Les arbres, qui déjà n’étaient plus verts, le jour moins ardent, les ombres plus longues, les nuées plus tranquilles, tout parlait, avec le charme sérieux propre à l’automne, de déclin, de défaillance et d’adieux. […] Une conversation avec Olivier, jeune homme des plus avancés et qui l’initie à ses propres intrigues, n’y aide pas moins ; cette confidence est comme un breuvage capiteux qui l’enhardit et l’excite ; une émulation instinctive, bien que fort différente dans son procédé, se déclare. […] Un voyage qu’elle fait aux Trembles avec lui, et où il repasse près d’elle tous ses anciens souvenirs ravivés et aiguisés par des impressions toutes nouvelles, ce séjour de deux mois, que la présence de M. de Nièvres n’amortit qu’à peine, n’est guère propre à remettre en paix le cœur du pauvre Dominique. […] Il y a un fait constant, et d’observation morale : le propre de la passion arrivée à son paroxysme est de n’avoir aucun scrupule.
Cette personne était en train de poursuivre son propre divorce, tandis que Benjamin, de son côté, accomplissait le sien. […] Je trouve que je suis avec cette femme sur un pied qui jette sur ma conduite, à mes propres yeux, un air de fausseté, de perfidie et d’ingratitude qui me pèse. […] Cette fatalité en effet existe, elle est écrite désormais dans nos entrailles, dans la trame même et la substance entière de notre être, dans tout ce qui en ressort d’habitudes violentes, sans cesse irritées, qui sont devenues leur propre aiguillon, et qui n’ont plus qu’à se réveiller d’elles-mêmes. […] En finissant d’ailleurs, il n’est pas tellement éloigné, ce semble, des conclusions qui ressortent de nos propres récits.
Individus et œuvres Regardons d’abord les individus et les œuvres dans leur propre et personnel caractère. […] Charron245 est un honnête et lourd esprit de théologien, qui a fait de propre besogne dans la philosophie, la controverse et la prédication. […] La littérature où la raison tend à dominer, s’oriente vers l’universel : elle reconnaît pour son objet ce dont chacun trouve en soi, la vérité et l’usage ; rien ne lui sera plus propre que la vie humaine, que les faits moraux, les forces et les freins que met en jeu dans Taine l’existence de chaque jour. […] Elle sera utilisée par la théologie, par la controverse, par la philosophie, pour leurs fins propres et spéciales.
Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé Une littérature n’est pas isolée dans l’espace ni dans le temps. […] Elle en soutient aussi à chaque époque de son existence avec les œuvres de son propre passé. […] Il convient de ne pas négliger non plus ces petites Frances du dehors, où l’on parle français, mais où l’on pense suisse ou belge, et dont les produits gardent par là même un goût prononcé de terroir ; elles ont leur originalité, par conséquent leur action propre, et, en sus, elles sont comme des jardins d’acclimatation où les idées des peuples voisins font halte et se francisent à demi avant de s’introduire en France ; elles sont nos initiatrices ordinaires aux littératures étrangères. […] Toute époque teint de ses propres couleurs les hommes d’autrefois ; toute nation accommode et interprète à sa manière les écrivains qui ne sont pas de chez elle.
En causant, elle avait le don du mot propre, le goût de l’expression exacte et choisie ; l’expression vulgaire et triviale lui faisait mal et dégoût : elle en restait tout étonnée, et ne pouvait en revenir. […] Ne cherchons donc la vérité sur les sentiments secrets de Mlle de Lespinasse que dans ses propres aveux et chez elle seule. […] Elle se trompe sur elle-même quand elle dit : « J’ai une force ou une faculté qui rend propre à tout : c’est de savoir souffrir, et beaucoup souffrir sans me plaindre. » Elle sait souffrir, mais elle se plaint, elle crie ; elle passe en un clin d’œil de la convulsion à l’abattement : « Enfin, que vous dirai-je ? […] c’était l’horreur qu’elle avait de sa propre dissimulation avec un tel ami.
Mme Geoffrin n’a rien écrit que quatre ou cinq lettres qu’on a publiées ; on cite d’elle quantité de mots justes et piquants ; mais ce ne serait pas assez pour la faire vivre : ce qui la caractérise en propre et lui mérite le souvenir de la postérité, c’est d’avoir eu le salon le plus complet, le mieux organisé et, si je puis dire, le mieux administré de son temps, le salon le mieux établi qu’il y ait eu en France depuis la fondation des salons, c’est-à-dire depuis l’hôtel Rambouillet. […] Dans l’admirable chapitre de saint Paul sur la Charité, on lit, entre autres caractères de cette vertu divine : « Charitas non quaerit quae sua sunt… Non cogitat malum… La Charité ne recherche point ce qui lui est propre. Elle ne soupçonne pas le mal. » Ici, au contraire, cette bienfaisance mondaine et sociale cherche son plaisir, son goût particulier et sa satisfaction propre, et il s’y mêle de plus un peu de malice et d’ironie. […] Ces esprits délicats et rapides sont surtout propres à la connaissance du monde et des hommes ; ils aiment à promener leur vue plutôt qu’à l’arrêter.
Théodore Leclercq est ainsi de saisir la comédie toute faite qui passe devant lui, de la décalquer et de l’encadrer dans des dialogues vrais, sans lui rien donner du grossissement et du relief propres au théâtre. […] Ce qui me donne de l’espoir, c’est qu’il est propre à tout. On ne peut pas lui objecter, comme à tant d’autres, que telle ou telle partie ne lui convient pas : il n’a jamais rien fait… » Il n’a jamais rien fait, il est propre à tout, ce tour distingué, qui est proprement celui de la finesse, est familier à M. […] Dans un quatrième dialogue, il se trouve face à face avec son propre frère, ancien jacobin resté incorrigible, et il se révèle à nu.
Fréron, dans L’Année littéraire, ne manqua pas cette occasion de critique ; il y raillait l’enthousiasme lyrique du jeune poète, méconnaissait les beautés réelles de son ode, et disait en propres termes : « Il m’est passé bien des odes par les mains ; je n’en ai point encore lu d’aussi mauvaise que celle de M. […] Né avec un caractère violent, infatué de son propre mérite, il comptait pour rien tout ce que sa femme faisait pour lui : c’était une dette dont il recevait le paiement sans reconnaissance ; et, à la plus légère contradiction, il s’irritait comme d’un attentat à son autorité. […] Dans ce fatal procès qui rompit la carrière de Le Brun et envenima son âme, une circonstance bien singulière et unique, ce fut de voir sa propre mère et sa propre sœur venir déposer en justice pour sa femme et contre lui.
Mon cher Diaphane, faites bien vos réflexions, je vous en prie, et, pour une vaine ombre d’établissement, n’allez pas commettre un meurtre en votre propre personne. […] Nous allons représenter l’Œdipe de Voltaire, dans lequel je ferai le héros de théâtre ; j’ai choisi le rôle de Philoctète ; il faut bien se contenter de quelque chose… M. de Suhm, qui l’a compris, et qui lit, à travers cette indifférence soi-disant philosophique, le regret et le tourment d’une âme amoureuse des grandes choses, lui va toucher la fibre secrète et le rassure en lui disant : La réflexion que vous faites, Monseigneur, sur le bonheur qu’il y a à venir à propos dans le monde est des plus justes, et serait très propre à consoler le héros (le prince d’Anhalt) dont Votre Altesse Royale a une si haute opinion, si à ses qualités guerrières il savait joindre votre philosophie, Monseigneur. […] Aussi suis-je, après ce dernier et pénible acte de mes faibles et tremblantes mains, tout aussi tranquille sur le sort de ma famille que je le suis par rapport au mien propre, dans ce moment où je viens de remettre mon âme entre les mains de l’Être infiniment bon par qui elle existe, et qui ne l’a sans doute appelée à l’existence que pour la félicité. […] Elle mérite de nous arrêter encore ; je n’ai fait que l’effleurer cette fois ; je continuerai à la faire connaître par extraits et à y dégager les belles parties, celles surtout qui sont propres à caractériser en lui l’ami sincère.
Que l’on considère que ces études de pathologie mentale sont écrites par un auteur qui s’entend merveilleusement à décomposer les mouvements d’âme, à manier les sentiments, à percevoir la forme particulière qu’ils revêtent dans l’individu qu’il analyse, à faire entrevoir par le clair-obscur d’un style réticent, par l’indécis des incidents contradictoires, tout le complexe de l’être qu’ils affectent, qui connaît les infinies sinuosités, les étranges mélanges de clarté et d’ombre que présente tout esprit humain, on mesurera ce que les romans de Tourguénef ont de concluant et de propre. […] Tout n’est que fumée et vapeur, pensait-il, tout paraît perpétuellement changer, une image remplace l’autre, les phénomènes, succèdent aux phénomènes mais en réalité tout reste la même chose ; tout se précipite tout se dépêche d’aller on ne sait où, et tout s’évanouit sans laisser de trace, sans avoir rien atteint ; le vent a soufflé d’ailleurs, tout se jette du côté opposé, et là recommence sans relâche le même jeu fiévreux et stérile. » Ailleurs ces passages attristés ne manquent pas, et même dans les pages les plus souriantes, on voit que la plume est tenue par un homme qui connaît la vanité d’énormément de choses, qui s’en afflige, qui s’en persuade et ne peut cependant se résigner à la vanité de son propre être. […] Il eut essentiellement une âme minutieuse particulariste, si l’on peut dire, qui percevait merveilleusement ce que chaque objet a d’individuel, de propre, d’unique, et qui pourtant, par une sorte de paresse native, n’allait pas à s’en former une image précise, mais la concevait diffuse, vague, toute brouillée d’ombre. […] Si ses dons de styliste gracieux ne pouvaient lui en suggérer de par le pouvoir des mots ; le trop de minutie diffuse de ses observations ne les rendait pas propres non plus à cette systématisation ; les pensées dernières lui répugnaient comme les visions lucides.
Nous avons vu que l’homme, à l’aide de cette méthode de sélection, peut certainement produire de grands résultats et peut adapter les êtres organisés à ses propres convenances en accumulant les variations légères, mais utiles, qui lui sont fournies par la main de la nature. […] La quantité des subsistances propres à chaque espèce marque donc naturellement la limite extrême de son accroissement ; mais très fréquemment ce n’est pas autant le manque de nourriture que l’appétit d’autres animaux qui détermine le nombre moyen des individus d’une espèce. […] J’ai calculé, principalement d’après le nombre très réduit des nids du printemps, que l’hiver de 1854-55 détruisit les cinq sixièmes des oiseaux sur mes propres terres ; et l’on voit que c’est une somme de destruction effrayante, lorsqu’on songe qu’une mortalité de dix pour cent est extraordinaire dans les épidémies humaines. […] Chez les Coléoptères aquatiques, la structure des pieds, si bien disposés pour plonger, leur permet de soutenir la concurrence contre d’autres insectes, de chasser aisément leur propre proie et d’échapper au danger de devenir la proie d’autres animaux.
Il s’agit dans notre conception, d’une solidarité qui intéresse non seulement tel intérêt particulier, ou telle fonction de l’organisme national, mais cet organisme lui-même dans sa totalité et dans son individualité propre. […] Ce qui est individuelle qui st profondément et inaliénablement soi, loin de sombrer dans ces incessantes modifications, se fortifie et s’élargit l’originel demeure, en s’imprégnant de la vitalité que lui déverse le monde, en transformant tout ce qui réagit sur lui, suivant le propre rythme de sa personnalité. […] Seul les caducs sont annihilés ; les forts au contraire tirent de tout ce qui les entoure des germes de force nouvelle et font servir le monde extérieur au renouvellement de leur propre personnalité. […] On peut encore dire dans la même pensée, que le nationalisme qui a pour âme la patrie, et l’inter-nationalisme, qui a pour âme l’humanité, doivent s’identifier, non seulement dans l’esprit de l’individu, mais encore dans la réalité de leur propre vie.
Et si les chefs révérés, si les guides dont la voix nous est connue se mettaient à nous délaisser avant le terme, s’ils se couchaient en travers du chemin en nous criant de faire halte et qu’au-delà tout est confusion et ténèbres, un tel spectacle serait assurément bien propre à jeter du trouble dans l’esprit même des plus ardents et à déconcerter les espérances. […] Mais c’est quand M. de Lamartine, au terme de son discours, est venu à jeter un regard en arrière et autour de lui, quand il a porté sur le xviiie siècle un jugement impartial et sévère, quand il s’est félicité de la régénération religieuse, politique et poétique de nos jours, qu’il appelle encore une époque de transition, et qu’il s’est écrié prophétiquement : « Heureux ceux qui viennent après nous ; car le siècle sera beau » ; — c’est alors que l’émotion et l’enthousiasme ont redoublé : « Le fleuve a franchi sa cataracte, a-t-il dit ; plus profond et plus large, il poursuit désormais son cours dans un lit tracé ; et, s’il est troublé encore, ce ne peut être que de son propre limon. » Puis il a insinué à l’Académie de ne pas se roidir contre ce mouvement du dehors, d’ouvrir la porte à toutes les illustrations véritables, sans acception de système, et de ne laisser aucun génie sur le seuil.
Nous ne voulions plus embellir la vie par le rêve et l’espoir, tant nous étions fiers de la trouver ignoble, et tant ce pessimisme commode nous absolvait de tout à nos propres yeux. […] Au lieu que les autres, le plus souvent, voient la nature de haut, et l’arrangent, ou lui prêtent leurs propres sentiments, elle se livre, elle, aux charmes des choses et s’en laisse intimement pénétrer.
Cette élite n’aura pas de femmes ; la femme restera la récompense des humbles, pour qu’ils aient un motif de vivre… Mais ce délicieux rêve oligarchique réalisé, les sages ne pourront bientôt plus supporter leur propre sagesse, leur propre toute-puissance, ni leur solitude.
Car vous avez aujourd’hui, en tant que groupe dans la nation, votre existence propre, et c’est une des bonnes actions de la République de vous y avoir aidés. […] Ce qui prépare le mieux la solution des questions sociales, c’est en somme, pour chacun, son propre perfectionnement moral, c’est l’amour des autres : et la tolérance en est déjà un joli commencement.
Est-ce dans leur propre cœur qu’ils l’auroient étudiée ? […] Les breuvages qu’ils ont présentés n’ont paru propres, comme ceux de Circé, qu’à changer en brutes les imprudens qui ne craindroient pas d’en approcher les levres.
Rien ne le troublerait dans sa profonde et austère contemplation ; ni le passage bruyant des événements publics, car il se les assimilerait et en ferait entrer la signification dans son œuvre ; ni le voisinage accidentel de quelque grande douleur privée, car l’habitude de penser donne la facilité de consoler ; ni même la commotion intérieure de ses propres souffrances personnelles, car à travers ce qui se déchire en nous on entrevoit Dieu, et, quand il aurait pleuré, il méditerait. […] L’auteur pense que tout poëte véritable, indépendamment des pensées qui lui viennent de son organisation propre et des pensées qui lui viennent de la vérité éternelle, doit contenir la somme des idées de son temps.
On nous rendra cette justice que nous discutons nos adversaires sans haine et sans colère : nous serions plutôt disposé à leur savoir gré de nous fournir l’occasion d’étudier les choses de plus près, et de nous rendre mieux compte de nos propres opinions. […] Ainsi pensent ceux, pour qui l’âme n’est que la résultante des actions cérébrales ; mais on oublie qu’une lyre ne tire pas d’elle-même et par sa propre vertu les accents qui nous enchantent, — et que tout instrument suppose un musicien.
Athènes n’a aperçu que le vol de l’aigle, sa fuite impétueuse, et ce mouvement qui convenait au propre mouvement du génie des Grecs. […] Les noms propres y sont hérissés d’épithètes ; un héros manque rarement d’être divin, semblable aux Immortels, ou honoré des peuples comme un dieu.
De là les différentes manières propres aux diverses écoles, et à quelques maîtres distingués de la même école : manière de dessiner, d’éclairer, de draper, d’ordonner, d’exprimer ; toutes sont bonnes, toutes sont plus ou moins voisines du modèle idéal. […] C’est de l’imitation de nature, soit exagérée, soit embellie, que sortiront le beau et le vrai, le maniéré et le faux ; parce qu’alors l’artiste est abandonné à sa propre imagination : il reste sans aucun modèle précis.
La poësie du stile de la satire doit être nourrie des images les plus propres à exciter notre bile. […] C’est pour inventer des images qui peignent bien ce que le poëte veut dire, c’est pour trouver les expressions propres à leur donner l’être, qu’il a besoin d’un feu divin, et non pas pour rimer.
C’est à l’intention du peintre ou du poëte : c’est à l’invention des idées et des images propres à nous émouvoir, et qu’il met en oeuvre pour executer son intention, qu’on distingue le grand artisan du simple manoeuvre, qui souvent est plus habile ouvrier que lui dans l’execution. […] Les uns ont un génie sublime et étendu en une certaine sphere, d’autres ont dans la même sphere, le talent de l’application et le don de l’attention, si propre à conduire les détails.
Les premiers ne sçauroient être formez sans des connoissances et sans des lumieres qu’on n’acquiert que par l’expérience, et même par sa propre expérience. […] Dès que les jeunes gens sont arrivez au temps où il faut penser de soi-même, et tirer de son propre fonds, la difference qui est entre l’homme de génie et celui qui n’en a pas, se manifeste et devient sensible à tout le monde.
Quant aux autres auteurs qui n’offrent pas, selon nous, un « profit immédiat », loin d’en avoir dédaigné la lecture, nous avons dit en propres termes : « On trouvera chez eux (les auteurs sans procédés) tout ce qui se transmet par instinct, tout ce que fournît l’inspiration tranquille, l’ensemble des qualités de bon sens, de clarté, de finesse, d’équilibre qui font un ton général. » (Art d’écrire, p. 298.) […] En propres termes à ceci : que la lecture ne forme ni ne modifie le style.