Je m’étais donné à moi-même quelques-unes des raisons que vous m’opposez, et, en écrivant hier à M. […] toujours contente de toi, te disant sans cesse que ta magistrature est la plus intègre, que ton armée est la plus brave, que ton clergé même est le plus pur, et à plus forte raison que ton jugement et ton goût dans les lettres et dans les études ne laissent rien à désirer !
Mais ma Muse (si Muse il y a et si Muse il fut) est à jamais enrouée, et c’est affaire à vous d’avoir encore la rime à volonté, jointe à la raison […] Si vous l’ignorez, lecteur, le voici : « On avait cru jusqu’à ce jour en France, et depuis Gassendi jusqu’à MM. de Fontanes et Villemain, que Lucrèce, esprit rêveur et mélancolique, jeté dans le monde à une époque d’anarchie et de discordes civiles, troublé de doutes et de terreurs philosophiques à la manière de Pascal et de Boulanger, voyant l’État s’abîmer dans les crimes, et ne sachant où la destinée humaine poussait l’homme ; on avait cru que pour échapper au vertige et ne pas glisser misérablement de ces hauteurs où l’avait emporté sa pensée, il s’était jeté en désespoir sur la solution d’Épicure, s’y attachant avec une sorte de frénésie triomphante, et que de là, dans quelques intervalles de fixité et de repos, il avait voulu enseigner à ses contemporains la loi du monde, la raison de la vie, et leur montrer du doigt le sentier de la sagesse.
C’était une habitude chrétienne et port-royaliste qu’il avait retenue, même alors qu’il se confiait dans la souveraineté de la raison. […] Il a donc raison de revendiquer l’initiative de cette méthode de philosophie qu’il combina avec celle de son illustre prédécesseur.
Ce n’est pas du tout en nous plaçant au point de vue de la matière que nous le combattrons ; nous ne ferions que laisser une abstraction pour une autre ; nous aurions raison contre lui, et il aurait raison contre nous ; il nous suffira pour triompher de rester en plein dans le réel, dans l’unité substantielle de l’esprit et de la matière, dans le sentiment, dans la vie.
Nos adversaires politiques, débusqués de la légitimité, n’ont aucun principe valable à opposer à celui-ci ; ils n’ont, quand on les pousse à bout, que des raisons d’opportunité, de temps, de convenance actuelle, dont nous concevrions et admettrions même une partie : mais il en faudrait d’abord rabattre, comme Jefferson le disait de la faction monarchiste et anglomane, les sophismes des parasites, les fausses alarmes des timides et les clabauderies de la richesse. […] En signalant les imperfections nombreuses de la constitution alors en vigueur dans la Virginie, Jefferson fait observer avec raison qu’à l’origine, chez les meilleurs patriotes, il y avait inexpérience du gouvernement du peuple par lui-même.
C’est que la liberté et la vertu, ces deux grands résultats de la raison humaine, exigent de la méditation : et la méditation conduit nécessairement à des objets sérieux. […] La vertu du père et la beauté de la mère s’aperçoivent déjà dans les enfants : leur faible raison grandit à chaque moment ; elle réclame bientôt le secours des soins assidus.
Quand on compare sa fable avec celle de Pilpay ou d’Esope qui lui sert de matière, on s’aperçoit qu’il ne fait pas un seul changement sans une raison, que cette raison et les autres se tiennent entre elles, et qu’elles dépendent d’un principe, sinon exprimé, du moins senti.
La littérature du temps de la reine Anne, avec Addison, Pope, Dryden, est gagnée aux idées d’ordre, de méthode, de raison, d’imitation fidèle et correcte de la nature, qui sont les caractères sensibles de nos œuvres classiques. […] Cependant il serait vrai, je crois, de dire que si beaucoup d’œuvres particulières des écrivains anglais furent chez nous en crédit, aucun mouvement considérable n’a son réel point de départ en Angleterre : nous trouvons dans le courant de notre littérature même, dans les transformations de l’esprit public et des mœurs sociales, dans l’apparition enfin de certaines originalités individuelles, les raisons essentielles de l’évolution du goût et des formes littéraires.
Et je conçois aisément quelque chose au-dessus du génie littéraire, à plus forte raison au-dessus du talent d’écrire congrûment. […] S’il raconte quelque fête où ce qui nous reste d’aristocratie s’est encanaillé plus que de raison, il sait qu’il faut s’attrister, et il s’attriste.
Ou bien : « De la féminité de l’Eglise, comme raison de son omni-puissance. » Ou bien : « Analyse des contre-religions ; exemple : la prostitution sacrée. […] Crépet a bien raison de dire dans sa Préface : « J’ai la conviction que ces documents ne peuvent que servir la mémoire de Baudelaire, en la dégageant, sous certains aspects, des ombres qui la couvraient. » On constatera, en feuilletant le volume, que Baudelaire fut un bon fils.
Voilà donc une première raison pour laquelle le physicien ne peut se passer des mathématiques ; elles lui fournissent la seule langue qu’il puisse parler. […] Qui nous a appris à connaître les analogies véritables, profondes, celles que les yeux ne voient pas et que la raison devine ?
Un Apollonius de Tyane, avec sa légende miraculeuse, devait avoir plus de succès qu’un Socrate, avec sa froide raison. « Socrate, disait-on, laisse les hommes sur la terre, Apollonius les transporte au ciel ; Socrate n’est qu’un sage, Apollonius est un dieu 1238. » La religion, jusqu’à nos jours, n’a pas existé sans une part d’ascétisme, de piété, de merveilleux. […] Montrer que la religion fondée par Jésus a été la conséquence naturelle de ce qui avait précédé, ce n’est pas en diminuer l’excellence ; c’est prouver qu’elle a eu sa raison d’être, qu’elle fut légitime, c’est-à-dire conforme aux instincts et aux besoins du cœur en un siècle donné.
Les causes déterminantes, comme nous le verrons dans les événements de cette année, 1680 et des précédentes, qui été l’inconstance du roi, la lassitude des continuelles avanies qu’elle lui attirait, et surtout la douceur, la raison pleine de charmes, le vif intérêt qu’il trouvait dans la conversation de madame de Maintenon, son inclination pour elle, le désir de se fixer à la possession du noble cœur qu’il lui avait reconnu. […] Voilà ma grande raison ; celle de l’âge vient ensuite.
Voyez-vous, monsieur, ma grand’mère avait bien raison de me répéter : Ni l’or ni la grandeur ne nous rendent heureux ! […] Il affirme avec raison : « Je m’en tins à l’expression de mes sentiments intimes, de mes pensées, même des idées abstraites, ce qui a été, je l’avoue, mon écueil. » Qu’y a-t-il là de contraire aux tendances parnassiennes ?
Le segment cérébral, ajoute avec raison Lewes, possède les organes de la parole et les traits du visage par lesquels il peut communiquer à autrui ses sensations, le segment spinal n’a aucun moyen semblable, mais ceux qu’il a, il les emploie. […] Tous ces phénomènes confirment ce principe que chaque état psychique a pour corrélatif un état moteur particulier ; « notion fort importante, dit avec raison M.
La vraie philosophie est l’innocence de la vieillesse des peuples, lorsqu’ils ont cessé d’avoir des vertus par instinct, et qu’ils n’en ont plus que par raison : cette seconde innocence est moins sûre que la première ; mais, lorsqu’on y peut atteindre, elle est plus sublime. […] Sa maxime était que cette application nous désaccoutume insensiblement de l’usage de notre raison, et nous expose à perdre la route que la lumière nous trace155. » Cette opinion de l’auteur de l’application de l’algèbre à la géométrie est une chose digne d’attention.
Voici, suivant les apparences, une de ses raisons. […] Voilà, suivant mon sentiment, la raison pour laquelle Quintilien défend si souvent à son orateur d’imiter la gesticulation des danseurs ou des saltatores.
C’est aux banquets de ces législateurs chantants qu’il étudia le code de la gaieté ; c’est à leur joyeuse école qu’il apprit à soumettre la folie même aux préceptes de la raison. […] Nous sommes sérieux, rêveurs jusque dans nos plaisirs ; la froide étiquette préside à nos festins, et la triste raison s’assied avec nous.
Avec sa gracile élégance, Mme Haller n’est point de force à creuser un sentiment, fait d’autant de raison que d’enthousiasme, le plus beau des sentiments dans la hiérarchie des sentiments de nos âmes, après le sentiment religieux ! […] Il ne s’y mêle jamais comme dans Mme de Staël, qui était femme et que je cite pour cette raison à Mme Haller, un aperçu, en dehors et à propos de ce qu’on raconte ; l’étoile d’une idée heureuse ou d’un mot brillant.
L’imagination, ce singe de l’intelligence, a dit Schiller, — ce qui n’est pas mal pour un Allemand, — l’imagination, qui est la première des facultés de la femme et d’un misérable siècle, chez qui la Raison est épouvantablement affaiblie, doit entraîner la femme, quand elle veut être littéraire, vers le roman dans lequel, d’ailleurs, elle cherche toujours un peu une place pour ses souvenirs et un miroir pour sa personne… D’un autre côté, par cela seul que le Roman est la forme la plus populaire des formes littéraires de ce temps, il rapporte du succès à plus bas prix… et l’Histoire, la sévère, l’Histoire, la désintéressée, n’a pas ces avantages… Il faut se croire très homme pour l’aborder. […] Et, d’ailleurs, la raison qu’elle donne, après Aristote, prouve plus la générosité de l’homme et son longanime oubli dans sa force, que la supériorité de la femme, qui était à démontrer.
Quoique, dans d’autres temps, elle ait été la terre des plus effroyables despotismes, elle devait être un jour la terre des républiques et de la libre pensée, et on l’aime pour cette raison, même dans le passé ! […] Lui qui, dans la civilisation grecque, est l’admirateur et le partisan des courtisanes, — pour les plus belles raisons de pédant : parce qu’elles sont lettrées, parce qu’elles sont les Bas-Bleus de l’Antiquité, et « quoiqu’elles ne fussent pas peut-être d’une moralité irréprochable », ajoute-t-il en douceur, ce parlementaire !
II Tel est pourtant l’avenir très prochain qui nous menace, si la voix de la raison ne vient nous tirer de l’ivresse où nous ont plongés de si misérables enseignements. […] Et il avait raison, cet homme.
L’oubli s’obstinait comme un créancier, quand enfin Chateaubriand, l’éternel Chateaubriand, qui ne s’aimait plus et qui avait raison, se dégourdit de son égoïsme pour faire une édition des Obscurités de Joubert, et y attacha dans une préface l’approbation et le privilège d’un Roi comme lui. […] » Il l’est pour Bonald, non pas flatteusement comme pour Corneille, mais cruellement et pour les mêmes raisons : « Bonald — dit-il avec dédain — a besoin de la terre.
« J’aime mieux — disait madame de Staël — qu’on m’apprenne tout simplement la couleur de la voiture de monsieur un tel, que de me débiter solennellement des généralités sans puissance. » Madame de Staël avait raison. […] Pour cette raison, sans nul doute, la littérature anglaise, plus qu’aucune autre littérature, abonde en biographies, en vies historiques précises, tranchées, prises plus profond et plus fin que l’histoire même.
Que si, au contraire, l’oubli a eu raison de s’étendre sur les plateaux pyrénéens, si ces peuplades intermédiaires — Catalans, Aragonais, Navarrais, Béarnais et Basques, — ne sont placées aux frontières de France et d’Espagne que pour appointer des forces respectives et jeter dans la balance des intérêts de ces deux pays le poids de leurs atomes orageux ; si, enfin, toute cette paille d’hommes hachés par les événements et par la guerre n’est là — comme on pourrait le croire — que pour faire fumier aux grandes nations qui résument l’Europe, et par l’Europe le genre humain, à quoi bon remuer, avec un tel détail, ce monde de faits sans signification vive et profonde, et sous lesquels le lecteur périt accablé ? […] Il voulut être enterré à Grenade, à côté d’Isabelle de Castille, et la royale sépulture de Poblet, où nous avons conduit tant d’illustres cendres, vit clore définitivement le rôle qu’elle avait joué sous les comtes de Barcelone et les rois d’Aragon. » C’est alors que l’historien ajoute : « Ce n’est pas sans raison que nous avons pris soin de suivre les rois et les comtes dans leur dernier asile.