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914. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

L’esprit humain recherche des causes, parce que telle est sa nature, et il les recherche à l’occasion de telle ou telle circonstance. […] Il ne doit rien à l’expérience, quant, à sa certitude, mais il renferme la notion de changement, à l’occasion de laquelle l’esprit conçoit la notion de cause, et cette notion de changement est évidemment empruntée à l’expérience. […] Kant remarque, à cette occasion, que si Hume, au lieu de s’en tenir au principe de causalité, eût examiné tous les autres principes nécessaires, tous les autres jugemens synthétiques à priori, il aurait peut-être reculé devant les conséquences rigoureuses de son opinion.

915. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Malherbe n’avait donné que quelques échantillons de lettres pour les grandes occasions, ne s’astreignant point à soigner son style dans l’ordinaire de la vie : Balzac s’y appliqua et en fit proprement son domaine ; il fut toute sa vie le grand épistolier de France. […] Gui Patin aurait pu, comme un autre, y mettre les armes de sa famille, car elle en avait, et il ne perd pas cette occasion de nous les décrire ; mais il a mieux aimé y mettre son portrait.

916. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Elle désire un compte rendu sérieux dans le Journal d’économie publique, mais pour le Journal de Paris elle désire plus et demande tout naïvement à être louée ; elle en a besoin pour ce qui est de sa situation en France : Dans le Journal de Paris il m’importerait extrêmement qu’on saisît cette occasion pour dire une sorte de bien de moi. […] Roederer avait besoin d’une occasion éclatante qui lui permît de dessiner sa ligne et de mettre en lumière, autrement encore que par des écrits, ses vrais sentiments.

917. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Froissart, qui ne perd aucune occasion de nous faire assister au spectacle, nous montre pendant ces heures de répit le roi de France qui fait tendre sur le terrain, dans le lieu même où il s’est arrêté, un pavillon de soie vermeille, très élégant et très riche ; le roi rompt et congédie pour le reste du jour ses divers corps d’armée, sauf les deux troupes du connétable et des maréchaux. […] Mais si les paroles sont un peu grosses et « moult félonnesses », si ce sont des paroles peut-être antiques de crudité, le motif est bien délicat et tout moderne : Je vous dirai pourquoi, dit Froissart qui ne perd jamais une occasion de glisser dans l’histoire un coin de galanterie : ces deux chevaliers, qui étoient jeunes et amoureux, ainsi le peut-on et le doit-on entendre, portoient chacun une même devise sur le bras gauche, une figure d’une dame en bleu brodée sous des rayons de soleil, et ils ne la quittoient jamais en aucun moment.

918. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

» — « Soyez tranquille, répondit affectueusement le monarque ; vous apercevrez aux premières occasions à quel point je suis content de vous. », La guerre recommençait, et Villars allait retrouver son véritable élément. […] Le fils aîné de l’empereur, le jeune roi des Romains a rejoint l’armée impériale devant Landau ; ce jeune prince, dans son ardeur de se signaler, peut se porter en avant et offrir une occasion : Rien n’est plus important, écrit Louis XIV à Catinat (2 août 1702), que de profiter de la vivacité de ce jeune prince, qui pourra l’entraîner à des mouvements dont un homme sage et d’une expérience consommée comme vous pourrait profiter ; mais, pour cela, il faudrait être à portée de lui… Je vous avoue que rieu ne me saurait tirer de la peine où je suis, que de vous voir déterminé à prendre un parti de vigueur.

919. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Je n’admettrai pourtant jamais que Rome, la Rome même du peuple, que nous avons vue depuis si fine et si piquante à la raillerie, n’ait pas eu, dès qu’elle en eut le loisir et l’occasion, l’esprit aiguisé en même temps que le parler agréable et doux. […] Je m’oublie, messieurs ; nous aurons assez d’occasions d’appliquer ensemble et de vérifier dans une pratique assidue ces diverses observations que je vous présente ici sans trop d’ordre et de méthode, l’Art poétique de notre maître Horace nous ayant dès longtemps autorisés à cette manière de discourir librement des choses du goût.

920. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Il faut avoir grandement égard à la tendresse humaine et ne point s’attaquer à ceux qui se sont fait beaucoup aimer3. »   Belle pensée dont j’ai eu plus d’une fois l’occasion de reconnaître et de vérifier la justesse. […] A l’occasion d’une édition de Boileau qu’il préparait (1727) : « Des Maizeaux fera pis que des vignettes, écrit Marais ; il fera des Notes de sa façon, qui sont toujours basses et plates, et nous donnera un Despréaux aussi beau que sa Vie 5 ; je sais qu’il s’est adressé à M. de Valincour qui, sur son nom seul, a refusé tout éclaircissement, et moi de même. » Et voilà pourtant l’homme qui est chargé d’introduire dans le monde savant les Lettres de Bayle et d’écrire sa Vie ; on est encore trop heureux de l’avoir, faute de mieux.

921. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Rencontrant autour d’elle des âmes généreuses qui lui fournissaient les occasions et les moyens, elle se prodiguait elle-même de sa personne avec dévouement. […] Vous voudrez bien m’excuser si, à l’occasion d’une semblable loi, j’ai paru motiver plus qu’il n’était besoin un vote qui, d’ailleurs, ne fait pas question, et que votre Commission, à l’unanimité, vous propose.

922. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Je me servirai de l’un et de l’autre selon que j’en jugerai à propos, et, s’ils font leur devoir, comme je suis persuadé qu’ils feront, j’espère que Votre Majesté aura la bonté de les ouïr nommer et permettre qu’ils méritent par leurs services qu’Elle leur pardonne, après une pénitence conforme à la faute. » Mais, après s’être galamment conduit en bon Français à l’occasion, Saint-Évremond rentrait dans sa philosophie et dans sa tranquillité. […] « Ainsi mourut cette duchesse avec une fermeté digne vraiment de l’ancienne Rome, mais qui n’est pas aussi du goût de la nouvelle162. » Or Saint-Évremond, dans sa lettre au marquis de Canaples sur la mort même de la duchesse, disait : « Vous ne pouviez pas, Monsieur, me donner de meilleures marques de votre amitié qu’en une occasion où j’ai besoin de la tendresse de mes amis et de la force de mon esprit pour me consoler.

923. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Vers dix-huit ans, pour la première fois, l’idée de vers, odes, chansons et comédies, se glissa dans sa tête : il est à croire que cela lui vint à l’occasion des pièces de théâtre auxquelles il assistait. […] Sans s’abuser un seul instant sur les Bourbons qu’il avait eu de bonne heure occasion de connaître d’après des circonstances fort particulières  ; sans donner jamais en plein dans la Charte, comme Courier, Béranger attendit les excès de 1815 et 1816 pour se prononcer hautement contre la dynastie restaurée, et en cela il fit preuve de plus de sens que ceux qui lui ont reproché sa chanson du Bon Français, de mai 1814.

924. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Ce nous est une occasion, trop retardée, de tâcher auparavant de saisir en général le caractère du talent de M. […] Et, avant tout, qu’on me permette une remarque que j’ai eu très-souvent occasion de faire en ce temps où la littérature et la société sont dans un tel pêle-mêle, et où la vie d’artiste et celle d’homme du monde semblent perpétuellement s’échanger.

925. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

On sert ses amis, ses admirations littéraires, à l’occasion, par une pointe, comme en tactique bien entendue. […] Pour revenir à Perse, le critique, après l’avoir accusé d’avoir trop tôt produit, et avoir pris de là occasion de s’emporter contre les gens sans génie qui écrivent trop jeunes ; après l’avoir de plus accusé (par une singulière contradiction) d’avoir peu produit et de manquer de qualité abondante et fécondante, déclare qu’il ne se serait jamais élevé bien haut, et qu’il était né sans génie.

926. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Oui, l’esprit qui présida à cette première édition fut, je ne crains pas de le proclamer (et tout ce qui s’est passé à l’occasion de la dernière vient assez hautement à l’appui), fut, dis-je, un esprit de discrétion, de respect, de ménagement et d’édification pour les lecteurs. […] « Monsieur et cher confrère, « Mme de Boigne se lamente de ne pas vous faire70, et je me suis chargé de vous offrir une occasion de la venir chercher à Châtenay.

927. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Enfin je voulus voir si je n’étois point trompé dans l’idée que j’avois d’elle, et j’en trouvai une occasion fort honnête. […] Pour Néron, tout pur de sang qu’il est encore, son naturel féroce gronde depuis longtemps en son âme et n’épie que l’occasion de se déchaîner ; il a déjà essayé d’un poison lent contre Britannicus.

928. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

En effet, on le croyait raisonnable et même bon par essence  Raisonnable, c’est-à-dire capable de donner son assentiment à un principe clair, de suivre la filière des raisonnements ultérieurs, d’entendre et d’accepter la conclusion finale, pour en tirer soi-même à l’occasion les conséquences variées qu’elle renferme : tel est l’homme ordinaire aux yeux des écrivains du temps : c’est qu’ils le jugent d’après eux-mêmes. […] L’emplacement où nous le bâtissons doit être considéré comme vide ; si nous y laissons subsister une partie des vieilles constructions, ce sera en son nom et à son profit, pour les enfermer dans son enceinte et les approprier à son usage ; tout le sol humain est à lui  D’autre part, il n’est pas, selon la doctrine américaine, une compagnie d’assurance mutuelle, une société semblable aux autres, bornée dans son objet, restreinte dans son office, limitée dans ses pouvoirs, et par laquelle les individus, conservant pour eux-mêmes la meilleure part de leurs biens et de leurs personnes, se cotisent afin d’entretenir une armée, une maréchaussée, des tribunaux, des grandes routes, des écoles, bref les plus gros instruments de sûreté et d’utilité publiques, mais réservent le demeurant des services locaux et généraux, spirituels et matériels, à l’initiative privée et aux associations spontanées qui se formeront au fur et à mesure des occasions et des besoins.

929. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

En guenilles, pieds nus, ne mangeant que du pain noir, mais couvant dans son cœur le petit trésor sur lequel il fondait tant d’espérances, il guettait l’occasion, et l’occasion ne manquait pas. « Malgré tous ses privilèges, écrit un gentilhomme en 1755651, la noblesse se ruine et s’anéantit tous les jours, le Tiers-état s’empare des fortunes. » Nombre de domaines passent ainsi, par vente forcée ou volontaire, entre les mains des financiers, des gens de plume, des négociants, des gros bourgeois.

930. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

« Je ne doute point, lui dit Laurent, que vous ne jouissiez, après moi, d’autant de crédit et d’autorité dans l’État que j’en ai eu moi-même ; mais, comme la république, bien qu’elle ne forme qu’un seul corps, est composée d’un grand nombre de têtes, vous devez vous attendre qu’il ne vous sera pas possible de vous conduire, en toute occasion, de manière à obtenir l’approbation de chaque individu. […] Mais, soit conception, fort voilée sous une apparente complicité imitée de la folie de Brutus, soit tentation soudaine d’un crime mémorable, née en lui de la facilité et de l’occasion, il avait résolu d’être le meurtrier de son ami et le libérateur de sa patrie.

931. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Aussi je ne suis pas de ceux qui estiment les Maximes de La Rochefoucauld comme un de ces chefs-d’œuvre dont la date et l’occasion font l’importance, et qui s’amoindrissent en vieillissant. […] Charles de Saint-Denys de Saint-Evremond (1613-1703) dut s’exiler en 1661 pour un pamphlet contre Mazarin à l’occasion de la paix des Pyrénées.

932. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Cependant lord Byron, né dans un pays d’habitudes oratoires, où l’on parle à toute occasion, et où trop souvent on écrit comme on parle, n’a jamais daigné faire un choix entre les idées qui se présentaient en foule à son imagination. […] Pour eux je suis une occasion de guerre et de révolte.

933. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

En vérité, mon cher, il faut qu’il m’arrive toujours des aventures uniques, et je me réjouirais de celle-ci, ne fût-ce que pour les singulières positions où elle m’a placé, lesquelles m’ont fourni l’occasion d’apprendre une foule de choses. […] Quelquefois, quand l’occasion m’engage dans ces foules indifférentes, qui remplissent nos rues, je me figure au milieu d’une forêt d’arbres qui marcheraient.

934. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

La dame a vu, dans le placement de son débiteur, une belle occasion de se rembourser. […] Il a guetté longtemps l’occasion de se déclarer : le moment psychologique lui semble venu avec la ruine, et voici ce qu’il lui propose en mots qui sonnent, comme sur un comptoir.

935. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Fille d’une mère galante qu’entretenait un fermier général, mariée comme provisoirement au neveu de ce dernier, il sembla de bonne heure que toute la famille, en la voyant si séduisante et si délicieuse, la destinât à mieux, et qu’on n’attendît plus que l’occasion et le moment. « C’est un morceau de roi… », disait-on de toutes parts autour d’elle ; et la jeune femme avait fini par croire à cette destinée de maîtresse de roi comme à son étoile. […] Le roi lui écrivait lettres sur lettres ; Voltaire, qui se trouvait chez elle et à qui elle avait fait composer une comédie pour les fêtes de la Cour, à l’occasion du mariage du Dauphin, se prêtait à ce jeu d’Henri IV et de Gabrielle, et rimait madrigaux sur madrigaux : Il sait aimer, il sait combattre ; Il envoie en ce beau séjour Un brevet digne d’Henri quatre, Signé Louis, Mars et l’Amour.

936. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

L’homme en toutes occasions va dans la direction où l’attirent les promesses du bonheur qu’il juge le plus grand. […] Ce qui nous semblerait aujourd’hui une torture épouvantable fut pour nos ancêtres un progrès sur un pire état précédent, une occasion de se réjouir.

937. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

Le traducteur s’étoit fait un systême qui avoit été l’occasion de plusieurs fautes répandues dans la premiere édition de cet ouvrage ; tantôt il supprimoit entiérement tout ce qui n’étoit point de son goût, & tantôt il changeoit, ornoit, étendoit ou resserroit ce qui lui plaisoit davantage. […] Racine le fils n’a pas pensé comme le premier traducteur de Milton ; il a fait entrer toutes ses beautés & tous ses défauts dans la nouvelle version qu’il nous a donnée de ce Poëte sous ce titre : le Paradis perdu de Milton, traduction nouvelle, avec des notes, la vie de l’Auteur, un discours sur ces Poëmes, les remarques d’Addisson, & à l’occasion de ces remarques, un discours sur le Poeme epique, en trois volumes in-8°. 1755.

938. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

— que la nécessité, dis-je, aiguillonne et arrache à la douce paresse, que l’occasion encourage et multiplie, et qui, une fois voué à cette vie de labeur et de publicité incessante, ne déroge point pour cela, ne tombe point par là même en décadence, mais a chance de se varier, de s’élever, de se perfectionner parfois. […] Je sais que l’homme de lettres ne doit pas vivre éloigné du monde, il perdrait dans une solitude absolue les occasions d’observer et la puissance d’agir.

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