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1640. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

L’apparition soudaine des grands steamers dans la brume, les hallucinations qu’elle provoque dans la nuit, sont rendues par Knut Hamsun avec une force, une terreur, une grandeur d’expression inconnues à M.  […] Il ne trouvait l’émotion véritable et la véritable grandeur poétique que parmi les visages humains, autour de lui, et parmi les choses familières qu’il savait douer d’une existence réelle, intime, profonde, adorable. […] si mélancoliquement — il expliquait « par des raisons qu’on n’a pas encore dites » les causes profondes de sa grandeur ancienne et de sa décadence d’aujourd’hui… Vous savez que tout est en décadence aujourd’hui, sauf naturellement Le Gaulois, la noblesse qui le lit et le vieil habitué qui le rédige. […] Lisez Marie-Claire… Et quand vous l’aurez lue, sans vouloir blesser personne, vous vous demanderez quel est parmi nos écrivains — et je parle des plus glorieux — celui qui eût pu écrire un tel livre, avec cette mesure impeccable, cette pureté et cette grandeur rayonnantes.

1641. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Les associations dangereuses sont interdites et on laissera subsister l’Union des poètes, la société de l’Urne vide, la société des Amis du cœur et celle des Amis du soupir, la société de la Philanthropie poético-catholique, la société de la Moralité poétique, celle des Poètes météorologiques, l’Union néo-poétique, l’Union des douleurs, la société des Pensées distinguées, le Temple des grandeurs de l’âme, l’Union des fils de Sacountala, la société des Poètes génèsi-philologi-historico-philosophi-antédiluviens, la Renaissance du sonnet, toutes sociétés non encore publiquement constituées, mais prêtes à surgir et existant secrètement, étalant leurs produits dans des espèces de bazars dont le pire est la Revue de Paris. […] En somme, l’artiste doit se guider, pour travailler, d’après certains principes élevés qui montrent la grandeur dans le travail, à quelque condition qu’on appartienne, et d’après lesquels l’amour et l’argent ne tiennent dans la vie humaine qu’un rang secondaire, le travail étant le vrai but, la vraie destinée de l’homme. […] nos misères, nos grandeurs, nos aspirations, nos désastres, nos conquêtes, cela ne mérite pas qu’on le chante ! 

1642. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

En voyant qu’elle n’était plus dans le salon, Swann ressentit une souffrance au cœur ; il tremblait d’être privé d’un plaisir qu’il mesurait pour la première fois, ayant eu jusque-là cette certitude de le trouver quand il le voulait, qui pour tous les plaisirs nous diminue ou même nous empêche d’apercevoir aucunement leur grandeur 24. […] En voyant qu’elle n’était plus dans le salon, Swann ressentit une souffrance au cœur ; il tremblait d’être privé d’un plaisir qu’il mesurait pour la première fois, ayant eu jusque-là cette certitude de le trouver quand il voulait, qui pour tous les plaisirs nous diminue ou même nous empêche d’apercevoir aucunement leur grandeur 80. […] Et je crois que nous sommes munis maintenant pour comprendre tout ce que j’ai appelé le deuxième aspect de l’œuvre de Proust, ce qui fait, non plus seulement son charme, mais sa grandeur, ce qui lui donne un caractère classique.

1643. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Ta voix atténuerait la grandeur des choses que tu oserais célébrer ainsi.

1644. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Si cette pensée n’était pas l’égarement du cœur perdu dans les perspectives de la grandeur et de l’amour, rien ne peut justifier madame Récamier de l’avoir conçue ; la délibération seule était une faute.

1645. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

» XV Dans un chapitre qui semble écrit par Bossuet, Machiavel démontre, par les exemples de Moïse, de Cyrus, de Romulus, de Thésée et d’autres fondateurs de dynastie, que plus ils sont partis d’en bas, plus ils ont dû tout à leur mérite, plus ils ont pu s’affermir dans leur élévation ; mais que sans la fortune, qui n’est que la prédisposition du peuple, et sans l’occasion, qui est la condition nécessaire et divine de toute grandeur, ils n’auraient pu que rêver leur ambition, jamais l’accomplir.

1646. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Cela atteint la grandeur eschylienne.

1647. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Il a écrit des romans : Cinq-Mars (1826), où l’histoire embrouille le symbole, et où le symbole fausse l’histoire, bariolage romantique de psychologie insuffisante, de description trop littéraire, et de mélodrame brutal, Stello (1832), Servitude et grandeur militaire (1835), où se trouvent des récits poignants et sobres, dignes pendants des poèmes ; il a composé des drames : un Othello (1829), une Maréchale d’Ancre (1830) et ce Chatterton surtout (1835), si sobrement pathétique, dont je ferais volontiers le chef-d’œuvre du théâtre romantique.

1648. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

L’idée que ces hommes se faisaient de notre langue est loin d’en embrasser toute la grandeur.

1649. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Des livres vantent aux enfants un régime qui accorde au mérite toutes les places et toutes les distinctions, comme ils vanteraient aussi bien la grandeur d’un roi, ou la toute-puissance d’un Dieu.

1650. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Cette révélation de la grandeur vraie et simple m’atteignit jusqu’au fond de l’être.

1651. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Il y a là plus que de l’élévation et de la force, il y a de la bonne grâce dans la grandeur.

1652. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Gounod de pousser la roue du char qui porte l’Œuvre de Wagner et sa fortune ; il fera preuve assurément d’une grandeur d’âme surhumaine.

1653. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Mardi 12 septembre Parlant de la bonté de son intérieur, de sa chambre, de son lit, la princesse dit : « C’est moi qui n’étais pas heureuse, quand à Compiègne, on m’a donné le lit du pape… Un lit d’une grandeur, vous ne pouvez en avoir une idée… Pour n’avoir pas froid, j’étais obligée de mettre toute ma garde-robe sur moi ».

1654. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

La forme extérieure d’un roman commence au style, et aimer un certain style, c’est pour un lecteur éprouver que les conditions de sonorité, de couleur, de précision, de grandeur et d’éloquence, suivant lesquelles les mots ont été choisis et assemblés, sont celles qui réalisent ou du moins qui ne choquent pas son idée vague de la propriété et de la beauté du langage, idée qui lui est personnelle, qui le caractérise puisque son voisin peut ne pas la partager, qui fait donc partie du cours de ses pensées et aide à le définir.

1655. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Comme il s’avançait au milieu des acclamations des guerriers, des sons perçants de la conque et de la trompette, confondus avec le bruit des chars, le hennissement des chevaux et le cri sauvage des éléphants, une foule de femmes, brûlant de voir le jeune héros dans tout l’appareil de sa grandeur, se précipitent sur les terrasses voisines de son passage.

1656. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

Au contraire, la nature volcanique du sol, le climat, l’altitude et la grandeur de ces îles sont autant de points de ressemblance que les Galapagos ont avec les îles du Cap Vert ; mais quelle différence complète entre leurs habitants !

1657. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Il y a de la grandeur dans une telle manière d’envisager la vie et ses diverses puissances, animant à l’origine quelques formes ou une forme unique sous un souffle du Créateur.

1658. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Plus un drame a de grandeur, plus profonde est l’élaboration à laquelle le poète a dû soumettre la réalité pour en dégager le tragique à l’état pur.

1659. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Delacroix est universel ; il a fait des tableaux de genre pleins d’intimité, des tableaux d’histoire pleins de grandeur. […] C’est vraiment là ce qui fait l’importance de sa grandeur. — En effet, supposez que le bagage d’un des vieux illustres se perde, il aura presque toujours son analogue qui pourra l’expliquer et le faire deviner à la pensée de l’historien.

1660. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Quand une grandeur est tellement supérieure à une autre que celle-ci est négligeable par rapport à elle, les mathématiciens disent qu’elle est d’un autre ordre. […] On sent bien que la psychologie est encore dupe du langage quand, ayant désigné par le même mot toutes les attentions prêtées dans tous les cas possibles, elle ne voit plus entre elles, supposées alors de même qualité, que des différences de grandeur.

1661. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Le mysticisme a sa grandeur, il a surtout son charme, mais il a ses dangers et ses bassesses, et Bossuet les a vus. […] « Le citoyen obscur, en imitant la licence des grands, croit mettre à ses passions le sceau de la grandeur et de la noblesse46 » ; ou encore : « Les louanges — que l’on donne publiquement aux grands — ne font que réveiller l’idée de leurs défauts, et, à peine sorties de la bouche même de celui qui les publie, elles vont, s’il m’est permis de m’exprimer ainsi, expirer dans son cœur, qui les désavoue47 » ; ou encore : « Et l’on va porter aussitôt, — en sortant d’entendre le prédicateur, — au milieu du monde et des plaisirs l’aiguillon secret que la parole de Dieu a laissé dans le cœur, afin d’y trouver une main flatteuse qui l’arrache et qui referme la plaie d’où devait sortir la guérison48. » On l’a dit, mais il faut le redire, dans ces endroits, Massillon est vraiment inimitable. […] Il importe en critique de ne prononcer qu’à bon escient de certains noms, sous la grandeur desquels, autrement, il n’y aurait personne que l’on n’assommât.

1662. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Suivant ce dernier : « Seul celui-là se réjouira de la doctrine nouvelle qui sait donner un sens et un but à la vie, qui accepte et aime la nature et la réalité, qui jouit en artiste de leur richesse, de leur beauté, de leur grandeur, qui désire voir la fatalité réalisée, par-delà l’humanité passée et présente, des combinaisons nouvelles, des formes nouvelles d’existence, plus grandes encore et plus belles, et qui, exalté par la partie qu’il joue avec le hasard, ne voyant dans ses échecs et ses souffrances qu’un aiguillon à pousser plus loin, plus haut, à se dépasser lui-même, voudra, dans une ivresse d’enthousiasme, revivre encore et éternellement, cette existence de héros et d’artiste7. » Pour ces mêmes raisons Griffin puise dans la notion de vie magnifiée l’essence de sa morale, le principe de la beauté rayonnante et universelle. […] Ce dualisme inné, Mithouard nous le montre chez Verlaine, à la fois cynique et religieux, homo duplex, auteur de Sagesse et de Parallèlement ; — chez Hello, ce « Breton dans l’Infini », ce Pascal du xixe  siècle qui possède comme l’autre une extraordinaire aptitude à considérer les extrêmes, les contrastes supérieurs, l’idée pure de la passion, la grandeur et la misère de l’homme ; — chez saint François d’Assise, mystique et naturaliste, dont l’humilité synthétise deux amours exclusifs, celui du Christ et celui des créatures.

1663. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Pauvres hommes, infirmes dans vos grandeurs ; grands parce que vous êtes infirmes, et infirmes parce que vous êtes grands !

1664. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

On doit alors à la bonté des Dieux Deux attributs de leur grandeur suprême ; Car on existe, on est tout par soi-même, Et l’on embrasse et les temps et les lieux.

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