Töpffer se rappelle en ces moments et rassemble dans son impression grandiose le sentiment de l’antique Sinaï, les ressouvenirs des Prophètes, tout ce qu’il y a de plus présent et de plus parlant à l’homme dans la tradition ; et c’est ainsi qu’il anime encore ces apparitions gigantesques de l’éblouissante et froide nature, tandis que ceux qui, comme Senancour, autre grand paysagiste aussi, n’y voient que le couronnement et le témoignage subsistant des forces aveugles, n’en retirent jusque dans leur admiration rien que de morne, de consternant et de désolé. […] Tobie Morel, tout en frappant de son bâton et de ses souliers ferrés les dalles de la chaussée, rencontre Töpffer et sa troupe d’écoliers, et en homme communicatif, au premier mot échangé, il se met à raconter son histoire ; il le fait en des termes pleins de force et de naïveté ; d’où Töpffer en revient à son axiome favori : Tous les paysans ont du style .
Que je prends de plaisir à voir Ces monts pendants en précipices Qui, pour les coups du désespoir, Sont aux malheureux si propices Quand la cruauté de leur sort Les force à rechercher la mort ! […] Le malheur est que le talent, fût-il des plus riches, ne suffit pas à ces tours de force ; on ne se dédouble pas ainsi.
Telle est la force du courant de l’opinion. […] Saussure est de ces esprits parfaits qui unissent dans une haute et juste mesure les éléments les plus différents, l’exactitude du physicien, le jugement froid de l’observateur, la sagacité du philosophe, l’amour et le culte de la nature, l’imagination qui l’embrasse ; avec cela, n’accordant rien à l’effet, à la couleur, à l’enthousiasme ; et quand il devient peintre, n’y arrivant que par la force du dessin, par la pureté de la ligne, la clarté de l’expression, et, comme il sied au savant sévère, avec simplicité21.
À l’instant, toutes les énigmes qui l’avaient si fort inquiété s’éclaircirent à son esprit : le cours des cieux, la magnificence des astres, la parure de la terre, la succession des êtres, les rapports de convenance et d’utilité qu’il remarquait entre eux, le mystère de l’organisation, celui de la pensée, en un mot le jeu de la machine entière, tout devint pour lui possible à concevoir comme l’ouvrage d’un Être puissant directeur de toutes choses ; et s’il lui restait quelques difficultés qu’il ne pût résoudre, leur solution lui paraissant plutôt au-dessus de son entendement que contraire à sa raison, il s’en fiait au sentiment intérieur qui lui parlait avec tant d’énergie en faveur de sa découverte, préférablement à quelques sophismes embarrassante qui ne tiraient leur force que de la faiblesse de son esprit. […] Après le témoignage de force et d’intrépidité qu’il venait de donner, il reprit son discours avec la même douceur qu’auparavant ; il peignit l’amour des hommes et toutes les vertus avec des traits si touchants et des couleurs si aimables que, hors les officiers du temple, ennemis par état de toute humanité, nul ne l’écoutait sans être attendri et sans aimer mieux ses devoirs et le bonheur d’autrui.
Guizot à côté de lui, tel qu’il fut un peu plus tard, revêtant le système de toute la force et de la fierté de sa parole, et lui donnant tout son décorum. […] Ce fut, à s’en tenir à l’intérieur de la lice et à ne pas regarder aux conséquences du dehors, un tournoi des plus satisfaisants, un assaut brillant et des mieux conduits : d’un côté, tous les princes de la parole, tous les chefs de file des nuances de l’opposition et des couleurs même les plus contraires, avec un major-général plus actif, plus infatigable que ne le fut jamais le prince Berthier, et qui allait donnant le mot d’ordre dans tous les rangs15 : ce mot d’ordre, c’est qu’on n’avait pas le gouvernement parlementaire dans sa force et dans sa vérité ; car remarquez que, tant qu’on a eu en France ce gouvernement, ceux mêmes qui le regrettent le plus hautement aujourd’hui niaient qu’on le possédât tel qu’il devait être et allaient criant partout : « Nous ne l’avons pas !
Mais en même temps il portait ses vues au-delà et ne prodiguait pas ses forces à tout propos. […] Avoir un Credo absolu en politique, affiché et proclamé d’avance, est chose spécieuse et qui fait honneur devant bien du monde ; j’y verrais, moi, au contraire, moins de sûreté et de force que de faiblesse.
il prétend se passer d’un seul ; il ne veut qu’une force génératrice, partout la même, vague, diffuse, infinie, sacrée, féconde, enivrante, qui éclate dans le printemps : It ver et Venus, et Veneris prænuntius ante Pinnatus graditur Zephyrus…………… ; une force qui se joue et se diversifie en toutes les saisons et jusque dans les destructions passagères qui ne font que déplacer et transférer la vie.
Il n’était pas de ces génies qui acceptent la force des choses comme solution commode ; il n’était pas du tout persuadé qu’une bataille de plus ou de moins, gagnée ou perdue deux mois auparavant, un ennemi de plus ou de moins, repoussé, tout cela revenait à peu près au même, que sa situation en 1815 était de prime abord comme désespérée, que les plus heureux efforts et la plus belle entrée de jeu n’auraient pu en réparer le vice radical ; que Waterloo même gagné n’eût été qu’un répit. […] Thiers, en les écrivant, n’a pas pensé à faire un morceau ; mais au terme de cette grande étude, de l’œuvre de sa vie, il est arrivé de tous les points, par la force même de la vérité et la convergence des faits, à cette conclusion énergique, à cette condensation supérieure de sa pensée.
A force de renfoncer ses pleurs, on les désaccoutume de naître. […] Un jeune homme de mérite, pauvre, cherchait du travail dans les journaux ; il s’adressa à Mercier qui dirigeait alors les Annales patriotiques et littéraires (1795), et dont le langage philanthropique lui avait inspiré confiance : « Je lui communiquai, nous dit le jeune homme, quelques morceaux que j’avais écrits : il parut enchanté de ma manière ; il y trouva tout réuni, force de style, imagination, philosophie.
Il avait la foi dans toute la force du mot, la foi des petits et des simples. […] Je ne fus pas si lent touchant le beau fruit de sa force, son admirable Epître sur l’Amour de Dieu.
Mais l’élégie de Loyson, même à l’heure de la convalescence, est d’un homme qui garde du frisson en soi, qui doit bientôt retomber et mourir : la méditation de Lamartine, jusque dans son mélodieux gémissement au contraire, est celle d’un poète qui doit vivre et qui recèle encore en lui des torrents de sève et de force. […] Mais puisque celle-ci est devenue décidément un objet de controverse, puisque c’est la première chose, et la seule, que cite plus d’un de nos beaux esprits du jour quand il s’agit de Loyson, force m’est bien d’en parler.
Il lui fallait un journal ; il ne pouvait s’en passer ; car à son âge, et quand on est en plein déploiement de talent, on ne se tait que lorsque la mort vous y force. […] Nefftzer sur le sénatus-consulte, thème du discours qu’il serait allé prononcer si ses forces le lui avaient encore permis.
C’était, selon lui, « l’unique moyen de poser le grand problème, de manière à le résoudre. » Son esprit juste, son jugement essentiellement modéré, en rabattront assez plus tard et bientôt, dès après Iéna et à partir d’Eylau, dès qu’il verra poindre et sortir les fautes et les exagérations du système nouveau et du génie qui l’avait conçu ; il dira alors, en rentrant dans la parfaite vérité : « Loin de moi la pensée de décider si le roi légitime de la Prusse, ne voulant que défendre son trône et son pays, pouvait provoquer, dès 1756, cette révolution immense dans l’art militaire qu’un soldat audacieux autant qu’habile introduisit, quarante ans après, par la force des événements qui l’entraînait ! […] Ils ont tort : il eût été arrêté par les places d’Olmütz et de Brünn : arrivé au Danube, il y eût trouvé toutes les forces de la monarchie réunies pour lui en disputer le passage, dans le temps que l’insurrection hongroise se fût portée sur ses flancs.
Le Brun qui avait (il n’est pas besoin de le dire) bien autrement de force et de nerf que Millevoye, mais qui était, à quelques égards aussi, simple précurseur d’un art éclatant, Le Brun tente des voies ardues, heurte à toutes les portes de l’Olympe lyrique, et, après plus de bruit que de gloire, meurt, corrigeant et recorrigeant des odes qui n’ont à aucun temps triomphé. […] Un critique ingénieux l’a exprimé plus énergiquement que nous : « Millevoye a fait de charmantes choses, mais la force lui manque ; c’est Narcisse qui s’écoule en eau par amour. » 161.
Toutefois Du Bellay n’avait pas l’étoffe d’un chef d’école : il avait trop de délicatesse, trop de facilité à suivre tous ses goûts ; pas assez d’orgueil, de force et, si j’ose dire, de volume. […] Ronsard : effort vers l’ode et l’épopée Par la force du talent, par la grandeur de l’effort, par l’éclat du succès, Ronsard est le maître de la poésie du xvie siècle.
Une haute notion de la divinité, qu’il ne dut pas au judaïsme, et qui semble avoir été de toutes pièces la création de sa grande âme, fut en quelque sorte le principe de toute sa force. […] Accordant aux puissants de la terre, pour lui représentants de la force, un respect plein d’ironie, il fonde la consolation suprême, le recours au Père que chacun a dans le ciel, le vrai royaume de Dieu que chacun porte en son cœur.
Ici, dans la description des divers exercices, manège, chasse, lutte, natation, Rabelais s’amuse : ces tours de force de maître Gymnaste deviennent, sous sa plume, des tours de force de la langue.
La politique de Mme de Longueville, durant la Fronde, me paraît de cette force-là. […] Elle le force à les désavouer, et achève ainsi de l’avilir et de l’abîmer dans son propre esprit.
Mais avec l’école parnassienne se perdaient le mouvement et la force de la phrase romantique, si profonds — pour de sculpturales attitudes de périodes ou de murmurantes et trop lâches fluidités. […] L’Amour, sa Force inhérente, meut la Matière, et son amour veut se connaître.
Elle a autour d’elle, plus sur le fond, la prudence, la concorde, la force, la charité, la vigilance. […] Il faut être un graveur de la première force, pour graver d’après le genre heurté : comme presque tout y est indécis de près, le graveur ne sait où prendre son trait.
C’est un romancier de passion et de mœurs, qui, dans la conception de sa première œuvre, a montré une force de tête sur laquelle la Critique n’avait aucun droit de compter. […] Il est noble de force physique comme un Croisé des premiers temps.
., le reste, c’est-à-dire la grande partie du livre, n’est à beaucoup près ni de cette force ni de cet intérêt.
Si vous portez des talents supérieurs au milieu des passions humaines, vous vous persuaderez bientôt que ces talents mêmes ne sont qu’une malédiction du ciel ; mais vous les retrouverez comme des bienfaits, si vous pouvez croire encore au perfectionnement de la pensée, si vous entrevoyez de nouveaux rapports entre les idées et les sentiments, si vous pénétrez plus avant dans la connaissance des hommes, si vous pouvez ajouter un seul degré de force à la morale, si vous vous flattez enfin de réunir par l’éloquence les opinions éparses de tous les amis des vérités généreuses.
Vous seriez de force à dire encore : « Comment peut-on être Persan ?
Car, bien que peut-être le mot de France y revienne un peu trop souvent à l’hémistiche ou à la rime, il n’y a rien, dans la Fille de Roland, de ce patriotisme de réunion publique et de café-concert qui force si grossièrement l’applaudissement de la foule et dont les déclamations sont si cruelles à entendre.