’hommes qui ne sont bons que pour le plaisir. » Il voulait parler des poètes et des artistes en tout genre ; il aurait eu honte de les confondre avec les hommes de robe, avec les hommes d’épée, avec les hommes d’État, et surtout avec les grands seigneurs, qu’il considérait comme l’ornement le plus précieux de la cour de Versailles ! […] Quelques-uns, même au premier rang des braves gens qui reconnaissent que la poésie a droit de cité parmi nous, que la philosophie, après tout, n’est pas faite pour se morfondre à la porte des écoles, que l’auteur dramatique est nécessaire au théâtre, et le romancier au foyer domestique ; — ils vont plus loin ; ils acceptent l’historien comme un vengeur nécessaire, ils ajoutent que la fable est utile aux enfants, que l’élégie est bien séante au jeune homme ; une nouvelle bien faite a son prix pour la femme oisive, un long poème endort agréablement le vieillard, un bon dictionnaire est la science de l’ignorant ; même le conte de fée a sa faveur et son charme, — ils en conviennent. — Mais, disent-ils, à quoi bon la critique, et que peut-on faire, ici-bas, de ces jurés peseurs de diphtongues, au sourcil dédaigneux, qui ne trouvent rien de bon, rien de vrai, rien de juste et de naturel ?
. — Vous avez distingué quelque brahmane fameux par sa science surnaturelle ? […] Il est vrai que cette explication se réduirait sans doute à peu de chose, et, par exemple, à ceci : que nos sentiments changent avec l’âge, qu’ils s’épurent par la douleur, ou que, dans les âmes bien nées, l’amour désintéressé, l’amour de la science ou de l’humanité succède à l’amour égoïste d’une créature… Alors pourquoi cette emphase ? […] Sa science et sa prévoyance tiennent du surnaturel. […] Il y a aussi celles qui, physiquement intactes, se sont, moralement, déveloutées ; qui se sont fait des âmes de vieux garçon ; qui affectent d’autant plus de liberté et de hardiesse d’esprit que leur science des choses demeure théorique, et qu’elles savent et ignorent à la fois de quoi elles parlent : créatures hybrides, ni vicieuses ni innocentes, qui trahissent le caractère tout spéculatif de leur philosophie de l’existence par la sécurité même de leur cynisme, et que cette sécurité absout donc en quelque façon, tout en les rendant un peu bizarres et déplaisantes.
Aussi les premiers noms que nous devons inscrire ici sont ceux des dignes représentants de la science créée par Jacques Charavay et Auguste Laverdet. […] Luneau se fût adressé à moi, et qu’il m’eut demandé la raison de la prétendue profusion qui règne dans nos planches, je lui aurais montré, et, comme il est homme de grand sens, il aurait conçu que je ne n’avais accordé à aucun art que la quotité très-rigoureuse de figures qu’il exigeait ; que ce n’était ni lui ni moi, mais l’artiste qu’il en fallait croire sur ce point ; que l’Académie des sciences, qui s’y entend aussi bien que lui et un peu mieux que moi, emploie cent planches où nous n’en employons pas vingt ; que le rhinocéros est dessiné sur une échelle qui suffit pour le reconnaître ; que ce n’est pas l’usage de l’examiner au microscope ; que la puce est de sa grandeur microscopique ; que cette figure est imitée d’un des plus célèbres observateurs du siècle ; que sous un volume mille fois, dix mille fois exagéré, il y a encore des parties qui échappent à la vue ; que la plaisanterie sur ce point serait d’une ignorance et d’une bêtise impardonnables ; que si l’on a quelque reproche à nous faire, ce n’est pas d’avoir supposé dans les ateliers des manœuvres ou des instruments qui n’y sont pas, mais d’avoir omis ou peu détaillé ceux qui y sont ; et M. […] « C’était, dit Naigeon, une lettre en forme de mémoire, que Voltaire fit remettre par une voie indirecte, et dans laquelle, après un exposé des faits qu’il soumettait à l’examen de Diderot, il lui communiquait librement toutes ses craintes et lui conseillait d’abandonner la terre qui l’avait vu naître, l’invitait à le suivre dans sa retraite, et le conjurait, au nom de l’humanité, de ne pas rester exposé à la proscription dont le Parlement venait de donner le premier signal, et de ne pas sacrifier, par un stoïcisme déplacé, une vie et des talents qui pouvaient être encore longtemps utiles aux sciences et à la société. » (Br.)
Celle-ci éclate jusque dans leur pédagogie et leur science.
L’envie que j’avais d’étudier la langue et les sciences m’avait toujours porté à demeurer à la ville, parmi le monde persan.
Dans cette flagrante discussion qui met aux prises les théâtres et l’école, le public et les académies, on n’entendra peut-être pas sans quelque intérêt la voix d’un solitaire apprentif de nature et de vérité, qui s’est de bonne heure retiré du monde littéraire par amour des lettres, et qui apporte de la bonne foi à défaut de bon goût, de la conviction à défaut de talent, des études à défaut de science.