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815. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

La première partie comprend des travaux théologiques proprement dits, qui ont la forme et portent le cachet de l’école germanique-française, et plus germanique que française. […] Scherer, de dire tout ce qu’il y a d’agitation dans notre cœur lorsque nous commençons à reconnaître que notre Église et notre système n’ont pas le monopole du bien et du vrai, lorsque nous rencontrons des hommes également éminents et sincères qui professent les opinions les plus opposées…, lorsque nous découvrons qu’il n’y a point d’erreur qui n’ait un mélange de vérité, point de vérité qui ne soit partielle, étroite, incomplète, entachée d’erreur, lorsque ainsi le relatif nous apparaît comme la forme de l’absolu sur la terre, l’absolu comme un but éternellement poursuivi mais éternellement inaccessible, et la vérité comme un miroir brisé en mille fragments qui tous réfléchissent le ciel et dont aucun ne le réfléchit tout entier. […] Scherer nous offre, dans cette suite d’études premières, le spectacle d’une âme, d’une intelligence en travail, en marche continuelle, en évolution permanente : c’est une variante moins orageuse et sous forme toute scientifique, une variante qui a son intérêt pourtant, de la lutte et de la recherche que nous offre l’homme de Pascal dans les Pensées, avec cette différence qu’au lieu d’acquérir de la foi, il va la perdant, ce semble, de plus en plus, mais en s’obstinant à ne jamais la perdre tout à fait. […] Les prédictions, qui sont une forme favorite de la pensée de De Maistre et de sa rhétorique, une de ses manies, sont réduites à leur valeur.

816. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

II Voici la contemporaine de Jeanne d’Arc, l’excellente Christine de Pisan, si digne, si naïve, si pleine de vertu et de prud’homie, qui, raide comme un personnage de vitrail, s’applique, avec le grand sérieux des bonnes âmes du moyen âge, gauchement et gravement, à enserrer la langue balbutiante de son siècle dans la forme du style cicéronien comme dans un heaume lourd et trop large. […] Mais pourquoi, si quelques-unes ont été, par l’imagination et surtout par le cœur, de grands poètes, n’en voyons-nous point qui l’aient été par la forme ? […] Elles jouissent moins purement que nous des beaux arrangements de mots et de sons, et aussi des contours, des formes et des couleurs. […] D’abord l’invention des idées et de la forme (chose difficile à définir, car où commence l’invention ?)

817. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

À son degré supérieur, cet amour-là est « le grand amour », celui qui rend idiot et méchant, qui mène au meurtre ou au suicide, et qui n’est qu’une forme détournée et furieuse de l’égoïsme, une exaspération de l’instinct de propriété. […] Son adoration prend toutes les formes, même les plus niaises. […] » Il pose cet axiome qu’« il n’y a point de vieille femme », et le développe en un chapitre dont le sommaire tout seul est déjà bien joli : « … Le visage vieillit bien avant le corps. — L’ampleur des formes est favorable à l’expression de la bonté. — Une génération qui n’aimerait que la première jeunesse et ne serait pas policée par le commerce des dames resterait grossière. — Une femme qui aime et qui est bonne peut, à tout âge, donner le bonheur, douer le jeune homme. » Il vous apparaîtra de nouveau, si vous pesez les mots de cette dernière phrase et si vous en cherchez le commentaire dans le texte du chapitre, que le naturisme de Michelet n’est pas précisément le naturisme de Molière. […] Ces préceptes, qui excluent l’union libre, le divorce, l’émancipation de la femme, toute théorie un peu aventureuse, et qui impliquent les croyances les plus délibérément spiritualistes ; ces préceptes si sensés d’un historien éclairé par l’expérience des âges, affectent la forme la plus maladive, la plus nerveuse, la plus haletante et trépidante.

818. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

Souvent même la forme du cerveau n’est pas la même que la forme du crâne. […] Lélut en donne pour exemple le blaireau, le renard et le chien, qui diffèrent beaucoup par la forme de leurs crânes, mais chez lesquels le cerveau est, à peu de chose près, identique. […] Enfin les hémisphères cérébraux eux-mêmes sont considérés encore, nous l’avons vu, par certains médecins comme des organes complexes ; on y distingue la substance grise de la substance blanche, et c’est dans la première, qui forme l’écorce du cerveau, que M.M. 

819. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

« Elle avait une taille souple et élégante, des épaules de la plus admirable forme, une bouche petite et vermeille, des bras charmants… des cheveux châtains naturellement bouclés, le nez délicat et régulier mais bien français, — (comme la narration) ; — une physionomie pleine de candeur et quelquefois de malice, et que l’expression de la bonté rendait — (malgré la malice ?)  […] Madame Récamier, la modeste Madame Récamier, qui n’eut jamais rien de superbe, même dans sa beauté, forme le contraste le plus hardi, le plus étonnant et le plus facile à apercevoir avec les mœurs, les attitudes et les passions de son époque. […] Cette pureté en Madame Récamier, qu’elle conserva et qui le lui rendit, cette pureté était en elle comme le cours du sang et le mouvement des yeux, comme tout ce qu’il y a de plus involontaire, et faisait d’elle le Génie, sous la forme la plus parfaite, de ces sentiments qui n’ont pas de sexe parce qu’ils sont plus divins que les autres : la Bonté, la Pitié, l’Amitié… L’amitié était, en effet, pour l’âme de Madame Récamier, la limite de la passion humaine, et jamais elle ne la dépassa pour entrer dans un sentiment plus troublé. […] Cette forme légère que nous avions dans l’esprit comme une peinture d’Herculanum, vient d’y tomber en poussière au souffle de ces lettres, papotage de toutes les femmes du monde qui disent : « C’est charmant ! 

820. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Sur cette zone privilégiée, les originalités natives dans la grandeur commune, les formes diverses d’imagination et de goût se marquaient par un ou deux degrés de latitude, quelques vallées ou quelques chaînes de montagnes, quelques stades d’intervalle du continent aux îles ou d’une île à l’autre. […] Mêlant ses combats, ses naufrages, ses factions, ses amours, il avait composé plusieurs livres de courtes poésies, satiriques par le fond, lyriques par la passion et la forme. […] Platon, ce qui étonne davantage, avait voulu voir en elle un sage autant qu’un poëte ; et, quand il lui donnait ce nom de dixième et dernière Muse, qu’une flatterie banale a répété pour tant d’autres bouches gracieuses, sans doute l’idée de quelque chose de divin, dans l’union du talent et de la beauté, s’attachait pour lui à cette expression ; et, plus tard, chez d’autres écrivains moins curieux de l’art et de la forme, on sent que le même nom réveille le même souvenir d’admiration idolâtre et de culte mystérieux. […] Dans une telle vie cependant, toute aux arts, mais à des arts faits pour entretenir la passion, le seul intérêt touchant, la seule dignité qui pût ennoblir les transports d’une âme agitée sans cesse par la musique et la poésie, c’était la piété maternelle, la tendresse pour une fille, cette Cléis que le philosophe Maxime de Tyr avait nommée, et dont quelques vers retrouvés de Sapho nous parlent aujourd’hui : « J’ai, dit-elle, une belle jeune fille semblable, dans sa forme élégante, aux fleurs dorées, Cléis, ma chère Cléis.

821. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Un des contrastes les plus frappants que présente le xviiie  siècle, c’est Saint-Simon contemporain de Voltaire et de Montesquieu : les Mémoires sont rédigés dans les années où paraissent les Lettres anglaises, où se forme l’Esprit des lois. […] Son entêtement aux prises avec les circonstances eut un piteux résultat : ne pouvant faire que la noblesse eût un pouvoir réel, il se rabattit sur des apparences, des formes vides : il défendit les prérogatives extérieures, les privilèges de vanité, toutes les distinctions qui mettaient une barrière entre les nobles et les bourgeois, entre les nobles d’épée et les robins, entre les pairs et tout le monde. […] Ces idées sont d’un autre temps, surtout parce qu’elles revêtent la forme de théories surannées.

822. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

Puis se déroulent le double sommet qui domine Mageddo, les montagnes du pays de Sichem avec leurs lieux saints de l’âge patriarcal, les monts Gelboé, le petit groupe pittoresque auquel se rattachent les souvenirs gracieux ou terribles de Sulem et d’Endor, le Thabor avec sa belle forme arrondie, que l’antiquité comparait à un sein. […] Quant à la forme des maisons, elle est, en Syrie, si simple et si impérieusement commandée par le climat qu’elle n’a jamais dû changer. […] [Greek : Alphaios] est la transcription du nom syro-chaldaïque Halphaï ; [Greek : Klôpas] ou [Greek : Kleopas] est une forme écourtée de [Greek : Kleopatros].

823. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

Entre deux espèces animales ou végétales voisines, il y a régulièrement une frontière indécise, une série de formes intermédiaires. […] est alors tout animée de l’esprit de l’antiquité classique qu’elle se modèle de parti pris sur les Grecs et sur les Romains qu’elle est par suite savante et faite surtout pour une aristocratie ; les œuvres qui la composent ont presque toutes un caractère hybride ; elles sont semi-païennes et semi-chrétiennes ; elles sont anciennes par la forme, les sujets, les titres, l’imitation voulue, l’emploi de la mythologie ; modernes par les idées et les sentiments qui sont coulés dans ces moules d’autrefois. […] On peut dire qu’en général les changements d’idées précèdent et que les changements de forme, suivent une métamorphose sociale.

824. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

La langue, ai-je dit, était à peu près fixée ; mais les tons, les styles, les différentes formes du langage, ne l’étaient pas : ce fut l’ouvrage de la société polie. […] De là naquit la diversité des tons, des styles, des formes de langage qui s’approprièrent à tous les usages de l’art de parler et de l’art d’écrire. […] Les formes usitées dans le langage des inférieurs envers les supérieurs étaient autrefois les seules qui fussent permises aux enfants en parlant à leurs père et mère.

825. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Quintilien, un autre grand maître dans les ouvrages d’esprit, ne veut pas même qu’on agite la question, si c’est le génie, ou si c’est l’étude qui forme l’orateur excellent. […] Ce que je regarde comme un mauvais présage, c’est qu’un jeune homme soit peu touché de l’excellence des productions des grands maîtres : c’est qu’il n’entre point dans une espece d’enthousiasme en les lisant : c’est qu’il ait besoin, pour connoître s’il doit les estimer, de calculer les beautez et les défauts qu’il y compte, et qu’il ne forme son avis sur leur mérite qu’après avoir soudé son calcul. […] Ainsi le peintre éleve, dont l’esprit s’abandonne aux idées qui ont rapport à sa profession, qui se forme plus lentement pour le commerce du monde, que les jeunes gens de son âge, que sa vivacité fait paroître étourdi, et que la distraction, qui vient de son attention continuelle à ses idées, rend gauche dans ses manieres, devient ordinairement un artisan excellent.

826. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Ce fut, pour parler exactement, son unique forme littéraire, rivée comme un masque d’acier sur sa pensée. […] Pour être poète, dit le terrible et opiniâtre railleur, qui ne se déferre jamais de sa plaisanterie effrayante de vulgarité, il faut d’abord « ne pas croire à Dieu et lire la Bible pour y prendre des métaphores ; — ne rien savoir, puisque les plus beaux génies de ce temps n’ont pas, en connaissances, de quoi couvrir une pièce de six pence au fond d’une cuvette ; — traiter tous les auteurs comme des homards, dont on choisit le meilleur dans la queue et dont on rejette le reste au plat ; — avoir toutes prêtes des comparaisons comme le cordonnier a ses formes ». […] Il a pour tout talent l’uniformité dans l’ironie, et pour toute ressource, dans sa lutte contre une société qu’il haïssait, la forme littéraire la plus hypocrite, l’ironie n’étant jamais que cela.

827. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Voilà ce que M. de Gères est essentiellement pour la forme ; seulement cette forme, même quand il la soigne le plus, n’est pas chez lui comme chez tant de poètes de ce temps l’unique préoccupation de sa pensée. […] Nous n’avons pas assez de terrain pour citer toutes les pièces qui expriment ce que nous disons là sous les formes les plus variées.

828. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Dans l’une et dans l’autre, la forme originelle est héréditaire, et la forme acquise se transmet en partie et lentement par l’hérédité. […] Dégagée dans l’animal, elle habite en lui sous forme d’instinct et de rêve. […] sous cent formes le danger vous environne. […] Quoique philosophe, il fut poète, je veux dire créateur de formes vivantes. […] Aujourd’hui on forme encore des chevaux, mais point d’hommes.

829. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

C’est de là que dérive la forme dont est maître M.  […] La pensée, sinon la forme, de la « Poésie scientifique », après avoir exercé une influence latente, s’est propagée jusqu’à la diffusion. […] « Dominée par un merveilleux rêve scientifique, servie par toutes les formes de l’art, la poésie de M.  […] Et, de Mauclair, le dire que ce même mouvement « est un mouvement de forme, plutôt que d’idées ». […] Rappelons-nous : « Le mouvement Symboliste est un mouvement de Forme, plutôt que d’idées ».

830. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Mais si les vices sont des formes de l’égoïsme, ils sont corrigibles ! […] Il est le modèle même de tous ceux, et ils sont plus nombreux qu’on ne croit, que l’amour de la forme entraîne à l’amour du fond dont cette forme a été l’expression. […] Rien ne montre mieux la nécessité de l’idéalisme, sous forme religieuse ou sous autre forme, que l’inanité pitoyable d’une morale qui prétend se passer de lui. […] On croit que la splendeur de la forme cache la pauvreté du fond : c’est le contraire. […] Et en même temps qu’un quatrième culte, une quatrième forme d’art s’impose au poète, la forme épique.

831. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Et cela, quand j’y songe, c’est certainement une forme de la vanité et de la présomption ; mais c’est peut-être aussi une forme de la bonté. […] Or l’attrait des sons ou des formes est plus matériel que l’attrait des sentiments. […] Ce ne sont que deux formes de la même pensée. […] On me dira : Comme forme, oui, mais non pas comme fond. […] Six gouvernements, c’est-à-dire trois : — despotisme sous sa forme détestable : la tyrannie d’un médiocre ou d’un quelconque ; despotisme sous sa forme excellente : la tyrannie d’un infaillible ; — aristocratie sous sa forme odieuse et funeste : l’oligarchie ; aristocratie sous sa forme excellente : le pouvoir d’un assez grand nombre exercé conformément à des lois ; — démocratie sous sa forme stupide : le despotisme capricieux de la foule, la seule loi du nombre ; démocratie sous sa forme miraculeuse : la communauté absolue et l’unanimité absolue entre frères.

832. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre premier. Rapports de l’invention et de la disposition »

Il n’y a point de matière, si brute qu’elle soit, qui n’ait une forme : pareillement les pensées, matière des créations de l’esprit, ne peuvent être conçues hors de toute forme, c’est-à-dire sans un certain plan et sans un certain style.

833. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouilhet, Louis (1821-1869) »

Louis Bouilhet, reproduit trop visiblement (j’en demande très pardon au jeune auteur) le ton, les formes et le genre de boutade de Mardoche. […] » ; j’ajoute : le seul poème scientifique de toute la littérature française qui soit cependant de la poésie… Sa forme est bien à lui, sans parti pris d’école, sans recherche de l’effet, souple et véhémente, pleine et imagée, musicale toujours.

834. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVI. Consultation pour un apprenti romancier » pp. 196-200

… Indiquez-moi avec précision les qualités et de fond et de forme indispensables au métier de romancier… alors nous verrons. » La réponse est délicate. […] * * * Maintenant, madame votre mère parle de la forme et du fond.

835. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre V. Moralistes. — La Bruyère. »

Aucun homme n’a su donner plus de variété à son style, plus de formes diverses à sa langue, plus de mouvement à sa pensée. […] Ces vices, dans le siècle de Louis XIV, se composaient avec la religion et la politesse, maintenant ils se mêlent à l’impiété et à la rudesse des formes : ils devaient donc avoir dans le dix-septième siècle des teintes plus fines, des nuances plus délicates ; ils pouvaient être ridicules alors : ils sont odieux aujourd’hui.

836. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Paul Nibelle »

Nibelle, comme inspiration et comme forme, a goûté à cette candide coupe de lait écumant dans laquelle buvait Yorick… Lorsque la visée commune est la force, soit dans l’expression des caractères ou des passions, soit dans les situations dramatiques, à une époque de corruption et de décadence où l’on a transporté dans le langage, cette forme rationnelle de la pensée, la couleur torrentielle des peintres les plus éclatants, il faut savoir bon gré à un jeune homme d’avoir, dans ses premiers récits, été sobre et simple comme s’il avait eu l’expérience, et de ne s’être adressé qu’aux saintes naïvetés du cœur pour plaire et pour intéresser.

837. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

L’esprit poétique forme un petit paradis où il fait entrer tout le monde. […] Au début, la précision matérielle, mathématique : on dessine, on sculpte, parce que la forme est ce qu’il y a de plus décisif dans les choses, ce qui les caractérise plus spécialement ; ensuite le récit, la parole, le commentaire, viennent ajouter au dessin de la forme ce qui lui manque, l’explication du mouvement et de tout ce qui n’est pas la forme seule ! […] Le romantisme n’a révolutionné que la forme, dans l’art, sans s’inquiéter de l’étoffe. […] Michelet a choisi une forme toute différente de celle de M.  […] … De deux choses l’une : ou l’on doit sacrifier la forme à l’idée ou l’idée à la forme ; pour ma part je n’hésiterai jamais.

838. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Reste enfin la question de forme, qui n’est pas le tout de l’art, mais qui en est une partie essentielle. […] L’animal est un principe qui prend la forme extérieure, ou, pour parler plus exactement, les différences de sa forme dans les milieux où il est appelé à se développer. […] Elle ne lui devient vraiment accessible que sous la forme d’image. […] Ainsi se forme un être collectif, le public, dont la pensée s’appelle : l’opinion. […] Sous la forme d’articles de journaux, ces baroques improvisations pouvaient avoir un certain agrément.

839. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Mais pour qui sait lire, toutes les réserves y sont sous la forme la plus courtoise et la plus délicate. […] Le pacte qui consistait à vivre comme frère et sœur a été naturellement ignoré par la famille, qui se réjouit de voir apparaître le pardon et le bonheur sous la forme bénie d’un petit enfant. […] Né libre, il a toujours dit ce qui lui passait par la tête, dans la forme qui lui plaisait, et, comme il était né écrivain, personne n’a eu à s’en plaindre, ni lui ni les lecteurs. […] L’idée est charmante et développée sous forme, de comédie, fournirait certes une pièce intéressante. […] Derrière les formes visibles, changeantes, imparfaites du monde et des êtres, lui apparaissaient les formes invisibles, parfaites, à jamais rayonnantes de ces mêmes êtres, que voit l’esprit et qui sont leurs modèles éternels.

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