/ 1550
925. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Sa proscription à la suite du brûlement de l’Emile fut une proscription pour rire. […] Il y a des instants où le voyant passer avec vous au milieu de nos fêtes, tous les deux si pâle et si graves, si distraits au milieu de la danse qui tournoie, des femmes qui rient et des fleurs qui volent ; il me semble que seuls parmi nous tous vous pouvez vous comprendre125. […] C’est le thème de l’Homme qui rit. […] L’auteur de cette première partie des Misérables (tout le reste du livre roule dans le feuilleton) est aussi l’auteur singulièrement dépourvu de noblesse et incroyablement léger de l’Homme qui rit. […] Or, c’est le propre de ces genres, que les situations et les faits s’y engendrent par des rapports tout matériels, mécaniquement, pour ainsi dire, en vue de l’effet de surprise, de gros rire ou de saisissement nerveux chez le spectateur.

926. (1929) Amiel ou la part du rêve

C’est que rue des Granges on entend par cuisinière sérieuse une cuisinière qui ne rit jamais. […] … Il est tellement vrai qu’en tout nous avons fui le sérieux, que jusqu’au procès-verbal a affecté d’être agréable et qu’il a même renchéri quelquefois sur la frivolité des auditeurs… Le besoin effréné de rire est un grand malheur. […] Une société où l’on rit haut, que peut-elle avoir de commun avec l’idée de changer un pays ? […] Là il se donne cent vingt leçons par jour : Celui qui les entendrait toutes deviendrait certainement fou de rire ou de désespoir. […] Un vieux faune en riait dans sa grotte sauvage.

927. (1899) Arabesques pp. 1-223

Si vous nous chatouillez, est-ce que nous ne rions pas ? […] Ses clameurs, les fumées de ses usines, les rires des Malins qui dansent, sur ses places, la sarabande des écus, le vent des solitudes les balaie avant qu’ils arrivent à la lisière, et les arbres les ignorent. […] La ville est comme un feu qu’attiserait la nuit Où va chanter, bientôt, un rire ténébreux… Voici déjà sur le pavé battu d’ennui La fille aux cheveux roux qui fait signe des yeux14. […] S’ils répondent : « Au nom de notre conscience », on leur rit au nez. « La conscience, leur dit-on, commande au bon citoyen de payer ses contributions, de croire au gendarme et au code, d’obéir à son caporal sans discuter. […] Cependant comme nous sommes lâches, nous préférons croupir dans notre lâcheté plutôt que d’indisposer, par une mine soudain sérieuse, notre Barnum et notre public… Rions donc ; et chassons les idées noires qui, malgré nos facéties, nous papillonnent à travers le cerveau. » Tous ces soi-disant indifférents s’imaginent être libres.

928. (1901) Figures et caractères

L’Homme qui rit émerveille à cet égard. […] L’injure, sans compter la négation stupide et le mauvais rire, assaillit, à cause du mystère qu’ils contenaient, des écrits de haute beauté. […] Il rit et l’on rit ; il raisonne et l’on pense. […] J’entends encore les injures, les rires, les quolibets, dont on salua ceux qu’on appelait les Décadents. […] On rit.

929. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Car déjà auparavant, à propos d’Alcmène, tu es allé au-devant de Jupiter, et tu n’ignores pas comment on s’en revient. » Dans une autre épigramme, qui est la contre-partie de la première, il accuse ce même Point du jour, qui allait si vite tout à l’heure, d’être trop lent à tourner autour du monde, maintenant qu’un autre plus heureux est accueilli en sa place et lui succède dans les mêmes douceurs : « Mais, lorsque je la tenais dans mes bras, la belle élancée, tu m’arrivais bien vite, comme pour me frapper d’une lumière qui rit de mes maux. » — Cette Démo, en effet, lui fut infidèle, on l’entrevoit, pour un Juif, et nous arrivons à Zénophila. […] Prairies, pour quoi riez-vous si brillamment sous vos parures ?

930. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

« Celui qui habite dans le firmament rira ; il portera le défi à leurs complots, Jéhovah le Seigneur ! […] Tous ceux qui me voient passer desserrent les lèvres pour rire de moi et secouent la tête avec dérision !

931. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Depuis il s’était loué aux théâtres secondaires, pour vivre en s’amusant du rire du public. […] Les voix, les yeux, les rires, les gestes du peuple, la submergèrent d’humiliation.

932. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Tandis que le bon prêtre de Rouen qui fait la Chronique des quatre premiers Valois, un pauvre écrivain, montre les petites gens faisant déjà le succès d’une bataille, tandis que le carme Jean de Venette, en son mauvais latin, ose excuser la Jacquerie par l’oppression féodale, Froissart rit des bourgeois qui prétendent s’armer pour défendre leur ville et leur vie ; ce n’est pour lui qu’une « garde nationale » fanfaronne et poltronne ; et sereinement, sans une inquiétude de justice, ni un tressaillement d’humanité, il crie : Mort aux Jacques ! […] Le personnage est intéressant : il aime les larges buveries, il est de toutes les sociétés joyeuses du Valois, des Fréquentants de Crépy, des Bons Enfants de Vertus, et s’intitule avec orgueil Empereur des fumeux ; il a une brusquerie joviale, la parole rude et salée, le rire sonore : la galanterie chevaleresque n’est pas son fait.

933. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Infernale Luxure, rire de la charnelle Malédiction, fureur de la Concupiscence femelle : soudain rayonne un luxurieux œil, un coin de gorge pâmée, l’éclair d’un diabolique baiser, — pendant qu’il clame : « non !  […] il ressent les grands jardins pleins d’odeurs fumantes et de teintures chaudes ; les mollesses des tiédeurs étaient molles, lorsque devant son corps elle surgit, la femelle bête, folle de son corps… elle avait ces rires et cette voix, oui, ce regard qui si inquiet lui caressait, ces lèvres, oui, à lui si frémissantes, ces cheveux inclinés à lui, oui, ces flattantes boucles, et autour de son cou ces bras, si tendres ces joues, si nouvelle cette bouche qui, en la communion de toutes les souffrances, lui embrassa le salut de son âme… monstrueux baiser !

934. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Le roi s’indigne et s’emporte, elle rit et répond : « Tu as bonne grâce de te fâcher de la sorte, pour un méchant eunuque décrépit, tandis que moi qui ai perdu mille dariques, je prends patience et me tais. » Plus tard, elle invite Statira, la femme de son fils, à souper. […] Son Masque lugubre, tout en continuant de pleurer, retrousse les coins pendants de ses lèvres, et l’on voit l’ombre d’un rire se dessiner à travers ses larmes.

935. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Son premier livre, Les Philosophes français du xixe  siècle, fut le rire strident de la moquerie contre la philosophie contemporaine qui, comme on dit, ne l’avait pas volé ! […] Taine fit presque immédiatement rentrer son petit rire aigu dans le fourreau.

936. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Les costumes, les uniformes, les appellations étonnent les oreilles comme les yeux ; la vieille armée humiliée et grondeuse ne se peut empêcher de rire.

937. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Trois sortes de journaux, qui ne paraissaient pas destinés par leur nature à se faire écho l’un à l’autre, se signalent par plus d’acharnement contre ce qui porte mon nom : Un journal d’exagération religieuse, qui donnerait la tentation d’être impie si l’on ne respectait pas la piété jusque dans les aberrations du zèle ; Les revues et les journaux des partis de 1830, qui ne pardonnent pas leurs revers à ceux qui ont préservé la France et eux-mêmes des contrecoups de leur catastrophe ; Enfin un journal de sarcasme spirituel, à qui tout est bon de ce qui fait rire, même ce qui ferait pleurer les anges dans le ciel : la dérision pour ce qui est à terre.

938. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Il nous fait rire quand il nous parle des « jeux de tonnerre », unis aux « jeux de flûte » dans son « clavecin poétique », ou de « ce je ne sais quoi d’indompté » qui soulève son âme honnête : il ne se flattait pas pourtant ; mais il ne s’est pas répandu dans son œuvre.

939. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Sa Camille « aux yeux noirs », sa « Julie au rire étincelant », sa Rose « dont la danse molle aiguillonne aux plaisirs », sont de faciles créatures ; et ce qu’il espère, ce qu’il se promet de ses vers, c’est qu’ils soient un code d’amour et de volupté ; c’est qu’ils échauffent les désirs dans les jeunes âmes, et qu’ils éloignent « du cloître austère » la pensée des vierges619 .

940. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Le lourd sommeil qui t’a prostré dans le cercueil Ne se fût pas troublé d’un rire sarcastique.

941. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Sans rire n’est pas assez dire.

942. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Et c’était du matin au soir et du soir au matin, dans ce malencontreux cul-de-sac, un piétinement continuel, une tempête de rumeurs et de cris, de chants, d’appels, d’aboiements, de rires et de disputes, tout le remue-ménage et le tumulte d’une cité ouvrière, au pitoyable grouillement humain.

943. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Il est triste sans doute pour l’homme d’intelligence de traverser ces siècles de peu de foi, de voir les choses saintes raillées par les profanes et de subir le rire insultant de la frivolité triomphante.

944. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

Les Galiléens parlaient un patois assez corrompu ; leur prononciation était vicieuse ; ils confondaient les diverses aspirations, ce qui amenait des quiproquo dont on riait beaucoup 589.

945. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

Le Mariage de Figaro avait enflammé les esprits et allumé une gaieté folle, inextinguible, mais qui n’était pas inoffensive comme le bon rire des pièces de Molière.

946. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

Il faut rire.

947. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

C’est tour à tour la Fête du Village de Téniers, l’Enfer de Dante et le fouillis archaïque, sinistre, mélancolique et profond d’une composition d’Albert Durer et le rire énorme de Rabelais.

948. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

Quand on connoît quelle étoit la délicatesse des grecs en matiere d’éloquence, et sur-tout à quel point ils étoient choquez par une mauvaise prononciation, on n’a point de peine à concevoir que quelques-unes de leurs villes, n’aïent été assez jalouses de la reputation de n’avoir en toutes choses que des manieres élegantes et polies, pour ne vouloir pas laisser au crieur public chargé de promulguer les loix, la liberté de les reciter à sa mode, au hazard que souvent il donnât aux phrases, aux mots mêmes qu’il prononceroit, un ton capable de faire rire des hommes nez mocqueurs.

949. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Si je ne me soumets pas aux conventions du monde, si, en m’habillant, je ne tiens aucun compte des usages suivis dans mon pays et dans ma classe, le rire que je provoque, l’éloignement ou l’on me tient, produisent, quoique d’une manière plus atténuée, les mêmes effets qu’une peine proprement dite.

/ 1550