C’est une qualité moins morale qu’intellectuelle : être assez vif amateur de jugement pour désirer serrer au plus près l’asymptotique vérité, pour réduire au minimum le coefficient personnel.
La grande largeur des conceptions évangéliques, laquelle a permis de trouver sous le même symbole des doctrines appropriées à des états intellectuels très divers.
les plus générales sont : la vigueur naturelle de la constitution, et l’afflux inaccoutumé d’énergie nerveuse centrale, causé par des excitants physiques, comme la nourriture ou la boisson, et les excitants intellectuels, comme les plaisirs et les peines.
Il offre tant de sympathies diverses à satisfaire, il soumet les sympathies physiques à tant de sympathies morales et intellectuelles, il présente tant de points de défense et d’attaque en même temps, il fait naître tant désirs au-delà du désir même, il offre tant à conquérir au-delà de la dernière conquête, il donne tant de jeu aux craintes, aux espérances, il arrête les progrès si près du but et y rappelle si puissamment par l’effort même qui en éloigne, enfin il y a tant de distance entre les voluptés que l’art le plus exercé ou le naturel le plus aimable peuvent donner à l’abandon et le charme de cette retenue mystérieuse qui arrête les mouvements d’un cœur passionné, que rien n’est impossible à une grande passion dans le cœur d’une telle femme.
L’école, c’est la résultante des pédantismes ; l’école, c’est l’excroissance littéraire du budget ; l’école, c’est le mandarinat intellectuel dominant dans les divers enseignements autorisés et officiels, soit de la presse, soit de l’état, depuis le feuilleton de théâtre de la préfecture jusqu’aux Biographies et Encyclopédies vérifiées, estampillées et colportées, et faites parfois, raffinement, par des républicains agréables à la police ; l’école, c’est l’orthodoxie classique et scolastique à enceinte continue, l’antiquité homérique et virgilienne exploitée par des lettrés fonctionnaires et patentés, une espèce de Chine soi-disant Grèce ; l’école, c’est, résumées dans une concrétion qui fait partie de l’ordre public, toute la science des pédagogues, toute l’histoire des historiographes, toute la poésie des lauréats, toute la philosophie des sophistes, toute la critique des magisters, toute la férule des ignorantins, toute la religion des bigots, toute la pudeur des prudes, toute la métaphysique des ralliés, toute la justice des salariés, toute la vieillesse des petits jeunes gens qui ont subi l’opération, toute la flatterie des courtisans, toute la diatribe des thuriféraires, toute l’indépendance des domestiques, toute la certitude des vues basses et des âmes basses.
Ce qu’il faut c’est rapprocher les uns des autres et réunir dans une même intuition, en quelque sorte, les états successifs de l’humanité de manière à apercevoir « l’accroissement continu de chaque disposition physique, intellectuelle, morale et politique82 ».
Il est quelquefois cassant ; il est quelquefois un peu trop admiratif et ami de tout le monde ; il est quelquefois, à votre goût, trop tourné du côté du passé ou au contraire trop attiré vers les nouveautés, et homme qui découvre tous les matins un nouveau chef-d’œuvre, ce qui lui fait oublier celui qu’il a découvert hier ; il est quelquefois l’homme qui n’a que de la mémoire et qui cite presque sans choix, et vous le trouvez monotone ; il est quelquefois l’homme qui, en parlant des autres, songe surtout à lui et qui, dans l’esprit des auteurs, ne trouve presque qu’une occasion de faire admirer celui qu’il a ; mais quels que soient ses défauts vous l’aimez toujours un peu : le lecteur aime celui qui lit et qui lui parle de lectures, et en vient même, par besoin de confidences intellectuelles à faire et à recevoir, à ne pouvoir plus se passer de lui Eh bien !
Il n’y a d’intérêts qui tiennent ici que deux seuls intérêts pour que la chose reste morale : c’est l’intérêt de réputation de celui qui a écrit les lettres, et l’intérêt de jouissance intellectuelle de celui qui les lira.
Du Camp offre, en effet, dans sa personne intellectuelle, un étrange contraste.
Renan 23 n’a pas de parenté intellectuelle avec Comte.
Mais cela même atteste un ordre d’élévation intellectuelle et mystique lié de près à la poésie, et que nous retrouvons à différents âges de l’esprit humain.
Ou bien, si l’on essaye de les ramener en des voies plus chrétiennes et plus austères, doit-on dès lors renoncer au suffrage des gens de goût, se résigner à perdre ou à affadir tout ce qui fait vivre les ouvrages de l’esprit, et se contenter d’écrire pour une petite église qui ne représente en rien le mouvement intellectuel d’une époque ou d’un pays ? […] On peut dire sans exagération mythologique que M. de Balzac a été, sa vie durant, le Tantale du succès de théâtre ; et ce trait suffirait, au besoin, pour fixer le niveau intellectuel et moral que suppose cette préoccupation constante de la question d’argent. […] Il y a une conscience intellectuelle, de même qu’il y a une conscience morale ; elles se touchent par bien des points, et, pour profiter des leçons de l’une comme des avertissements de l’autre, il ne faudrait pas s’être volontairement réduit à n’avoir que soi pour culte et pour Dieu. […] Mais il était mort ; et dans cette petite république qu’il avait un moment honorée, agitée et souillée de son voisinage, il suffisait du contre-coup de 93, pour que ses lettres, les reliques de son esprit, les parchemins de cette noblesse intellectuelle dont il usait pour détruire toutes les autres, fussent emportées comme des feuilles mortes au souffle des lointains orages. […] Ce n’étaient pas, comme on l’a tant répété, les vices du clergé, son infériorité intellectuelle, le manque de grands talents dans les rangs ecclésiastiques, qui provoquaient cet acharnement implacable.
Mais la lutte de la pensée était ailleurs que dans la sphère politique ; elle n’était pas même à beaucoup près tout entière dans l’élément intellectuel. […] Le seizième siècle, Messieurs, fut un siècle de forte activité intellectuelle, et cette condition poussait d’autant plus les esprits à chercher, pour la direction de la vie, cette règle que M. […] Tantôt, comme chez Montaigne, c’est une indolence, une volupté de l’esprit, une sorte d’épicurisme intellectuel. […] Nous ne sommes tenus d’accepter que ce dont nous sommes intérieurement convaincus, je l’accorde et j’y reconnais la base de nos opérations intellectuelles. […] Il est très beau et même très doux de penser que nous n’avons toute notre puissance, ajoutons toute notre originalité intellectuelle, que par l’appropriation de ce qu’on a pensé avant nous, hors de nous.
Et assurément cela est même beau, d’une froide beauté d’ordonnance et de déduction ; et j’en ai conçu, à mesure, une profonde estime intellectuelle. […] Que si, malgré tout, on ne s’en est pas aperçu, je n’y sais que dire, sinon que cela nous donne le niveau intellectuel du public, et que peut-être ce niveau indique à son tour celui de l’œuvre. […] Jean lui laisse à peine le temps de parler : il la « colle » tout le temps, avec une extrême douceur, mais avec une accablante prolixité, et avec un tel sentiment de sa supériorité intellectuelle et morale ! […] Nous aimons Jean, après tout, quoiqu’il ne soit exempt ni d’affectation, ni de pédantisme, ni de narcissisme intellectuel. […] La critique est un peu une gendarmerie intellectuelle et beaucoup une manière d’apostolat.
Mais ensuite, malgré les charmants travaux des maîtres florentins et français, et toute cette Renaissance où faillirent un moment renaître les dispositions intellectuelles des anciens, ce fut la fin de la grande sculpture. […] Celle-ci leur dut ses formes successives ; elle leur doit aujourd’hui la conservation de ces formes, correspondantes aux degrés divers de l’hétérogénéité intellectuelle. […] Le promoteur véritable de la littérature moderne, le père intellectuel de nos âges, est le philosophe René Descartes. […] Dès lors, le problème de la substance externe disparaît ; le problème de l’origine chronologique se ramène à la connaissance de l’origine logique, et cette origine est notre activité intellectuelle. […] France y a montré le néant des préoccupations intellectuelles, l’inanité de la réflexion, et combien c’est peu de chose que les pensées les plus belles, en comparaison d’un sentiment d’amour naturel et profond.
Voilà ce qui, après tout, est demeuré fixe parmi les vicissitudes sans nombre d’une vie intellectuelle qui commence à la veille de 1789 et qui ne finit qu’au lendemain de 1830. […] Il a, dès son début, exercé sur ses contemporains une sorte de domination intellectuelle qu’ont respectée les plus hauts génies et que même ils se sont plu à subir. […] Hettner nous retrace aujourd’hui l’histoire, offre un exemple frappant de ces vicissitudes intellectuelles et de ce mélange des théories littéraires de tous les peuples que nous signalons au début de notre article. […] Le panthéisme, toutefois, n’est point la seule maladie intellectuelle qui menace la société européenne. […] Prenez dans cette suite d’angoisses et de tortures intellectuelles, auxquelles l’âme d’Élisabeth est livrée, tel moment qui vous plaira ; il sera pathétique.
Jusque dans le plus rudimentaire des réflexes ou des mouvements instinctifs, les deux directions différentes du mouvement reçu et du mouvement restitué sont discernées par l’animal, d’un discernement sensitif et non intellectuel. […] Ainsi se produit la désagrégation intellectuelle. […] Ici, la synthèse intellectuelle fait extrêmement défaut.
Quelque séduisante que soit cette hypothèse, elle doit être abandonnée aussitôt qu’émise, car la création d’une écriture, même idéographique, suppose un développement intellectuel bien supérieur à celui que l’on est en droit d’admettre pour les périodes primitives de la parole. […] Ce fait doit être très rare dans l’état de santé intellectuelle. […] Mais, pour faire cette comparaison et porter cette condamnation, comme pour l’emploi des autres procédés de rectification, il faut un moment de travail intellectuel et de réflexion ; il faut que l’esprit retrouve sa science et l’applique.
Les batailles que se livrèrent en lui cette inquiétude et cet amour rendirent noble et pathétique sa vie intellectuelle. […] Jean Lahor eut le souci des masses populaires et de l’aide qu’on peut leur donner ; il s’est préoccupé de leur bien-être matériel et de leur plaisir intellectuel. […] Son génie s’est élevé plus haut que nul autre dans la contemplation de l’organisme intellectuel du monde ; et, de là-haut, il a méprisé toute cette idéologie calamiteuse. […] Nous regorgeons de petits souverains intellectuels et de dérisoires despotes qui se sont eux-mêmes intronisés. […] On ne pourra donc plus progresser : et je prévois, pour un temps futur, une période où le progrès intellectuel restera stationnaire… » N’est-ce pas ce « temps futur » qui est arrivé ?
S’il convient déjà que le vainqueur, favorisé par le sort des armes, confirme par son témoignage que l’humanité doit beaucoup à la grandeur intellectuelle du vaincu, les Allemands, eux, ont contracté une dette toute particulière envers Molière. « À l’époque de la lutte intellectuelle que la littérature allemande a été forcée de soutenir contre l’influence écrasante de l’école française, Racine, Corneille et toute la littérature de cette période ont été condamnés sans jugement, et Molière n’a pas été exclu de ce verdict. […] Pour faire cesser l’anarchie intellectuelle dont parlait un jour M. Thiers, ou mieux, pour secouer l’anémie intellectuelle qui nous mine, c’est à Molière, c’est-à-dire à la vérité dans l’idée, à la vigueur dans la philosophie, à la franchise dans la langue qu’il faut revenir, et revenir en hâte. […] C’est à eux aussi qu’il faut demander le secret de cette régénération intellectuelle et matérielle si ardemment poursuivie.
La modernité, c’est encore ce qui, dans les cervelles, a l’empreinte du moment où nous sommes ; c’est une certaine fleur de culture extrême ou de perversion intellectuelle ; un tour d’esprit et de langage fait surtout d’outrance, de recherche et d’irrévérence, où dominent le paradoxe, l’ironie et « la blague », où se trahit le fiévreux de l’existence, une expérience amère, une prétention à être revenu de tout, en même temps qu’une sensibilité excessive ; et c’est aussi, chez quelques personnes privilégiées, une bonté, une tendresse de cœur que les désillusions du blasé font plus désintéressée, et que l’intelligence du critique et de l’artiste fait plus indulgente et plus délicate… La modernité, c’est une chose à la fois très vague et très simple ; et l’on dira peut-être que la découverte de MM. de Goncourt n’est point si extraordinaire, qu’on avait inventé « le moderne » bien avant eux, qu’il n’y faut que des yeux. […] On aime que l’art soit pessimiste ; le sentiment qui conduit le romancier à voir et à peindre de préférence, dans la réalité, ce qu’elle a de tristesses et de cruautés absurdes, paraît un sentiment distingué ; on éprouve à le partager une sorte d’orgueil intellectuel, on y voit une protestation bien humaine contre le mal inexplicable.
Voulez-vous connaître, d’une époque, son essence même, sa pensée la plus intime, sa vie intellectuelle, sa vie morale, prenez ses poètes : vous trouverez en eux tout cela, et de plus vous y trouverez le germe de l’époque suivante. […] Mais il y a cette différence qu’à peine avons-nous conscience dans certaines maladies des phénomènes de notre vie de nutrition, tandis qu’à l’exception, au contraire, de certaines maladies et du sommeil complet, nous avons conscience des phénomènes de notre vie intellectuelle.
Il ne faut pas juger de ces sortes d’états intellectuels d’après les habitudes d’un temps où l’on écrit beaucoup. […] Une circonstance, d’ailleurs, qui prouve bien que les discours rapportés par le quatrième évangile ne sont pas des pièces historiques, mais des compositions destinées à couvrir de l’autorité de Jésus certaines doctrines chères au rédacteur, c’est leur parfaite harmonie avec l’état intellectuel de l’Asie-Mineure au moment où elles furent écrites.
« Nous, dit Schopenhauer, qui, philosophes, cherchons à scruter la valeur éthique des actions, et pour qui celle-ci seule importe, nous reconnaîtrons hautement, — sans craindre l’éternelle majorité de la vulgarité et de la platitude, — que le plus grand, le plus important et le plus significatif phénomène n’est pas l’homme qui conquiert le monde, mais l’homme qui le dompte. » — Dans l’ordre intellectuel, tout est aspiration, progression, désir sans fin ; c’est-à-dire éternelle Négation de ce qui est atteint : l’Ironie, cette formule des poètes contemporains de Schopenhauer, n’était autre chose que la destruction par la pensée de nos adorations. […] Un homme au caractère vraiment noble, quand même les avantages intellectuels et l’éducation lui feraient absolument défaut, se dresse devant nous comme un homme auquel rien ne manque ; tandis que la plus grande intelligence, si elle est accompagnée de graves défauts moraux, est blâmable… L’intelligence la plus bornée, de même que la plus grotesque laideur, aussitôt qu’elles sont accompagnées d’une rare bonté du cœur, se trouvent transfigurées, entourées d’une auréole de beauté supérieure, et de leur bouche sort une Sagesse, devant laquelle toute autre doit se taire.
Les esprits, en se calmant, réclamaient une nourriture intellectuelle moins lourdement poivrée. […] Les romantiques, qui sont les domestiques chargés de satisfaire les goûts intellectuels de la classe régnante et payante, prétendirent ne peindre dans leurs chefs-d’œuvre que « l’homme de tous les temps », « que les passions de l’être humain invariable à travers les siècles ».