A mesure qu’il en augmente son trésor, il n’est pas toujours sûr de ne pas les avoir employés déjà : « Je crois, dit-il en un endroit, avoir déjà mis ce vers quelque part, mais je ne puis me souvenir où. » 62. […] On a là une juste mesure de la verve d’exécution d’André : elle tient le milieu, pour la rapidité, entre la lenteur un peu avare des poëtes sous Louis XIV et le train de Mazeppa d’aujourd’hui.
En second lieu, pour la capitation, qui, à l’origine, distribuée en vingt-deux classes, devait peser sur tous à proportion de leurs fortunes, on sait que, dès l’abord, le clergé s’en est affranchi moyennant rachat ; et, quant aux nobles, ils ont si bien manœuvré, que leur taxe s’est réduite à mesure que s’augmentait la charge du Tiers. […] Or cette taxe est une surcharge d’un quart ajoutée au principal de la taille, et, pour prendre un exemple, en Champagne, sur 100 livres de revenu, elle prend au taillable 6 livres 5 sous. « Ainsi, dit l’assemblée provinciale, les routes dégradées par le poids d’un commerce actif, par les courses multipliées des riches, ne sont réparées qu’avec la contribution des pauvres. » — À mesure que les chiffres défilent sous les yeux, on voit involontairement se dégager les deux figures de la fable, le cheval et le mulet, compagnons de route : le cheval a droit de piaffer à son aise ; c’est pourquoi on le décharge pour charger l’autre, tant qu’enfin la bête de somme s’abat sous le faix.
Quand l’homme est heureux de son loisir et de son travail, il chante ; c’est l’enthousiasme du bien-être qui lui donne alors la mélodie et le diapason ; c’est Dieu lui-même qui a composé cette musique universelle qui cherche ses notes dans les émotions inarticulées de l’air écrit dans le cœur, et c’est le cœur qui bat la mesure avec ses vives ou lentes palpitations. […] Il suspendait alors son chant pendant quelques respirations, puis il le reprenait avec une force nouvelle, à mesure qu’il approchait du fond de la vallée et de la clairière de gazon et de rocaille où la gorge du château commence à monter vers la roche.
Or, cette responsabilité réelle, ce gage saisissable, ce corps palpable, qui répondent aux rois de la mesure et de l’inoffensivité du tribun sacré appelé pape, qu’est-ce autre chose que sa souveraineté temporelle ? […] Le Piémont a montré depuis six ans toutes les bravoures de la conquête, mais aucune prévoyance et aucune mesure dans ses entreprises.
Mais, si la gloire a quelques inconvénients inséparables des retentissements souvent importuns qu’elle donne au nom du poète, alors on n’en veut plus, ou bien on n’en veut qu’à sa mesure, c’est-à-dire une gloire commode, silencieuse, intime, pour ainsi dire, chuchotée à l’oreille de quelques amis et qui fait dire au coin du feu de la famille : « Tenez, lisez, jugez, jouissez ; mais ne faites pas de bruit de peur d’éveiller l’enfant et la mère, et surtout de peur d’éveiller la jalousie des rivaux. […] Ils avaient laissé huit ou dix paires de sabots très petits sur la place : la petitesse des sabots disait l’âge des enfants par la mesure des pieds qu’ils avaient chaussés.
Si, au contraire, on est vaincu, démoralisation générale, mesures de terreur pour arracher l’or et le sang dévorés par la guerre universelle, résistance du peuple à livrer son or et ses enfants, accusations de trahison, spoliations, emprisonnements, échafauds, fin de la terreur par l’horreur du monde, ajournement à un autre siècle de la liberté. […] Et à quelle mesure, dirons-nous aux partisans nombreux de ce sophisme, à quel degré du thermomètre moral reconnaîtrez-vous que l’immoralité change de nature, et que ce qui était crime dans le petit nombre devient moralité dans le grand nombre ?
« Il faisait fournir des barques et des canots à ceux qui voulaient fuir ; il anéantissait les lettres et les notes qui auraient pu servir de témoignage du zèle qu’on avait montré pour lui, des injures qu’on avait proférées contre Vitellius ; il distribuait des gratifications avec mesure, et nullement comme un homme qui n’a rien à ménager après lui ; ensuite il s’appliqua à consoler le fils de son frère, Salvius Coccéianus, enfant en bas âge, qui tremblait et qui pleurait, louant sa tendresse, gourmandant son effroi, l’assurant que le vainqueur ne serait pas assez barbare pour refuser la grâce de ce neveu, à lui, qui avait conservé à Rome toute la famille de Vitellius, et qui allait, par la promptitude de sa propre mort, mériter la clémence de ce rival : car ce n’était point, ajoutait-il, dans une extrémité désespérée, mais à la tête d’une armée demandant à combattre, qu’il épargnait volontairement à la république une calamité nouvelle ; qu’il avait assez de renommée pour lui-même, assez d’illustration pour ses descendants ; que le premier, après les Jules, les Claude, les Servius, il avait porté l’empire dans une nouvelle famille ; que son neveu devait donc accepter la vie avec une noble assurance, sans oublier jamais qu’Othon fut son oncle, et cependant sans trop s’en souvenir. » VIII « Après ces soins donnés aux autres, il prit quelques moments de repos. […] Ils ne méritent pas la liberté, ceux qui ne respectent pas la conscience. — Deux poids et deux mesures, est-ce la justice ?
Je ne nie pas mon incompétence pour un jugement ; je ne prends pas ma taille pour mesure du génie dramatique ; je ne dis pas : « Ce qui est plus haut que moi n’existe pas. » VI Quoi qu’il en soit, c’est l’âge qui fait les idées, c’est la jeunesse qui fait les amitiés. […] » m’écriai-je au milieu du rire de l’auditoire », et combien la société de tels socialistes ferait envier aux hommes le sort de la brute ruminante, qui va du moins paître en liberté et en paix l’herbe qu’elle ne mesure qu’à sa faim !
» XIII À mesure que le chagrin lui retire sa vie, elle cherche évidemment à la retenir instinctivement par quelques riantes images, réminiscences impuissantes de la jeunesse. […] On voudrait que la raison humaine tempérât davantage ces pieuses crédulités du couvent ; mais, à mesure qu’elle avance dans la vie, cette foi, au lieu de s’isoler et de s’aigrir, s’adoucit visiblement.
Il y a dans le cri de Kaïn une âpreté plus superbe, s’il se peut, que celle du poète de la Nature, et une espérance non plus forte, mais moins vague et plus voisine de son objet, que celle du Titan voleur de feu La protestation du corps contre la douleur, du cœur contre l’injustice et de la raison contre l’inintelligible, devient, semble-t-il, plus ardente à mesure que l’industrie humaine combat la souffrance, que l’idée de justice passe dans les institutions et que la science entame les frontières de l’inconnu ; comme si l’homme, moins éloigné de son idéal, en subissait plus invinciblement l’attraction et se précipitait vers lui d’un mouvement plus furieux. […] On peut succomber aux souffrances physiques qui jettent l’homme hors de soi, l’affolent et le font crier ; on peut succomber aux mécomptes qui ont pour objet des personnes ; mais les douleurs purement intellectuelles ne tuent pas, parce que, dans la plupart des cas, à mesure qu’elles croissent, croît aussi notre orgueil.
feuillette de main nocturne et journelle les exemplaires grecs et latins. » Mais dans quelle mesure le poëte devra-t-il imiter les anciens ? […] Le poëte médiocre se mesure à sa vogue ; il en croit les louanges qu’il reçoit et qui sont d’autant plus excessives qu’il est moins au-dessus de la foule qui l’applaudit.
Il ne faut donc pas chercher dans les poëtes la mesure de l’esprit français durant cette période ; les auteurs en prose peuvent seuls nous la donner. […] En effet, quoique fort épris du loisir et jaloux de sa commodité, il ne put se dérober tellement aux affaires publiques, qu’on ne le forçât de s’y mêler dans cette mesure qu’il portait en toutes choses.
De Maistre n’est en reste avec personne, ni de paroles méprisantes quand il mesure leurs talents, ni d’indignation généreuse quand il flétrit leurs actes. […] Tous les deux sont violents : de Maistre, à la façon des violents de l’Évangile, dont il est dit qu’ils emportent le royaume de Dieu ; Lamennais, à la façon de ces esprits sans mesure qui, après avoir accablé tout le monde de leurs affirmations, n’en trouvent pas une, au moment suprême, qui leur dise où ils vont et qui les aide à mourir.
La conscience, dans son sens général, étant la somme de toutes nos sensibilités, le confluent de plusieurs courants de sensations ; il en résulte que dans les animaux inférieurs, doués d’un système nerveux simple, les phénomènes sensitifs sont simples et qu’à mesure que l’organisation croit en complexité, les phénomènes sensitifs deviennent nécessairement plus complexes, et les éléments de la conscience générale plus nombreux. […] Sue, père du célèbre romancier, vit que la moelle épinière pouvait, en une certaine mesure, remplacer les fonctions du cerveau.
Desroncerets est en mesure de rembourser les cent mille francs empruntés, il restera en possession du château. […] … D’un coup d’œil il mesure l’abîme et il aperçoit la branche de salut.
La périodicité et l’uniformité vont seulement en croissant à mesure qu’on descend plus bas dans l’échelle des êtres. […] Puis cette réaction se précise à mesure que je fixe mon attention sur la dent.
Espinas, « tourne à son profit, dans la mesure de ses forces, les conditions du milieu ». — Sans doute, mais c’est cette idée même de profit qui dépasse le mécanisme. […] Les habitudes doivent être de moins en moins faciles à transmettre par hérédité à mesure qu’il s’agit d’organismes plus complexes, plus définis, plus fixes dans leurs conditions de genèse.
À mesure que je descendais, la petite vallée dont je suivais le lit se creusait plus profondément devant moi, se cachait sous plus de hêtres et de châtaigniers, murmurait de plus de ruisseaux dans ses ravines, et, s’ouvrant davantage sur ses deux flancs, me laissait déjà apercevoir une plus large étendue et une plus creuse profondeur de la vallée de Saint-Point, dans laquelle elle vient aboutir. […] Le vent du midi avait redoublé d’haleine à mesure que le soleil était monté sous le ciel ; il avait pris les bouffées et les rafales d’une tempête sèche ; depuis que le soleil avait commencé à redescendre vers le couchant, il avait balayé comme un cristal le firmament ; il faisait rendre aux bois, aux rochers, et même aux herbes, des harmonies qui semblaient mêlées de notes joyeuses et de notes tristes, d’embrassements et d’adieux, de terreur et d’enthousiasme ; il amoncelait en tourbillons les feuilles mortes, et puis il les laissait retomber et dormir en monceaux miroitants au soleil : ce vent avait dans les haleines des caresses, des tiédeurs, des sentiments, des mélancolies et des parfums qui dilataient la poitrine, qui enivraient les oreilles, qui faisaient boire par tous les pores la force, la vie, la jeunesse d’un incorruptible élément.
Aujourd’hui, les monologues conservent la même mesure des vers que le reste de la tragédie ; et ce style alors est supposé le langage commun : mais Corneille en a pris quelquefois occasion de faire des odes régulières, comme dans Polieucte et dans le Cid, où le personnage devient tout à coup un poète de profession, non seulement par la contrainte particulière qu’il s’impose, mais encore en s’abandonnant aux idées les plus poétiques, et même en affectant des refrains de ballade où il fallait toujours retomber ingénieusement. […] Mais on eût dû dire aux Menandre, aux Aristophane, aux Plaute : « Surmontez la difficulté, instruisez-nous du fait sans avoir l’air de nous instruire ; amenez sur le théâtre des personnages 96 nécessaires qui aient des raisons de se parler ; qu’ils m’expliquent tout, sans jamais s’adresser à moi ; que je les voie agir et dialoguer : sinon, vous êtes dans l’enfance de l’art. » À mesure que le public s’est plus éclairé, il s’est plus dégoûté des longs monologues.
Dans ce cas, la censure n’était donc qu’une mesure dérisoire, puisqu’elle n’a jamais pu empêcher un livre de paraître, ni un auteur d’écrire librement sa pensée sur toute espèce de sujets : après tout, le plus grand mal qui pouvait arriver à un écrivain, était d’aller passer quelques mois à la Bastille, d’où il sortait bientôt avec les honneurs d’une persécution, qui quelquefois était son seul titre à célébrité. […] Songez, Mylord, que, sans le voyage et les expériences de ceux qu’il envoya à Cayenne en 1672, et sans les mesures de M.
Si cette extériorité n’est qu’apparente, l’illusion se dissipera à mesure que la science avancera et l’on verra, pour ainsi dire, le dehors rentrer dans le dedans. […] Si les seuls points de repère qui sont donnés sont eux-mêmes variables, s’ils sont perpétuellement divers par rapport à eux-mêmes, toute commune mesure fait défaut et nous n’avons aucun moyen de distinguer dans nos impressions ce qui dépend du dehors, et ce qui leur vient de nous.
La critique naturaliste, qui analyse la passion d’un livre et sa vérité de cœur, a exalté l’auteur de Fanny outre mesure, et cela devait être. […] Il n’était nullement difficile d’en prendre la mesure avec sang-froid, et pour notre part nous la prîmes un des premiers… Ce n’était pas, en effet, un de ces talents qui semblent tomber du ciel, tant ils sont inattendus : nous en connaissions la famille… L’idée du livre, qui valait mieux que le livre, était heureuse, et pour le moment très-nouvelle.
La famille régnante fut parfaite en ces années pour la fille des Napoléon : la princesse Mathilde ne l’a jamais oublié ; et depuis, dans une circonstance pénible où la politique impériale eut à exercer sur les biens de la maison déchue une de ces mesures d’État, commandées sans doute et nécessaires, elle et la duchesse d’Hamilton, n’écoutant que leurs sentiments particuliers et de leur propre mouvement, s’honorèrent par une démarche dont l’intention doit leur être comptée.
Au reste, il ne s’agit pas de charger en rien Ney, le brave des braves, mais d’expliquer la suite des faux pas, des malentendus dont un ou deux, ou trois encore, eussent été réparables, mais qui, en s’ajoutant tous, en s’accumulant opiniâtrement et sans relâche jusqu’à la fin, comblèrent la mesure et firent mentir dans ses calculs les plus profonds et les plus justes le génie moderne des combats.
Mais le grand philologue de Leyde, qui était son véritable ami, qui entretenait avec lui un commerce de lettres, qui se plaisait à être son hôte dans ses voyages à Paris, saurait dire mieux que personne et dans leur juste mesure les qualités précises et multiples de celui qu’il distinguait et estimait entre tous.