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1803. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

. — Certaines personnes n’ont pas la sensation du rouge81 ; d’autres n’ont pas celle du vert82 ; en prenant de la santonine, on perd pour plusieurs heures la sensation du violet. […] Ce picotement pourrait subsister quand même la sensation d’odeur proprement dite serait abolie ; certaines personnes, après avoir beaucoup prisé, deviennent insensibles aux parfums et à la fétidité, et cependant prisent toujours, parce qu’elles sentent encore le picotement du tabac. — On doit encore diviser en deux les odeurs appétissantes ou nauséabondes. […] Voilà tout ce qu’ils disent quand on les interroge sur le caractère de leur perception. » — On arrive à la même conclusion en considérant les sensations des personnes dont le corps, à la suite d’une arrestation ou de quelque autre plaie, présente une large cicatrice. […] « Les personnes affectées d’achromatopsie ne distinguent que les degrés du clair et du sombre, ne voient les objets que tels qu’ils sont rendus par la photographie. » (Wecker, Maladies des yeux, II, 432.) […] Landry, une surface polie d’une légère couche de talc, et qu’on engage une personne non prévenue à y promener la pulpe du doigt, elle croit toucher un corps gras ou huileux… » — Soit une table de marbre où l’on a semé des gouttes d’eau.

1804. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Puisqu’il avait de quoi donner à son fils unique l’éducation des fils des meilleures familles de Rome, il avait assez ; d’ailleurs il s’était fait lui-même le premier instituteur de son enfant ; il l’accompagnait aux écoles, il étudiait avec lui, il ne s’en rapportait à personne du soin de veiller sur les pas et sur l’innocence des mœurs de son fils ; une mère chrétienne n’aurait pas de plus scrupuleuses sollicitudes sur la pureté d’un enfant. […] Épicrate, l’homme le plus considéré dans Athènes, Léonidas et plusieurs personnes du même rang passent une partie de leur temps avec moi. […] Virgile, dans la vie privée, n’était qu’un homme simple, presque naïf, sans grâce dans sa personne, sans piquant dans la conversation, sans à-propos dans ses vers. […] « Jusqu’ici, écrit Auguste à Mécène dans une lettre citée par Suétone, je n’ai eu besoin de personne pour les lettres que j’écrivais à mes amis ; mais actuellement que je fléchis sous la multiplicité des affaires et sous le poids de l’âge, je désire vous enlever Horace ; qu’il vienne donc échanger votre table hospitalière et ouverte à tous, contre une table frugalement royale ; il nous aidera à écrire nos lettres. » Mécène était magnifique, Auguste économe et sobre. […] Auguste, après l’avoir appelé par badinage un petit homme, un délicat, un débauché de paresse, lui dit : « Dionysius m’a remis de votre part votre petit volume, et j’excuse son exiguïté en me rappelant celle de votre personne : vous ne voulez pas que vos livres soient plus grands que vous !

1805. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Quant au public, personne ne l’avait encore averti qu’il n’y a pour lui d’amusement solide au théâtre que s’il en est la matière, et qu’il doit y apporter la comédie pour l’y trouver. […] Toute personne suspecte sera écartée. […] Tout y est troublé : les amusements innocents, l’honnête liberté des discours, les plaisirs et les projets de la famille, un mariage sortable et déjà fort avancé ; personne n’y est incommodé médiocrement. […] C’est une personne d’esprit qui s’est formée et fortifiée dans son naturel par les travers mêmes de ses parents. […] S’il fut moqué, il fit tourner à l’avantage de l’art les disgrâces de la personne.

1806. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Parfois les deux éléments opposés se heurtent dans la même personne. […] C’est Rousseau, schismatique de la secte encyclopédique, qui triomphe en la personne de ses disciples. […] En tout pays et de tout temps, les hommes aiment à parler d’eux et à occuper les autres de leur personne ; mais, en ces moments-là, ce désir devient une passion et pour beaucoup un besoin véritable. […] Un simple coup d’œil révèle l’immense développement pris par le roman, cette réduction de l’épopée, qui est le régal des femmes, de, la jeunesse et des gens du peuple, parce que ces trois catégories de personnes, ayant une imagination plus neuve ou une sensibilité plus vive, éprouvent un insatiable besoin d’aventures et d’émotions factices. […] Il faudrait mettre tout cela en regard des services éminents que Paris a rendus et rend encore en affinant les esprits, en émancipant la pensée, en grossissant par la liberté de mœurs qu’il permet à ses hôtes et à ses habitants les types offerts à l’observation, en y rassemblant sur un même point tant de personnes originales et intelligentes que les idées se respirent, pour ainsi dire, dans l’air ambiant.

1807. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Au fond, personne ne fait attention que ç’a été un pouvoir, un gouvernement constitué, ce qui est quelque chose par ce temps-ci, et un gouvernement fort, le plus humainement tempéré par les mœurs, la philosophie, la littérature. […] Nous nous asseyons sur un canapé du salon, et il me raconte ses troubles de la vue. « Oui, dit-il, avec la voix gémissante des personnes très faibles, oui, dans ce que je lisais, c’était comme s’il y avait des manques… tenez… ainsi que les trous que fait dans une feuille de papier, un coup de fusil chargé à plomb… J’ai averti le médecin… ça pouvait être, n’est-ce pas, l’effet de la digitale… il a changé le régime… ça a été mieux… mais un jour que j’avais été peindre une étude ici, tout près… il faisait un temps comme aujourd’hui… tout à coup il m’a semblé voir des nuages de mouches… mais vous avez été en Angleterre, vous avez vu un certain brouillard noir, qu’il fait là… Eh bien, c’était ça dans mes yeux… Ah ! […] Elle continue aussi, en allant et venant, à parler, mais d’une voix éteinte, et avec des intermittences, et ressemblant de plus en plus à une voix d’une personne qui rêve tout haut : « Il ne faut pas que je pleure… » Et presque aussitôt : « Non, voyez-vous… quand je m’assieds… je pense à des choses auxquelles il ne faut pas penser… et quand je marche, quand je parle… je ne pense pas. » Elle se tait longtemps, puis regardant alors du côté de la bière, qui doit partir demain matin, elle répète avec un accent impossible : « Mais quand il ne sera plus là… quand il ne sera plus là !  […] À cette perspective, l’homme des colonies se retrouve en Belot, et il y a vraiment en sa personne, un peu de la jouissance sensuelle d’un homme de l’équateur, soudainement jeté dans une contrée de bananiers. […] — Dans la vie moderne actuelle, avec l’exiguïté des demeures, c’est bien difficile, de faire durer éternellement les chapelles des morts, les chambres d’agonie, qu’on veut toujours conserver, telles qu’elles étaient, lorsque a sonné la dernière heure d’une personne aimée ; — et ces jours-ci, ç’a été pour moi une véritable tristesse, quand j’ai entendu les coups de pioche, jetant à bas les cloisons de la chambre de mon frère, et détruisant cette espèce de survie d’un être cher, parmi les objets et les choses de son entour, brutalement démolis.

1808. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Présenté au public français par un traducteur de première force, Charles Baudelaire, Edgar Poe cessa tout à coup d’être, en France, le grand inconnu dont quelques personnes parlaient comme d’un génie mystérieux et inaccessible à force d’originalité. […] Ce procédé d’Edgar Poe est l’analyse, que jamais personne peut-être ne mania comme lui. […] Eh bien, cette dernière affection d’une mère qui ne lui manqua jamais et qui lui survécut, ne l’arrêta point dans la consommation de ce long suicide par l’alcool qu’il accomplit sur sa personne. […] Tout ce qui est jeune littérairement parlant à l’influence de Poe sur la personne de son talent. […] La phtisie qui avait tué son père et sa mère tua sa femme, et dut lui causer une douleur plus cruelle qu’à personne… Edgar Poe, ce spiritualiste, de cœur autant que d’esprit, ce passionné, mais d’amour chaste, avait réellement le génie de l’amour conjugal.

1809. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

On n’est pas en droit de se plaindre de la vie ; elle ne retient personne. […] « Je vous avouerai, dit-il avec la dernière impudence, que j’estime beaucoup plus la personne que les ouvrages de ce philosophe.  » Saint-Evremond, ainsi que la plupart de ceux qui ont parlé de Sénèque, soit en bien soit en mal, ne connaissait ni ses ouvrages ni sa personne. […] Quand cet ami les aurait convaincus de l’importance d’être entourés de gens de bien, les appelleraientils auprès de leur personne ? […] N’avez-vous personne à conserver, et ne vous reste-il pas une mère, une épouse, des frères et des amis ? […] Si celui qui aurait fait un contre-sens ignorait le latin, personne ne le saurait.

1810. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

L’aimable lettre que celle de Mme ***… et l’ineffable tendresse qu’elle m’apporte à travers la personne de Jésus-Christ. […] Quand je n’y serai plus, personne n’y viendra, personne n’y apportera un brin d’immortelle. […] Elle est tout yeux pour lui, elle remonte à chaque instant la fourrure sur ses jambes ; des mains de mère et d’épouse se promènent, le temps entier de la promenade, sur sa personne. […] Dans les voitures publiques, personne ne parle, tout le monde s’enferme en lui-même, et les femmes du peuple ont comme un regard d’aveugle, pour ce qui se passe autour d’elle. […] Dans la petite émigration de Croissy-Beaubourg (vingt-cinq personnes au plus), il y a déjà cinq morts.

1811. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Il y avait là un échange de félonie dont personne n’était dupe, et dont cependant tout le monde paraissait satisfait. […] Il la parcourait avec une tendre inquiétude, cherchant en vain à ressaisir les traits des gens du voisinage: il ne reconnaissait personne, personne ne le reconnaissait. […] Les uns avaient quitté le pays, les autres étaient morts, un petit nombre avaient fait fortune ; mais la bonne Marie prétendait que ceux-là étaient devenus si fiers, qu’ils ne parlaient volontiers à personne. […] Je trouvai dans madame de La Tour une personne d’une figure intéressante, pleine de noblesse et de mélancolie. […] La vue de cette aimable personne, exposée à un si terrible danger, nous remplit de douleur et de désespoir.

1812. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Je pourrais le dire, puisque l’allégorie de Physis et d’Antiphysie ne lui appartient pas, et qu’assurément, aussi bien que personne en son temps, il a connu ses anciens. […] Dans un monde encore chrétien, une culture païenne a fait de lui, comme des Italiens de la Renaissance, un pur païen ; et d’autres l’ont donc été avant lui, ou en même temps que lui, mais personne avec plus d’ampleur, de verve, — et de lyrisme même. […] Personne, moins que Calvin, n’a cru qu’il fût possible à l’homme de se tirer, sans l’aide et le secours d’en haut, de son « ordure » native, ou de s’empêcher d’y retomber perpétuellement. Personne, moins que lui, n’a cru qu’il nous fût permis de nous abandonner à la liberté de nos instincts, et de borner à la joie de les rassasier l’unique ambition de notre destinée. Personne, moins que lui, n’a cru que la liberté même nous eût été donnée pour en user, et, au contraire, il en a vu le véritable emploi dans son abdication.

1813. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Augier avait commencé par chercher sa voie, comme il arrive à beaucoup de personnes. […] Nulle autre n’a tes yeux et personne ta voix… C’est précisément à cela qu’il devrait reconnaître que la personne qui est devant lui n’est pas Daméta, mais quelque autre. […] … Moins que votre personne. […] Jusque-là il n’avait trouvé personne de suffisamment autorisé ou d’assez persuasif pour lui faire entendre qu’il écrivait mal. […] Vous ne pouvez rien expliquer, si ce n’est à la volée par mots courts et auxquels personne ne fait attention.

1814. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVI » pp. 215-217

Depuis le commencement de toute cette discussion, les protestants sont dans une anxiété extrême, ils sont comme sur les épines, écoutant toujours s’il n’est pas question d’eux, si rien ne les blesse : le fait est que dans cette grande discussion entre les catholiques et l’Université, entre la religion dominante et la philosophie dominante, personne parmi les contendants ne pense au protestantisme ni aux dissidents des diverses communions.

1815. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Avant-propos »

Ils sont nos maîtres, aussi, ces précieux artistes qui, nous permettant une communion directe avec leurs personnes, nous furent hospitaliers et bons : M. 

1816. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gilkin, Iwan (1858-1924) »

Le livre contient vraiment des pièces de premier ordre, des sonnets d’une forme impérieuse, impeccable, comme personne maintenant n’est de taille à en faire.

1817. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 445-448

D’ailleurs personne ne devroit être plus réservé sur la plaisanterie, lorsqu’il s’agit de Comédie, que l’Auteur de la Prude, de l’Indiscret, de la Femme qui a raison, du Droit du Seigneur, de Charlot ou la Comtesse de Givry, du Dépositaire, en un mot, de toutes les Comédies réprouvées qui ont paru sous son nom.

1818. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 480-482

En attendant, on lui donna le droit d’assister aux séances, avec cette distinction glorieuse, que la même grace ne pourroit être accordée à personne pour quelque considération que ce fût.

1819. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Chardin » pp. 128-129

Je ne sais ce qui en est ; ce qu’il y a de sûr, c’est que je n’ai jamais connu personne qui l’ait vu travailler.

1820. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Bellengé » p. 204

Deshays, Van Loo, Boucher, Chardin, La Tour, Bachelier, Greuze, n’y sont plus ; je ne nomme pas Pierre, car il y a déjà si longtemps que cet artiste ne nuisait plus à personne.

1821. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Préface »

Grâce au concours bienveillant de M. le Gouverneur Clozel, que l’on trouve toujours disposé à favoriser toutes les publications d’ethnographie et de linguistique soudanaises, cette bibliothèque s’enrichit aujourd’hui d’une nouvelle série, due à M. l’administrateur Equilbecq, série dont le présent volume ne forme que le début et dont l’importance ni l’intérêt n’échapperont à personne.

1822. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XI. Le plus brave des trois. »

Dites-moi : quelle est, de ces trois personnes, la plus brave ?

1823. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Ce directeur imprévu de l’enseignement, qui s’était formé lui-même, qui n’avait point hérité des anciennes traditions classiques, et qui n’était pas non plus du groupe polytechnicien proprement dit, mais homme d’esprit, rempli d’observations et d’idées fines, un peu particulières, se mit aussitôt en devoir de les appliquer : J’avais depuis longtemps remarqué, dit-il, les caractères qui distinguent l’esprit des géomètres et des physiciens, de celui des hommes appliqués aux affaires, et de celui des personnes vouées aux arts d’imagination ; dans les premiers (je ne parle que généralement), exactitude et sécheresse ; dans les seconds, souplesse allant quelquefois jusqu’à la subtilité, finesse allant quelquefois jusqu’à l’artifice ; dans les troisièmes, élégance, verve, exaltation portée jusqu’à un certain dérèglement… Ce que je projetais d’après ces observations, ajoute-t-il, était : 1º de faire marcher de front, dès les plus basses classes des collèges, les trois genres de connaissances, littéraires, physiques et mathématiques, morales et politiques, en mesurant à l’intelligence des enfants dans chaque classe les notions de chaque science ; 2º de faire enseigner dans chaque classe, même les plus basses, les trois sciences par trois professeurs différents, dont chacun serait spécialement consacré à l’une des trois… Le but était défaire cesser le divorce entre les diverses facultés de l’esprit, de les rétablir dans leur alliance et leur équilibre, et d’arriver à une moyenne habituelle plutôt que de favoriser telle ou telle vocation dominante. […] ) C’est peut-être un mal que je commande en personne ; mais c’est mon essence, mon privilège… … J’ai plus d’esprit… Et que me fait votre esprit ? […] S’il n’y a personne pour faire de la poudre à canon, je sais la fabriquer ; des affûts, je sais les construire ; s’il faut fondre des canons, je les ferai fondre ; les détails de la manœuvre, s’il faut les enseigner, je les enseignerai.

1824. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Cette position de ministre en expectative se prolongea assez longtemps pour M. d’Argenson, qui s’en accommodait fort bien ; on sentait autour de lui qu’il le deviendrait tôt ou tard : « Mes bonnes intentions, dit-il, et des méditations fort sérieuses que j’ai faites sur les affaires d’État, commencent à percer beaucoup dans le monde ; à quoi joignant de la retraite qui me donne de la rareté, cela me fait passer pour un homme singulier dans le bien, et bien des gens qui ne me connaissent que d’imagination me prônent et m’élèvent. » Il lui venait des offres de services ; on lui proposait de le pousser auprès du roi par les domesticités ; des financiers habiles et administrateurs émérites (un M. de Bercy, gendre de l’ancien contrôleur général Desmarets), lui proposaient de servir sous lui en second, de travailler sous ses ordres, ce qu’ils ne feraient avec personne autre, et qu’il se laissât porter au ministère des finances : « Voilà de l’intrigue, car il en faut, ajoute en toute bonhomie M. d’Argenson, et heureusement j’y suis passivement. On vient à moi, je laisse faire, et pendant ce temps-là je travaille d’autant. » On ne saurait mieux définir l’intrigue comme les vertueux se la permettent, l’intrigue à la Caton. — Ce qui ne l’empêchait pas de se dire avec satisfaction : Août 1738. — Le fondement de ma fortune a pour texte ces deux mots, que j’ai déjà déclarés à plusieurs personnes : Il y a un métier à faire où il y a prodigieusement à gagner, c’est d’être parfaitement honnête homme. […] Un de mes amis16 me faisait remarquer l’autre jour que si M. le chancelier (d'Aguesseau), qui a soixante-neuf ans, venait à manquer, on devait naturellement me choisir, car personne du ministère n’est à portée de cela : M. 

1825. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Comme il avait observé que l’esprit quelquefois se dissipe, et pour ainsi dire s’extravase dans un lieu trop vaste, et que « pour étudier, pour lire, méditer, écrire, les petits endroits ont beaucoup d’avantages sur les plus grands », il avait imaginé et s’était fait faire une sorte de cabinet-sopha ou de cage allant sur roulettes, assez pareille à une maison de berger, où il n’y avait place que pour une personne, où l’on ne pouvait se tenir debout, où l’on était assis très à l’aise, à l’abri de tous vents coulis, et où il suffisait d’une bougie pour échauffer le dedans. […] Vous ne le croiriez pas, les Anglais, ces grands approfondisseurs, manquent totalement de jugement… Ici il est près de passer d’un extrême à l’autre dans l’expression, comme il arrive lorsqu’on écrit tout entier sous l’impression du moment ; mais, en continuant, il va toucher de main de maître un défaut que nous savons très bien combiner avec l’inconstance, celui d’être routiniers et dociles à l’excès pour les autorités que nous avons adoptées une fois et les admirations que nous nous sommes imposées : Pour nous frivoles, jolis, légers, nous avons tout, mais nous nous tenons à trop peu de chose ; notre inconstance est notre seul tort, elle nous emporte si bien qu’elle nous dégoûte de nous-mêmes plus que de personne, et nous lasse de nos propres idées au lieu de nous plonger dans l’admiration de nous-mêmes comme ces vaniteux Espagnols et Portugais ; nous avons une docilité d’enfants qui nous rend disciples et admirateurs des autres nations du monde. […] Sur Voltaire, par exemple, il est à écouter plus que personne : il était son camarade de collège ; il le goûtait vivement et l’admirait ; ministre, il avait tout fait pour l’employer, pour le mettre en lumière et en valeur.

1826. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

L’abbé de Pons exhorte l’ami anonyme auquel il écrit à ne pas imiter ceux qui, charmés pour leur compte de la lecture d’un livre nouveau, changent d’avis le lendemain et se retournent en apprenant que des personnes célèbres et d’autorité sont d’un avis contraire : Non, monsieur, non, ne soyez pas infidèle à vos lumières ; osez penser par vous-même, et ne prenez point l’ordre de ces stupides érudits qui ont prêté serment de fidélité à Homère ; de ces gens sans talents et sans goût, qui ne savent pas suivre le progrès des arts et des talents dans la succession des siècles ; de ces scholiastes fanatiques qui entrent dans une espèce d’extase à la lecture de L’Iliade originale, où l’art naissant n’a pu donner qu’un essai informe, et qui n’aperçoivent pas dans les travaux de notre âge le merveilleux accroissement de ce même art. […] Il n’avait pensé à personne en particulier, disait-il, à Mme Dacier moins qu’à aucun autre, et pas même à M.  […] On cite de lui ce joli mot à quelqu’un qui l’abordait en croyant le reconnaître, et qui le prenait pour un autre : « Monsieur, je ne suis pas le bossu que vous croyez. » Et toutefois, dans la querelle présente, il ne devait pas tout à fait oublier qu’il lui était échappé, à lui tout le premier, d’appeler les érudits stupides ; et il avait beau dire qu’il ne l’avait fait qu’en général et sans application à personne, le pavé était gros, le compliment peu mince. — Convenons aussi que, sans être Gacon, il fallait se tenir à quatre dans ce débat pour ne pas dire de La Motte (ce qui était vrai au pied de la lettre) qu’il jugeait d’Homère comme un aveugle des couleurs.

1827. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Je dis décembre 1636, comme la date la plus probable ; d’autres ont dit novembre : personne, dans le temps même, n’a songé à noter le jour exact de cette victoire. […] Ceux qui, comme Mme de Sévigné et Saint-Évremond, avaient admiré le Cid encore nouveau, et étant eux-mêmes dans leur première jeunesse, ne lui comparaient rien et souffraient difficilement que l’on comparât personne à Corneille. […] Sa provocation au comte se fait sous les yeux de tout ce monde, Diègue en personne excitant son fils de sa parole et de son regard ; le combat brusqué commence sur la place même, au seuil du palais, et s’achève à deux pas de là.

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