Excepté le fatalisme, qui n’a pas le droit d’enseigner et qui n’en saurait avoir la prétention sans inconséquence, il n’y a que trois philosophies qui veulent se partager l’empire de la nature humaine en l’expliquant.
La gloire des lettres, presque toujours si vaine quand elle n’est pas du plus haut parage, l’attirait avec empire, et c’était peut-être par là qu’il avait pris Voltaire, Voltaire charmé de voir un gentilhomme venir aux lettres et se détourner de ce métier des armes, exécré par les philosophes, qui prétendent que la guerre est une barbarie, et qui croient dire, en disant cela, une chose profonde.
La gloire des lettres, presque toujours si vaine quand elle n’est pas du plus haut parage, l’attirait avec empire, et c’était peut-être par là qu’il avait pris Voltaire, Voltaire charmé de voir un gentilhomme venir aux lettres et se détourner de ce métier des armes, exécré par les philosophes qui prétendent que la guerre est une barbarie, et qui croient dire, en disant cela, une chose profonde.
Quand le diable y serait et l’Empire aussi, je défie bien de tailler là-dedans un pamphlétaire, et c’est pourtant là ce que Rémusat a essayé !
Votre réputation n’est plus à vous ; c’est la seule et dernière vie qui vous reste encore parmi nous ; elle appartient à la renommée ; c’est à elle d’exercer son empire sur votre nom, pour le conserver aux siècles à venir avec encore plus d’autorité que la mort n’en prendra sur vos cendres pour les détruire.
Il n’eut ni sa fureur, ni sa politique, ni ce contraste singulier du plus grand courage d’esprit dans une âme lâche, ni ce mélange d’une ambition ardente et de la plus grande simplicité, ni cette séduction si douce qui n’avertissait jamais de l’empire, et enchantait des hommes fiers, que la nature n’avait point destinés à lui obéir.
Avant d’entrer dans le récit, dont le mouvement et l’ampleur sont tout à fait dignes du sujet, arrêtons-nous au discours préliminaire, où l’auteur met en présence l’unité de l’Empire romain et l’unité de l’Église. Rien de plus intéressant et de plus instructif que de suivre, avec un pareil guide, ces deux progrès en sens contraire : l’unité de l’Église qui se développe et se dessine à mesure que se dissout et s’efface l’unité de l’Empire. […] Glissons rapidement sur les premières causes matérielles de la dissolution de l’Empire. […] Le titre de citoyen romain, répandu sur tous les points de l’Empire, perdait, par cette diffusion même, son antique importance, et créait des peuples nouveaux, sans liens, sans solidarité, sans rapports de mœurs et d’affection avec la mère patrie. […] Auguste avait voulu restaurer la religion de l’Empire en même temps qu’il en fondait la constitution.
La foi chrétienne a perdu son empire ; tout est analysé, c’est-à-dire mis en doute, jusqu’au patriotisme lui-même. […] L’empire de César, œuvre sociale et politique, a eu la vie beaucoup plus courte que ses Commentaires, œuvre individuelle. […] Quelle gloire, quel empire appartient à ces maîtres dont tout le monde doit, bon gré mal gré, apprendre, avec le nom et l’existence, quelque chose de ce qu’ils ont écrit ! […] L’instruction littéraire, bien loin de diminuer la moutonnerie instinctive des esprits, a pour effet de l’augmenter plutôt par l’empire de la doctrine et par le prestige de l’exemple. […] Calvus disputa à Cicéron l’empire du barreau, et, meilleur poète que Cicéron, il écrivit des vers qui lui valurent l’honneur d’être constamment nommé à côté de Catulle par Ovide, Horace et Properce.
Sous le Consulat et dans les premières années de l’Empire, le Tartuffe ne ressemblait à rien comme le Misanthrope, ce qui n’empêchait pas les La Harpe, les Lemercier, les Auger et autres grands critiques de s’écrier : Tableau de tous les temps comme de tous les lieux, etc., etc., et les provinciaux d’applaudir. […] Qu’aurait dit la vanité de tous les comtes de l’Empire ? […] Toutefois, monsieur le poète comique, si dans cette même année 1811, au lieu de gémir platement et impuissamment sur l’arbitraire, sur le despotisme de Napoléon, etc., etc., etc., vous aviez agi avec force et rapidité, comme lui-même agissait ; si vous aviez fait des comédies dans lesquelles on aurait ri aux dépens des ridicules que Napoléon était obligé de protéger pour soutenir son Empire Français, sa nouvelle noblesse, etc., moins de quatre ans après elles eussent trouvé un succès fou. […] En français l’empire du rhythme ou du vers ne commence que là où l’inversion est permise.
Crispin, lui, existe toujours, Crispin chez lequel j’ai acheté un splendide lit, provenant du château de Rambouillet, et qui passait pour le lit, dans lequel couchait la princesse de Lamballe, quand elle habitait chez son beau-père, le duc de Penthièvre ; Crispin, dont le rez-de-chaussée, autrefois tout plein d’une flamboyante rocaille dorée, de marbres, de bustes en terre cuite, d’objets de la plus haute curiosité, laisse apercevoir maintenant des meubles en imitation de l’ancien, des pendules en lyre, des feux aux sphinx du premier Empire. […] Nous parlons du passé de Peyrelongue, ce marchand de tableaux phénoménal, qui n’a jamais vendu un tableau de sa vie, de Galetti, de Servin, de Pouthier, des uns et des autres, morts ou disparus, enfin de Dinochau, le cabaretier de la littérature sous l’Empire. […] Au fond ce sont bien certainement le voyage de Philippe Sichel, et plus tard le voyage de Bing, qui ont fait faire connaissance intime à l’Europe avec le Japon, et qui ont vulgarisé l’art de l’Empire du Soleil, en Occident. […] Il avait été officier de hussard sous l’Empire, et il était le type de ce joli et charmant officier de cavalerie légère, à la chevelure et aux moustaches blondes, comme papillotées.
Je la revois dans sa bourgeoise chambre à coucher, en ses vieux meubles de famille, avec sa pendule Empire, accotée dans un petit fauteuil, tout contre mon frère faisant ses devoirs, la tête presque fourrée dans le vieux secrétaire d’acajou, et surélevé, tout le temps qu’il fut petit, sur un gros dictionnaire, placé sur une chaise. […] Une vente, où se trouvent mêlés aux livres, un bon mobilier de chambre à coucher en palissandre ciré, une belle pendule Empire en bronze doré, une tête d’homme de Ribot, deux dessins de Boulanger, et une montre d’or à remontoir. […] Lavoix me le montre avec son parler, tout farci de mots latins et grecs, et quelques instants après, qu’il avait manqué d’être écrasé, lui disant : « Oui, par une voiture à deux chevaux, un bige, mon cher collègue. » C’était lui, qui se défendant de toujours travailler, faisait l’aveu, que le dimanche, il lui arrivait parfois de lire un livre futile, et le livre qu’il montrait, était le dix-septième volume de l’Histoire de l’Empire, de Thiers. […] Et je me tenais un peu derrière elle, comme pris d’un sentiment d’adoration religieuse pour cette femme, qui me paraissait d’une essence autre, que celle des femmes de ma famille, et qui, dans l’accueil, le port, la parole, la caresse de la physionomie, quand elle vous souriait, avait sur vous un empire, que je ne trouvais qu’à elle, qu’à elle seule.
Oui, il y eut et il dut y avoir de ces commencements de querelle — et chez les Grecs au moment de leur maturité déjà déclinante et la plus fleurie, au lendemain d’Alexandre, lorsque, regardant en arrière, ils se jugeaient à la fois riches par héritage et pouvant encore ajouter à la gloire des ancêtres — ; et chez les Romains surtout, à cette époque dominante de l’empire, au sein de cette unité puissante qui avait engendré des esprits universels comme elle-même, au temps des Sénèque, des Pline, et je dirais des Tacite si ce dernier n’était si pessimiste et morose : mais les plus belles paroles qui aient été prononcées sur cette question des anciens et des modernes, c’est peut-être encore ce grand et si ingénieux écrivain Sénèque qui les a dites, et on ne peut rien faire de mieux aujourd’hui que de les répéter : J’honore donc, disait-il à son jeune ami Lucilius, j’honore les découvertes de la sagesse et leurs auteurs ; j’aime à y entrer comme dans un héritage laissé à tous.
Si nous en valons la peine, on nous nomme, on nous caractérise en deux mots, et voilà la page de notre vie dans un siècle. » Dans les temps d’orage, au contraire, « dans ces drames désordonnés et sanglants qui se remuent à la chute ou à la régénération des empires, quand l’ordre ancien s’est écroulé et que l’ordre nouveau n’est pas encore enfanté, dans ces sublimes et affreux interrègnes de la raison et du droit,… tout change ; la scène est envahie, les hommes ne sont plus des acteurs, ils sont des hommes… Tout a son règne, son influence, son jour ; l’un tombe, parce qu’il porte l’autre ; nul n’est à sa place, ou du moins nul n’y demeure ; le même homme, soulevé par l’instabilité du flot populaire, aborde tour à tour les situations les plus diverses, les emplois les plus opposés ; la fortune se joue des talents comme des caractères ; il faut des harangues pour la place publique, des plans pour le Conseil, des hymnes pour les triomphes… On cherche un homme !
Sous l’empire d’un monarque tel que Louis XIV, sa volonté devait remplacer le sort, et l’on n’osait lui supposer des caprices ; mais dans un pays où le peuple domine, ce qui frappe le plus les esprits, ce sont les bouleversements qui s’opèrent dans les destinées ; c’est la chute rapide et terrible du faîte de la grandeur dans l’abîme de l’adversité.
Il annuité ce qui est, donne l’être et l’empire à ce qui n’est pas, précipite au fond de son creuset tout ce qui a le moindre semblant d’apparence, et pulvérise la grandeur à l’infini.
« Je pose des principes, disait-il, qui n’auront pas moins de durée que notre langue et notre empire. » Il fermait l’âge des révolutions et des coups d’Etat en fait de langage : il retirait aux individus, pour les remettre à la communauté des esprits, la lente élaboration, le renouvellement incessant de la langue.
Si vous voulez comprendre quel abîme il peut y avoir à la fois entre deux générations et entre deux âmes, lisez le journal de Stendhal, cette confession d’un jeune homme du premier Empire ; puis lisez, par exemple, Sous l’œil des barbares, ce journal d’un jeune homme de la troisième république, et comparez ces deux jeunesses.
Quant au second Empire, si les dix dernières années réparèrent un peu le mal qui s’était fait dans les huit premières, il ne faut pas oublier combien ce gouvernement fut fort lorsqu’il s’agit d’écraser l’esprit, et faible lorsqu’il s’agit de le relever.
La réputation qu’il avoit, & qu’on croyoit usurpée, l’accueil qu’on lui faisoit, l’espèce d’empire qu’il s’étoit établi dans la littérature, révoltèrent tous les esprits, & les ramenèrent à un illustre banni dont le mérite ne causoit plus d’ombrage.
Tout traducteur, il est vrai, a pour ainsi dire, un maître qui est son auteur ; mais « ce maître ne doit pas exercer sur lui un empire oriental & despotique, ni le changer de chaînes comme un vil esclave.
Les religions positives conserveront, selon toute apparence, pendant un temps indéterminé, leur empire sur une foule d’âmes, avec des vicissitudes de progrès et de décadence, de chute apparente et de résurrection inattendue, et il n’est pas à craindre que d’ici à longtemps l’humanité manque de secours religieux.
La licorne est, dit-on, — un animal fabuleux ; et il est fabuleux, en effet, qu’un dominicain, qui devrait être grave et dont la parole a une portée qui ne vient pas de lui, mais de son sacerdoce, donne si légèrement à une femme, pour le moins sans empire sur l’expression déréglée de sa foi, une approbation d’une intimité sans prudence, — dont il s’est vite excusé, aussi vite qu’il l’avait donnée !
Sans le geste de la phrase, qui d’ailleurs ne varie pas et qui remue toutes ces idées assez communes, débitées partout sur la chute de l’empire romain, sur les Barbares, sur les premières grandeurs morales du christianisme, vous n’avez plus là, sous le nom de M. de Montalembert, que le style et les aperçus du Correspondant, c’est-à-dire de la Revue des Deux-Mondes, en soutane.
C’étaient les missions établies par toute la terre, les missions d’Europe, de France, d’Italie, des Îles Hébrides, d’Écosse, d’Irlande, de Pologne, d’Autriche, de Prusse, d’Espagne, de Portugal, de Madagascar, de Bourbon, de l’Île-de-France, d’Amérique, des Échelles du Levant, de l’Empire Turc, de la Perse, de Babylone, de la Chine ; et ce n’était pas tout encore : c’étaient les royaumes de toutes les misères, de tous les crimes, de toutes les hontes, c’était le grand Hôtel-Dieu de Paris, c’étaient les hôpitaux des provinces, l’œuvre des forçats, des mendiants, des fous, enfin les Filles de Charité et les Enfants trouvés, qui sont restés aux yeux des hommes les deux plus belles institutions de cet incroyable gouvernement de l’amour !
Au lieu d’écrire, eux qui l’avaient connu, sous l’empire des souvenirs personnels et émus qu’il leur avait laissés, ils ont mieux aimé s’adresser à un écrivain qui ne l’avait jamais vu, pour dire au monde ce qu’il était et lui attacher le second grelot de sa gloire, puisque le premier n’avait pas assez retenti !