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1066. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

S’il a ressenti la caresse d’une œuvre d’art, le frisson de l’Idée, il n’a jamais autrement tressailli. […] Comme je reconnais là une idée de dilettante. […] Il fallait trouver une excuse à ce caprice une idée mentale qui puisse absoudre la part fantaisiste de cette réforme d’art. […] Seules les idées sont essentielles et pour les exprimer, l’artiste use de la forme qui lui paraît la plus aimable. […] Il n’a d’opinions personnelles ni sur cette circonstance, ni sur cette idée.

1067. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Le poète aujourd’hui doit moins viser à produire du bruit qu’à susciter des idées. […] En fait d’idées, M.  […] Voilà une idée fort jolie assurément. […] Elle s’attardait jusqu’ici sur la route des idées ; pour la mettre au pas du progrès, il la jette sur une locomotive. […] À moins de les lire, vous ne sauriez avoir une idée de la nullité de ces Contes d’un Planteur de choux.

1068. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

Thiers : le courant des idées est si changé en France, et les esprits sont tellement tournés à une admiration presque sans réserve pour la force et pour l’organisation, qu’on remarque à peine la sévérité que montre l’historien contre la résistance politique du Tribunat. […] Soumet était un poëte habile, rompu à l’art des vers, mais pauvre d’idées et infecté de faux goût. Il suppléait trop souvent à cette disette d’idées par des conceptions enflées et étranges au fond desquelles on sentait l’absence de sérieux : c’est le défaut radical de sa Divine Épopée, au sujet de laquelle M. […] Ce charmant chez Soumet revient tous les trois ou quatre vers, qu’il s’agisse de tragédie ou d’épopée ; on pourrait appliquer encore à sa manière pompeuse, sonore et creuse, à son vers spécieux et brillant, le bellum caput, sed cerebrum non habet du fabuliste : belle forme, mais vide d’idées !

1069. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 3. Causes générales de diversité littéraire. »

La philosophie et la théologie restent ainsi hors de notre prise ; et pendant trois siècles, les plus féconds du moyen âge, l’histoire de la littérature française ne représente que très insuffisamment le mouvement des idées. Elle ne nous fait connaître véritablement que leur diffusion dans les esprits du vulgaire ignorant, leur dégradation pour ainsi dire, et la force d’impulsion qu’elles ont manifestée : mais la genèse et l’évolution de ces idées même dans l’élite qui pense, les formes supérieures de la vie intellectuelle, ne se sont pas déposées alors, sinon par hasard, dans les œuvres de langue française. […] Le mouvement des idées, l’évolution de l’organisme social, le contact des races étrangères, et le spectacle de leurs idées, de leur organisation, de leurs arts aussi et de leur littérature, modifient sans cesse le génie national, et l’expression qu’il donne de lui-même dans les œuvres de ses écrivains.

1070. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

Cette idée que nous sommes des parcelles de Dieu  qui est le monde  et qui n’est qu’un rêve  on en tire tout ce qu’on veut. […] Et ainsi, toutes les impressions particulières que nous donnent les objets du monde physique, il les approfondit et les agrandit aussitôt par l’idée toujours présente que tout s’enchaîne et se tient dans le rêve ininterrompu de Maïa… Les frontières deviennent indistinctes entre les différentes formes de la vie — vie végétale, animale et humaine. […] C’est mon sang qui coula dans la première aurore… De même, l’idée de l’univers sera toujours présente au poète bouddhiste quand il lui arrivera d’aimer une femme. […] Mais ce n’est pas tout : car les idées générales ont ceci de précieux, d’enfanter les sentiments les plus contradictoires.

1071. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Solidarité »

Les liens nécessaires ou consentis qui vous unissent à vos camarades et à vos maîtres, vous ne les connaissez guère que par leur douceur, vous ne luttez que pour des palmes innocentes, vous n’avez pas à gagner votre pain les uns contre les autres ; vous avez, tout naturellement, des idées, des intérêts, des plaisirs communs. […] Cherchons les occasions où beaucoup d’hommes assemblés sont animés à la fois d’une seule idée, et d’une idée salutaire pour tous. […] Vous aurez de la pudeur : vous vous direz qu’il est déloyal d’afficher certaines idées extrêmes et simplistes qui, si l’on en était réellement pénétré, devraient se traduire par des sacrifices et des renoncements dont on est évidemment incapable.

1072. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Des avantages attachés à la profession de révolutionnaire. » pp. 200-207

Jamais une idée ingrate ou maussade, de ces idées qui peuvent faire soupçonner immédiatement d’insensibilité et d’égoïsme celui qui les exprime, ou rappeler que la réalité n’est pas du tout simple ou que l’homme, même du peuple, n’est pas toujours un très aimable animal. […] L’esprit révolutionnaire a ceci de commode, qu’il délie de tout scrupule à l’égard des idées. […] (À la vérité, ce n’est point par une nécessaire liaison d’idées, mais par une rencontre accidentelle, que nous voyons les doctrines révolutionnaires associées chez nous au matérialisme le plus franc et le plus cru : car celui-ci pourrait aussi bien, et même mieux, avoir pour conclusion, en politique, la monarchie absolue ; et c’était, notamment, l’avis de l’Anglais Hobbes.

1073. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Dans cette idée des hommes & des femmes presque nuds, assemblés par milliers, précédés de prêtres qui portoient des étendarts & des croix, armés de toutes sortes de fouets, se déchiroient cruellement, marchant en procession deux à deux. […] L’idée de l’abbé Boileau n’étoit pas d’interdire ces actes de pénitence à ses compatriotes. […] L’abbé avoit embrassé les idées de Port-royal, & l’autre ne les avoit pas épargnés dans ses satyres. […] Le livre de l’abbé Boileau n’a pas le mérite du stile ; il est mal écrit, &, par-là, moins dangereux que celui de Chorier, qui n’a que trop réuni, aux idées les plus libres, l’élégance & la finesse de l’expression.

1074. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « V »

Je change mes idées ? […] Et si je dis : « le vent gémit », j’aurai encore modifié mon idée » et je le puis parfaitement ; et encore si je dis : « le vent sanglote », « le vent frissonne » ou, comme Flaubert : « un vent tiède se roule dans les plates-bandes labourées », ou encore, comme Chateaubriand : « le vent semble courir à pas légers », ou encore avec Hugo : « le vent de la mer souffle dans sa trompe », il est possible, en effet, que j’aie exprimé plus que je ne voulais dire ; mais, en définitive, ce que j’ai voulu dire sera simplement ce que j’ai dit après avoir cherché. […] « Sa vie passée dans le luxe, dit Bossuet, ne lui faisait point sentir la durée, tant elle coulait doucement17. » C’est le mot ordinaire ; mais si je veux, spontanément par trouvaille, ou volontairement par effort, si je veux donne ; à ce mot plus de hardiesse, l’accoupler à des pensées imprévues, ce simple verbe peut devenir admirable, la plume de Bossuet : « Laissez couler sur le prochain cet amour que vous avez pour vous-même18. » Et ailleurs « Dieu a tant d’amour pour les hommes et sa nature est si libérale qu’on peut dire qu’il semble qu’il se fasse quelque violence quand il retient pour un temps ses bienfaits et qu’il les empêche de couler sur nous avec une entière profusion19. » Et toujours de Bossuet dans cet ordre d’idées : « Les générations des hommes s’écoulent comme des torrents. »‌ Encore une fois, ces trouvailles, ces images, ces transpositions de sens peuvent n’avoir pas coûté d’effort à Bossuet. […] On l’a vu par les corrections que nous avons publiées, il superposait ses verbes, il écrivait trois mots pour un, il essayait les épithètes, il modifiait à chaque instant ses idées et ses expressions.

1075. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Mérimée, la filiation d’idées qui vient d’aboutir aux Faux Démétrius. […] Je voudrais donner une idée du style enchanteur de M.  […] disait-il à demi-voix ; quelles grandes idées ! […] Même, si je ne craignais de trop défigurer une idée juste sous une expression paradoxale, j’appellerais M.  […] Les esprits d’élite peuvent se rallier à des idées ; mais ils sont l’élite, c’est-à-dire l’exception.

1076. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Une aimable dame chez laquelle Schiller avait pris le thé a eu l’idée excellente d’écrire ce qu’il avait dit. […] Non : ces idées sont en nous ; elles sont une partie de notre être, et personne ne peut les écarter de soi. […] Schiller n’avait pas eu cette idée ; il donnait tout simplement les dés au paysan, sans se demander comment il les possédait. […] Vous voyez que, à ce point de vue et avec ces idées, on ne peut attacher d’importance ni au noble Tobie, ni à la Sagesse de Salomon, ni aux Proverbes de Sirach. […] Il flotte alors quelque temps entre les idées de la révolution française qu’il a respirées jeune à Strasbourg, où il avait achevé son éducation, et les idées hiérarchiques de l’Allemagne, sa vraie patrie.

1077. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Pour avoir donc une foible idée de ses Héroïdes, il faut lire la nouvelle traduction publiée à Paris chez du Chêne 1763. […] Il a voulu seulement donner une idée de Tibulle, & non pas Tibulle même. […] Telle est à peu près l’idée que M. […] Parmi ses idées gigantesques & les emportemens de sa fougue, que de traits heureux ! […] Le Cardinal de Polignac racontoit volontiers ce qui lui avoit fait naître l’idée de cet ouvrage.

1078. (1925) Comment on devient écrivain

En France, un roman a toujours pour sujet l’idée d’une faute. […] Jules Janin a eu l’heureuse idée de réduire l’ouvrage en deux volumes parfaitement lisibles.‌ […] Rousseau propageait des idées philosophiques. […] Il y faut encore autre chose : il faut tâcher de donner une idée d’ensemble de la phrase écrite. […] On regimbe à l’idée de retrancher un chapitre, de corriger une phrase.

1079. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Il est rempli d’idées neuves ou qui m’ont paru telles. […] Il est possédé de l’idée fixe. […] Jamais cette idée n’était venue à personne. […] l’idée, cette fois, parle aux yeux ! […] Tant qu’on n’a pas trouvé pour une idée, quelle qu’elle soit, une forme dramatique, cette idée, sachez-le bien, n’existe pas au théâtre.

1080. (1903) Propos de théâtre. Première série

Toutes ses idées se sont purifiées et subtilisées. […] L’idée en est venue à bien des gens. […] » — et il y a bien quelques idées de M.  […] Cette idée… Voici. […] Quelque avis qu’on puisse avoir sur les idées de M. 

1081. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Quelques teintes locales, prises au hasard, peuvent donner une idée du ton général de cette peinture. […] Comment pourrait-il donner à des intelligences neuves et simples une idée juste, nette, précise, des ouvrages de l’esprit ? […] Les idées consentent parfois à se désabuser ; les sentiments, jamais. […] L’idée mère, l’inspiration originale, l’opportunité de ce morceau, avons-nous besoin d’y insister encore ? […] Eh bien, Dieu envoie à Constantin une de ces grandes idées qui ne germent que dans les têtes vraiment souveraines.

1082. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

« Je le répète, la religion et la raison, idées sublimes, sont des idées cependant, et il y a telle cause de désespoir extrême qui tue les idées d’abord et l’homme ensuite : la faim, par exemple. — J’espère être assez positif. […] Il y a, je le sais, mille idées de désolation auxquelles on ne peut rien […] — Il s’agit bien de l’idée, grand Dieu ! […] ne puis-je cesser d’avoir cette idée ? […] Le mot entraîne l’idée malgré elle… Ô Ciel !

1083. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

La poésie reflète ces grands événements ; des idées elle passe aux choses. […] Des idées d’emprunt vêtues d’images de pacotille. […] L’idée, trempée dans le vers, prend soudain quelque chose de plus incisif et de plus éclatant. […] Toute époque a ses idées propres, il faut qu’elle ait aussi les mots propres à ces idées. […] C’est de cette façon que des idées s’éteignent, que des mots s’en vont.

1084. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Ceux du poëte qui nous occupe n’étaient et ne pouvaient être encore qu’un tâtonnement : quelques vers gracieux, mélancoliques, très-roses ou très-sombres, une ébauche de tragédie des Maures de Grenade, mais déjà des idées d’art inquiètes, lointaines et hors du commun. […] Quand j’ai insisté, pour rectifier une erreur, sur les premières relations littéraires et les accointances poétiques de M. de Vigny, ce n’est pas du moins que je prétende diminuer aucunement son caractère d’originalité et l’idée qu’on se doit faire de la puissance solitaire et méditative empreinte dans ses poëmes. […] Des liaisons philosophiques très-empressées, qui essayèrent de se nouer autour de M. de Vigny vers 1829, et qui se rattachaient au remarquable mouvement d’idées représenté par M. […] L’auteur énonce, sur l’état arriéré des armées, sur leur transformation nécessaire, des idées miséricordieuses et équitables, les vues d’un philosophe militaire qui a profité de toutes les lumières de son temps et qui s’est souvenu de Catinat. […] Il s’est peint en personne plus qu’il n’imagine dans cette invocation à un culte qu’on garde inviolable, même sans savoir d’où il vient ni où il va, même sans l’idée d’un regard céleste et d’une palme future.

1085. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

Tel est l’inconvénient ordinaire des définitions relatives à des systèmes d’idées très étendus, quand elles en précèdent l’exposition. […] Afin de résumer les idées relativement au double but de ce cours, je dois faire observer que les deux objets, l’un spécial, l’autre général, que je me propose, quoique distincts en eux-mêmes, sont nécessairement inséparables. […] Mais, tout en secondant autant que possible ces utiles entreprises, on ne doit pas se dissimuler que, dans l’état présent de nos idées, elles ne sont nullement susceptibles d’atteindre leur but principal, la régénération fondamentale de l’éducation générale. […] Ce n’est pas aux lecteurs de cet ouvrage que je croirai jamais devoir prouver que les idées gouvernent et bouleversent le monde, ou, en d’autres termes, que tout le mécanisme social repose finalement sur des opinions. […] Aussi Laplace n’a-t-il présenté cette idée que comme un simple jeu philosophique, incapable d’exercer réellement aucune influence utile sur les progrès de la science chimique.

1086. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Or, à talent égal même, ces derniers auraient un immense avantage : car les idées nouvelles triompheront complètement, et cela, par l’excellente raison qu’elles sont les idées nouvelles. […] n’avez-vous pas vous-mêmes dans vos rangs classiques, des gens dont le style et les compositions ressemblent à tout, qui ont des idées… et une imagination… c’est-à-dire, qui n’ont point d’idées ni d’imagination ? […] la poésie, non dramatique s’entend, (car le public assemblé est presque la postérité) se trouve étrangement compromise entre les hommes à idées positives et la frivolité des salons. […] C’est l’ordre des idées, la grâce ou la sublimité des expressions, l’originalité des tours, le mouvement et la couleur, l’individualité du langage, qui composant le style ; c’est après une peinture éloquente de toutes ces qualités, que Buffon a dit : le style est l’homme même. […] Comme si on pouvait séparer l’idée de l’expression dans un écrivain ; comme si la manière de concevoir n’était pas étroitement unie à la manière de rendre ; comme si le langage enfin n’était qu’une traduction de la pensée, faite à froid et après coup !

1087. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

C’est au milieu de ces circonstances (que je ne puis ici qu’esquisser légèrement, mais bien faites pour inspirer une curiosité dont nous n’avons plus idée), que le jésuite Bourdaloue, montant avec éclat dans les chaires de la capitale et dans celle des Tuileries, venait inopinément relever, soutenir l’honneur de son ordre, et planter à son tour le drapeau d’une prédication pressante, éloquente, austère. […] Cette méthode de cénacle était certes la plus opposée à celle de l’homme qui semait le pur froment à pleines mains, et de qui l’on a dit : « Tout est pratique dans les idées du judicieux Bourdaloue. » M. de Tréville était un oracle dans le cercle intime où on l’admirait ; ses amis lui trouvaient plus d’esprit qu’à Pascal même. […] C’étaient toutes ces circonstances bien connues qui, jointes au courant principal de cette éloquence et à la puissance du fond, excitaient un intérêt dont nous n’avons plus l’idée aujourd’hui. […] Mais il avait une trop haute idée de la parole chrétienne pour ne pas la préparer toujours à l’avance, sachant combien les termes en doivent être mesurés : il n’improvisait pas, il aimait mieux redire ses sermons, en y adaptant des portions nouvelles pour les circonstances particulières. […] Les Anglais n’ont pas cessé d’estimer Bourdaloue ; dans ce pays où l’art oratoire est sérieusement étudié et où tout est dirigé dans le sens pratique, on fait à son genre d’éloquence une place très haute, et on lui décerne, à lui en particulier, et par rapport à d’autres noms de grands orateurs, une supériorité dont nos idées françaises seraient elles-mêmes étonnées71.

1088. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Grandville s’effraya à l’idée du Cercle ; il crut voir dans ce mot toute l’image d’un souper-Régence. […] L’idée toute naturelle de cette série, c’est, on le conçoit, le contraste entre le passé et le présent, entre ce qu’on fut et ce qu’on est ; c’est le saillant presque ridicule de ce contraste. […] Le propre des séries de Gavarni est de vous mettre en train et de vous donner des idées dans le même sens. […] » Une des plus jolies séries par l’idée, ce sont les Toquades ; c’est comme un pendant au chapitre De la Mode, chez La Bruyère, chapitre qui s’intitulerait aussi bien Des Manies. […] Ils ont expliqué avec une vivacité et une sorte de rivalité de plume comment de son crayon il attaque la pierre, comment il la traite avec un sans façon, avec une hardiesse qu’on n’y avait jamais apportés avant lui, et ils nous ont donné l’idée de ce génie du dessin en action.

1089. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

L’acquittement honorable du cardinal qui avait eu d’elle une pareille idée diffamante, lui parut l’outrage personnel le plus sanglant. […] La reine se prêta vivement à cette idée sans se rendre assez compte que Brienne dès lors était un homme perdu sans ressources ; elle en a bien le soupçon, non la vue nette. […] Necker à M. de Brienne à la date où elle écrit cela, un homme intact, tout fort et tout fier de sa popularité, à un personnage usé et décrié, était une idée invraisemblable, une impossibilité, un caprice. […] L’idée fixe, il faut le dire, dès le lendemain des journées d’octobre et pendant toute l’année suivante et au-delà, est de fuir et de sortir des griffes où l’on est tombé. […] Évidemment, un jour que l’office lui avait paru trop long, elle avait eu l’idée de faire ainsi arranger le volume pour le prendre une autre fois et se désennuyer en le lisant.

1090. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

Les idées modernes n’ont point de prise sur elle. […] Ce fut vers ce moment que l’idée de recourir à Mirabeau germa dans les têtes royales, soit qu’elle y vînt d’elle-même, soit qu’elle eût été suggérée. […] Quoi qu’il en soit, la reine, en abordant l’idée d’une relation directe avec Mirabeau, n’avait pas encore surmonté sa prévention violente. […] J’avoue que le frisson d’horreur me reprit plus que jamais à cette idée ; mais comme, en le voyant, on pouvait résumer en une demi-heure beaucoup d’idées dont il faudrait rechercher le détail en cent lettres éparses, et qu’on pouvait s’entendre et se concerter sur toute chose une bonne fois pour toutes, j’ai consenti à une entrevue secrète, j’ai donc vu le monstre ces jours derniers avec une émotion à être malade, mais que son langage a bien vite contre-balancée sur le moment. […] Telle était Marie-Antoinette dans les mois qui précédèrent la fuite de Varennes et lorsque le projet de cette évasion était déjà arrêté en idée.

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