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622. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Il me semble que, tout au contraire, les lois psychiques les mieux établies confirment les résultats négatifs de mes observations. […] Il est vrai que la possibilité de variétés individuelles résulte des lois mêmes de l’habitude que nous invoquons. […] De ces deux erreurs, la première est très fréquente, et ce qui, en pareil cas, séduit l’esprit à juger à faux, c’est évidemment la perturbation des lois que nous venons d’établir. […] Mais ici s’applique la loi, que nous avons posée, de la disparition progressive de la reconnaissance. […] La loi dont nous indiquons ici une application particulière peut se formuler ainsi : l’attention opère sur les éléments des habitudes complexes une sélection analytique.

623. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Il y eut peut-être un moment où Virgile jeune, dans l’orgueil de ses vastes pensées, méditant une œuvre plus immortelle que Rome elle-même, se croyait au-dessus des lois de la critique et dédaignait de rien puiser qu’à la source directe de la nature ; mais quand il eut tout bien examiné des deux parts, il trouva que la nature et Homère, ce n’était qu’un. » Certes la poésie des seconds âges, des âges polis et adoucis, n’a jamais été mieux exprimée par un exemple. […] Il savait bien, au reste, que c’était chose nouvelle, inusitée et longtemps inouïe dans sa nation, que cette tentative de régularité et cette exacte codification du goût : « En France, disait-il, la nation y est accoutumée, on obéit, on se soumet ; mais nous, braves Bretons24, nous méprisons les lois étrangères, et non conquis, non civilisés, défenseurs hardis et féroces des libertés du talent, nous défions toujours les Romains comme autrefois. » Cela était vrai du moins la veille encore et avant Dryden. […] Bowles lui-même a fait en ce sens des sonnets délicieux, d’une nuance infinie, et il n’a pas pris garde qu’il érigeait son goût et son talent personnel en loi et en théorie générale ; il se prenait pour type, comme il arrive souvent. […] Taine nous entretenait l’autre jour27, — occupés, dis-je, à rechercher uniquement et scrupuleusement la vérité dans de vieux livres, dans des textes ingrats ou par des expériences difficiles ; des hommes qui voués à la culture de leur entendement, se sevrant de toute autre passion, attentifs aux lois générales du monde et de l’univers, et puisque dans cet univers la nature est vivante aussi bien que l’histoire, attentifs nécessairement dès lors à écouter et à étudier dans les parties par où elle se manifeste à eux la pensée et l’âme du monde ; des hommes qui sont stoïciens par le cœur, qui cherchent à pratiquer le bien, à faire et à penser le mieux et le plus exactement qu’ils peuvent, même sans l’attrait futur d’une récompense individuelle, mais qui se trouvent satisfaits et contents de se sentir en règle avec eux-mêmes, en accord et en harmonie avec l’ordre général, comme l’a si bien exprimé le divin Marc-Aurèle en son temps et comme le sentait Spinosa aussi ; — ces hommes-là, je vous le demande (et en dehors de tout symbole particulier, de toute profession de foi philosophique), convient-il donc de les flétrir au préalable d’une appellation odieuse, de les écarter à ce titre, ou du moins de ne les tolérer que comme on tolère et l’on amnistie par grâce des errants et des coupables reconnus ; n’ont-ils pas enfin gagné chez nous leur place et leur coin au soleil ; n’ont-ils pas droit, ô généreux Éclectiques que je me plais à comparer avec eux, vous dont tout le monde sait le parfait désintéressement moral habituel et la perpétuelle grandeur d’âme sous l’œil de Dieu, d’être traités au moins sur le même pied que vous et honorés à l’égal des vôtres pour la pureté de leur doctrine, pour la droiture de leurs intentions et l’innocence de leur vie ?

624. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Il consent à reconnaître que « les hommes des autres mondes diffèrent de nous tant dans leur organisation intime que dans leur type physique extérieur » ; mais ce n’est là qu’une manière de concession : il croit pouvoir, d’ailleurs, assigner à ces types humains, certaines règles, certaines lois intellectuelles et morales qui leur sont communes avec nous. […] Pezzani n’hésite pas à affirmer que le vrai christianisme n’a pas à se soucier de cette pluralité des mondes ; qu’il n’en saurait être compromis ; que la venue du Messie n’est point d’ailleurs bornée nécessairement à notre terre ; qu’elle n’est qu’un cas particulier d’une loi divine plus générale. […] Certes, plus l’homme comprend ces lois merveilleuses de l’univers, et plus aussi il se rend digne de la condition humaine la plus élevée, telle que l’ont faite les sciences et le sublime effort de quelques-uns ; plus l’homme approche d’un Pythagore ou d’un Archimède, d’un Newton ou d’un La Place, et plus il doit ressentir une joie plénière devant des lois de plus en plus approfondies ou conjecturées ; mais, même à des degrés infiniment moindres, il lui est loisible encore de participer à ces nobles « délices des êtres pensants ».

625. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

. — Au mieux, et en supposant la science complète, on entrevoit une formule mathématique, capable de résumer en une loi les diverses positions et relations de toutes les particules nerveuses. — Mais ces progrès, si grands qu’on les imagine, n’ajoutent rien à notre idée des sensations ; ils nous éclairent sur leurs conditions, et non sur elles. […] Tout au plus trouverai-je peut-être quelque loi qui relie l’accroissement de l’amertume au développement de telle forme du mouvement moléculaire, pareille à la loi qui fait croître l’acuité des sons avec le nombre des vibrations transmises au nerf auditif. […] Donc, étant donnée la loi qui lie la sensation élémentaire avec sa condition, on peut suivre la sensation élémentaire sous tous ses aspects et à tous ses degrés, bien au-delà de la portée de la conscience, en suivant par les mathématiques les changements et les degrés de sa condition.

626. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

je vous répondrai que je n’en sais rien, et qu’il faut le demander à celui qui a fait les sens et l’oreille de l’homme plus voluptueusement impressionnés par la cadence, par la symétrie, par la mesure et par la mélodie des sons et des mots, que par les sons et les mots inharmoniques jetés au hasard ; je vous répondrai que le rythme et l’harmonie sont deux lois mystérieuses de la nature qui constituent la souveraine beauté ou l’ordre dans la parole. […] Mais le grand poète, d’après ce que je viens de dire, ne doit pas être doué seulement d’une mémoire vaste, d’une imagination riche, d’une sensibilité vive, d’un jugement sûr, d’une expression forte, d’un sens musical aussi harmonieux que cadencé ; il faut qu’il soit un suprême philosophe, car la sagesse est l’âme et la base de ses chants ; il faut qu’il soit législateur, car il doit comprendre les lois qui régissent les rapports des hommes entre eux, lois qui sont aux sociétés humaines et aux nations ce que le ciment est aux édifices ; il doit être guerrier, car il chante souvent les batailles rangées, les prises de villes, les invasions ou les défenses de territoires par les armées ; il doit avoir le cœur d’un héros, car il célèbre les grands exploits et les grands dévouements de l’héroïsme ; il doit être historien, car ses chants sont des récits ; il doit être éloquent, car il fait discuter et haranguer ses personnages ; il doit être voyageur, car il décrit la terre, la mer, les montagnes, les productions, les monuments, les mœurs des différents peuples ; il doit connaître la nature animée et inanimée, la géographie, l’astronomie, la navigation, l’agriculture, les arts, les métiers même les plus vulgaires de son temps, car il parcourt dans ses chants le ciel, la terre, l’océan, et il prend ses comparaisons, ses tableaux, ses images, dans la marche des astres, dans la manœuvre des vaisseaux, dans les formes et dans les habitudes des animaux les plus doux ou les plus féroces ; matelot avec les matelots, pasteur avec les pasteurs, laboureur avec les laboureurs, forgeron avec les forgerons, tisserand avec ceux qui filent les toisons des troupeaux ou qui tissent les toiles, mendiant même avec les mendiants aux portes des chaumières ou des palais. […] Il lui apprend le patriotisme par le récit des exploits de ses héros, qui quittent leur royaume paternel, qui s’arrachent des bras de leurs mères et de leurs épouses pour aller sacrifier leur sang dans des expéditions nationales, comme la guerre de Troie, pour illustrer leur commune patrie ; il lui apprend les calamités de ces guerres dans les assauts et les incendies de Troie ; il lui apprend l’amitié dans Achille et Patrocle, la sagesse dans Mentor, la fidélité conjugale dans Andromaque ; la piété pour la vieillesse dans le vieux Priam, à qui Achille rend en pleurant le corps de son fils Hector ; l’horreur pour l’outrage des morts dans ce cadavre d’Hector traîné sept fois autour des murs de sa patrie ; la piété dans Astyanax, son fils, emmené en esclavage dans le sein de sa mère par les Grecs ; la vengeance des dieux dans la mort précoce d’Achille ; les suites de l’infidélité dans Hélène ; le mépris pour la trahison du foyer domestique dans Ménélas ; la sainteté des lois, l’utilité des métiers, l’invention et la beauté des arts ; partout, enfin, l’interprétation des images de la nature, contenant toutes un sens moral, révélé dans chacun de ses phénomènes sur la terre, sur la mer, dans le ciel ; sorte d’alphabet entre Dieu et l’homme, si complet, et si bien épelé dans les vers d’Homère, que le monde moral, le monde matériel, réfléchis l’un dans l’autre comme le firmament dans l’eau, semblent n’être plus qu’une seule pensée et ne parler qu’une seule et même langue à l’intelligence de l’aveugle divin !

627. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Naturellement, selon les lois de l’éloquence et du lyrisme, leurs développements des situations particulières et des sentiments individuels tendent à l’universel, au lieu commun : d’autant mieux que, ne comprenant rien à la nature propre du drame, ils sont amenés fort logiquement à le prendre comme une allégorie morale, destinée à l’instruction : pourquoi raconterait-on ces choses extraordinaires, si ce n’est pour l’exemple ? […] On peut dire que par les unités l’esprit classique s’est construit la forme littéraire la plus apte à l’exprimer ; et sans doute il n’était pas nécessaire que Corneille écrivit le Cid en 1636 : mais du moins, pour l’extraire du drame de Guillen de Castro, il lui fut utile de se sentir lié par ces lois nouvelles qui obligeaient de concevoir la tragédie autrement que comme un roman découpé en scènes. […] Ce n’est pas tout : le Cid pose cette loi, que le héros tragique fait sa destinée par les déterminations de sa volonté : il ne reçoit pas l’impulsion du dehors ; le hasard et l’accident sont exclus (en principe) de l’intrigue tragique. […] Il pose encore cette loi que le héros n’est pas un Espagnol, un Français, mais simplement et plus, un homme.

628. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Il dira à la Chambre des pairs : « On déporte les hommes ; les lois fondamentales d’un pays ne se laissent pas déporter. — Les fleuves ne remontent pas vers leur source ; les événements accomplis ne rentrent pas dans le néant. » Il disait à la Sorbonne : « A mesure que la réflexion retire la causalité que l’ignorance avait répandue sur les objets, les volontés locales, exilées du monde matériel, sont successivement rassemblées et concentrées par la raison en une volonté unique, source commune de toutes les volontés contingentes, cause première et nécessaire que la pensée de l’homme affirme sans la connaître, et dont elle égale le pouvoir à l’étendue, à la magnificence, à l’harmonie des effets qu’elle produit sous nos yeux. » Il invente des expressions superbes, qu’on n’oublie plus, images puissantes qui condensent sous un jet de lumière de longues suites d’abstractions obscures. […] Chaque fait révèle celui qui a précédé, prophétise celui qui va suivre… Ce qui est arrivé, arrivera dans les mêmes circonstances : le passé peut être affirmé de l’avenir ; aussi longtemps que la nature sera vivifiée par les mêmes forces, elle sera régie par les mêmes lois qui reproduiront les mêmes connexions… Ainsi l’avenir entre dans la pensée de l’homme, et avec lui, toute prévoyance, toute prudence, toute philosophie. » Le lecteur a déjà distingué le ton dominant de ce style. […] Mais selon la loi de Dugald Stewart, l’état primitif d’une idée ou représentation, c’est de faire illusion et d’être affirmative ; donc, un instant auparavant, c’est-à-dire dans la perception, cette représentation ou simulacre intérieur nous a fait illusion, et nous est apparue comme un objet extérieur et réel. — Dans un très-grand nombre de cas, par exemple dans toutes les illusions des sens, l’objet apparent diffère de l’objet réel, et par conséquent s’en distingue12. […] Loi de Spinosa retrouvée par Dugald Stewart.

629. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Ferrand, un des membres du ministère, et l’esprit certainement le plus à contretemps, le plus fermé à toute idée saine, venant présenter à la chambre des députés un projet de loi relatif aux biens non vendus des émigrés, s’avisa de partager tous les Français en deux catégories : 1° la portion des sujets du roi désignés par le nom d’émigrés, et 2° ceux qui n’avaient pas émigré et qu’il embrassait sous la dénomination de régnicoles. […] En récompense de l’habileté et du tact dont il avait fait preuve dans la discussion de cette loi, M.  […] Dès la fin de l’année 1814, nous dit M. de Viel-Castel, dont l’opinion compte d’autant plus qu’il ne se montre point favorable au régime impérial antérieur, il était évident pour tout le monde que les gouvernants n’étaient pas en accord avec le sentiment public, que les lois, les institutions qu’ils appliquaient avec plus ou moins de fidélité n’avaient pas leurs sympathies, et qu’un penchant irrésistible les entraînait, sinon à les violer, au moins à en éluder l’esprit.

630. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Au lieu d’aller aux lois de tolérance, c’était préparer les horreurs de 92. […] Toute pensée n’est-elle pas sujette à la contradiction comme à la première de ses lois (et à la plus utile) ? […] Et il en avait fait lui-même une paraphrase en vers : Passant, quand le soleil brille à ce méridien, Contemple le temps vrai, mais n’en fais point usage ; Le bon sens et la loi suivent le temps moyen.

631. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

Et la marque infaillible de sa vocation, la voici : tandis que les poètes, qui sont essentiellement et éminemment poètes, ne font guère que la théorie de leur talent, érigeant en bornes de l’art leurs impuissances et leurs procédés en lois, celui-ci échappe à la tyrannie du tempérament : il explique ce qu’il ne sait faire ; il conçoit un art supérieur au sien ; sa théorie est infiniment plus vaste et plus haute que sa pratique. […] Il y avait plus d’un siècle que se préparait la forme littéraire dont il devait fixer le caractère, et sa doctrine était le terme où l’on devait nécessairement aboutir, lorsque les belles œuvres de l’antiquité païenne eurent éveillé le goût français, et lorsqu’en même temps leur sagesse toute naturelle et toute humaine eut inspiré à la raison moderne la hardiesse de marcher en liberté selon ses lois intimes. […] Ce bonhomme, érudit à la mode du xvie  siècle, solidement et lourdement, lecteur de vieux romans, admirateur de Ronsard, critique sévère de Malherbe, fait une ode à Richelieu qui est de la même étoffe que l’ode à Louis XIII, et, dans son dogmatisme enveloppé de pédanterie, indique déjà les deux grandes lois classiques : autorité de la raison, et autorité des anciens.

632. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

Nous avons vu que celles de la première classe peuvent se former en groupes plus ou moins complexes et qu’elles, se succèdent suivant certaines lois. Celles de la deuxième classe sont également aptes à se former en groupes et à se succéder suivant certaines lois. […] Ce paradoxe apparent est le résultat nécessaire d’une des lois les plus générales de notre nature : ces causes immédiates n’ayant jamais un champ d’opérations très étendu, l’idée de ces causes n’est associée qu’avec un nombre limité de plaisirs ou de douleurs.

633. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Et cependant, aucun ne songe à simplement appliquer au roman la simple loi du classicisme, la loi de tout art objectif, humain, qui tient dans cette brève formule : « Subordonner le plus de réalité possible à une idée préconçue de beauté. […] — La loi des nombres gouverne les sentiments et les images et ce qui paraît être l’extérieur est tout bonnement, le dedans. » J’ai cité cette page au hasard.

634. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Il est inutile de montrer ici que dans l’état actuel de la science, ces influences, marquées pour les masses auxquelles est applicable la loi des moyennes, exercent une action extrêmement irrégulière et peu discernable sur la formation des écrivains et qu’au surplus elles n’augmentent ni ne diminuent en rien la valeur de ce qu’ils ont pu produirecd. […] Il pose ainsi « une loi de dépendance mutuelle » entre une société donnée et sa littérature. […] Si elle est obligée de partir de certaines considérations d’esthétique, c’est à titre de données préalables, et comme la physique pure se sert des lois de la mécanique.

635. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Ici, comme partout, l’incalculable loi des affinités apparaît, et échappe. […] Nulle loi saisissable dans cette obscurité. […] quelle est la loi de leur formation antérieure et supérieure à la vie ?

636. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Un petit code pénal des fautes contre la discipline, les mœurs et les études obvierait à la partialité et à la sévérité déplacées et épargnerait aux maîtres la haine des coupables punis par la loi. […] Je n’ose rien prononcer sur la permission ou la défense de recevoir des présents ou autres gratifications des parents ; la permission autorise l’abus, la défense ne l’empêche pas, et c’est une mauvaise loi qu’une loi prohibitive qui n’a point d’exécution.

637. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Pour les premiers, par conséquent, l’histoire n’est qu’une suite d’événements qui s’enchaînent sans se reproduire ; pour les seconds, ces mêmes événements n’ont de valeur et d’intérêt que comme illustration des lois générales qui sont inscrites dans la constitution de l’homme et qui dominent tout le développement historique. […] Il est inexact, en effet, que la science ne puisse instituer de lois qu’après avoir passé en revue tous les faits qu’elles expriment, ni former de genres qu’après avoir décrit, dans leur intégralité, les individus qu’ils comprennent, La vraie méthode expérimentale tend plutôt à substituer aux faits vulgaires, qui ne sont démonstratifs qu’à condition d’être très nombreux et qui, par suite, ne permettent que des conclusions toujours suspectes, des faits décisifs ou cruciaux, comme disait Bacon50, qui, par eux-mêmes et indépendamment de leur nombre, ont une valeur et un intérêt scientifiques. […] Même, dans bien des cas, ce sera assez d’une observation bien faite, de même que, souvent, une expérience bien conduite suffit à l’établissement d’une loi.

638. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Soumis à la loi qui régit les choses pesantes, les hommes sont plus près de tomber dans les gouffres d’obscurité qui sont en bas qu’ils ne sont capables de s’élancer aux gouffres de lumière qui sont en haut, et voilà pourquoi sainte Térèse, qui monta et ne descendit jamais, sainte Térèse, la Ravie et la Ravissante, l’emporte sur Pascal, dans les œuvres que nous avons d’elle, autant qu’elle l’emporta dans sa vie sur le farouche Solitaire qui ne réussit pas à être un Saint. […] Double vie, qui suppose la plus puissante tranquillité de corps et d’âme, ou quelque chose de bien plus étonnant encore que cette tranquillité… Il est évident que, pour elle, les lois humaines sont renversées, et que la meilleure manière de la comprendre, c’est de dire qu’on ne comprend plus ! […] En restant dans une appréciation purement humaine et littéraire, et en écartant toutes les questions théologiques qui se rattachent à une existence prodigieuse et impossible à expliquer avec les lois physiologiques dont nous sommes si fiers, la Vie de Sainte Térèse, confessée par elle, est un de ces grands fragments de l’esprit humain qui importent à l’esprit humain tout entier.

639. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

, — les mendiants de la forêt Ancienne, qui disaient la bonne aventure, remettaient les péchés à vil prix, et enseignaient à voix basse la loi de Moïse. » Ce qui était des Juifs, du reste, existait à Rome de toutes les religions de l’Orient. […] Les femmes, qui expriment mieux que les hommes l’imagination religieuse d’une race, les femmes, « très pieuses à leurs dieux » dans cette époque de dévotion universelle, allaient à Isis et à Cybèle sans cesser d’aller à Junon et à Diane, comme, plus tard, elles devaient aller à Jésus… Seulement, il ne faut pas oublier de marquer ce que l’auteur de La Religion romaine oublie : c’est qu’une fois à Jésus, elles ne revenaient pas à Junon et à Diane, et que Junon et Diane ne leur avaient jamais fait faire ce que le Christianisme, qu’on veut diminuer en l’expliquant, leur fit faire, en raison de deux choses que ne connaissaient pas ces misérables religions anciennes : l’absolu de son dogme et le péremptoire de sa loi. […] L’avalanche se ramasse en tombant dans le fond du gouffre ; les dernières pages sont les derniers coups… Il faut empêcher par toute voie que le Christianisme soit un démenti donné à toutes les lois du monde, de la nature et de l’humanité !

640. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

On était si las de la rhétorique de ce lâche menteur trop admiré, qu’on trouva d’une sensation délicieuse un livre rapide, de courte haleine, où la passion, la bavarde passion, savait en finir, et avalait ce verre d’eau du suicide, comme dit Stendhal, sans même penser à cette vieillerie de l’enseignement chrétien qui avait été la loi morale de l’Europe. […] nous ne faisons pas un crime à Goethe d’avoir écrit Werther sur ses impressions personnelles ; car c’est une loi pour ces esprits puissants de boire leur sang, comme le Beaumanoir du combat des Trente, et non pas pour désaltérer, mais pour féconder leur génie. […] Goethe est un de ces esprits inventeurs qui sont soumis aux lois d’une organisation despotiquement intellectuelle.

641. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

Hors le christianisme, y a-t-il un idéal de société, en d’autres termes, une société digne de ce nom, dans son sens absolu et métaphysique, et, s’il n’y en a pas d’autre, cette unique société est-elle soumise ou ne l’est-elle pas à la loi du progrès indéfini, comme les philosophes la comprennent ? […] M. l’abbé Mitraud nous dit bien, il est vrai, « que le catholicisme renferme toute vérité », qu’il est « l’affirmation universelle », qu’il n’y a pas « une loi qu’il ne contienne ». […] Il fallait les dégager, ces lois dont on parle, et c’est ce que M. 

642. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

La loi que la critique, qui veut conclure, selon l’instinct naturel à l’homme, doit appliquer aux historiens, est la même que les historiens appliquent aux hommes historiques, et cette loi, c’est le résultat ! […] La loi que la critique appliquera donc au P. 

643. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

La vérité est que si nous vivons et agissons le plus souvent extérieurement à notre propre personne, dans l’espace plutôt que dans la durée, et si, par là, nous donnons prise à la loi de causalité qui enchaîne les mêmes effets aux mêmes causes, nous pouvons cependant toujours nous replacer dans la pure durée, dont les moments sont intérieurs et hétérogènes les uns aux autres, et où une cause ne saurait reproduire son effet, puisqu’elle ne se reproduira jamais elle-même. […] Comme ils n’envisagent de notre vie consciente que son aspect le plus commun, ils aperçoivent des états bien tranchés, capables de se reproduire dans le temps à la manière des phénomènes physiques, et auxquels la loi de détermination causale s’applique, si l’on veut, dans le même sens qu’aux phénomènes de la nature. […] Nous verrions que, si notre action nous a paru libre, c’est parce que le rapport de cette action à l’état d’où elle sortait ne saurait s’exprimer par une loi, cet état psychique étant unique en son genre, et ne devant plus se reproduire jamais.

644. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

Les Concordats, la création d’une noblesse d’empire, la réhabilitation de l’ancienne noblesse, les dons aux couvents, le milliard d’indemnité, tout cela n’avait refait ni un clergé Corps politique, ni une aristocratie féodale, ni une grande propriété ; la loi d’aînesse, dernière conséquence du système, n’aurait pas eu plus d’efficace20 . En Angleterre, les choses se passèrent fort différemment, et depuis 1640 jusqu’en 1688 les phases successives de la Révolution n’obéirent pas à la même loi de progrès.

645. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

On constaterait, en, second lieu, que, au même titre que l’économie politique ou la psychologie, l’histoire et la critique sont des sciences, posant les faits et cherchant les lois des manifestations réelles ou fictives de l’activité des hommes. […] Ces derniers étant les plus nombreux communiquent aux deux autres leurs vulgaires propriétés, suivant une loi dynamique vraie pour toute association.

646. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

On lui reprochait de faire déborder le vase de la Loi en y mettant trop de préceptes : « Dans un tonneau plein de noix, répondit-il, on peut encore verser plusieurs mesures d’huile de sésame. » Que c’est bien dit ! […] La vieille loi romaine et chrétienne paraîtra un jour trop exclusive, trop étroite.

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