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539. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Et même quand l’objet observé est pour toujours arrêté dans ses formes, il suffit que l’esprit où il se reflète soit muable et divers pour qu’il nous soit impossible de répondre d’autre chose que de notre impression du moment. […] Il sut mieux voir, mieux jouir des formes. […] Il devait les écrire, car l’avènement du christianisme forme, pour les peuples d’Occident, le nœud du grand drame humain. […] Tous ces essais, ces expériences, ces sentiments successifs, maladie du désir, néo-hellénisme, amour des formes, curiosité, dilettantisme, pessimisme presque allègre, aboutissent à la suprême sagesse de M.  […] Et que dites-vous de cette constatation motivée de la beauté d’une femme : Son visage et ses formes étaient d’une femme adulte.

540. (1890) L’avenir de la science « II »

Il y a dans cette ardeur spontanée de quelques hommes qui, sans antécédent traditionnel ni motif officiel, par la simple impulsion intérieure de leur nature, abordent l’éternel problème sous sa forme véritable, une ingénuité, une vérité inappréciables aux yeux du psychologue. […] Toutes les réformes ont eu ce défaut à leur origine, et d’ailleurs ceux qui leur adressent un tel reproche le font presque toujours parce qu’ils n’ont pas une idée assez étendue des formes diverses de la société humaine et de son histoire. […] L’embryon se forme à Babylone ; il se fortifie et se caractérise sous les persécutions des rois de Syrie ; il aboutit sous la pression romaine. […] Dès lors, elle n’aura été qu’une forme transitoire du progrès divin de toute chose, et du fieri de la conscience divine, Car, lors même que l’humanité n’influerait pas directement sur les formes qui lui succéderont, elle aura eu son rôle dans le progrès gradué, comme rameau nécessaire pour l’apparition des rameaux plus élevés. […] Hegel est insoutenable dans le rôle exclusif qu’il attribue à l’humanité, laquelle n’est pas sans doute la seule forme consciente du divin, bien que ce soit la plus avancée que nous connaissions.

541. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Mais cette mise en scène titanique, appliquée aux tragédies d’Eschyle, paraît leur mesure exacte, leur forme normale. […] On rêve autour de ses tragédies les êtres et les formes de la nature gigantesque. […] Elle brise les ébauches de ses origines et refond dans d’autres moules toutes les formes de sa vie publique et privée. […] Un enthousiasme entraînant anime ses formes massives, et les monte au comble du pathétique et de la terreur. […] Les unes, dépouillées de toute forme, n’ont rien gardé que leur titre, pareilles à ces « têtes vaines des morts » dont parle Ulysse, dans l’Odyssée.

542. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Les sensations de l’ouïe et de la vue semblent d’abord comme abstraites, étrangères à l’état intime des corps dont elles nous transmettent la forme ou les sons. […] En, regardant un visage, ce n’est pas seulement la forme plastique de ce visage que nous percevons, c’est, sa grimace ou son sourire, vibrant dans le rayon du soleil qui met en mouvement nos nerfs optiques. […] Le sentiment du beau n’est que la forme supérieure du sentiment de la solidarité et de l’unité dans l’harmonie ; il est la conscience d’une société dans notre vie individuelle. […] L’art est un des déploiements les plus remarquables de l’activité humaine, c’est la forme du travail la plus difficile et où l’on met : le plus de soi, c’est donc celle qui mérite le plus d’éveiller l’intérêt et la sympathie. […] La sculpture et la peinture, — le vieux Socrate en a fait la remarque, — ont pour objet les modifications de la forme par le mouvement.

543. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Nous ne savions pas que chaque langue a des principes qui sont une suite nécessaire de ses premières formes et de sa constitution générale, qu’on ne peut changer sans la détruire. […] Celle de Montaigne, par les tours, par les formes, par l’assemblage des mots et le caractère des images, a presque partout la physionomie des langues anciennes. […] Ce mérite le fit appeler, dans son siècle, le créateur de l’éloquence : mais il en eut les formes bien plus que les mouvements et la chaleur ; et trop souvent il prit l’exagération pour l’éloquence même. […] Parmi les causes ordinaires, plusieurs par l’embarras de nos procédures, ne dépendent que des formes ; plusieurs par le vice de nos lois qui se combattent, se réduisent souvent à une discussion sèche de lois qu’il faut éclaircir : l’étude même de tant de législations opposées, consume parmi nous la vie d’un orateur. […] Cependant nous n’eûmes point d’éloquence politique : notre gouvernement et la forme de la constitution s’y refusaient.

544. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Elle lui a fourni des effets à traduire et à transposer, à rendre intelligibles par des formes verbales. […] Le fond et la forme des vers furent également bouleversés. […] Evolution semblable à celle de la littérature actuelle, qui, dégagée peu à peu des formes et des traditions du passé, essaie en tâtonnant de créer des moules nouveaux pour la pensée. […] On pourrait cependant signaler chez les Parnassiens un effort vers les formes impassibles et pures, une versification rigide, un style ayant parfois le poli et le froid du marbre. […] Plus de formes raides !

545. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Il y a eu en effet en France un faux classique, non sans honneur et sans gloire, mais qui a nui au classique véritable en imitant et en discréditant les formes extérieures de celui-ci. […] L’abus du détail dans les descriptions, les sentiments trop particuliers et trop raffinés, les paradoxes de l’utopie, le spécial introduit dans l’histoire, enfin la disproportion de l’imagination et de la raison, c’est-à-dire la prépondérance de la forme sur le fond, et quelquefois le contraire, — tels sont les défauts qui ne permettent pas à la littérature contemporaine de se considérer comme classique. […] Le génie est essentiellement créateur : il consiste à découvrir une part de vérité non encore aperçue et à l’exprimer dans une forme non encore essayée. […] Sans doute il y a des époques plus ou moins favorables au beau ; mais, à toutes les époques, c’est en recherchant le beau sous des formes nouvelles, inspirées par le génie du temps, que l’on peut n’être pas tout à fait indigne des grandes époques de l’art. […] J’accorde donc qu’il y a de grandes époques littéraires, que le goût a ses révolutions et, ses décadences, que les époques politiques, scientifiques, industrielles, sont peu favorables à la beauté pure, que les langues se gâtent avec le temps, et qu’en général il n’y a qu’un temps où se rencontre une parfaite harmonie entre la forme et le fond, que ce sont ces époques que l’on appelle classiques, et que les autres s’approchent d’autant plus de la beauté qu’elles s’approchent de cet idéal.

546. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Son livre écrit de ce style diapré, qui rend la lecture de Banville si charmante à tout poète garde pour nous en dehors de sa séduction de forme une haute valeur ; pour deux raisons : d’abord pour cette affirmation de liberté, qu’il faut qu’un nouveau poète détruise des barrières que Victor Hugo a laissées debout et par un conseil vrai inclus dans son chapitre l’Inversion et ainsi lapidaire : il n’en faut jamais. […] J’entre donc dans le détail théorique et pour ce faire je vous citerai ce que je publiais sur la question en 1888 dans la Revue Indépendante 1 : « Il faut bien admettre que, ainsi des mœurs et des modes, les formes poétiques se développent et meurent, qu’elles évoluent d’une liberté initiale à un dessèchement, puis à une inutile virtuosité ; et qu’alors elles disparaissent devant l’effort des nouveaux lettrés préoccupés, ceux-ci, d’une pensée plus complexe, par conséquent plus difficile à rendre au moyen de formules d’avance circonscrites et fermées. On sait aussi qu’après avoir trop servi les formes demeurent comme effacées ; leur effet primitif est perdu, et les écrivains capables de les renouveler considèrent comme inutile de se soumettre à des règles dont ils savent l’origine empirique et les débilités. […] Ceci dit pour établir la légitimité d’un effort vers une nouvelle forme de poésie. […] Tous les peuvent entendre ; les lettrés y doivent trouver les moyens de donner la forme stricte de leur idée, les sentimentaux la forme de leur rêverie.

547. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Étant donnés le climat, les aliments, le type héréditaire, l’espèce de gouvernement et de religion, l’aspect du sol et du ciel, on sait que cet amas de causes produit des gens d’imagination, ayant le don d’inventer et de contempler avec émotion de beaux systèmes de formes, de sons ou de couleurs. […] Avec des couteaux et des scalpels, on met à nu l’estomac, et on remarque que, lorsqu’il reçoit les aliments, il change de forme et de direction. […] Quelles facultés personnelles et quelles mœurs environnantes ont produit ce géant en goguette, ce métaphysicien ivre, cette cervelle dévergondée et sublime, cette prodigieuse lanterne magique où se heurte le pêle-mêle vertigineux des formes tournoyantes, où s’enchevêtre le chaos de toutes les idées et de toutes les sciences, où la sensualité secoue sa torche rouge et fumeuse, où le génie fait flamboyer tous ses éclairs ? […] Voici une Passion par Albert Durer ; chaque mouvement, chaque forme y est l’effet visible d’une suite de sentiments invisibles. […] En s’observant, en étudiant les hommes, en écrivant, en agissant, il a fini par découvrir les divers genres de sentiments qui produisent les divers genres de phrases, de formes, d’attitudes et d’actions.

548. (1925) Comment on devient écrivain

La forme que M.  […] « Malheur à qui méprise la forme, dit Anatole France. […] Une idée ne vaut que par la forme, et donner une forme nouvelle à une vieille idée, c’est tout l’art et la seule création possible à l’humanité30. »‌ Le docteur Toulouse me fit un jour cette objection : « Pourquoi, me dit-il, attachez-vous tant d’importance à la forme et au style, puisque la forme et le style changent comme la langue ? […] Inventer une forme, ce n’est donc rien. […] Un homme comme Michelet n’a dû sa gloire qu’à la magie de la forme.

549. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Philosophie du costume contemporain » pp. 154-161

Les étoffes sont tendues sur des armatures rigides qui modifient très notablement la forme de la poitrine. […] Sans compter les manches à gigot qui amincissent encore la taille, ou les hauts talons faits pour jeter le buste en avant et pour imposer aux mouvements du corps une gêne qui révèle mieux les formes. […] S’il manque de grâce, comme je le crois, la forme n’en saurait être modifiée sans nous gêner beaucoup.

550. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Moréas, Jean (1856-1910) »

Maurice Barrès J’aime beaucoup Moréas et je fais grand cas de son talent ; c’est un artiste qui joint aux préoccupations du symbole le plus grand souci de la forme de la langue qu’il voudrait renouveler et, en cela, il prolonge les parnassiens. […] Il y montra plus de curiosité d’art et de goût de forme que d’esprit critique et de philosophie… Son livre, son Pèlerin passionné, vaut qu’on en parle, d’abord parce qu’on y trouve çà et là de l’aimable et même de l’exquis… Pour ma part, la prosodie de M.  […] Tout de suite, au contraire, il met la main sur le terme exact, sur l’image nette, sur la forme précise.

551. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

Or, après tant de grandes choses que nos pères ont faites, et que nous avons vues, nous voilà sortis de la vieille forme sociale ; comment ne sortirions-nous pas de la vieille forme poétique ? […] Cette lecture, si pourtant elles veulent bien faire d’abord la part de l’immense infériorité de l’auteur d’Hernani, les rendra peut-être moins sévères pour certaines choses qui ont pu les blesser dans la forme ou dans le fond de ce drame.

552. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

La souveraineté y flotte sans titre, sans base, sans forme, sans organe, comme un de ces nuages dans le vide auquel l’imagination ivre de métaphysique peut donner les formes et les couleurs qui lui conviennent ! […] Y a-t-il une seule forme de bon gouvernement ? […] Ces formes diverses et successives de gouvernement ne sont ni absolument bonnes, ni absolument mauvaises en elles-mêmes : elles sont relativement bonnes ou mauvaises, selon qu’elles servent plus ou moins bien la souveraineté qu’elles sont chargées d’exprimer et de servir ; tout dépend de l’âge, du caractère, des mœurs, des habitudes, du nombre, du site, du climat, des limites, de la géographie même des peuples qui adoptent telle ou telle de ces formes de gouvernement. […] Embryon, il s’approprie dans le sein de sa mère la vie occulte et germinante dont il forme ses organes appropriateurs avant de paraître au jour. […] C’est la société politique, diverse dans ses formes, qui prend la parole et qui parle seule.

553. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Bayle, inépuisable érudit, compilateur judicieux, consacre son excellente critique plutôt aux faits historiques qu’au goût et aux formes de l’art. […] Elle s’en attribue tacitement la forme avec le fond, s’étonne d’avoir tant d’esprit, et sait un gré infini aux écrivains qui le lui prouvent. […] Le beau c’est le vrai sous sa forme sensible17. […] Il voit, à travers toutes les formes matérielles, la vie, la pensée qui s’y cache et s’y révèle à la fois. […] Mais la première forme, moins éloquente et moins parfaite, donne peut-être une idée plus juste de la doctrine et de la méthode adoptées alors par le professeur.

554. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Ceux pour qui la forme est tout ne sont guère plus dangereux, guère plus inutiles que ceux qui la comptent pour rien. […] Enfin je voudrais ouvrir largement le xixe  siècle aux jeunes gens, sans exclure aucun genre et sans craindre d’accueillir des œuvres que la postérité ne recueillera pas ; ils y trouveront, sous une forme nouvelle et appropriée à leur façon de sentir, de penser et de parler, la plupart des idées qu’ils auront précédemment tirées des anciens, des étrangers et des classiques. […] Cet orgueil, cette suffisance sont une forme de l’esprit, non un vice du cœur. […] Leur goût se développerait et s’affinerait, à faire ainsi la part du tempérament de l’artiste et du génie de son siècle, à reconnaître la couleur et la forme accidentelles que peut prendre une vérité universelle. […] Le livre de La Bruyère est inestimable par le fond comme par la forme : il apprend à penser autant qu’il apprend à écrire.

555. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

La ciselure implique une forme essentiellement plastique, aux contours très nets et très arrêtés, comme celle de Gautier dans Émaux et Camées ou de M.  […] Sans cette opposition, plus de sonnet ; et ce qui a fait la fortune de celui-ci, ce ne peut être, nous l’avons vu, la perfection de la forme : c’est qu’il présente deux figures et deux tableaux qui se font pendant, comme ces chromolithographies accouplées dont l’une représente le Départ pour la chasse et l’autre le Retour de la chasse, ou bien le neveu surpris par l’oncle et l’oncle pincé par le neveu. […] Des formes vagues d’oiseaux lourds Dans l’air entre-croisent leur voie… L’homme se croit poursuivi par un être mystérieux qui le talonne. […] Mais tout cela prend chez lui la même forme mignarde, entortillée, tarabiscotée, et cette forme est bien réellement son tout.

556. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

C’est que quand nous cherchons à imaginer une courbe, nous ne pouvons pas nous la représenter sans épaisseur ; de même, quand nous nous représentons une droite, nous la voyons sous la forme d’une bande rectiligne d’une certaine largeur. […] Il n’y a là, il est vrai, que de la silice, mais, ce qui est intéressant, c’est la forme qu’a prise cette silice, et nous ne pouvons la comprendre si nous ne connaissons pas l’éponge vivante qui lui a précisément imprimé cette forme. C’est ainsi que les anciennes notions intuitives de nos pères, même lorsque nous les avons abandonnées, impriment encore leur forme aux échafaudages logiques que nous avons mis à leur place. […] C’est l’intuition du nombre pur, celle des formes logiques pures qui éclaire et dirige ceux que nous avons appelés analystes.

557. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

La force nerveuse, résultant ainsi de la dépense d’une quantité donnée de nourriture, peut être convertie en toute autre forme de la vie animale. […] Il donne les notions de grandeur, forme, direction, distance, situation. […] À proprement parler, cette qualité et celles de grandeur, forme, etc., qui s’y rattachent, nous sont révélées, comme nous l’avons vu, par les mouvements qu’elles causent en nous ; les sentiments qu’elles produisent sont des sentiments de mouvement ou d’état des muscles. Ce que nous avons à chercher maintenant, c’est jusqu’à quel point le sens du toucher contribue à notre notion fondamentale du monde extérieur, l’étendue, dont la distance, la direction, la position et la forme ne sont que des modifications. […] La forme dépend des mouvements musculaires, faits pour suivre les contours d’un objet matériel.

558. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Guizot s’appuie, et c’est de bonne guerre, sur l’aveu des philosophes eux-mêmes, qui reconnaissent que la philosophie est divisée en systèmes éternellement opposés, éternellement les mêmes, qu’elle tourne toujours dans le même cercle, sans jamais avancer, variant les expressions et les formes de ses hypothèses, mais retombant toujours dans les mêmes hypothèses. […] L’une des formes du rationalisme, c’est le positivisme. […] Une autre forme plus concrète, plus conséquente et plus simple est le panthéisme matérialiste, en d’autres termes l’athéisme, solution claire et commode en apparence, mais qui, au lieu d’expliquer le problème, le supprime. […] Guizot adhère à cette parole, qui semble n’être sous une autre forme que sa propre doctrine, lorsqu’il nous dit que l’infini est objet de croyance, non de science ; mais il ne consent point à nommer instinct cette intuition de la réalité intérieure et extérieure qui est le fait primitif de la connaissance. […] La croyance au surnaturel est universelle : quand on la croit éteinte dans l’esprit des hommes, elle reparaît sous une autre forme.

559. (1888) Études sur le XIXe siècle

Aussi, dédaigneux des belles formes du corps, ne recherche-t-il que l’expression et le genre de beauté qui peut le mieux la faire ressortir. […] Pour les réalistes, la représentation exacte de la nature est un but en soi, les modèles ne sont ni beaux ni laids et n’ont d’autre sens que leur forme, l’artiste a atteint son but lorsqu’il a reproduit cette forme telle que la voit son œil. […] Sans entrer dans la discussion de cette théorie, il est certain que la forme tranchante et absolue qu’elle revêt sous la plume de M.  […] Carlo Dossi forme, avec M.  […] Il a la tête très grosse, le front large, si large que sa tête prend la forme d’une toupie.

560. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Mais il en a entièrement changé la forme dans les autres éditions publiées de son vivant. […] Si les gouvernements résultent des mœurs, la jurisprudence varie selon la forme du gouvernement. […] Ce n’est point ici un de ces romans où les philosophes exposent leurs idées dans une forme historique ; la route de Vico est trop sinueuse pour qu’on puisse la supposer tracée d’avance. […] Il concentra toutes ses facultés dans la méditation la plus profonde pour donner à son ouvrage une forme positive, et le réduire à de plus étroites proportions. […] On a vu dans le discours, comment Vico abandonna la méthode analytique qu’il avait suivie d’abord pour donner à son livre une forme synthétique.

561. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Gouvernement, forme sociale, tout semble remis en question. […] Victor Hugo, quand il regarde en lui, y trouve des images matérielles, y trouve des formes, des couleurs, des jeux d’ombre et de lumière. […] Il a répété sa pensée sous des formes différentes, mais elle seule, toujours la même ; et il l’a répétée douze fois. […] Or, quelle est la forme de la souffrance qui mérite le plus de nous apitoyer ? […] Théophile Gautier s’est défini lui-même par certains aphorismes qui ont forme de boutades.

562. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Graindorge est un ouvrage du même genre sous une forme humoristique. […] L’Intelligence (1868-1870) en forme le centre et en donne la clef. […] Son imagination même est gouvernée par son cœur et n’est qu’une des formes de sa puissance de sympathie. […] La forme n’est pour lui que l’expression de l’âme. […] Elle n’a été écrite sous sa forme définitive que quarante ans plus tard.

563. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Mais la souveraineté du peuple lui paraissait une forme de la justice. […] Fond et forme, la poésie philosophique était créée en France. […] Victor Hugo en a toutes les formes, depuis les plus basses jusqu’aux moins basses. […] Il est quelquefois une forme de la satire assez stimulante, et quia du montant. […] ô forme horrible des collines !

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