N’oublions pas que le public français est encore plus obstiné dans ses admirations que les auteurs dans leurs principes ; car les plus classiques renieraient demain Racine et Virgile si l’expérience leur prouvait une fois que c’est un moyen d’avoir du génie. […] Si j’étais assez dupe pour dire à ce brave homme : Monsieur, mettez-vous en expérience, daignez voir jouer une seule fois le Guillaume Tell de Schiller, il saurait bien me répondre comme le vrai Classique des Débats : non seulement je ne verrai jamais jouer cette rapsodie tudesque, et je ne la lirai pas, mais encore par mon crédit j’empêcherai bien qu’on ne la joue. […] Au reste, chaque poète fera des expériences, à la suite desquelles il est possible que l’espace d’une année soit trouvé le terme moyen convenable. […] Le personnage tombe à n’être plus qu’un rhéteur dont je me méfie pour peu que j’aie d’expérience de la vie, si par la poésie d’expression il cherche à ajouter à la force de ce qu’il dit. […] Martin contre les expériences de notre célèbre Magendie.
Les visites des Abeilles sont si nécessaires à beaucoup de fleurs Papilionacées, que de nombreuses expériences ont montré que leur fécondité diminue considérablement quand ces visites sont empêchées. […] Cependant le pistil de chaque fleur de Chou est entouré, non seulement de ses six étamines, mais de toutes les étamines des autres fleurs de la même plante ; et le pollen de chaque anthère tombe aisément sur son propre stigmate sans l’intervention des insectes, puisque j’ai trouvé à l’expérience qu’un sujet, soigneusement défendu contre leurs atteintes, produisait un nombre complet de siliques. […] L’expérience a démontré qu’une même étendue du même sol, ensemencée de plusieurs genres d’herbes très distincts, produit un plus grand nombre de plantes et un poids plus considérable de foin que si l’on n’y sème qu’une seule espèce. […] On aurait pu s’attendre à ce que les plantes qui ont réussi à se naturaliser en une contrée quelconque fussent en général étroitement alliées aux indigènes ; car celles-ci sont communément regardées comme spécialement adaptées à leur propre patrie, et même comme créées pour elle ; mais l’expérience prouve tout le contraire. […] Il ne nous appartient pas de juger ici de la valeur des expériences et des opinions de M.
Car ce n’est pas à celui qui cherche tout savoir dans l’expérience que l’expérience profite le plus ; elle ne vaut que selon l’esprit qui l’acquiert. […] Sa tête semblait toujours éclairée par un sourire intérieur ; il n’y eut jamais rien en lui de cette morosité que produit souvent une longue expérience de la vie. […] La fantaisie, tempérée par l’expérience des rhéteurs et le goût de la multitude, voilà le fond du vieil art poétique. […] L’expérience nous révèle beaucoup moins de vérités supérieures que le sentiment. […] Le besoin, l’expérience, l’industrie laborieuse, en sont les occasions, mais non pas l’origine.
L’expérience fut malheureuse. […] Mais, je vous prie de considérer ceci, est-ce que l’expérience est morale ? […] Voilà la morale de l’expérience. […] Mais voyez comme tout cela est bien la morale de l’expérience et uniquement de l’expérience et ne s’élevant pas au-dessus des leçons de l’expérience. […] Je ne suis justiciable que du bon sens et de l’expérience.
Il ne dit rien, au moins, qui soit fondé sur l’expérience actuelle de la vie. […] Mais, comme j’étais prêt à dire à mes contemporains ce que je pense du bonheur, les expériences que j’en ai faites, et sous quelle forme je le rêverais, si j’en avais le temps, j’ai pensé que, depuis près de trois mois que le poème de M. […] Et comme un pauvre homme de savant, — puisqu’il y en a de tels, — qui rassemblerait des « documents » ou qui ferait des « expériences » au hasard, — parce qu’il aurait entendu dire dans les laboratoires que la science consiste à faire des « expériences » ou à rassembler des « documents », — ils ont cru que les « documents » ou les « expériences » avaient en soi, par eux-mêmes, leur valeur absolue, leur intérêt, ou leur raison d’être. […] Concevant le roman comme une vaste et scrupuleuse enquête sur les mœurs de leur temps, ils cherchaient, ils s’informaient, et trouvant, à l’user, leur expérience toujours trop courte par quelque endroit, ils faisaient leur principale affaire de l’étendre et de la compléter. […] On ne croirait pas que l’originalité consiste à ne ressembler à personne, mais uniquement à faire passer dans ce que l’on écrit son expérience personnelle du monde et de la vie.
Dans la philosophie, on bornerait la logique à quelques lignes ; la métaphysique, à un abrégé de Locke ; la morale purement philosophique, aux ouvrages de Sénèque et d’Épictète ; la morale chrétienne, au sermon de Jésus-Christ sur la montagne ; la physique, aux expériences et à la géométrie, qui est de toutes les logiques et physiques la meilleure. […] Les enfants sont plus capables d’application et d’intelligence qu’on ne le croit communément ; j’en appelle à l’expérience : et si, par exemple, on leur apprenait de bonne heure la géométrie, je ne doute point que les prodiges et les talents précoces en ce genre ne fussent beaucoup plus fréquents. […] Je ne puis penser, sans regret, au temps que j’ai perdu dans mon enfance : c’est à l’usage établi, et non à mes maîtres, que j’impute cette perte irréparable ; et je voudrais que mon expérience pût être utile à ma patrie. […] L’expérience nous a appris qu’il n’y a pas dans notre langue deux mots qui soient parfaitement synonymes, c’est-à-dire, qui en toute occasion puissent être substitués indifféremment l’un à l’autre : je dis en toute occasion ; car ce serait une imagination fausse et puérile, que de prétendre qu’il n’y a aucune circonstance où deux mots puissent être employés sans choix l’un à la place de l’autre ; l’expérience prouverait le contraire, ainsi que la lecture de nos meilleurs ouvrages. […] Les difficultés en sont d’autant plus grandes, que le genre d’écrire de cet auteur célèbre est absolument à lui, et ne peut passer à un autre sans s’altérer ; c’est une liqueur qui ne doit point changer de vase : il a eu, comme tous les grands écrivains, le style de sa pensée ; ce style original et simple ne peut représenter agréablement et au naturel un autre esprit que le sien : en cherchant à l’imiter, j’en appelle à l’expérience, on ne lui ressemblera que par les petits défauts qu’on lui a reprochés, sans atteindre aux beautés réelles qui font oublier ces taches légères.
Chacun de ces états enfanta un nouvel esprit, et fut une expérience de plus sur la terre. […] Marianne est une ingénue qui, arrivée sur le retour et dans l’âge d’une expérience consommée, raconte à une amie les aventures de sa jeunesse et détaille ses sentiments.
Mais il y a un écrit de lui, le dernier imprimé de son vivant, et sa dernière production peut-être, que je regrettais de n’avoir pu me procurer, et qui me semblait devoir contenir le dernier mot de son esprit et de son expérience : L’Émigré, roman en quatre volumes, imprimé en 1797 à Brunswick, ne se trouve à Paris dans aucune bibliothèque publique ; je ne connaissais personne qui l’eût jamais lu ni vu, lorsqu’un ami a eu la bonne fortune de le rencontrer à Berlin et l’obligeance de me l’envoyer. […] Il y avait, dans la première édition des Considérations sur les mœurs, quelques passages assez peu honnêtes qu’elle n’avait pas bien compris : « Ce que j’entends le moins dans ce recueil, disait-elle en lui en renvoyant le manuscrit, c’est ce qui touche mon sexe ; mais pour le reste, je l’ai souvent pensé. » Mme de Créqui, malgré sa longue expérience du monde et son esprit mordant, avait l’âme neuve et par certains endroits assez naïve.
Après avoir jeté un coup d’œil rapide, sur ce corps couvert de haillons, mais riche de jeunesse, ayant le courage des privations et l’expérience acquise par trois campagnes, soit dans les Alpes et les Pyrénées, soit dans la Vendée, il réunit les officiers, se plaça dans le cercle et nous dit : « J’ai suivi avec un grand intérêt les opérations de la dernière campagne, soit en Espagne, soit en Italie ; j’ai applaudi au courage et au dévouement des deux armées. […] Les paroles du général font une impression profonde sur les imaginations ; ses actes sont d’un souverain plus que d’un chef d’armée, il y avait déjà habitué ses troupes dans la campagne d’Italie ; il s’exerce plus que jamais à ce rôle pendant toute l’expédition d’Égypte : il y fait son expérience et comme sa répétition de souveraineté et d’empire, à huis clos, dans cet Orient où il est enfermé, et loin de l’Europe qui a les yeux sur lui, mais dont un rideau magique le sépare.
Les autres qualités qui élèvent au sublime sont des dons de la nature et de l’expérience. » « Je répondis que j’acceptais l’augure, et que je profiterais de ses leçons ; il m’embrassa une seconde fois, et je rentrai dans mon rang. » Il y rentrait pour en sortir bientôt par ses hauts faits8. […] Ce livre des Rêveries lui-même fut écrit trop tôt (1732-1733), comme par un auteur amateur, avant son entière maturité et toute son expérience, du temps qu’il passait encore pour mener les troupes françaises à la tartare.
Ces tristes résidus de l’expérience ironique ne méritent pas même le nom de résultats ; ce sont encore moins des matières à enseignement et des aiguillons. […] Daunou, pût y écrire son beau discours sur le xiiie siècle, il a fallu que la révolution française et le xviiie siècle entier vinssent déposer leur définitive expérience au sein du plus prudent successeur de Voltaire, d’un écrivain consommé et sûr, qui s’est mis à introduire la philosophie d’un air de bénédictin et sous le couvert des faits.
Sa poésie sera donc une peinture réaliste des choses extérieures qui sont situées dans le cercle de son expérience : les sensations qu’il rendra seront celles d’un bourgeois de Paris, à qui Paris est familier dès l’enfance, avec ses rues, son Palais, ses Eglises, ses bruits, son peuple, ses modes, toutes les particularités de sa physionomie et de sa vie. […] C’est affaire à l’expérience de montrer s’il y a des formes mixtes qui soient légitimes, c’est-à-dire viables et permanentes.
Il n’avait pas l’imagination scientifique, l’ouverture de pensée qui forme ou qui embrasse les hypothèses fécondes, le détachement de soi qui fait accepter au savant tous les démentis, toutes les surprises des faits, et les plus incroyables résultats de l’expérience ; il n’a pas senti suffisamment l’infinité de ses ignorances, et il a témérairement fixé les limites du possible. […] La même ironie apparaîtra dans le choix des faits : chacun d’eux est comme une expérience bien combinée qui dégage instantanément le contenu de vérité ou d’erreur qu’une théorie abstraite dissimule.
Faculté bienfaisante ou funeste, selon les cas, mais plutôt bienfaisante si elle est portée à un tel degré que nulle expérience ne la décourage — ou si elle est tempérée par assez de bon sens et par assez de nécessités matérielles pour qu’on ne lui lâche la bride qu’à bon escient et en manière de divertissement passager. […] Ce plaisir, on le trouve un peu puéril et on a quelque peine à le goûter tout d’abord quand on s’est laissé corrompre par d’autres livres où le besoin de la vérité, même triste, surtout triste, s’étale avec quelque chose de maladif et d’outré ; mais, avec un peu d’effort, on s’affranchit de cette impression première ; on sent se réveiller au fond de son âme, sous les tristesses d’une expérience morose, sous le positivisme et le pessimisme acquis, cet amour des fables et des fictions, ce goût de l’irréel qu’apporte tout homme venant en ce monde.
Mille expériences désastreuses prouveraient à l’homme qu’en faisant le bien il obéit à une duperie, que l’homme n’en persévérerait pas moins dans cette voie ingrate, improductive, folie selon le bon sens vulgaire, sagesse selon l’esprit supérieur. […] Nous ne donnons cette impression que comme un jugement tout personnel ; l’expérience eût peut-être tourné tout autrement avec un éducateur d’un autre sexe.
On en peut dire comme on l’a dit si bien de Gil Blas : ce livre est moral comme l’expérience. […] Excellent sujet de morale pratique, on peut dire de Gil Blas qu’il se laisse faire par les choses ; il ne devance pas l’expérience, il la reçoit.
La modestie pourtant, quand elle est innée et invétérée dans le tempérament même, quand elle augmente (loin de s’aguerrir) et qu’elle s’attendrit d’autant plus avec l’expérience et avec l’âge, n’est plus seulement une vertu morale et chrétienne, c’est le signe ou l’indice naturel d’une limite sentie. […] Pour rendre à ces nouveaux venus le respect des lettres et des nobles études, on ne saurait les présenter trop sérieuses, trop essentielles à la nature humaine et à son développement, trop liées avec tout ce qui est utile dans l’histoire, dans la politique, trop conformes à la vraie connaissance morale et à l’expérience.
On peut voir à ce sujet, les expériences de MM. […] Enfin, mon frère qui assistait à ces expériences et qui avait sur elle une singulière influence, car elle le confondait avec moi, essaya quelque chose de plus curieux.
Dans les scènes les plus effrayantes, si les spectateurs sont des personnages vénérables ; si je vois sur leurs fronts ridés et sur leurs têtes chauves, l’annonce de l’âge et de l’expérience ; si les femmes sont composées, grandes de forme, et de caractère de visage ; si ce sont des natures patagonnes, je serois fort étonné d’y voir beaucoup de mouvement. […] Les expressions, les passions, les actions et par conséquent les mouvements sont en raison inverse de l’expérience, et en raison directe de la foiblesse.
Après le repas quotidien, lorsque la faim est apaisée, il est d’expérience vulgaire que la pensée subit un léger obscurcissement. […] J’admets cette chasteté bienfaisante, pour une période subordonnée à la vigueur mentale de l’individu qui peut la pratiquer impunément, et tous les travailleurs intellectuels connaissent, par expérience personnelle, ces besoins momentanés de solitude et de claustration.
Or comme lorsque nous disons le soleil, la terre, la mer, cet homme, ce cheval, cette pierre, &c. notre propre expérience & le concours des motifs les plus légitimes nous persuadent qu’il y a hors de nous un objet réel qui est soleil, un autre qui est terre, &c. […] ce qui est également contraire à l’expérience & à la raison.
Les préceptes de Sénèque sont austères ; mais l’expérience journalière et l’usage du monde en confirment la vérité : on ne les conteste que par la vanité ou par la faiblesse. […] Point de haine plus dangereuse que celle qui naît de la honte d’un bienfait qu’on ne saurait acquitter (Lettre LXXXI)… » Je le sais par expérience. […] Leur reconnaissance ne commence que lorsqu’une expérience plus ou moins tardive les a convaincus de l’importance de nos leçons ; que quand ils ont des enfants qu’ils tourmentent comme nous les avons tourmentés. […] L’histoire, l’expérience ne nous apprennent-elles point à distinguer différentes époques dans la vie des rois ? […] Et qu’on n’imagine pas que j’allège la tâche du physicien ou du naturaliste : rien de plus difficile que de bien observer, rien de plus difficile que de bien faire une expérience, rien de plus difficile que de ne tirer de l’expérience ou de l’observation que des conséquences rigoureuses ; rien de plus difficile que de se garantir de la séduction systématique, du préjugé et de la précipitation.
Vinet disait cela de Bourdaloue par manière de conjecture, on peut le lui appliquer plus sûrement à lui-même : il était de ceux qui vivent d’une vie complète au dedans, et qui, sans rien laisser éclater, arrivent à savoir par expérience tout ce qu’il a été donné à l’homme de sentir.
Moins jeune et mûri par l’expérience, le poète sait qu’il n’en a pas fini avec les funestes pensées ; que, pour les avoir repoussées aujourd’hui, il n’en sera peut-être pas délivré demain, et que le meilleur port ici-bas nous laisse encore sentir le contre-coup des orages.
Nous savons du moins, par l’expérience des âges écoulés, que tout ce qui se fait dans l’intervalle nous y achemine.