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473. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Le véritable esprit français, tel que nos vraiment grands écrivains l’ont su représenter, s’est efforcé d’accommoder ensemble les justes libertés de l’esprit gaulois et les justes scrupules de l’esprit précieux. […] Mais l’indication est juste, et, pour peu que l’on affaiblisse la force des mots, la thèse est vraie. […] Le mot est juste, et l’éloge, absolument vrai, mais un peu laïque, j’imagine, à l’adresse d’un prédicateur chrétien. […] L’observation est juste : je demande seulement si c’en est le lieu, dans la chaire chrétienne, et si c’en est le temps un mercredi des Cendres ? […] Ces corrections se font à mes dépens, comme il est juste, et j’y perds de tous côtés.

474. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Monnier, Marc (1827-1885) »

Pas de clinquant, ni de faux métal dans ses poèmes : cela sonne juste et ferme.

475. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » p. 488

Des réflexions solides, des comparaisons justes, des applications lumineuses, font ressortir avec intérêt les matieres, & conduisent sans fatigue l’esprit à la conviction.

476. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — P.-S. »

Il est indispensable pour se faire une idée tout à fait juste du caractère et de la destinée de Léopold Robert, de lire un petit écrit intitulé : Léopold Robert de 1831 à 1835, par Ch. 

477. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Féraudy, Maurice de (1859-1932) »

J’aime mieux en signaler la douceur commune d’impressions, tout ce qui s’en dégage, comme un arôme pénétrant, d’adoration et de respect pour la femme ; le dire juste et vraiment senti des souffrances qui font, dès ici-bas, des amants, les élus d’une douceur divine ; la simplicité d’une expression qui semble jaillir de l’âme sans s’attarder aux artifices menteurs du style convenu.

478. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rességuier, Jules de (1788-1862) »

Auguste Desplaces L’aile nacrée du papillon qui chatoie au soleil, l’écharpe d’iris déployée sur les monts, pourraient offrir une idée assez juste de la poésie scintillante et miroitante de M. de Rességuier.

479. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 148

On ne la propose pas comme un modele de style ; on ne peut en regarder l’Auteur que comme ceux qui découvrent les mines, en laissant aux autres le soin d’épurer les métaux qu’on en tire, & de les mettre en valeur ; ce qui aura toujours un grand mérite aux yeux des justes appréciateurs de ce genre d’utilité.

480. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 457

Les Théologiens ne font pas moins de cas d’un autre Traité de Papin, intitulé la Foi réduite à ses justes bornes.

481. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Il est haut, rigide, austère, éclatant, violent, grave, juste, inépuisable en images, âprement gracieux, lui aussi, quand bon lui semble. […] Quoi qu’en ait dit Juste Lipse, qui légua sa plume à la sainte Vierge, Domitien exila Tacite, et fit bien. […] Tomber dans la vérité et se relever homme juste, une chute transfiguration, cela est sublime. […] C’est juste, puisqu’ils vous ont rendu service. […] Quant au réel, nous y insistons, Sheakespeare en déborde ; partout la chair vive ; Shakespeare a l’émotion, l’instinct, le cri vrai, l’accent juste, toute la multitude humaine avec sa rumeur.

482. (1894) Textes critiques

Une préface nous apprend que le présent recueil de vers a des droits à entrer dans le cercle symboliste ; et une seconde préface, que le « symbolisme fut hiératique, fut classique, est personnel. » C’est assez juste. […] S’il y a dans tout l’univers cinq cents personnes qui soient un peu Shakespeare et Léonard par rapport à l’infinie médiocrité, n’est-il pas juste d’accorder à ces cinq cents bons esprits ce qu’on prodigue aux auditeurs de M.  […] Et il est juste que chaque spectateur voie la scène dans le décor qui convient à sa vision de la scène. […] Celui de Molière séduit tout juste deux paysannes. […]   TRIBUNE LIBRE Nous recevons la lettre ci-dessous : Monsieur, Je viens d’avoir seulement connaissance d’une petite note de votre revue et qui serait amusante si elle était juste.

483. (1903) La renaissance classique pp. -

Il suffit de voir dans leur Journal à quelles pauvretés ils aboutissent chaque fois qu’ils tentent de reproduire même la simple conversation d’un savant ou d’un philosophe contemporain : tant il est juste de dire que le fond, en art, a autant d’importance que la forme, ou plus exactement que c’est tout un et qu’il faut se préoccuper de celui-là avec autant de sollicitude que de celle-ci ! […] Tout est digne d’être traité sérieusement par l’art, mais à sa place et dans ses justes limites. […] La logique de l’artiste se ramène à une question de juste convenance et d’opportunité. […] C’est en cela qu’il s’oppose au romantisme, lequel professait que n’importe quoi peut être traité par n’importe qui (la valeur personnelle de l’artiste étant mise à part, comme de juste). […] … Ô ma France, nulle part je ne t’ai vue si belle que dans ces lieux où tu triomphais sous tes justes maîtres !

484. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Quand elle tombe juste, elle emporte nettement la pièce comme Saint-Simon. […] Madame était naturellement juste, humaine, compatissante. […] Sans sortir des observations générales, quoi de plus juste et de plus sensé que cette réflexion de Madame, écrite peu de mois avant sa mort (16 avril 1722) : Les jeunes gens, à l’époque où nous sommes, n’ont que deux objets en vue, la débauche et l’intérêt ; la préoccupation qu’ils ont toujours de se procurer de l’argent, n’importe par quel moyen, les rend pensifs et désagréables : pour être aimable, il faut avoir l’esprit débarrassé de soucis, et il faut avoir la volonté de se livrer à l’amusement dans d’honnêtes compagnies ; mais ce sont des choses dont on est bien éloigné aujourd’hui.

485. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Henri IV, dans les Mémoires particuliers de l’auteur, nous est montré par d’assez vilains côtés et qui tendraient à le rapetisser ; on l’y voit atteint et accusé d’envie, d’avarice : il n’est rien de tel dans la grande Histoire, et ces petits griefs personnels et de domesticité s’évanouissent : d’Aubigné y replace le héros et le politique à sa juste hauteur, et l’ayant perdu, le regrettant avec larmes, il lui redevient publiquement favorable et fidèle. […] D’Aubigné voyait dans ce dévouement et cette vaillance une preuve du bon droit : « Il arrive peu souvent, pensait-il, que l’injustice ait les meilleures épées de son côté, parce que c’est la conscience qui émeut la noblesse et la porte aux extraordinaires dépenses, labeurs et hasards. » D’Aubigné, si on l’avait pressé, eût peut-être été dans l’embarras de fixer ce beau temps où l’épée de la noblesse était toujours pour le parti le plus juste ; dans les souvenirs de la fin de sa vie, il confond involontairement ce temps idéal avec celui de sa jeunesse, le bel âge pour tous : quand il devint vieux, il ne fut pas des derniers à crier à la décadence. […] Là, ils deviennent mercenaires : ici, ils n’ont d’autres loyers que la juste passion ; là, ils goûtent les délices : ici, ils observent une milice sans repos.

486. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Il croyait juste de le préférer alors à l’abbé Maury. […] Un petit écrit d’un genre bien différent m’est tombé entre les mains70 et nous ramène au Bailly bon, juste, honnête, sensible et lettré, tel que nous le connaissons. […] Tel fut Bailly ; savant ingénieux, écrivain élégant et pur, l’un des plus louables produits et des meilleurs sujets que l’Ancien Régime ait légués au nouveau ; qui n’eut rien en lui du mouvement d’initiative ni du levain révolutionnaire des Mirabeau, des Condorcet, des Chamfort, de ces novateurs plus ou moins aigris, irrités ou inspirés ; qui n’accepta dans sa droiture que ce qui lui parut juste, qui s’y tint, et qui, malgré des faiblesses de vue et des illusions de bon naturel, laisse à jamais l’idée d’un homme aussi éclairé que modéré et vertueux.

487. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

qu’avant de se décider à écrire sur quelque portion de ce beau siècle, on devrait bien s’y être préparé de longue main, et, pour cela, dès la jeunesse, dès l’enfance, avoir insensiblement reçu une première couche générale de connaissance classique française, de bon et juste langage, comme du temps de Fontanes et de la jeunesse de M.  […] Je soumets cette idée à votre prudence, et, si elle vous paraît juste, vous la tournerez comme il vous plaira, car vous êtes plus habile que moi. […] Mme des Ursins, en recevant les ordres du roi par Torcy, ne se sent pas de joie ; Mme de Noailles en a la première effusion et le rejaillissement : « Au reste, madame, je suis transportée de joie, et depuis le matin jusqu’au soir je ne suis occupée qu’à penser combien vous êtes aimable. » Il est curieux de voir comme d’abord elle diminue la portée et la visée de sa mission : elle est choisie pour accompagner Mme la princesse de Savoie jusqu’à Madrid ; voilà tout ; rien au-delà ; qu’elle mette le pied en Espagne, cela lui suffit ; elle ne restera que juste autant qu’il le faudra pour ses affaires et autant que le roi le lui commandera : elle n’est qu’un instrument docile, obéissant et presque inerte dans la main des puissances de Versailles.

488. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

car il est allé choisir exprès ces deux grands noms (tome I, page 40). imaginez, au contraire, que, tout à côté, les lettres de Béranger remettent les choses à leur juste point : cet homme de sens, tout coquet qu’il est par moments, ne se surfait pas d’une ligne en politique ni en littérature. […] On peut lui dire à bout portant bien des choses flatteuses, exagérées, — qu’il a tout conseillé, qu’il a tout inspiré et tout fait, etc. ; il peut se les laisser dire et ne les repousser qu’en badinant ; mais, si on le serre de près, si les événements sont là qui parlent, qui se précipitent impérieux et déchaînés, il a le juste sentiment de son inutilité, et il se confesse de son peu de force d’action et de son peu d’envie d’en faire preuve, dès que l’application réelle commence. […] Il donne encore d’autres raisons plus justes de son refus, son peu d’habitude du théâtre, son peu de fonds en connaissances classiques : « Enfin, j’ai bien fouillé dans tous les plis de mon cerveau, et il ne me semble point y trouver cette forme légère, ces tournures piquantes, cette facilité de style qui rendent un article agréable aux lecteurs, et permettent à celui qui les possède de parler cent fois de la même chose en paraissanttoujours nouveau.

489. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Ces femmes d’une éducation si parfaite, d’une culture si élaborée, mais qui ne sont pas Françaises, ont beau avoir tout l’esprit possible ; il y a un moment où elles forcent le ton, et la vendeuse d’herbes du marché aux fleurs leur dirait bien plus sûrement qu’à Théophraste : « Vous n’êtes pas d’ici. » De l’élévation d’ailleurs dans l’ensemble, des vues justes dans le détail, je suis loin de les lui refuser. […] Et sans sortir de mon sujet, je me contenterai de dire avec Mme de Lambert : « Il vient un temps dans la vie qui est consacré à la vérité, qui est destiné à connaître les choses selon leur juste valeur. » Or, ce n’est pas apprécier les choses à leur juste valeur que de se grossir démesurément le soleil couchant.

490. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Maintenant qu’on est à une juste distance de ces tombes prématurément ouvertes, je voudrais, pour Rigault du moins, examiner avec équité et impartialité les titres de l’écrivain, du littérateur, et, tout en m’en rapportant à ses amis sur bien des choses disparues qu’ils savent à son sujet mieux que moi, ne m’en rapporter qu’à moi-même sur ce que je lis et sur ce que je puis juger comme tout le monde. […] Il a écrit sur Baour-Lormian un agréable article (25 janvier 1855), mais qui n’est pas du tout exact et juste comme chapitre d’histoire littéraire. […] Soyez un homme pur, moral, régulier, adonné dès vos jeunes ans à tous les justes devoirs, à toutes les bonnes et louables habitudes, à tous les nobles exercices qui entretiennent et qui préservent la santé de l’esprit, et vous êtes frappé dans la force de la jeunesse ; vous l’êtes comme ne l’est pas toujours celui qui s’est livré à tous les excès, qui a usé et abusé de tout !

491. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Les Mémoires sur sa Vie que nous a laissés son fils sont fort agréables, très justes en général par l’esprit de tradition et de piété qui les anime, mais inexacts en bien des points, surtout pour les commencements et le début de la carrière. […] Si la voix de ce poète n’est pas éclatante, elle est douce au moins et toujours juste. […] Les choses justes elles-mêmes ont besoin d’être rafraîchies de temps à autre, d’être renouvelées et retournées ; c’est la loi, c’est la marche.

492. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Foucault en Béarn Pour être juste, il faut convenir que la mission de Foucault, arrivant en Béarn, était difficile : ce pays, autrefois converti en masse au calvinisme par Jeanne d’Albret, et, depuis sa réunion à la France, reconquis à la religion catholique, moyennant expédition militaire, par Louis XIII et son ministre de Luynes, en 1620, n’avait jamais été régulièrement administré ; le Parlement de Pau avait exercé l’autorité jusqu’à l’année 1682, qu’on y avait envoyé pour la première fois un intendant, Du Bois-Baillet. […] Voulez-vous savoir ce que c’est au juste qu’une algarade, non pas dans le sens général figuré et comme celle qu’on vient de voir de prélat à magistrat, mais dans le sens propre et primitif ? […] Mais l’on comprend très-bien, après cette merveilleuse campagne et cette sorte de pêche miraculeuse à laquelle on vient d’assister, et qui faisait de Foucault l’intendant modèle, celui qui était proposé à l’émulation de tous les autres, que Louis XIV, trop bien servi et trompé dans le sens même de ses désirs, ait cru pouvoir changer de système ; qu’il ait renoncé à l’emploi et au maintien des Édits gradués, précédemment rendus dans la supposition que les conversions traîneraient en longueur, et que, persuadé qu’il n’y avait plus à donner, comme on dit vulgairement, que le coup de pouce (tant pis pour le grand roi, s’il n’est pas content de l’expression, mais je n’en sais pas de plus juste), il se soit déterminé à révoquer formellement l’Édit de Nantes.

493. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Voilà la forme juste et vraie dans laquelle pouvait se produire un beau travail d’érudit et d’artiste sur la civilisation carthaginoise. […] Mais un silence énorme n’est pas juste. […] Flaubert m’a écrite en réponse à mes articles sur son livre : il est juste d’entendre les deux sons.

494. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Écoutons l’historien sévère qui, en ce qu’il va dire, n’accorde pas un mot à la phrase, à l’imagination, à la pointe ; c’est une méthode neuve parmi nous que cette application juste de la science à l’action et au jeu de l’histoire. […] Le Juste de Platon mis en croix n’était qu’une supposition et une hypothèse : il fallait un Juste qui eût été véritablement mis en croix.

495. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Le marquis Des Issarts, nouvellement ambassadeur de France auprès d’Auguste III, eut ordre d’y regarder de plus près et de faire un nouveau portrait juste et naturel de la jeune prétendante ; chaque rapport concluait à son avantage. […] Mais j’en reviens là, Sire, n’admettez aucun délai ni aucune difficulté ; on ne veut pas vous lier les mains, mais on veut espérer… » Ce sont là de bons, de justes et même de sages et raisonnables sentiments. […] Cela se fit en janvier 1747 ; le roi lui dit en le lui annonçant à Choisy : « Vous m’avez aussi bien servi que M. de Turenne avait servi le feu roi ; il était juste que je vous donnasse le même grade : je souhaite que vous l’imitiez en tout. » Louis XV faisait allusion à l’abjuration de M. de Turenne.

496. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Du Fossé, voulant peindre dans le grand Arnauld cette colère de lion pour la vérité qui s’unissait en son cœur avec la douceur de l’agneau, nous dit naïvement : « L’exemple seul de Moïse, que Dieu appelle le plus doux de tous les hommes, quoiqu’il eût tué un Égyptien pour défendre un de ses frères, brisé par une juste colère les Tables de la Loi, et fait passer au fil de l’épée vingt-trois mille hommes pour punir l’idolâtrie de son peuple, fait bien voir qu’on peut allier ensemble la douceur d’une charité sincère envers le prochain avec un zèle plein d’ardeur pour les intérêts de Dieu. » En ne prenant les vingt-trois mille hommes et l’Égyptien tués qu’en manière de figure, comme il convient dans ce qui est de l’ancienne Loi, et en rapportant à l’abbé de La Mennais cette phrase de Du Fossé sur le grand Arnauld, je me rappelais bien que lui-même avait condamné ce dernier, et qu’il avait écrit de lui en le comparant à Tertullien : « Et Tertullien aussi avait des vertus ; il se perdit néanmoins parce qu’il manqua de la plus nécessaire de toutes, d’humilité. […] Dès les premières lignes du livre, M. de La Mennais remarque que « le temps fuit de nos jours avec une telle rapidité, qu’en quelques années l’on voit s’accomplir ce qui jadis eût été l’œuvre d’un siècle ou même de plusieurs. » Cette idée sur la rapidité du temps et la multiplicité de ce qui s’y passe, qui est juste et même banale à un certain degré, devient propre à M. de La Mennais par la singulière préoccupation qu’elle a toujours formée dans son esprit. […] Il fallait l’entendre raconter comment, retenu au lit pendant quarante jours par une jambe cassée, il revint à Rome juste à temps pour ne pas trouver sa femme remariée : ce n’est pas que sa douleur eût été inconsolable, si le second mariage avait rompu le premier ; car, libre alors, peut-être serait-il devenu cardinal, peut-être pape, qui sait ?

497. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Et ceux qui étaient encore en feu il y a dix ans, et ceux qui se sont produits et déjà fatigués depuis, et ceux qui ressaisissent aujourd’hui de bons éclairs d’une ferveur littéraire longtemps ailleurs détournée, tous ne sont pas si loin de s’entendre pour de certaines vues justes, de certains résultats de goût, de sens rassis et de tolérance. […] Le départ du mauvais s’est fait de lui-même : les excès se sont tirés sur chaque ligne et jusqu’à leurs dernières et révoltantes conséquences : l’industrialisme, la cupidité, l’orgueil, ont atteint d’extravagantes limites qui font un camp à part et bien large à tous les esprits modérés, revenus des aventures, amis des justes et bienfaisantes lumières. […] Qu’ils suivent chacun leur ligne pour les œuvres individuelles, et consentent à coexister dans de certains rapports de communauté et de confins dans les jugements ; qu’on pratique ainsi la vraie égalité et indépendance, l’estime mutuelle du fond avec les réserves permises : voilà des mœurs littéraires de juste et saine démocratie, ce semble, et qui seraient d’un utile exemple à offrir aux jeunes hommes survenants, lesquels ne trouvent rien où se rattacher, que l’ambition illimitée égare ou déprave, dont quelques-uns tombent du second jour aux vices littéraires, les plus bas de tous, et dont on voit quelques autres plus généreux rôder dans la société comme de jeunes Sicambres, des Sicambres plume en main et sans emploi.

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