Que ces petites montres de sa ruine qui paraissent encore au-dessus de la bière, c’était la Fortune qui les avait conservées pour le témoignage de cette grandeur infinie que tant de siècles, tant de feux, la conjuration du monde réitérée à tant de fois à sa ruine, n’avaient pu universellement éteindre. […] Parce que ces hommes, comme Horace et Montaigne, sont aimables, on les croit, incapables de générosité et de sentir la grandeur. […] quel sentiment de la grandeur, quand il y a lieu !
Dans sa notice, si claire, si animée, si constamment instructive, de Newton, j’aurais aimé que les taches, les faiblesses et petitesses du grand inventeur, tout en étant indiquées au net, fussent moins étalées et mises moins soigneusement en balance avec sa grandeur. […] Son seul tort, philosophe comme il était et ne voulant point simuler ce qu’il ne pensait pas, c’est, par son ton badin, d’avoir semblé souvent parodier la grandeur du sujet. […] Les résultats sublimes, auxquels cette découverte l’a conduit, sont bien propres à le consoler du rang qu’elle assigne à la terre, en lui montrant sa propre grandeur dans l’extrême petitesse de la base qui lui a servi pour mesurer les cieux.
Qu’on lise les chapitres de son livre III sur le bien et le mal moral et sur la grandeur d’âme : jamais la morale de La Rochefoucauld étroitement interprétée, jamais la morale du xviiie siècle, telle que vont la sophistiquer et la matérialiser grossièrement les Helvétius, les d’Argens, les La Mettrie et bien d’autres parmi ceux qui valaient mieux n’a été plus énergiquement et plus solidement réfutée. […] Pascal fait porter en effet tout son raisonnement sur la contradiction intérieure, inhérente à la nature de l’homme, qui, selon lui, n’est qu’un assemblage monstrueux de grandeur et de bassesse, de puissance et d’infirmité, et qu’il veut convaincre à ses propres yeux d’être, sans la foi, une énigme inexplicable. […] Quand il traite de la grandeur d’âme, comme on sent l’homme qui en a le modèle en lui et qui en possède la noble réalité !
Mme de Maintenon est inaccessible ; elle garde dans sa grandeur des habitudes de vie étroite et particulière : c’est comme un reste de prude dans une personne de si parfait agrément. […] Un grand esprit contemporain et acteur dans ces scènes mémorables, Bolingbroke, l’a dit : « Les batailles, les sièges, les révolutions surprenantes qui arrivèrent dans le cours de cette guerre sont d’un genre à ne point trouver leurs semblables dans aucune période de la même étendue. » C’est ainsi que les générations se croient privilégiées par la grandeur des événements et des catastrophes dont elles sont témoins et victimes, jusqu’à ce que d’autres générations surviennent qui leur ravissent l’orgueil de cette illusion. […] Elle s’était rendu compte à l’avance de tout ce néant humain ; elle se dit, en sachant ses ennemis triomphants et ses amis consternés, qu’il n’y avait pas lieu à tant s’étonner ; que ce monde n’était qu’une comédie où il y avait souvent de bien mauvais acteurs ; qu’elle y avait joué son rôle mieux que beaucoup d’autres peut-être, et que ses ennemis ne devaient pas s’attendre à ce qu’elle fût humiliée de ne le plus représenter : « C’est devant Dieu que je dois être humiliée, disait-elle, et je le suis. » Après avoir quitté la France, où Louis XIV mourait et où le duc d’Orléans, qu’elle avait pour ennemi déclaré, devenait le maître, elle alla habiter Rome, son ancienne patrie, la ville des grandeurs déchues et des disgrâces décentes.
Les flatteries l’emportèrent jusque-là qu’il crut que toutes les louanges qu’on lui donnait étaient véritables, et que la grandeur qu’il possédait était moindre que son mérite… Il était plein de belles paroles et de promesses qu’il ne tenait pas fidèlement ; mais, lorsqu’il donnait des paroles plus absolues, c’est alors qu’on était plus assuré de n’avoir pas ce qu’il promettait ; et, lorsqu’il promettait le plus son affection, c’était lorsqu’on avait plus de sujet d’en être en doute : tant il manquait de foi sans en avoir honte, mesurant tout l’honneur à son utilité ! […] S’il fût né sur le trône et roi héréditaire, il aurait eu naturellement la grandeur sans avoir à forcer la fermeté. […] Mais précisément, c’est que Richelieu n’est rien moins qu’un Robert Walpole : c’est un homme qui croit à Dieu, au caractère des rois, à une certaine grandeur morale dans les choses publiques, à une vertu propre en chaque ordre de l’État, à une rectitude élevée dans le clergé, à la générosité et à la pureté du cœur dans la noblesse, à la probité et à la gravité dans les parlements ; voilà ce qu’il veut à tout prix maintenir ou restaurer, tandis que l’autre ministre n’a que beaucoup d’habileté, un art de manipulation humaine et de corruption consommée, et de la bonne humeur
Alphonse Daudet Paul Delair, écrivain de grand talent, un peu confus parfois, mais avec des éclairs et de la grandeur, un poète.
Henri Vandeputte Douze petits nocturnes, la première œuvre, n’est que l’expansion mélodieuse de ces sentiments d’une pureté et d’une grandeur très douces.
L'imagination de l'Auteur se refroidissoit, selon toute apparence, dès que les objets n'intéressoient pas vivement son ame, plus enthousiaste des choses extraordinaires, que de la véritable grandeur.
Jamais on n'attaqua plus finement & avec plus de force, des vices consacrés par le pouvoir & la grandeur, & respectés par la flatterie & la fausse Philosophie.
Tout était vide autrefois dans ces lieux ; la petitesse de la dernière Cour (avant que cette Cour eût pour elle la grandeur de son infortune) semblait à l’aise dans les vastes réduits de Louis XIV.
Ce signe, ayant une durée, est une grandeur continue ; partant, il peut, comme une ligne, être comparé à une autre grandeur de la même espèce, ne différer d’elle qu’en plus ou en moins, suggérer l’idée de son double ou de sa moitié, être mesuré ; ce sont là les conditions d’une carte représentative. — Il n’y a là qu’un cas d’une opération générale et déjà décrite. […] Aucun de ces aveugles opérés ne sut, du premier coup, interpréter ses nouvelles sensations, décider de la situation, de la forme, de la grandeur des objets, les reconnaître. […] C’est la première éducation de l’œil qui commençait. — Tous étaient comme l’aveugle de Cheselden, « qui, avec les yeux, ne se faisait idée de la forme d’aucune chose, ne distinguait aucune chose des autres, si différentes qu’elles fussent en figure et en grandeur. […] Notre atlas visuel a le même emploi ; en traduisant telle ou telle de ses indications par les indications correspondantes de l’atlas tactile et musculaire, nous prévoyons la direction, la grandeur et la durée de l’effort musculaire par lequel nos membres atteindront tel ou tel objet. […] Il s’amusa d’abord à tailler du bois pour se distraire, obtint de Prugg des leçons et des modèles, fit à douze ans un Christ de grandeur naturelle, alla ensuite chez le statuaire Nissl, y profita beaucoup, devint célèbre.
Sculpture, Vassié, Pajou, Mignot Je n’ai vu parmi un grand nombre de morceaux de sculpture qu’une Nymphe de grandeur naturelle ; un Buste de Le Moine par un de ses élèves, et le Buste d’une prêtresse de Diane, à ce que je crois.
Les héros que peignaient les auteurs dramatiques, n’avaient point cette grandeur soutenue que leur a donnée Racine ; mais ce n’est point à une condescendance populaire qu’il faut attribuer cette différence ; tous les poètes ont peint ainsi les caractères, avant que de certaines habitudes monarchiques et chevaleresques nous eussent donné l’idée d’une nature de convention. […] Sous l’empire d’un monarque tel que Louis XIV, sa volonté devait remplacer le sort, et l’on n’osait lui supposer des caprices ; mais dans un pays où le peuple domine, ce qui frappe le plus les esprits, ce sont les bouleversements qui s’opèrent dans les destinées ; c’est la chute rapide et terrible du faîte de la grandeur dans l’abîme de l’adversité.
Dans cette imperfection, à laquelle la nature humaine est condamnée, des qualités fortes et généreuses font oublier des égarements terribles, pourvu que le caractère de la grandeur reste encore imprimé sur le front du coupable, que vous sentiez les vertus à travers les passions, que votre âme enfin se confie à ces hommes extraordinaires, souvent condamnables, souvent redoutés ; mais qui, néanmoins, fidèles à quelques nobles idées, n’ont jamais trahi le malheur, ni frémi devant le danger. […] Plus votre esprit s’élève, plus vous avez honte d’avoir cru qu’il existait quelque sagacité dans ce qui n’était pas la morale, quelque grandeur dans les résolutions qui ne l’avaient pas pour objet, quelque stabilité dans les plans dont elle n’était pas le but.
Si la grandeur du pied ou la grosseur de la tête m’avait été donnée, aussi-tôt j’aurais achevé la figure d’après les règles de proportion connue ; mais le poëte ne m’indique que les deux bouts de son colosse, et leur distance est la seule chose que mon imagination saisisse. […] Qui est-ce qui imaginera la grandeur d’Apollon, qui enjambe de montagne en montagne ?
Mais cette vue, qui lui communiquerait de sa grandeur et l’envelopperait d’innocence, cette vue qui, du moins, serait une excuse à balbutier pour lui devant l’Histoire, on est obligé d’y renoncer dès qu’on étudie sérieusement le règne de ce malheureux prince, dont le pouvoir était construit sur la plus forte et la plus pure notion que les hommes aient eue jamais d’un roi, et qui aurait tout pu, jusqu’au dernier moment, s’il n’avait pas eu, dans le fond du cœur même, le honteux petit grain de sable qui, placé ailleurs, tua Cromwell. […] Il y a le penseur, il y a même le rêveur, car Renée rêve à Turgot plus de grandeur qu’il n’en avait et à Necker plus de vertu.
Il dit : « Il n’y a de grand que la Révolution, les hommes sont toujours odieux, misérables et atroces », et en cela il raisonne mal, car ce n’est pas avec des choses odieuses, misérables ou atroces, qu’on arrive à de la grandeur. […] Mais qui jamais a appelé cela de la grandeur ?
Au moins, si les caractères créés par l’auteur de Guy Livingstone sont coupables, leurs fautes ou leurs crimes ont de la grandeur. […] La Bible, — cette éducation de l’Angleterre, ce livre grand et terrible où le Dieu jaloux frappe Satan, l’autre jaloux, — la Bible a empreint pour jamais l’imagination anglaise de sa grandeur et de sa terribilité, et c’est elle que je vois rayonner de son feu sombre et âpre aussi bien dans Richardson, qui a fait Lovelace, que dans Milton, qui a fait Satan ; aussi bien dans ce nouvel écrivain qui ajoute dans Livingstone une grande figure à ces grandes figures aimées et hantées par l’imagination de son pays, que dans ce Byron dont il est l’enfant intellectuel.
leur naturelle encadrure dans la simple vignette d’un missel, deux à trois figures, comme celles de saint Benoît, de saint Grégoire, de saint Colomban, lesquelles, de grandeur, répugnent à entrer dans le cercle étranglant d’un médaillon, et qui, si on ose les y mettre, le font éclater ! […] Sans le geste de la phrase, qui d’ailleurs ne varie pas et qui remue toutes ces idées assez communes, débitées partout sur la chute de l’empire romain, sur les Barbares, sur les premières grandeurs morales du christianisme, vous n’avez plus là, sous le nom de M. de Montalembert, que le style et les aperçus du Correspondant, c’est-à-dire de la Revue des Deux-Mondes, en soutane.
Il ne pouvait pas être uniquement le pur imagier des temps convaincus, et il a écrit son histoire comme on écrit l’histoire en nos époques de critique et de décadence, où la grandeur religieuse devient de plus en plus incompréhensible. […] Ce qui m’étonne dans cette vie d’hier, qui probablement sera une légende demain, ce n’est pas ce qui se trouve dans la vie des autres Saints de tous les âges et qui leur est commun à tous : les vertus, les grandeurs, les miracles, les communications directes avec Dieu, les adorations des foules prosternées ; mais c’est ce qui est particulier au Saint que fut le Curé d’Ars.
Quant à saint Louis, c’est le Roi sans péché du Moyen Âge, l’idéal de la royauté chrétienne dans sa pure beauté ; mais est-ce bien Guizot qui peut comprendre la grandeur surnaturelle d’un tel homme ? […] Pour ma part, il est dans notre histoire de France deux grandeurs auxquelles je défends à toute plume qui n’est pas catholique de toucher, et c’est précisément ce saint Louis sur lequel Guizot vient de mettre sans façon sa main protestante, et Jeanne d’Arc !
Il l’a roulée dans ce haillon… Fanatique de démocratie, fanatique d’orgueil de lui-même, sous prétexte de respect et d’admiration pour la grandeur des facultés humaines que tous les philosophes prennent pour la grandeur de leur personne, Laurent Pichat n’a pas craint de mettre la poésie de son âme dans ce qui aurait dû la tuer, et il a osé dire à l’Imagination que le temps est venu de se taire devant la raison triomphante !
Et d’avoir sublimé ces deux types, de les avoir reproduits avec la grandeur de sa touche, parce qu’il les sentait profonds en lui, serait assez comme cela pour sa gloire de poète, n’y aurait-il pas autre chose dans ce fourmillant poème de Paris, qui n’a rien oublié de Paris. […] Mais ce qui rend cette impression encore plus profonde, c’est qu’immédiatement après avoir tracé cet écrit qu’on ne sait trop comment nommer, cette espèce de révélation testamentaire de sa vie, Amédée Pommier soit mort, après l’avoir signée· Cette mort presque subite donne, je trouve, à sa vie, la grandeur d’une destinée.
Balzac, dont le nom surgit fatalement quand on parle des romanciers du xixe siècle, — mesure terrible qui montre combien ils sont petits en comparaison de cette grandeur, — ne fut point de cette Académie, dont la porte, à peine poussée par M. […] Il y en a de plus d’une espèce dans ce livre, où l’on cherche vainement la simplicité, la grandeur, l’émotion, et une beauté sombre.
Au moins, si les caractères créés par l’auteur de Guy Livingstone sont coupables, leurs fautes ou leurs crimes ont de la grandeur. […] La Bible, — cette éducation de l’Angleterre, ce livre grand et terrible où le Dieu jaloux frappe Satan, l’autre jaloux, — la Bible a empreint pour jamais l’imagination anglaise de sa grandeur et de sa terribilité, et c’est elle que je vois rayonner de son feu sombre et âpre aussi bien dans Richardson, qui a fait Lovelace, que dans Milton qui a fait Satan, aussi bien dans ce nouvel écrivain d’aujourd’hui qui vient d’ajouter dans Livingstone une grande figure à ces grandes figures aimées et hantées par l’imagination de son pays, que dans ce Byron dont il est l’enfant intellectuel.