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835. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Tout dépendait de la bonne contenance ; un faux pas, un air d’indécision eut tout perdu. […] Il y a des mots usurpateurs : tel mot, se décorant d’une fausse acception, appelant pouvoir ce qui est abus, ou liberté ce qui serait excès, disant la gloire pour la guerre, ou la foi pour la persécution, peut semer la propagande, égarer les esprits, soulever les peuples, ébranler les trônes, rompre l’équilibre des empires, troubler le monde, et retarder de cent ans la marche de la civilisation !

836. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Il dit quelque part, en parlant des députés qui arrivent bons et sains de leurs provinces, et que l’esprit de Paris a si vite gâtés : « Si la province envoyait des Catons, Paris en ferait des Catilinas. » L’expression est forte, mais l’idée n’est pas absolument fausse. […] Le Play nous apprend dans une note curieuse que, s’entretenant avec M. de Tocqueville de cette idée dont l’illustre écrivain reconnaissait la portée et peut-être la justesse, celui-ci lui parut convaincu en même temps « qu’un écrivain, aujourd’hui, tenterait vainement de réagir contre les idées fausses qui minent notre société, et qu’il n’aboutirait, en voulant montrer la vérité, qu’à se compromettre et à se discréditer devant l’opinion publique34. » Honneur à M. 

837. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

En parcourant tous ces registres, je voyais la progression des idées fausses à mesure qu’elles s’éloignent des bons principes ; je retrouvais la cause des désordres qu’entraînent toujours, dans les opérations administratives, l’instabilité des règles, la variation des décisions, la multiplicité des écritures et l’innovation des formes. […] L’odieux jugement dont il s’était vu flétri par le Conseil de Saint-Domingue fut cassé sur sa requête par un arrêt rendu en Conseil d’État, qui qualifia le précédent arrêt de faux et de calomnieux.

838. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

De là la pauvreté, la banalité, la psychologie maigre ou fausse des tragédies, comédies et romans, qui contraste si singulièrement avec la hardiesse de la raison spéculative. […] Ce n’est pas de lui à coup sûr que relèvent ni la poésie coquette et fardée de Bernis et de Gentil-Bernard, issus de Benserade et de Mme Deshoulières, qui étaient eux-mêmes les héritiers de Voiture — ni tous ces descriptifs acharnés à inventorier toute la nature, vrais continuateurs des faux épiques que Boileau poursuit, et qui pourraient s’appliquer une bonne part des leçons qu’il adresse à ceux-ci — ni ces faiseurs d’odes philosophiques et de dissertations découpées en strophes, qui n’ont même pas le « beau désordre » dont parlait l’Art poétique — ni même les satiriques auteurs de comédies pincées, ou les philosophes prêchant leurs vagues tragédies — ni évidemment les inventeurs de tragédies en prose, de drames bourgeois et de comédies larmoyantes, qui dénaturent ou confondent les genres — ni enfin les anglomanes, qui, se détournant des anciens, vont chercher des modèles en Angleterre comme leurs grands-pères en Espagne ou en Italie.

839. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Et l’auteur lui-même ne perd pas son temps à s’attendrir ; ou, quand il le fait, cela sonne un peu faux. […] Je ne sais pas d’œuvre plus bizarre, plus fausse ni plus froide.

840. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

C’est une fausse conception de l’égalité qui mettait, sans apprentissage préalable, une pelle et une pioche dans leurs mains jusque-là exercées au seul maniement délicat de la plume et condamnait au labeur de portefaix, leur corps fragile, impuissant à se redresser de la courbature des pupitres. […] Pas plus d’ailleurs qu’ils ne s’inclinent devant les fausses gloires, ils ne reçoivent leurs arrêts de la mode.

841. (1886) De la littérature comparée

De son côté, avec plus d’indulgence, l’enseignement officiel serait un guide plus sûr pour les jeunes gens ; et, en reconnaissant et en leur laissant reconnaître ce qu’il y a de bon dans les efforts contemporains, il leur épargnerait peut-être bien des faux pas et bien des erreurs. […] Les docteurs qui savent le grec — et leur nombre est des plus restreints — ne peuvent, faute de documents, tirer qu’un parti très modique de leur science : Jean Scot traduit le livre des Noms, attribué au faux Denys l’Aréopagite.

842. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Aux Perrins, aux Coras, est ouverte à toute heure : Là du faux bel esprit se tiennent les bureaux, Là tous les vers sont bons pourvu qu’ils soient nouveaux ; Au mauvais goût public, la belle y fait la guerre, Plaint Pradon opprimé des sifflets du parterre ; Rit des vains amateurs du grec et du latin, Dans la balance met Aristote et Cottin ; Puis, d’une main encor plus fine et plus habile, Pèse sans passion Chapelain et Virgile, Remarque en ce dernier beaucoup de pauvretés ; Mais pourtant confessant qu’il a quelques beautés, Ne trouve en Chapelain, quoi qu’ait dit la satire, Autre défaut, sinon qu’on ne le saurait lire, Et pour faire goûter son livre à l’univers, Croit qu’il faudrait en prose y mettre tous les vers. […] Enfin le poète suppose à sa précieuse une docte demeure, toujours ouverte aux beaux esprits, où se tiennent les bureaux du faux bel esprit, où s’étale une école de mauvais sens prêché par une folle ; aucun de ces traits n’est applicable à madame Deshoulières, qui n’était point une folle, qui ne tenait point école, qui n’avait point de maison, point de cercle, qui était fort pauvre, allait dans le monde chercher le monde, et passait une grande partie de son temps à l’hôtel de Nevers.

843. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Des deux côtés sont des traîtres, ou du moins des gens qui se ménagent à double fin, Saint-Pol du côté de Bourgogne, Brézé du côté du roi, et ces faux chevaliers figurent au premier plan. […] Point de bravade chez lui, point de fausse gloire ni de chevalerie prolongée : « C’est grand honneur de craindre ce que l’on doit, dit-il, et d’y bien pourvoir. » Il est plein de ces maximes-là, qui mènent au juste-milieu, comme nous l’entendons, et au gouvernement de la société sans choc, moyennant un sage équilibre des forces et des intérêts.

844. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Aussi je souffre toujours quand je vois une chose simple qu’on n’a pas osé dire dans un éloge historique par je ne sais quel scrupule de noblesse ou de fausse convenance. […] Pourtant, de telles grâces ressemblent trop à ces fausses beautés poétiques par lesquelles d’habiles versificateurs se piquaient d’éluder élégamment le mot propre ; elles ont l’air d’un jeu et ne survivent pas au petit succès du moment.

845. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Un moment il parut pressentir le danger : se voyant observé et épié de près par Colbert, et ne pouvant espérer de tout justifier, il fit au roi une fausse confession ; il lui déclara qu’il s’était fait, du vivant du cardinal Mazarin, bien des choses sans que les ordres fussent en bonne forme, demandant absolution et sûreté pour le passé. Le roi lui répondit : « Oui, je vous pardonne tout le passé, et vous donne ce que vous me demandez. » Au lieu de profiter du pardon et de rentrer dans les voies de la rectitude, Fouquet ne songea qu’à redoubler d’adresse ; il présentait au roi de faux états de situation, que Colbert contrôlait et réfutait en secret.

846. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Étienne amena la situation fausse d’où il n’est sorti (j’en demande pardon à tous ses défenseurs officiels) que moyennant quelque légère atteinte. […] Étienne est dans le caractère qu’il a donné aux deux gendres : de l’un, il a fait un vaniteux actif et brillant, un ambitieux politique qui vise au ministère ; de l’autre, un fade et faux philanthrope du moment et dont on peut dire : Il s’est fait bienfaisant pour être quelque chose ; grand auteur de brochures, grand orateur de comités, et franc égoïste sous ces beaux semblants de bienfaisance : Il a poussé si loin l’ardeur philanthropique.

847. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Millet s’approche d’eux, fait la bête, demande si une faux ça coupe bien, et si c’est difficile de faire ce qu’ils font, puis prend la faux, et la lançant à toute volée, donne une leçon aux paysans éplafourdis.

848. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Mais si c’est là une description fantastique, si, au lieu de décrire le génie vrai, on n’a décrit que le faux génie, le génie malade et égaré, rien n’est fait, rien n’est prouvé, et il reste toujours à établir comment l’état le plus sain de l’esprit se trouve avoir la même origine que ses maladies les plus déplorables. […] Enfin, rien n’est plus faux que cet aphorisme : Mens sana in corpore sano.

849. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Notre admiration pour Corneille, Racine, Molière, très justifiée dans l’absolu, est par trop sommaire pour l’histoire ; je dirai même qu’elle nous donne une idée fausse du xviie  siècle littéraire, et que, par un retour des choses, notre admiration gagnerait à se débarrasser de certains lieux communs. […] Dans ce cas je me consolerais avec ces mots que Gaston Paris me disait en 1900 : « Même si votre théorie était fausse, il faudrait, pour la réfuter, reprendre l’histoire littéraire d’un point de vue nouveau, et ce serait encore un gain. » Donc, mettant les choses au pire, je tente néanmoins l’entreprise.

850. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Par réaction peut-être, la critique que j’ai appelée classique juge trop : au jour de ses grandes rigueurs, ce sont les têtes les plus élevées qu’elle semble menacer de sa faux. […] Rousseau pour quelques traits déclamatoires et pour quelques idées fausses dont le venin est épuisé. […] c’est qu’une étroite et fausse application n’en a pris que le dehors, que la lettre qui tue, et a voulu faire une loi perpétuelle de ce qui n’était que la loi des circonstances. […] Celui qui croit ne l’avoir confiée qu’à l’oreille de quelques amis la retrouve avec effroi dans son village : elle l’a devancé et l’attend à la porte de son château avec des faux et des torches. […] À l’apparition d’André Chénier, toute la fausse poésie se décolora, se fana et tomba en poussière.

851. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Son jugement, si adroit à dépister le faux art, faiblit soudain, et elle se fâche qu’un sectateur du goût populaire ne s’incline pas devant ses admirations. […] Parti d’un principe faux, le casuiste a trouvé une conséquence tolérable. […] Les faux savants sont toujours tarés de mysticisme. […] Moïse n’en défend qu’un, le faux témoignage. […] Une chose des plus embarrassantes qui s’y trouve est d’éviter le mensonge, et surtout quand on voudrait bien faire accroire une chose fausse.

852. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Jules Lemaître, je me rends bien compte qu’en les isolant je les fausse, et que je le trahis. […] Nous savons que toute idée, au-delà d’une certaine limite, devient fausse : la vérité réside dans les nuances. […] De même, à combien de faux grands hommes ou de faux hommes de talent n’a-t-il pas dit ce qu’il pensait d’eux ? […] Sans doute, l’appréciation est sommaire, et la définition est incomplète ; mais elle n’est pas fausse. […] Il est de fausses élégances dont ils se parent indiscrètement.

853. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Disait-il pas peut-être aussi la vérité quand, dans la préface de ses Précieuses, il prétendait n’avoir attaqué que les fausses ? […] Voilà tout le profit qu’un dévot, faux ou vrai, pouvait songer alors à tirer de sa dévotion ; et je laisse au lecteur à penser s’ils étaient beaucoup qui en fussent avides. […] Et puis, ici, quelle est la distinction que Cléante essaye d’établir entre les « vrais » et les « faux » dévots ? […] En distinguant la fausse dévotion de la vraie, « le masque d’avec la personne » et « la fausse monnaie d’avec la bonne », ils n’ont pas vu le service que cette « comédie réformatrice » rendait à la cause de la religion. […] La fausse unité qu’on lui prêtait n’est plus qu’en étalage ou en superficie.

854. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Vraie ou fausse, presque toute sa lumière lui vient de là. […] Charron estime que ce moyen consiste dans le discours ou raisonnement : « Le discours est maistre des passions ; la premeditation est celle qui donne la trempe à l’ame, et la rend dure, aceree, impenetrable à tout ce qui la veut entamer95. » Ceci est une idée fausse ; le raisonnement n’est pas le maître de la volonté. […] Sur un sujet pareil et traité depuis tant de siècles, une idée neuve pourrait presque s’intituler une idée fausse. […] À ses yeux un dévot est presque un hypocrite : « Un dévot est celui qui, sous un roi athée, serait athée294. » « Le faux dévot, ou ne croit pas en Dieu, ou se moque de Dieu : parlons de lui obligeamment, il ne croit pas en Dieu295. […] Il est aisé de comprendre, d’après tout cela, que, malgré l’éclat et le charme qui en décoraient les sommités, cette vie sociale, si brillante et si raffinée, fut cependant étroite dans son ensemble ; ces classifications fausses isolaient des éléments sociaux qui, plus tard, se sont mieux fondus.

855. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettre sur l’orthographe » pp. 427-431

On lui épargne toutes les difficultés, on va au devant de tous ses désirs ; on prévient ses méprises ou ses faux pas ; il a sous la main, en quelques minces feuillets, ce qui faisait autrefois la matière d’un in-folio.

856. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

Bref, on ne mutile pas seulement la vérité : on la fausse.

857. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 211-219

Il est faux que ce Prince des Poëtes de son temps ait fait présent à du Bartas d’une plume d’or, en lui disant, qu’il avoit plus fait en une semaine que lui, tout Ronsard qu’il étoit, en toute sa vie.

858. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VI. Des dictionnaires Historiques » pp. 220-228

Il y en a eu beaucoup d’autres ensuite, & on a tellement multiplié les recherches inutiles, les fausses généalogies, les articles de savans inconnus, les détails sur des choses qui n’intéressent personne que le Dictionnaire de Moreri, est aujourd’hui en dix vol.

859. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 39, qu’il est des professions où le succès dépend plus du génie que du secours que l’art peut donner, et d’autres où le succès dépend plus du secours qu’on tire de l’art que du génie. On ne doit pas inferer qu’un siecle surpasse un autre siecle dans les professions du premier genre, parce qu’il le surpasse dans les professions du second genre » pp. 558-567

En effet, ces contemporains ne pouvoient point admirer les faux brillans et le stile hérissé de pointes des écrits de Seneque, qui annoncerent la décadence des esprits, tandis qu’ils continueroient d’admirer le stile noble et simple des écrivains du siecle d’Auguste.

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