Sainte-Beuve Albert Glatigny, un osé et un téméraire, qui, après les Vignes folles, est venu lancer les Flèches d’or ; quelques-unes portent loin.
Je contemplois déjà les miseres humaines, Et j’en accusois plus nos plaisirs que nos peines, J’en accusois sur-tout nos plaisirs amoureux, Comme les plus légers & les plus dangereux ; Je voyois qu’à la fin tous les cœurs s’en dégoûtent, Ou par les maux qu’ils font, ou par les biens qu’ils coutent ; Et me ressouvenant de ce qu’ils m’ont couté, Je m’en croyois aussi pour jamais dégoûté ; Mais j’osai voir Olympe, &c.
De ce qu’une chose ne s’est jamais faite, il en conclut, et j’en frémis, non qu’il faut soigneusement s’en abstenir, mais au contraire, qu’il sera peut-être piquant de la tenter ; de quelque respectable costume qu’un homme de lettres soit parvenu à se revêtir, il osera s’en moquer. […] C’est qu’ils oseront se servir de ce mot propre, unique, nécessaire, indispensable, pour faire voir telle émotion de l’âme, ou pour raconter tel incident de l’intrigue. […] Qui même a jamais osé concevoir la folle espérance d’égaler ces grands hommes ? […] Dernièrement, lorsque ce journal a osé attaquer l’un des géants de la littérature libérale, M. de Jouy, c’est M. […] l’auteur du Cid d’Andalousie n’a pas osé faire répondre : Sire, il est minuit.
Son travail, nous l’osons dire, est complet. […] Ils n’osaient pas manifester cette opinion à la face du public ; mais elle est consignée très clairement dans leur correspondance intime. […] Mais Corneille, dans sa simplicité, ne croyait pas avoir droit d’impertinence auprès des grands, parce qu’il savait faire des vers ; il n’eût pas osé prendre un ton de familiarité galante avec la reine-mère, et, s’il l’eût osé, son génie sublime se serait abaissé avec peine jusqu’à ce persiflage de courtisan. […] Ni Voltaire ni M. de La Harpe n’ont osé dire crûment que Corneille était fort au-dessous de Racine ; mais s’est le résultat de tout ce qu’ils ont écrit. […] Votre réputation vous permet de risquer tout ; vous êtes à cent lieues de l’envie : osez, et nous pleurerons, et nous frémirons, et nous dirons : Voilà la tragédie, voilà la nature !
. — On n’ose se figurer les conséquences.
Cette économie a manqué peut-être à Nodier : esclave du caprice, pressé souvent par la nécessité, il travaillait au jour le jour, cédant sans cesse aux sollicitations des libraires, qui osent tout demander à un homme dont la bonté ne savait rien refuser.
Et l’on sait aussi comme se vengèrent courageusement, en le bafouant et en l’insultant quand il fut blessé, le 4 avril 1894, au restaurant Foyot, par l’explosion d’une bombe d’anarchiste, les éminents illettrés qu’auparavant, dans son livre et dans sa conférence au Théâtre de l’Œuvre, lors de la représentation d’Un ennemi du peuple, il avait fustigés sans qu’ils aient alors osé répondre.
Nous osons dire, sans crainte d’être démentis par ceux qui sont en état d’apprécier ses Ouvrages, qu’il le dispute à nos meilleurs Poëtes par l’agrément & la fécondité des images & des fictions, l’élégance & la variété des tours, la justesse & l’originalité des expressions, & sur-tout par l’harmonie imitative.
Un contemporain de Montesquieu, mais qu’on ose à peine citer à son sujet, le frivole abbé de Voisenon, a pourtant sur lui quelques traits heureux et bien rendus : Il était si bon père qu’il croyait de bonne foi que son fils valait mieux que lui.
Après avoir lu le Minotaure, il est impossible de ne pas se sentir saisi d’une sympathie profonde pour ces plaintes où la colère ose à peine se montrer. […] Il y a dans la gloire de cet illustre écrivain quelque chose de singulier que plusieurs entrevoient et que personne n’ose dire. […] Guizot est si sûr de lui-même, que ni la foule ni l’Académie n’osent douter de lui. .Mais quand il serait vrai, et nous ne le croyons pas, que M. […] L’accusation de pessimisme est à nos yeux sans valeur et sans portée ; car ceux même qui n’osent publier l’opinion que nous professons ne se résoudraient pas à la réfuter. Ils partagent notre avis et n’osent l’avouer ; ils demandent s’il est utile de dire tout haut ce qu’on pense tout bas.
Quand on commence sous une école établie, on subit nécessairement l’influence de cette école ; ce n’est que plus tard qu’on voit ou ose suivre sa vraie route. […] Puis des mots, des scènes d’amour qui réveillent toujours quelques doux souvenirs : « Mariette dit qu’elle n’oserait passer sur ce pont ; Gérard la prit à bras-le-corps et ne demandait pas mieux que de rapprocher sa figure de celle de son amie, mais il n’osait en pleine rue. […] — Mais je n’ose. […] Nous sommes si pauvres de volonté, si timides, que nous n’osons nous faire cette simple question : Mais qu’est-ce qui me plairait à moi ? […] Vacquerie, et bientôt ils n’oseront pas plus toucher aux légumes qu’aux viandes, et même, ô douleur !
Probablement, elle n’osait pas dire : « du ciel ». […] Sacher-Masoch est un grand coloriste, et je n’oserais affirmer qu’il ne fera pas école un de ces jours. […] Elle finit par oser lui parler de son coup de marteau, surprise de l’entendre raisonner comme au bon temps. […] Zola n’avait pas alors osé mettre son héros sur le trône d’où il le fait parler à Gervaise. […] C’était une habitude, et j’ose dire à sa louange que la coquetterie n’y était pour rien.
En principe il dit : « J’ose supposer qu’un ministre éclairé et magnanime, un prélat humain et sage, un prince qui sait que son intérêt consiste dans le grand nombre de ses sujets et sa gloire dans leur bonheur, daigne jeter les yeux sur cet écrit informe et défectueux. […] J’ose dire que si on assemblait le genre humain pour, faire des lois, c’est ainsi qu’on les ferait pour sa sûreté. […] Il ne dit point que ce qu’on a eu tort de faire il faut le détruire, en supprimant la propriété personnelle ; et il confesse qu’il n’ose conseiller de détruire la société elle-même : « Quoi donc ? […] La religion protestante donne donc aux peuples qui la pratiquent un avantage matériel sur les catholiques : « J’ose le dire : dans l’état présent où est l’Europe, il n’est pas possible que la religion catholique y subsiste cinq cents ans. […] Elle ose étaler une haine irréconciliable contre toutes les nations.
Qu’importe la survivance du nom ou même de l’œuvre à qui ose espérer celle de la personne ? […] On peut distinguer des odes, des sonnets, des poèmes de Ronsard : qui oserait faire un choix des fables de La Fontaine ? […] Bien imprudent l’auteur qui ose décider lui-même que la graine heureuse choisie pour fructifier est justement celle-ci ou celle-là, et qui la confie au sol avec un soin avare à l’exclusion de toute autre ! […] Bien fou l’individu qui oserait opposer sa petite opinion personnelle au jugement unanime du genre humain ! […] Ce Delille, ce Lebrun, auxquels il est à certains égards supérieur, savait-il seulement qu’il valait mieux qu’eux, et aurait-il osé leur rompre en visière ?
J’ose dire, enfin, qu’il a été le premier en date des humoristes. […] De quel front oserais-tu le gronder ? […] J’ose dire qu’elle est trop expressive, trop pleine d’onomatopées. […] Il n’ose pas augmenter ses locataires. […] Qui oserait fixer, en pareille matière, les limites de la vraisemblance morale ?
A toutes ces critiques je répondais peu ; il y avait du vrai dans ces objections ; ce que j’aurais pu surtout répondre à l’avantage de ce classique moderne, de ce néoclassique opposé à l’ancien classique tout francisé et plus effacé, je ne l’osais trop par condescendance, et parce qu’il aurait fallu dire qu’il y avait là derrière un nouveau Malherbe nommé André Chénier.
M. de Musset lui fit d’emblée quelque déchirure : il osa avoir de l’esprit, même avec un brin de scandale.
Le sujet est d’une grandeur singulière, et d’avoir osé s’y attaquer seulement n’est pas d’un esprit médiocre.
« Le cygne : Ma vie tranquille se passe dans les ondes, elle n’y trace que de légers sillons qui se perdent au loin, et les flots à peine agités répètent comme un miroir pur mon image sans l’altérer. » « L’aigle : Les rochers escarpés sont ma demeure, je plane dans les airs au milieu de l’orage ; à la chasse, dans les combats, dans les dangers, je me fie à mon vol audacieux. » « Le cygne : L’azur du ciel serein me réjouit, le parfum des plantes m’attire doucement vers le rivage, quand, au coucher du soleil, je balance mes ailes blanches sur les vagues pourprées. » « L’aigle : Je triomphe dans la tempête quand elle déracine les chênes des forêts, et je demande au tonnerre si c’est avec plaisir qu’il anéantit. » « Le cygne : Invité par le regard d’Apollon, j’ose me baigner dans les flots de l’harmonie ; et reposant à ses pieds, j’écoute les chants qui retentissent dans la vallée de Tempé. » « L’aigle : Je réside sur le trône même de Jupiter : il me fait signe et je vais lui chercher la foudre ; et pendant mon sommeil, mes ailes appesanties couvrent le sceptre du souverain de l’univers. » « Le cygne : Mes regards prophétiques contemplent souvent les étoiles et la voûte azurée qui se réfléchit dans les flots, et le regret le plus intime m’appelle vers ma patrie, dans le pays des cieux. » « L’aigle : Dès mes jeunes années, c’est avec délices que dans mon vol j’ai fixé le soleil immortel ; je ne puis m’abaisser à la poussière terrestre, je me sens l’allié des dieux. » « Le cygne : Une douce vie cède volontiers à la mort : quand elle viendra me dégager de mes liens et rendre à ma voix sa mélodie, mes chants jusqu’à mon dernier souffle célébreront l’instant solennel. » « L’aigle : L’âme, comme un phénix brillant, s’élève du bûcher, libre et dévoilée ; elle salue sa destinée future, le flambeau de la mort la rajeunit en la consumant. » XLVIII Mais rien ne surpasse son analyse et sa traduction du drame de Faust, par Gœthe, et cette scène à laquelle ni l’antiquité ni Shakespeare n’ont de scène tragique à opposer. […] Je n’ose pas sortir ; il n’est plus pour moi d’espérance. […] Rien à présent ne me retient : j’ose me livrer à ma sainte ardeur, j’ose insulter aux mortels, en leur avouant que je me suis servi de la science mondaine, que j’ai dérobé les vases d’Égypte pour en construire un temple à mon Dieu.
Quand le premier volume de cet Homme qui rit a paru, j’ai dit combien je m’attendais à un de ces succès arrangés, préparés, organisés par les assassins de ce Vieux de la Montagne, qui essaient de venger leur grand bonhomme comme si on l’avait insulté quand on ose le regarder d’un œil ferme et qui ne tremble pas. […] Victor Hugo, qui se croit tout permis, a osé s’en jouer, lui ! […] Il a commencé par innocenter l’homme dans le Borgia avant d’être pape, et cet homme-là était plus difficile à reconstituer que ne sera le pontife, vu à la lueur éternelle et pure, pour ceux qui osent le regarder, d’un irréprochable bullaire. […] C’est que, au fond, le Quatre vingt-treize de la Révolution et de la Convention est bien moins la visée du livre de Victor Hugo que le Quatre-vingt-treize de la Vendée et de la Chouannerie, placées toutes deux sous ce titre charlatanesque de Quatre-vingt-treize tout court, par un auteur qui n’ose pas rompre, du premier coup, avec les siens !
C’est alors que le Cid joua au plus fin et se ménagea un jeu à part ; trompant également le roi Mostaïn, dont il était l’allié, et le roi Alphonse appelé l’Empereur dont il continuait de se dire le vassal, il ne songea, à la tête de son armée, qu’à pousser ses propres affaires, comme le plus osé et le plus habile des trois larrons. […] Combien de superbes endroits où l’on n’osait former le vœu d’arriver, dont ce tyran s’empara et dont il profana le mystère ! […] » Personne, pourtant, n’ose lui donner asile, tant la colère du roi Alphonse est grande, et tant ses menaces ont éclaté !
Sans parler de Hofman Peerlkamp, l’ingénieux, l’osé, le téméraire en conjectures, celui qui enlève à Virgile non seulement des vers çà et là, mais des épisodes tout entiers, il y a tout un bataillon régulier, Forbiger, Paldam, Haupt, Ladewig, … Dübner (chez nous, petite édition Didot), Ribbeck, et enfin M. […] Il est homme du métier aux yeux des gens du métier ; il a la méthode, il ne s’agit plus que d’oser l’appliquer. […] Ce sont les Anglais qui en fourniraient la meilleure partie : leurs hommes d’État osent montrer en toute rencontre qu’ils ont été nourris dans le commerce des grands auteurs de l’Antiquité.
Ce n’eût été, à simple vue, qu’un cri universel de réprobation, un long sifflet, si on l’avait osé : « Mais, quoi ! […] Et qu’on ne dise pas que ce christianisme de Pascal était particulier, bizarre, excessif, en dehors des voies générales ; je ne nie pas qu’il n’ait eu quelques singularités de pratique ou d’expression ; mais dans le fond son christianisme ne diffère en rien du véritable et, j’oserai dire, de l’unique. […] n’a-t-on pas encore affaire ici à des dieux nés pour l’ambroisie, qui sont esclaves de leur jeunesse et de leur beauté, qui n’osent compromettre leur bonheur ?
Si quelqu’un mérita, par son talent, de prétendre à plus et d’oser mieux, c’est certainement Hesnault ; c’est lui aussi qui, de tout ce groupe, paraît avoir le mieux compris la position fausse où l’esprit, le goût libertins, allaient se trouver sous Louis XIV, par-devant Despréaux le censeur, et en regard du décorum grandissant. […] , on est surpris du jargon qu’elle a osé hasarder, et qui semblait tout simple à cette date. […] Il eut fort souvent affaire aux coquettes et s’en vengea : on vient de voir ce qu’il dit à l’une ; voici pour une autre Le changement vous est si doux, Que, quand on est bien avec vous, On n’ose s’en donner la gloire.
Elle dure deux siècles, depuis Malherbe et Balzac jusqu’à Delille et M. de Fontanes ; pendant cette période si longue, nulle intelligence, sauf deux ou trois, et encore dans des mémoires secrets comme Saint-Simon, dans des lettres familières comme le marquis et le bailli de Mirabeau, n’ose et ne peut se soustraire à son empire. […] Un jour, à l’Académie, Gresset, dans un discours, en osa lâcher cinq ou six359 : il s’agissait, je crois, de voitures et de coiffures ; des murmures éclatèrent ; pendant sa longue retraite, il était devenu provincial et avait perdu le ton Par degrés, on en vient à ne plus composer le discours que « d’expressions générales ». […] Voltaire, Essai sur le poème épique [‘polies,’], 290. « Il faut avouer qu’il est plus difficile à un Français qu’à un autre de faire un poème épique… Oserai-je l’avouer ?