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913. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

* * * — Est-ce que chez les lettrés, la publication d’un livre apporterait la déperdition des forces physiques et morales, qui se produit chez les criminels, après la consommation d’un crime ? […] Les ennuis, moraux des uns, les souffrances physiques des autres, amènent la conversation sur la mort — la mort ou l’amour, chose curieuse, c’est toujours l’entretien de nos après-dîners, — et la conversation continue jusqu’à onze heures, cherchant, parfois à s’en aller de là, mais revenant toujours au noir sujet. […] * * * — La vieillesse a quelque chose d’un crépuscule moral, dans lequel on entrerait.

914. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

VI La vertu, et non la passion, est le but moral des drames poétiques de l’Inde ; leur poésie, plus philosophique que la nôtre, tend à calmer l’âme du spectateur, et non à la troubler. […] IX Par une métaphore qui doit être bien naturelle à l’homme, puisqu’elle se retrouve dans les langues modernes comme dans cette langue primitive, les littérateurs indiens donnent aux différentes impressions morales produites par les genres divers de leur poésie, le nom de goût ou saveur ; ils y ajoutent l’assimilation des différents genres de littérature aux différentes teintes de couleurs qui affectent diversement les yeux. […] Telles étaient les représentations scéniques de l’Inde primitive, pendant que le reste de l’Asie, à l’exception de la Chine, l’Afrique, l’Europe, la Grèce, Rome et les Gaules balbutiaient encore la langue de la philosophie, de la poésie et des arts ; quoi qu’en ait dit Voltaire, le jour moral s’est levé en Orient comme le jour céleste.

915. (1930) Le roman français pp. 1-197

De ces préoccupations morales et religieuses, vous ne trouverez nulle trace dans L’Astrée d’Honoré d’Urfé, continuateur, avec une nouvelle manière, des romans de chevalerie. […] Encore une fois, c’est un roman « de société » mais de plus moral, très moral, poussant jusqu’à l’héroïsme, jusqu’au sublime, l’éloge de la fidélité conjugale. […] Et roman moral, très moral, qui transporte dans le domaine de la morale cette distinction aristocratique… Mlle de Chartres — grand nom et grande fortune — a épousé, sans amour, le prince de Clèves. […] Il moralise sur ce qui n’est pas moral selon l’ancienne morale. […] Elle eût pu considérer qu’il était nuisible à la conduite de la guerre, au « moral » des civils et à celui des combattants, qu’on insistât aussi fortement sur les misères, les hontes que produisait ce conflit, qui eût dû garder un aspect héroïque.

916. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

On a beaucoup discuté sur le caractère moral de Timon, pour savoir si on devait le plaindre dans son malheur, ou s’il fallait regarder la perte de sa fortune comme une mortification méritée. […] Admirable trait de sens moral et de bon sens dans le génie adonné à peindre la passion ! […] Je crois cela moins factice et plus conforme aux vraisemblances morales aussi bien qu’à la vérité positive. […] Si cette pièce n’est pas une des plus morales et des plus fortement conçues de Shakspeare, elle n’est pas une des moins amusantes et des moins instructives. […] Johnson observe que le style de Shakspeare, dans Troïlus et Cressida, est plus correct que dans la plupart de ses pièces ; on doit y remarquer aussi une foule d’observations politiques et morales, cachet d’un génie supérieur.

917. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Que deviendrait le respect, ce grand auxiliaire moral des gouvernements ? […] Mais que changer d’opinion sans abandonner ses sentiments personnels, ni les vaincus, ni les malheureux, ni les faibles ; changer à ses dépens en s’exposant sciemment, au contraire, aux dénigrements d’intentions, aux colères du respect humain, au mépris des partis et aux souffrances de considération qui suivent ordinairement ces progrès des hommes sincères dans ce qu’ils croient la route des améliorations morales et des vérités progressives, c’est souffrir pour la cause du bien, c’est le martyre d’esprit pour la vérité, martyre que les hommes aggravent par leur fiel et par leur vinaigre, mais que la vérité récompense par les jouissances de la conscience. […] Le premier, tout moral, c’était de démontrer historiquement au peuple, et surtout aux hommes d’État, que le crime politique, populaire, démocratique ou aristocratique, déshonorait ou perdait fatalement toutes les causes qui croyaient pouvoir se servir pour leur succès de cette arme à deux tranchants ; Que la Providence était aussi logique que la conscience ; Que les événements ne pardonnaient pas plus que Dieu l’emploi des moyens criminels, même pour les causes les plus légitimes, et qu’en commentant avec clairvoyance la Révolution française, le plus vaste et le plus confus des événements modernes, on trouverait toujours infailliblement un excès pour cause d’un revers, et un crime pour cause d’une catastrophe. […] La direction que ces hommes de tribune lui imprimaient était le contresens le plus flagrant à la nature de ce grand et noble parti ; il devait, selon moi, représenter avec une digne gravité ce qu’il était lui-même dans le pays, c’est-à-dire le passé rallié au présent par la force des choses et par la raison des esprits, l’aristocratie des souvenirs, la chevalerie des sentiments, le désintéressement du patriotisme, la libéralité des sacrifices, le patronage intelligent et moral du peuple, le génie des campagnes, l’alliance antique et intime du château et de la chaumière, la religion serviable à la misère par la charité de l’opulente noblesse rurale, les intérêts de l’agriculture, l’honneur de l’armée fière des noms militaires antiques confondus avec les noms militaires nouveaux, une abstention complète des emplois et des faveurs de cour, une brigue honnête et utile de tous les services gratuits que le citoyen peut offrir à sa patrie pour que le civisme de ces hautes classes devint insensiblement la base de leur nouvelle illustration, un esprit d’ordre surtout qui ne marchandât jamais ses services contre les factions turbulentes qui portaient le trouble dans la rue, qui prêchaient la guerre pour la guerre au dehors, qui faisaient de la tribune et de la presse deux foyers d’agitation ultra-révolutionnaires, donnant à toute journée parlementaire des accès de fièvre avec redoublement au pays ; voilà la position que ce grand parti devait prendre selon moi, celui de conservateur, indépendant du gouvernement, commençant par conquérir l’estime et finissant par exercer une influence méritée sur le peuple des campagnes, sur les élections, sur le journalisme, sur les chambres ; parti ne voulant rien de la dynastie illégitime pour lui-même, mais lui imposant tout et même l’abdication dans ses mains, par son ascendant sur la nation réconciliée avec ses aristocraties propriétaires du sol, par son alliance avec la bourgeoisie ascendante, suzeraine des capitaux qui nourrissent les prolétaires, et enfin par son utilité aux prolétaires, que l’ordre seul vivifie et que le désordre affame en un jour.

918. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

D’ailleurs son mollet charnu, saillant, pronostiquait autant que son long nez carré, des qualités morales auxquelles paraissait tenir la veuve, et que confirmait la face lunaire et naïvement niaise du bonhomme. […] Joignez-y l’amour, cette reconnaissance vive de toutes les âmes franches pour le principe de leurs plaisirs, et vous comprendrez une foule de bizarreries morales. […] Mais ces continuelles tourmentes m’habituèrent à déployer une force qui s’accrut par son exercice et prédisposa mon âme aux résistances morales. […] Lors de ma première communion, je me jetai donc dans les mystérieuses profondeurs de la prière, séduit par les idées religieuses dont les féeries morales enchantent les jeunes esprits.

919. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

C’est, dans la culture de l’homme moral, la différence entre deux labourages, dont l’un ne fait qu’effleurer le sol, et dont l’autre le retourne à fond. […] Par la raison nous goûtons les belles sentences, politiques ou morales, dont il a semé leur langage. […] Ainsi, l’effet moral des deux théâtres est le même : il y a pour la conscience le même profit à reconnaître la justice de l’expiation qu’à applaudir à la justice de la récompense. […] Sous le héros de la fable, je reconnais dans Pyrrhus le jeune prince exalté par la jeunesse, l’orgueil, la puissance, le courage ; cruel comme il est généreux, par emportement ; qui n’a pour résister à sa passion, ni le sens moral, ni l’expérience qui en donne les scrupules.

920. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Il se plaint de « l’hiver moral » et des cœurs glacés dans son siècle, en qui la religion avait dévoré le génie (259). […] L’un est l’expression d’un état d’esprit moral ou religieux ; il est à peu près synonyme de spiritualisme, et c’est lui qu’emploie M.  […] Cet effet est fort visible dans les différents Etats, mais surtout en France, lors des grandes crises politiques ou morales. […] Féré, il l’a déjà montré dans un essai fort intéressant sur l’instinct sexuel, a des tendances mystiques, ou, si l’on veut, morales. […] Suivant son tempérament et suivant son développement physique et moral, il y a un maximum de bonheur que l’homme ne peut dépasser.

921. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Appendice » pp. 511-516

À cela il a été répondu, moins comme contradiction directe à ce que ces éloges avaient, liitérairement, de mérité, que comme correctif et au point de vue où la commission avait à juger l’ouvrage, qu’il ne paraissait point du tout certain que la peinture fidèle de ce vilain monde fût d’un effet moral aussi assuré ; que le personnage même le plus odieux de la pièce avait encore bien du charme ; que le personnage même le plus honnête, et qui fait le rôle de réparateur, était bien mêlé aux autres et en tenait encore pour la conduite et pour le ton ; que le goût du spectateur n’est pas toujours sain, que la curiosité est parfois singulière dans ses caprices, qu’on aime quelquefois à vérifier le mal qu’on vient de voir si spirituellement retracé et si vivant ; que, dans les ouvrages déjà anciens, ces sortes de peintures refroidies n’ont sans doute aucun inconvénient, et que ce n’est plus qu’un tableau de mœurs, mais que l’image très vive et très à nu, et en même temps si amusante, des vices contemporains, court risque de toucher autrement qu’il ne faudrait, et qu’il en peut sortir une contagion subtile, si un large courant de verve purifiante et saine ne circule à côté.

922. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

— On vient de publier en un volume un choix des Œuvres philosophiques et morales de Nicole, avec une Introduction par M.

923. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De l’amitié. »

Et d’ailleurs, celle qui croirait posséder l’ami le plus parfait et le plus sensible, l’amie la plus distinguée, sachant mieux que personne tout ce qu’il faut pour obtenir du bonheur dans de telles relations, serait d’autant plus éloignée de conseiller comme la destinée de tous, la plus rare des chances morales.

924. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

Plusieurs écrivains se sont servis des raisonnements les plus intellectuels pour prouver le matérialisme ; mais l’instinct moral est contre cet effort, et celui qui attaque avec toutes les ressources de la pensée la spiritualité de l’âme, rencontre toujours quelques instants où ses succès même le font douter de ce qu’il affirme.

925. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Le scrupule moral le protégea contre cet excès de ses qualités.

926. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Cette loi du moindre effort, comme on la nomme souvent, s’applique au monde moral comme au monde physique.

927. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

Les variations en probabilité sont entièrement dues aux variations dans l’état de notre propre connaissance ; et cela est également vrai pour les phénomènes physiques et pour les phénomènes moraux.

928. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

Que si elles avaient le défaut de faire de l’amour un délire de l’imagination, elles eurent aussi le mérite d’élever les esprits et les âmes au-dessus de l’amour d’instinct, et de préparer cet amour du cœur, ce doux accord des sympathies morales si fécond en délices inconnues à l’incontinence grossière, cet amour qui donne tant d’heureuses années à la vie humaine, appelée seulement à d’heureux moments par l’amour d’instinct.

929. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

Il est bien plus naturel & plus juste de les considérer comme autant de préceptes mis en action, comme autant de préceptes mis en action, comme autant d’Apologues dont il est facile de tirer le sens moral ; & l’Apologue a toujours été regardé comme la tournure la plus propre à inculquer les leçons.

930. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

, toutes ces beautés réunies ont en soi quelque chose de si moral, de si solennel, de si attendrissant, qu’elles ne sont peut-être point effacées par les Prières du chantre d’Ilion.

931. (1865) Du sentiment de l’admiration

le souvenir de cet héroïsme moral rayonnera toujours devant ses yeux.

932. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Les femmes de ces temps-là pouvaient avoir, comme les femmes, du reste, de tous les temps, leurs faiblesses, leurs passions, leurs misères morales, leurs chutes ; mais en honneur (l’honneur de ces temps-là) elles étaient tenues de les couvrir et de les cacher.

933. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

L’Égalité politique et physiologique de Rousseau, lequel ne comprit jamais rien à l’unité complexe de la famille, pesait les hommes comme mâles et ne les pesait pas comme pères, par conséquent noyait les forces morales de l’ordre et de la société dans la force brute d’un nombre qui n’était pas du tout, malgré son titre, suffrage universel.

934. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

Double déchet, moral et esthétique !

935. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

L’âme qui s’y agite et y respire peut attendrir l’âme qui lui ressemble, une âme du même niveau moral ; mais elle n’y contracte jamais cette supériorité de passion et cette profondeur exaltée qui constitue cette chose à part que l’on appelle le talent.

936. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Henri Rochefort, si supérieur par les instincts qu’il puisse être aux autres jeunes gens de sa génération, n’a pas encore, je le crains bien, sa valise de moraliste complètement faite pour les expéditions morales.

937. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

« Les événements moraux — dit-il ailleurs — ne sont que des sensations transformées ou déformées. » Et, allant toujours : « Il n’y a plus aujourd’hui que le moi et la nature. » Certes !

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