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1118. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Eugène Hatin » pp. 1-14

Cela disait en deux mots, — plus un titre est bon, moins il en a, — cela disait en deux mots ce que l’auteur a voulu faire, et ce qu’il a voulu faire était bien assez difficile pour n’avoir pas besoin de le compliquer par toutes les superfétations du titre lourd qu’il a choisi. […] Ce n’est qu’un mot à la Prudhomme. […] Un dépisteur habile, on ne le nie point, mais qui, comme tous les dépisteurs, a pris souvent son nez pour la truffe, Victor Leclerc, a pu s’occuper de découvrir le journalisme au Moyen Âge, mais l’auteur de l’Histoire de la Presse n’en dit rien dans son introduction qu’un seul mot, en passant, avec une légèreté incrédule.

1119. (1930) Le roman français pp. 1-197

Pas même de « critique littéraire » au sens propre du mot. […] Jusque-là, pas un mot qui puisse y faire songer. […] Ces obscénités sont dans les mots, non dans les choses. […] Elle n’est pas dans les mots, elle n’est pas obscène, elle est dans les choses. […] Tenez, puisque le mot est prononcé, prenons nos comparaisons dans la peinture.

1120. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Couturier, Claude (1858-1918) »

Théodore de Banville Le poète des Chansons pour toi écrit dans une langue imagée, correcte, extrêmement précise, très éclectique et ne recule pas devant le mot sublime, s’il le trouve, ni devant le mot canaille du voyou, si c’est celui-là qu’il lui faut… Le poète des Chansons est déjà un ouvrier et fait bien les vers, parce que la musique du rythme et le don de la rime lui sont naturels, et parce qu’il a étudié respectueusement les maîtres.

1121. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 406

Il est facile d’en juger par plusieurs articles de l’Encyclopédie, copiés mot à mot de son Cours des Sciences, auxquels la prudence des Compilateurs n’a pas jugé à propos de mettre son nom : Sic vos non vobis, &c.

1122. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Marivaudage est dès longtemps un mot du vocabulaire. […] Dans un petit écrit intitulé Le Miroir et où il s’agit, en effet, d’une sorte de glace ou de miroir magique dans lequel se voit représenté tout un abrégé de l’âme et de la pensée en général, toutes les façons d’être et de sentir des hommes, tout ce qu’ils sont et ce qu’ils ont été ou ce qu’ils peuvent être, en un mot un raccourci de la nature morale, il a exposé ce que nous appellerions sa philosophie de l’histoire : elle est d’un homme très réfléchi, très éclairé, et dégagé de toute espèce de prévention. […] Et, en effet, pourquoi ce mot de dupe ? […] Il est vrai que dans le monde on m’a trouvé de l’esprit ; mais, ma chère, je crois que cet esprit-là n’est bon qu’à être dit, et qu’il ne vaudra rien à être lu. » Une partie de l’art de l’auteur dans ce roman consiste à imiter le style parlé, à en reproduire les négligences, les petits mots qui reviennent souvent, et, pour ainsi dire, les gestes. Le mot cela revient sans cesse, ainsi que ces façons de dire : cet homme-là, ces petits égards-là, cette nonchalance-là, ces traits de bonté-là.

1123. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Après la Terreur, il se retira quelque temps à sa maison de campagne de Chaudon et ne songea qu’à y vivre caché, selon sa maxime « qu’un sage (au sens complet qu’il donnait à ce mot) était un homme qui prenait autant de soin à cacher ce qu’il avait, que les autres en prennent pour montrer ce qu’ils n’ont pas ». […] À cette nouvelle séance, il demanda, par une lettre motivée qu’il lut à haute voix, trois nouveaux amendements à la doctrine du professeur : 1º sur le sens moral dont il réclamait la reconnaissance nette et distincte et le rétablissement formel dans une bonne description de la nature humaine ; 2º sur la nécessité d’une première parole accordée ou révélée à l’homme dès la naissance du monde, et sur la vérité de ce mot de Rousseau que la parole a été une condition indispensable pour l’établissement même de la parole  ; 3º sur la matière non pensante, et qu’il fallait remettre à sa place bien loin de ce sublime attribut : Je fus mal reçu par l’auditoire, dit-il, qui est dévoué en grande partie à Garat à cause des jolies couleurs de son éloquence et de son système des sensations. […] Il démêle l’espèce de jeu de mots et d’escamotage à l’aide duquel l’école de Condillac se flattait d’expliquer tout l’homme : Vous êtes tellement plein de votre système des sensations, que ce ne sera pas votre faute si tous les mots de nos langues, si tout notre dictionnaire enfin ne se réduit, pas un jour au mot sentir. […] Garat avait dit en opposition à l’universalité des idées morales ou autres idées premières : « Je ne connais rien d’universel, à la rigueur, que l’univers. » Saint-Martin le presse sur ce mot et lui en demande compte : Malgré l’opposition que vous annoncez contre le matérialisme, vous avez cependant été entraîné à dire, comme ses sectateurs, que vous ne connaissiez rien d’universel, à la rigueur, que l’univers, tandis qu’il y a quelque chose en vous de bien plus universel que cet univers, savoir votre pensée. […] Saint-Martin se séparait profondément de Bernardin de Saint-Pierre en ce que, religieux comme lui, il croyait de plus à la chute, à une nature gâtée et corrompue et portant l’empreinte du mal ; il croyait en un mot que, dans l’univers tel qu’il est, il y a et il y aura toujours quantités de désharmonies, jusqu’à ce que le maître, le divin réparateur vienne remonter la lyre et en rajuster les cordes sacrées

1124. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

. — Le fondement de ma fortune a pour texte ces deux mots, que j’ai déjà déclarés à plusieurs personnes : Il y a un métier à faire où il y a prodigieusement à gagner, c’est d’être parfaitement honnête homme. […] En un mot, pour bien faire, je veux m’ignorer ; que je ne m’aperçoive pas que je suis là seulement, mais qu’on m’éclaire dans le chemin et qu’on me dise : Allez, vous allez bien, allez sûrement. […] Mais il ne serait pas juste, à notre tour, de prendre au mot, et dans toute la vivacité d’un éclat secret, l’irritation de cet homme de bien. […] Si vous détruisez l’amour, Ἔρως (c’est lui qui met ce mot grec), le monde retombera dans le chaos. […] [NdA] J’ai dû, à cet endroit, changer et mettre deux ou trois mots dans le texte, mais seulement pour éclaircir la phrase, restée elliptique et inachevée.

1125. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Horace Vernet, un peu contrarié dans quelque plan de tableau, dans quelque décoration de salle, peut-être froissé de quelque mot ou de quelque procédé administratif moins agréable qu’il n’avait droit de l’attendre, se décida à partir pour Saint-Pétersbourg. […] Reçu à bras ouverts par l’empereur Nicolas, qui lui dit pour premier mot : « Mon cher Vernet, êtes-vous à moi ?  […] Bien ou mal formé, c’est le mot qu’il emploie et qu’il crée, et non pas daguéréotipillons, comme on l’a imprimé. […] Ces lettres de Russie, jointes à celles d’Orient et à quelques-unes d’Afrique, mériteraient de trouver un éditeur ami, homme de goût et de discrétion, ne s’arrêtant qu’aux vraies bienséances, qui choisirait, ne retrancherait que le nécessaire, qui surtout ne changerait rien et restituerait à peine quelques mots pour la correction. […] C’est à propos d’un de ces tableaux exécutés en Russie, qu’il lui échappe dans une de ses lettres un mot qui est bien caractéristique de sa manière et de son procédé comme peintre.

1126. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

À ce mot près, il n’y a rien que de parfaitement simple et touchant dans cette dernière lettre de Mme Roland à Buzot. […] Ce qu’il y a à dire de mieux de lui comme ministre, c’est qu’on pouvait lui reprocher « le pédantisme de toutes les vertus qu’il avait. » Ces deux mots de Daunou suffisent à son épitaphe. […] Elle me répondit en peu de mots et d’un ton ferme. […] faisons la paix, il est temps. » En levant les yeux sur moi, elle s’aperçut que je repoussais mes larmes et que j’étais violemment ému : elle y parut sensible, mais n’ajouta que ces deux mots : « Du courage !  […] J’ai passé deux heures fort agréables, — et pourquoi rougir et ne pas dire le mot ?

1127. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Que ce dernier mot n’effraye pas : que l’on n’aille pas crier tout d’abord au matérialisme, comme je l’ai entendu d’un certain côté. […] Avant d’en parler et de revenir sur la question soulevée, je dirai cependant quelques mots de M.  […] En. un mot, le goût seul ne suffit plus désormais, et il est bon qu’il y ait la connaissance et l’intelligence des choses. […] Young, notamment, a pensé que le mot d’άπόστολος, appliqué à M.  […] Je ne croyais pas que le mot d’apôtre, appliqué à un littérateur, fût une diminution de son rôle ; mais j’accorde très-volontiers que M. 

1128. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

En lui dédiant son Traité de grande Tactique, Jomini y avait inscrit ces mots : à la Reconnaissance. […] Un auteur a dit que « la géographie était la maîtresse de la politique. » Jomini, qui cite le mot, et qui l’adopte, savait encore mieux que la géographie est la maîtresse de la guerre. […] Napoléon, dans la situation extrême où il s’était placé, n’avait plus le choix ni l’initiative de l’action, et « c’était l’ennemi cette fois, qui le forçait à lever ses quartiers. » Il forma aussitôt un grand plan dans ses données habituelles : attirer par Bernadotte l’armée russe sur l’extrême gauche, marcher sur ses derrières, la couper de ses communications, l’acculer à la mer, l’anéantir ; — en un mot, recommencer Iéna. […] » Caulaincourt, qui entendit le mot proféré à deux pas de l’Empereur, l’en gronda amicalement. […] Mais cela n’empêchait pas que Napoléon pût s’étonner d’être deviné dans ses ordres confidentiels par Jomini, et les explications que celui-ci donna à l’appui d’un premier mot, échappé comme naturellement de ses lèvres, ne durent pas nuire dans l’esprit de l’Empereur à l’idée qu’il se fit dès lors de sa sagacité stratégique.

1129. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Dans une édition que j’ai sous les yeux et qui n’est pas la première, dans l’édition de 1561, je note tout d’abord une disparate : ce sont des distiques grecs de Jean Dorât qui sont en tête et par lesquels le savant maître félicitait Du Bellay de son apologie de la langue française ([mots en grec]). […] Aussi, Du Bellay, de même que tes ancêtres se sont entendus appeler patriotes pour avoir défendu la terre de la patrie, de même, toi qui plaides pour la langue paternelle, tu auras à jamais un renom aussi comme bon patriote. » Le mot de patrie revient souvent. On dit, en effet, que Du Bellay a sinon inventé, du moins propagé ce mot dans la langue, et l’un de ses adversaires, Charles Fontaine, le lui a reproché, comme si patrie n’était qu’une écorcherie du latin : il estime que pays était suffisant. […] Une chose a été dite et bien dite par un Ancien ; on l’a dans la mémoire, on la répète si l’on est un pur écho, on y fait allusion si l’on est un homme d’esprit ; tout homme qui a la tête meublée de ces beaux mots des Anciens, qui s’en souvient en pensant et en parlant, et qui tient à en faire ressouvenir les autres, est un classique. […] Et à propos de ce mot Pléiade, qui est prétentieux, quand on l’applique mal, et dont on a tant abusé de nos jours, en le dénaturant, M. 

1130. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

… As-tu des mots, dis-moi, pour ce bonheur immense ? […] Tout ce que la parole invente de tendresse, Ce que disent les yeux et leur vive caresse, La voix, le sourire et les pleurs, De ce divin langage et des mots qu’il t’adresse N’égaleraient pas les douceurs. […] que par des mots, ce langage si tendre Et cet hymne consolateur ! […] Dans les beaux jours, tout est bien ; mais on oublie souvent comment cela est venu ; le mot de nature semble exprimer tout ; mais, aux jours mêlés de l’automne, on voit avec reconnaissance et un intérêt qui améliore le cœur, ce qu’il en coûte à l’homme pour rendre la terre riante et féconde. […] En un mot l’aimable, le faible, le volage, le tendre Ulric vieilli, Arthur octogénaire, est mort ce qu’il avait toujours été.

1131. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Résumons en quelques mots sa doctrine qui a donné lieu à de nombreuses discussions. […] Voyons, vous avez écrit de longs articles, il a bien fallu pour cela que vous vous serviez de mots. […] En un mot, cette classification est une convention. […] Veut-on que cette partie commune des énoncés soit exprimable par des mots ? […] Quelle est maintenant la nature de cet invariant, il est aisé de s’en rendre compte, et un mot nous suffira.

1132. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Mais des réticences agressives, des sous-entendus irrités se glissent sous les mots polis qu’ils échangent. […] Un mot de trop ou un mot de moins, et la chute de son héroïne pouvait entraîner celle du poète. […] Il lui dit de ces mots qui auraient tiré d’un père d’autrefois une malédiction tranchante comme un glaive. […] Interrompu aux premiers mots de sa tirade amoureuse, il déclare à la jeune fille qu’il ne prétendait pas la demander en mariage, mais qu’il venait simplement lui proposer un embarquement à Cythère. […] Mademoiselle de Birague hausse les épaules : elle s’éloigne, en démasquant d’un mot ce vil comédien, et sa farce est sifflée pour la seconde fois.

1133. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Sa mère, femme de beaucoup d’esprit, une précieuse en son temps (avant que le mot fût devenu ridicule), belle, active, intrigante, était arrière-petite-fille de l’illustre et grave chancelier de L’Hôpital. […] L’abbé de Choisy prit au mot l’ironie de Mme de La Fayette, et sur une si grande autorité, dit-il, il adopta l’habillement complet, coiffure et le reste. […] Celui qui trouve à placer le mot de minois en présence de pareils spectacles est jugé par cela même. […] Constance, qui ne négligea rien pour l’attirer et l’éblouir, Choisy le résume très joliment : « En un mot, c’est un drôle qui aurait de l’esprit à Versailles. » Toujours la traduction à la française. […] Anecdotes, bons mots, de ces choses qui se content en société et qui plaisent, ils en abondent.

1134. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Gardons-nous des exagérations et de ces mots tout faits qui dispensent de l’examen. […] En un mot, mon être moral et physique croule sous le poids de mes fers. […] Il a de ces mots qui emplissent la bouche si on les prononce à haute voix, et qui éveillent les échos. […] Il fait sonner bien haut le mot de parricide, et donne à entendre à M. de Maurepas que s’y prêter comme il le fait, c’est s’en rendre complice. […] Pourtant ce mot de gloire, le père implacable, vaincu dans ses derniers jours, a fini par le proférer de loin sur la tête radieuse de son fils.

1135. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

C’est une Genlis, en un mot, de la date de Louis XIII, pleine de force et de vertu, et restée vierge et vieille fille jusqu’à quatre-vingt-quatorze ans. […] Mme de Sablé, la spirituelle amie de La Rochefoucauld, n’écrivait pas un mot d’orthographe. […] Cependant ces mêmes dames, qui font si hardiment des fautes si grossières en écrivant, et qui perdent tout leur esprit dès qu’elles commencent d’écrire, se moqueront des journées entières d’un pauvre étranger qui aura dit un mot pour un autre. […] Il y en a pourtant qui s’en sont plaintes… Une de celles qui s’en plaignirent était l’une des femmes les plus spirituelles du temps, et qui disait le plus de ces bons mots qui emportent la pièce et qui sont restés. […] Jamais on n’a fait plus d’usage du mot car.

1136. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Parmi les mots et les idées qui reviennent le plus souvent sous sa plume quand elle se mit à écrire, je distingue surtout les mots mœurs, innocence et gloire. […] Ce mot de libertinage, dans la langue du xviie  siècle, signifie toujours la licence de l’esprit dans les matières de foi, et c’est encore dans ce sens que le prend Mme de Lambert : La plupart des jeunes gens croient aujourd’hui se distinguer en prenant un air de libertinage qui les décrie auprès des personnes raisonnables. […] Le mot d’humanité revient souvent sous sa plume : « L’humanité, dit-elle à son fils, souffre de l’extrême différence que la fortune a mise d’un homme à un autre. […] Pour nous, qui sommes moins susceptibles, et que ces nouveautés d’il y a cent ans effleurent à peine et certainement ne scandalisent plus, nous reconnaîtrons que son style est tout rempli de mots très heureux, d’une acception nette et vive. Elle dira, par exemple, à propos des amis et du soin qu’il faut prendre en les choisissant : « Il faut songer de plus que nos amis nous caractérisent : on nous cherche dans eux… » Elle a de ces mots courts, mais d’un beau style, d’un style antique et comme latin.

1137. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Il disait plus tard en riant : « Je crois qu’on m’aurait gagné en août 1830 si, au lieu d’une préfecture, on m’avait offert un régiment. » Le mot est joli, et exprime l’homme. […] Ce mot, si bien infligé peut-être dans le cas dont il s’agissait, semblait être devenu trop habituellement la devise de Carrel ; il semblait trop dire à tout venant : Quand vous voudrez, monsieur ! […] Rien n’annonce d’abord la vigueur de l’attaque à laquelle il sera prochainement conduit : « Une carrière nouvelle s’est ouverte aux journaux qui voudront être vraiment indépendants. » Sous la Restauration, il n’y avait que la guerre à faire à un pouvoir qui était ennemi par essence : La véritable indépendance vis-à-vis d’un gouvernement dont le principe est bon, mais qui peut bien ou mal se déterminer, suivant qu’il juge bien ou se trompe, l’indépendance, dit Carrel, sera aussi loin de l’opposition par parti pris, que de ce qu’on appela, sous le dernier gouvernement, d’un mot odieux et flétri, le ministérialisme. […] Quelques mots pourtant avertissent qu’il commence à songer au chef : Ce ne fut point une Chambre de Charles II ni de Jacques II, dit-il (26 septembre), qu’on appela à fonder la liberté sous Guillaume III… Guillaume III aussi était un homme politique, et il tint avant tout à ce qu’on ne pût mettre en question la légalité d’une assemblée qui devait parler au nom du droit de l’Angleterre, et faire une besogne à tout jamais respectée. […] Ces mots, jetés sans trop d’arrière-pensée, n’altèrent pas encore le fond.

1138. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Sans doute introduire une force vitale comme un deus ex machina qui dispenserait de l’étude des phénomènes, c’est retomber dans la scolastique, c’est ressusciter la vertu dormitive et toutes les facultés occultes : c’est ce que Leibnitz appelait la philosophie paresseuse, qui prend les mots pour les choses ; mais en un autre sens l’expression de force vitale est d’une grande utilité. […] « On entend tous les jours les médecins employer ces mots, le plus ordinairement, le plus souvent, ou bien s’exprimer numériquement en disant : “Huit fois sur dix, les choses arrivent ainsi.” J’ai entendu de vieux praticiens dire que les mots toujours et jamais doivent être rayés de la médecine. […] Le mot de liberté n’exprimerait que la partie inconnue des causes de nos actions : à mesure que ces causes seraient connues, la part de la liberté diminuerait d’autant, et, lorsque toutes ces causes seraient déterminées, la liberté disparaîtrait absolument. […] Bien plus, la nature pénètre jusque dans son âme par les sensations, par les images, par les appétits, par les passions, en un mot par tous les phénomènes qui lui sont communs avec les animaux, et qui sont régis par des lois quasi-mécaniques.

1139. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

C’est dans les mêmes écoles qu’on étudie encore aujourd’hui, sous le nom de belles-lettres, deux langues mortes qui ne sont utiles qu’à un très-petit nombre de citoyens ; c’est là qu’on les étudie pendant six à sept ans sans les apprendre ; que, sous le nom de rhétorique, on enseigne l’art de parler avant l’art de penser, et celui de bien dire avant que d’avoir des idées ; que, sous le nom de logique, on se remplit la tête des subtilités d’Aristote et de sa très-sublime et très-inutile théorie du syllogisme, et qu’on délaye en cent pages obscures ce qu’on pourrait exposer clairement en quatre ; que, sous le nom de morale, je ne sais ce qu’on dit, mais je sais qu’on ne dit pas un mot ni des qualités de l’esprit, ni de celles du cœur, ni des passions, ni des vices, ni des vertus, ni des devoirs, ni des lois, ni des contrats, et que si l’on demandait à l’élève, au sortir de sa classe, qu’est-ce que la vertu ? il ne saurait que répondre à cette question, qui embarrasserait peut-être le maître ; que, sous le nom de métaphysique, on agite sur la durée, l’espace, l’être en général, la possibilité, l’essence, l’existence, la distinction des deux substances, des thèses aussi frivoles qu’épineuses, les premiers éléments du scepticisme et du fanatisme, le germe de la malheureuse facilité de répondre à tout, et de la confiance plus malheureuse encore qu’on a répondu à des difficultés formidables avec quelques mots indéfinis et indéfinissables sans les trouver vides de sens ; que, sous le nom de physique, on s’épuise en disputes sur les éléments de la matière et les systèmes du monde ; pas un mot d’histoire naturelle, pas un mot de bonne chimie, très-peu de choses sur le mouvement et la chute des corps ; très-peu d’expériences, moins encore d’anatomie, rien de géographie. […] On n’y lit pas un mot du droit français ; pas plus du droit des gens que s’il n’y en avait point ; rien de notre code ni civil ni criminel ; rien de notre procédure, rien de nos lois, rien de nos coutumes, rien des constitutions de l’État ; rien du droit des souverains, rien de celui des sujets ; rien de la liberté, rien de la propriété, pas davantage des offices et des contrats. […] Celui de s’occuper de la science des mots ou de l’étude des langues, clef de ces vieux sanctuaires fermés pendant tant de siècles. […] Maître de danse dont on cite plus communément le mot : « Que de choses dans un menuet ! 

1140. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Voilà ce qui explique ces mots de l’apôtre des nations : La foi, c’est l’ouïe. […] Le mot poète, qui signifie faiseur, et le mot poésie, qui signifie invention, ne furent d’un usage général que vers le temps d’Hérodote. Jusque-là les mots chanteurs et chants avaient été seuls employés pour désigner les poètes et la poésie. Le mot rhapsode lui-même signifie couseurs de chants. […] Le mot porte en Orient a encore une signification qui tient à ces usages antiques, et le nom de Porte-Ottomane donné au gouvernement turc est un monument de ces mêmes usages.

1141. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

dire pourquoi il en fut ainsi de la Restauration, montrer les causes de la fragilité de tout ce qu’elle pensa, voulut et entreprit, et par le mot de Restauration, qu’on nous comprenne bien ! […] … Y a-t-il sur ces hommes qu’il fallait classer définitivement, puisqu’on se piquait d’être historien, un mot, un seul mot qui ne soit connu comme la tour d’ivoire de M. de Vigny (dont M.  […] Nettement vit dans cet affreux mot « ménagerie » une irrévérence et des horizons de cynisme, non pas à ravir, mais à souiller inexprimablement la pensée ! Après cela, on comprend très bien que, jugé physiquement à travers des mots si effroyablement dissolus, Balzac dut avoir pour cette combinaison d’hermine et de lynx, qu’on appelle M.  […] S’il fallait le peindre, comme penseur et comme écrivain, par un seul mot qui dût bien exprimer son être et sa manière, nous dirions, après avoir lu les deux volumes d’aujourd’hui, que M. 

1142. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

J’en donnerais la traduction mot à mot, en tâchant d’en faire saisir le parfum champêtre et comme l’odeur de bruyère qui court à travers ces propos familiers et simples. […] Je dis que je te vaincrai tant que je voudrai moi-même en chantant. » Daphnis lui répond dans le même tour et sur les mêmes cadences : « Pasteur de laineuses brebis, flûteur Ménalcas, tu ne me vaincras jamais, même quand tu chanterais à en mourir. » Remarquez bien qu’il n’y a pas ce mot de mourir dans le texte ; un tel mot de malheur ferait tache, et les Grecs s’en gardaient soigneusement. […] On est très-préparé, en un mot, à ne plus tant s’effaroucher aujourd’hui que du temps de La Motte et de Fontenelle. […] « C’est ainsi que j’ai dit à la servante le véritable mot : Allons, allons, Thestylis, trouve-moi quelque remède à ma dure maladie. […] En un mot, le sens passe à travers le refrain comme sous l’arche d’un pont.

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