Doué d’une grande facilité à produire et d’une grande aptitude à juger, d’une ardeur d’amour-propre qui paraît inhérente au tempérament littéraire, et d’une excessive irritabilité dans les matières de goût, La Harpe, en entrant dans le monde, se fit des ennemis dont il accrut le nombre durant le cours de ses variations si peu ménagées, et leur animosité a tout fait pour empoisonner sa vie et pour en noircir ou en travestir bien des circonstances. […] et en cela il me paraît encore se hasarder beaucoup trop. […] Condorcet (car il paraît que c’est bien lui), avec cette acrimonie réfléchie qui était un de ses talents, fit insérer dans le Journal de Paris une lettre, dans laquelle l’article était dénoncé à la vindicte des frères et amis et que signa le marquis de Villevieille. […] Il oubliait que dans cette même chaire, environ deux ans auparavant, il avait paru, lui, La Harpe, en bonnet rouge. […] Il semblait que l’expérience ne lui eût pas appris « que ce qui nous a paru vrai dans un temps, peut ensuite nous sembler faux dans un autre15 ».
Qu’aurait-il fait s’il avait vécu, s’il avait assisté au triomphe de sa cause, de ce qui paraissait sa cause ? […] Son instinct de guerre le poussait à entrer dans leurs rangs : la peur de paraître avoir peur l’y obligeait. […] Disons vite que l’intention du gouvernement d’alors ne paraît jamais avoir été que l’arrêt de mort fût exécuté : le baron de Damas, devenu à ce moment ministre de la Guerre, croyait pouvoir répondre de la grâce et de la clémence du roi ; mais c’était une grâce, et Carrel, fort de la capitulation et des paroles données, croyait pouvoir réclamer pour lui et pour ses compagnons de fortune un droit. […] Il est de ces hommes qui se sentent et même qui paraissent toujours à la gêne par quelque côté, tant qu’ils ne sont pas en plein dans le champ de l’action. […] Les progrès des lumières et du bien-être feront germer des vertus publiques là où il n’y a trop longtemps eu que des vertus privées. » Il ne craint pas d’avancer que Saint-Simon dans cette voie est un précurseur, bien qu’on n’ait point à répondre de toutes ses pensées : Nous avons été précédés dans cette carrière, dit-il, par un publiciste dont nous ne craignons pas de paraître les disciples.
Tâchons du moins que la critique littéraire, sous le jeune et nouvel Empire, ne paraisse pas trop au-dessous de ce qu’elle était sous l’ancien. […] L’ouvrage qui a fait sa réputation et qui a paru en 1788 semble depuis quelque temps mis de côté et jugé avec une sévérité qu’il ne faudrait pas pousser à l’injustice. […] Les détails où il faut entrer sans cesse, et qui recommencent chaque jour, ne le lassent point ; loin d’être jamais un ennui, ils lui paraissent une source de plaisirs : Consacrons à l’amitié, dit-il, les moments dont les autres devoirs nous permettent de disposer ; moments délicieux qui arrivent si lentement et qui s’écoulent si vite, où tout ce qu’on dit est sincère, et tout ce qu’on promet est durable ; moments où les cœurs à découvert et libres de contrainte savent donner tant d’importance aux plus petites choses, et se confient sans peine des secrets qui resserrent leurs liens ; moments enfin où le silence même prouve que les âmes peuvent être heureuses par la seule présence l’une de l’autre ; car ce silence n’opère ni le dégoût ni l’ennui. […] En avril 1763, pour la séance publique d’après Pâques, il eut à lire une dissertation sur la langue copte : Nous le savions d’avance, dit Gibbon, et chacun blâmait ce choix d’un sujet épineux qui ne paraissait fait que pour les assemblées particulières. […] Lorsque, arrivé à l’âge de soixante-dix ans, on lui conseilla de ne plus différer de publier son Jeune Anacharsis, l’ouvrage de toute sa vie, il hésita longtemps, et, lorsqu’il se décida enfin à le laisser paraître, en décembre 1788, c’est-à-dire à la veille des États généraux, son espoir était que l’attention publique, occupée ailleurs, ne se porterait que peu à peu et insensiblement sur le livre, et qu’il n’y aurait lieu ainsi ni à un succès ni à une chute : « Je voulais, dit-il, qu’il se glissât en silence dans le monde. » En tout ce qui précède, je n’ai voulu présenter l’abbé Barthélemy que dans l’ensemble de son existence et dans la distinction tempérée de son caractère : il nous en sera plus facile de parler de l’ouvrage même.
Une solennité où l’Académie française a l’honneur de présider l’Institut royal de France, a paru l’occasion la plus favorable pour déclarer les principes dont elle est unanimement pénétrée, pour essayer, en son nom, de lever les doutes, de fixer les incertitudes, de dissiper les craintes, et, s’il se peut, de prévenir les dissensions dont la littérature est menacée. […] En attendant, on voit paraître des déclarations de principes qui ressemblent à des apologies, et des manifestes qu’on prendrait pour des propositions de paix. […] Des partisans du romantisme ont essayé de le définir, et l’on a paru douter qu’ils se comprissent eux-mêmes : des adversaires du romantisme ont entrepris la même tâche, et ils n’ont satisfait personne, à commencer par eux. […] Croyant créer peut-être, ils ont encore imité ; mais, cette fois, leurs modèles étant moins faits pour en servir, si l’imitation n’a pas été beaucoup plus heureuse, elle a du moins été beaucoup plus facile, et ils paraissent enfin satisfaits d’eux-mêmes. […] Que voyons-nous aujourd’hui, que l’on n’ait pas déjà vu dix fois paraître et disparaître ?
Seulement, plus cette prééminence du génie français avait été grande et variée, plus le déclin parut d’abord irrésistible. […] Assez haï d’abord pour paraître calomnié, trop vanté plus tard en détraction de Voltaire, il est descendu à ce milieu de renommée qui n’excite plus ni enthousiasme ni démenti. […] Ce qu’il y avait, par moment, d’énergique grandeur était trop mêlé de mal et de crime pour laisser à la pensée son pur éclat poétique : une fureur turbulente et souvent factice en prit la place, et parut en avoir la puissance. […] Et ce n’est pas là toutefois, malgré la passion du poëte, que parut sa vraie grandeur. […] Bientôt, disais-je, la sagesse fera pénétrer ses leçons dans les humbles cabanes de ceux qui travaillent et gémissent ; et, conquérante par l’exemple de son bonheur, la France forcera les nations d’être libres, jusqu’à ce que l’amour et la joie paraissent à l’entour et nomment la terre leur domaine.
Les Poésies érotiques (vilain titre, à cause du sens trop marqué qui s’attache au mot érotique ; je préférerais Élégies), les Élégies de Parny, donc, parurent pour la première fois en 1778, et devinrent à l’instant une fête de l’esprit et du cœur pour toute la jeunesse du règne de Louis XVI. […] Le critique, et même le lecteur français, ne s’inquiète plus de ce qui lui plaît, de ce qu’il aimerait naturellement, sincèrement ; il s’inquiète de paraître aimer ce qui lui fera le plus d’honneur aux yeux du prochain. […] Tout à l’amour et au sentiment, il ne prenait pas garde à sa flore des tropiques, et ne paraissait pas se douter qu’il y avait là pour le premier occupant une conquête et un trésor. […] Patin n’était pas du tout convaincu, mais il se contentait de protester à demi-voix ; je faisais de même, en m’irritant toutefois un peu plus vivement de cette faute de goût que l’Académie allait faire, et de cette injure à Parny, là où il est excellent et où il me paraissait le plus digne d’être cité.
Ne pouvant supporter ce spectacle qui me parut cruel, je me retirai, les larmes aux yeux, dans ma chambre. […] Quand, plus tard, elle eut à gouverner ce puissant Empire qu’elle agrandit dans tous les sens, et qui embrassait le nord jusqu’au pôle, et l’orient jusque par-delà l’aurore, elle ne paraissait pas y trouver plus de difficulté et y mettre plus de façon qu’à ce règlement du Holstein. […] Ce dernier parti me parut le plus sûr. […] Il est constant néanmoins, à lire ce que nous avons sous les yeux que, dans, sa fermeté de pensée, Catherine avait prévu le cas extrême où elle aurait été prise au mot pour sa demande de renvoi, et elle exprime en cette circonstance les dispositions de son âme en des pages admirables et qui font le plus grand honneur en elle au philosophe et au moraliste : c’est là un autre portrait d’elle et qui, pour être tout intérieur, ne paraîtra pas moins digne d’être mis à côté et en regard de tous ceux que l’on possède déjà, soit du portrait de la grande-duchesse que nous avons découpé précédemment, soit de ceux de l’Impératrice que l’on doit à la plume des Rulhière, des prince de Ligne et des Ségur.
Floquet, qui, depuis des années, travaillait et creusait en silence, se décide enfin à paraître (1853). […] Lachat nous paraît toutefois s’exagérer un peu trop des critiques secondaires. […] Et montrant de plus, au sujet de la controverse avec Leibnitz, que Bossuet n’était entré, à aucun moment, dans l’esprit même de cet essai de conciliation chrétienne supérieure et avait prolongé, sans paraître s’en douter, un malentendu perpétuel, il se risquait à dire que cela donnait quasi raison à certains critiques délicats « qui trouvent à Bossuet l’imagination d’Homère et point d’esprit ». […] Ce latinisme intime et si sensible de Bossuet dans sa parole française me paraît plus qu’un accident, qu’un trait curieux à noter ; c’est fondamental chez lui, c’est un caractère constant ; il nous en a avertis quand il a dit, dans ses Conseils pour former un orateur sacré : « On prend dans les écrits de toutes les langues le tour qui en est l’esprit, — surtout dans la latine dont le génie n’est pas éloigné de celui de la nôtre, ou plutôt qui est tout le même. » Il réintègre ainsi, par l’acception qu’il leur donne, quantité de mots dans leur pleine et première propriété et sincérité romaine ; il en renouvelle ainsi la saveur, la verdeur.
Le Play, elle constitue si nettement son originalité propre, qu’il me paraît curieux et utile pour tous de la faire comprendre et de l’exposer ici avec quelque étendue. […] Cet état de société plus élémentaire et dès longtemps aboli dans notre Occident, reparaissant aux yeux de l’observateur à l’état actuel et pratique, lui commentait d’une manière vivante, lui expliquait le passé, comme en géologie on s’explique mieux les couches, partout ailleurs ensevelies, en les retrouvant à la surface et non encore recouvertes, telles qu’elles parurent autrefois dans leur règne et à leur véritable époque, en pleine lumière et sous le soleil. […] Dans tout état de société, — qu’il s’agisse de la Russie méridionale et des paysans agriculteurs, chez qui la religion n’empêche sans doute ni l’intempérance, ni la ruse, ni la fraude, ni bien des vices, mais à qui elle inspire un pieux et absolu respect dans les rapports des fils aux parents, « une résignation stoïque dans les souffrances physiques et morales, et, en présence de la mort, une assurance, une sérénité qui a parfois un véritable caractère de grandeur » ; — qu’il s’agisse, tout au contraire, des peuples et des régimes les plus avancés, tels que l’Angleterre, chez qui les hautes classes et les lords peuvent être dissolus à leur aise, mais que gouverne réellement et que maintient avec fermeté, en présence des masses chartistes, l’immense classe bourgeoise ou rurale moyenne, tout imprégnée de la Bible et de la forte moralité qui en découle ; — partout l’élément religieux, sous une forme ou sous une autre, lui a paru essentiel à la durée et à la stabilité des sociétés. […] On vit dans un temps où les journaux sont tout et où seuls, presque seuls, ils rétribuent convenablement leur homme : on est journaliste ; on l’est, fut-on romancier, car c’est en feuilletons que paraissent vos livres même, et l’on s’en aperçoit ; ils se ressentent à tout moment des coupures, des attentes et des suspensions d’intérêt du feuilleton ; ils en portent la marque et le pli.
Le Globe salua cette pièce de ses éloges, et quand le premier recueil de Mme Tastu parut l’année suivante (1826), M. […] Elle semble y douter pour ses premiers-nés de l’accueil qui les a favorisés jusque-là ; cette révolution qui a renouvelé et surtout dispersé tant de choses, qui a dissous les groupes poétiques et littéraires, lui paraît avoir de beaucoup vieilli ses vers, si heureux à leur naissance : Hélas ! […] On se tait même auprès du souvenir qui charme ; On doit paraître ingrat, car on le fuit souvent. […] (Mon désir d’être exact me fait ajouter un seul mot : ce portrait, jugé par des personnes qui voient de près l’auteur, leur a paru présenter l’idée d’une personne plus agitée ou plus résignée que ne l’est, que n’a besoin de l’être une âme si calme, si réglée, si bien établie dans les affections douces et dans les études solides.
Cette observation me paraît s’appliquer encore à beaucoup d’autres objets qu’à ceux qui sont uniquement du ressort de la littérature. […] Hérodote, qui vivait presque à la même époque, raconte le juste et l’injuste, comme les présages et les oracles ; le crime lui paraît de mauvais augure, mais ce n’est jamais par sa conscience qu’il en décide. […] Pindare, Sophocle, la lyre à la main, paraissaient dans les jeux publics, couronnés de lauriers et désignés par les oracles. […] On croit que la poésie des Hébreux a précédé celle d’Homère ; mais il ne paraît pas que les Grecs en aient eu aucune connaissance.
Le livre de l’Intelligence parut en 1870 : il y avait vingt ans que Taine l’avait dans la pensée. […] Sainte-Beuve (1804-1869), né à Boulogne-sur-Mer, étudia la médecine, puis se lia avec les romantiques, et fit paraître, en 1828, son Tableau de la poésie au xvie s. […] En 1834 parut le roman de Volupté. […] Le premier volume des Origines de la France contemporaine parut en 1875.
Son bon sens peut quelquefois paraître hardi : le bon sens, quand on l’applique résolument à certaines questions, est le père des paradoxes ; mais, en réalité, il y a chez ce disciple d’Aristippe une rare fermeté de raison, même une défiance presque trop grande de ce qui n’est pas raisonnable. […] Il me paraît que don Juan… (mais oubliez ce que je disais tout à l’heure et croyez que je ne mets rien là de mon propre rêve), il me paraît que don Juan, à le considérer dans Tirso de Molina et dans Molière, sinon dans Byron et dans Mozart, est surtout un grand artiste et un grand orgueilleux. […] Croyez que don Juan le sait, et qu’il en jouit profondément, et que sa royauté lui paraît pour le moins égale à celle des poètes et des capitaines.
Il ne paraît pas, après quarante ans passés, que les choses aillent mieux, ni que le livre de Michelet ait rien perdu de son à-propos. […] Toutes les fois qu’elle paraît un peu moins bonne, c’est qu’elle souffre (toujours la blessure). […] Elle est vôtre, quoi qu’elle ait fait. » Je pressens que, si j’étais femme, tous ces chapitres : la Mouche, Tentation, Médication, me paraîtraient accablants de bonté, de pitié, de miséricorde, et, dans le fond, un peu injurieux. […] Ils étaient de forcer à ne se point marier, par respect de la jeune fille, parce que le geste final est le même avec celle-ci qu’avec la femme publique, et que ce geste leur paraissait odieux.
Castagnary Cet homme qui, par deux fois, en 1820 avec les Méditations, en 1847 avec l’Histoire des Girondins, a renouvelé les consciences et jeté les esprits dans une direction nouvelle, me paraît grand entre tous. […] Le Lac, quoique la langue en ait vieilli par endroits, me paraît un absolu chef-d’œuvre ; et, pour l’unité, la simplicité, l’émotion, l’emporte à mes yeux sur la Tristesse d’Olympio et le Souvenir. […] Il en écoutait l’harmonie qui, volontiers, lui paraissait divine ; il en notait les avis, sans efforts, tantôt comme « le roseau qui soupire », tantôt comme le chêne qui crie dans la tempête, allant du doute à la foi, de la mélancolie à la joie, ballotté entre tous les extrêmes, sans seulement s’en apercevoir. […] Doué de tous les dons souverains, — beauté, poésie, éloquence, courage, sens profond de l’avenir, et, au-dessus du génie, la bonté, ce génie du cœur, — Lamartine est un des plus nobles êtres qui aient paru sous le ciel de France.
Il en parut une édition avec une traduction française en regard du texte italien, à Paris, chez Matthieu Guillemot, en 1609. […] Emilia épouse un compagnon de Polipo, chez qui elle a été logée ; remarquez que cette héroïne ne paraît pas dans la pièce. […] Elle fit venir Costantini, qui parut « avec une barbe qu’il avait laissée croître depuis sa détention ». […] Brécourt, alors acteur à l’Hôtel de Bourgogne, avait, paraît-il, le privilège de la fourniture des pierreries à toutes les troupes jouant à la cour.
Les expressions dont il se servait contre ses adversaires paraissent avoir été des plus violentes 307. […] Les deux écoles paraissent avoir vécu longtemps en bonne intelligence 317, et après la mort de Jean, Jésus, comme confrère affidé, fut un des premiers averti de cet événement 318. […] En Judée, Jean ne paraît pas avoir été inquiété par Pilate ; mais dans la Pérée, au-delà du Jourdain, il tombait sur les terres d’Antipas. […] La parenthèse du verset 2 paraît être une glose ajoutée, ou peut-être un scrupule tardif de Jean se corrigeant lui-même.
Aussi est-ce parmi ces derniers que l’émotion paraît avoir été la plus vive. […] Une grande tristesse paraît, en ces dernières journées, avoir rempli l’âme, d’ordinaire si gaie et si sereine, de Jésus. […] Contre Apion, I, 22), paraît exagéré. […] Elle ne paraît pas avoir été familière à Jésus.
Vous paraissez née pour les plaisirs, lui disait Mme de La Fayette, et il semble qu’ils soient faits pour vous. […] Un homme de ses amis (l’abbé Arnauld), qui avait aussi peu d’imagination que possible, en a trouvé pour la peindre, lorsqu’il nous dit : Il me semble que je la vois encore telle qu’elle me parut la première fois que j’eus l’honneur de la voir, arrivant dans le fond de son carrosse tout ouvert, au milieu de monsieur son fils et de mademoiselle sa fille : tous trois tels que les poètes représentent Latone au milieu du jeune Apollon et de la jeune Diane, tant il éclatait d’agrément dans la mère et dans les enfants ! […] Elle prit sur elle de dissimuler pendant huit jours, eu égard à l’équipage qu’on lui faisait et aux cadeaux ; puis elle ne se contint plus : Je crus, dit-elle, qu’il y allait de ma gloire de ne point paraître entêtée d’un homme que personne n’estimait, et je donnai un si libre cours à mon aversion pour lui, qu’en un mois toute la France en fut informée. […] On comprendra qu’étant de cette humeur, elle ne devait pas manquer sur ses pas de téméraires et d’indiscrets ; on le comprendra mieux encore, quand on aura su d’elle-même quelle était sa beauté ; et il ne paraît pas qu’elle l’ait exagérée en aucun trait.
Lorsque viendra la seconde moitié du siècle, lorsque Jean-Jacques Rousseau aura paru, on s’enrichira de parties plus élevées, plus brillantes et toutes neuves ; on gagnera pour les nuances d’impressions et pour les peintures, mais la déclamation aussi s’introduira ; la fausse exaltation et la fausse sensibilité auront cours. […] « Notre prose, dit Lemontey, s’arrêta au point où, n’étant ni hachée ni périodique, elle devint l’instrument de la pensée le plus souple et le plus élégant. » On peut assurément préférer, comme amateur, d’autres époques de prose à celle-là ; il ne serait pas difficile d’indiquer des moments où cette prose a paru revêtir plus de grandeur ou d’ampleur, et réfléchir plus d’éclat ; mais, pour l’usage habituel et général, je ne sais rien de plus parfait, rien de plus commode ni d’un meilleur commerce que la langue de cette date. […] Il les a faits par gageure de société pour divertir sa sœur, la comtesse de Grammont, et par émulation des Mille et une nuits qui paraissaient alors (1704-1708) ; ils sont remplis d’allusions qui échappent6. […] À Turin, la galanterie commence ; les belles dames y sont nommées par leur nom, et c’est un autre trait de mœurs encore que ces Mémoires aient pu paraître en 1713, c’est-à-dire du vivant d’Hamilton, avec tous ces noms propres et ces révélations galantes, sans qu’il en soit résulté aucun éclat.
Il y a lieu de croire que, bien qu’un seul acteur parût et récitât, il supposait une action réelle, et qu’il venait, dans les intervalles du chœur, en rendre compte aux spectateurs, soit par voie de narration, soit en jouant le rôle d’un héros, puis d’un autre, et ensuite d’un troisième. […] L’on y voit paraître tous les jours (outre l’indigence, la douleur et la mort) les désirs fougueux et les espérances trompées, les craintes désespérantes et les soucis dévorants. […] L’on me dira peut-être qu’il n’est pas croyable que toutes ces réflexions aient passé par l’esprit d’Homère et d’Eschyle quand ils se sont mis à composer, l’un son Iliade et l’autre ses tragédies ; que ces idées paraissent postiches et venues après coup ; qu’Aristote, charmé d’avoir démêlé dans leurs ouvrages de quoi fonder le but et l’art de l’épopée et de la tragédie, a mis sur le compte de ces auteurs des choses auxquelles, selon les apparences, ils n’ont pas songé ; qu’enfin je m’efforce vainement moi-même de leur prêter des vues qu’ils n’avaient pas. […] La raison veut donc beaucoup plus encore qu’on n’en traite qu’une dans un spectacle de peu d’heures : l’ordre et la proportion des parties leur ont paru le point le plus essentiel de l’Iliade, et conséquemment de la tragédie.
Laromiguière I Quand paraît une philosophie nouvelle, son premier soin est d’enterrer la philosophie précédente. […] J’aurais quelque intérêt sans doute à vous entretenir dans une pareille opinion ; elle me servirait d’excuse, et pour le passé et pour l’avenir ; mais tous les prétextes que je pourrais alléguer ne seraient que de vains prétextes, et je dois faire l’aveu que, s’il m’arrive de laisser paraître de l’hésitation ou de l’embarras, ce sera toujours ma faute, et non celle des matières que je traiterai. […] Ces idées, qui paraissent claires, ont pourtant besoin d’être éclaircies ; son premier travail est de les éclaircir. […] Outre les sensations qui sont déterminées par les impressions des organes et qu’avait décrites Condillac, il nota les modifications ou sentiments que nous éprouvons à l’occasion de l’action de nos facultés2, à l’occasion de deux idées présentes à la fois et comparables3, à l’occasion d’une action qui nous paraît produite par un agent libre4.
Fils d’une famille noble de Mytilène, le poëte Alcée, dont le nom demeure un des symboles du génie lyrique, paraît avoir été tour à tour le champion d’une aristocratie qui se flattait d’illustrer le pays qu’elle gouvernail, et l’adversaire opiniâtre de l’homme puissant sorti des luttes publiques, pour commander également à tous, au nom du peuple. […] À des clous cachés sont suspendus des brodequins d’airain, forte défense contre les dards, des cuirasses tissues d’un lin nouveau, et les creux boucliers éprouvés par le tranchant des épées de Chalcis, et les baudriers nombreux, et les tuniques de guerre64. » Le poëte parlait ainsi, ayant déjà paru, dans l’action, moins ferme qu’il n’était épris de ce luxe des armes. […] Enfin il avait paru au milieu de l’été, entre les chants des rossignols et la plus grande splendeur de la nature épanouie. » La timidité même de notre goût moderne découvre quel trésor d’harmonie, quel éclat d’images, quel renouvellement de la liturgie poétique cette fiction devait amener, sous les mètres nombreux et souples de la muse éolienne. […] L’espérance de cette gloire, l’orgueil, non plus de la beauté, mais du génie, éclate dans quelques vers d’une pièce perdue71 : « Morte, tu seras gisante », dit la Muse lesbienne à quelque femme ennemie ou rivale ; « il ne restera de toi nulle mémoire dans l’avenir ; car tu ne touches pas aux roses de la montagne des Piérides ; mais tu iras, obscure, visiter les demeures d’Adès, t’envolant sur le sol des aveugles morts. » Une autre fois, devant des femmes qui, riches et belles, semblaient enivrées de leur destinée, elle parut plus fière encore, en disant « que les Muses lui donnaient, à elle, le vrai bonheur et le seul digne d’envie ; car, même dans la mort, elle ne serait jamais oubliée ».
Ce qui se passe dans son royaume paraît ne pas le regarder : il n’est affecté de rien ; dans le Conseil, il est d’une indifférence absolue ; il souscrit à tout ce qui lui est présenté. […] Varin, conservateur à la bibliothèque de l’Arsenal, et nous y reviendrons peut-être quelque jour ; mais aujourd’hui il nous a paru utile de présenter isolément, et sans correctif, le spectacle d’une mort beaucoup moins belle, et qui, dans ses détails les plus domestiques (c’est le lot des monarchies absolues), appartient de droit à l’histoire. […] Mon style me paraissait à moi-même trop ambitieux et trop fleuri.
dites que c’est là le trait distinctif de la littérature de ce temps, et plus d’un écrivain qu’on lit non sans plaisir et qui vous paraît facile, vous avouera, s’il l’ose, qu’il corrige, qu’il rature et qu’il recopie beaucoup. […] Mais cette dernière erreur, si erreur il y a, ne me paraît pas comparable en témérité et en déviation à l’idée de faire de Racine un Molière ou un Aristophane manqué. Et ceci, tout énorme que je le trouve littérairement, ne me paraît qu’une peccadille auprès de cette autre accusation portée après deux siècles contre lui, le doux et tendre poëte, d’avoir été un intrigant.