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512. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Les nobles sont seuls en possession des droits politiques dans la confédération, et seuls ils exercent le pouvoir dans chaque tribu. […] Au milieu de toutes les merveilles qui ont captivé son attention, il a choisi, pour les reporter dans son pays, les choses les plus utiles : une collection de médicaments, un choix de livres arabes sur la religion, le droit, l’histoire et la littérature, un assortiment d’outils de professions les plus ordinaires, et spécialement des instruments agricoles, des pelles et des pioches pour creuser des puits, et des poulies pour en tirer l’eau. […] Elles s’occupent exclusivement des enfants qui, en fait et en droit, on vient de le voir, sont plus à elles qu’au mari, et elles dirigent leur éducation. […] Parmi les nombreuses variétés de coutumes que présentait le régime féodal, on peut relever cette singularité que, dans notre ancienne province de Champagne, la noblesse Utérine faisait partie dit droit, commun.

513. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Ainsi, en réservant à l’égard de l’un de leurs ancêtres toute notre liberté de jugement, nous n’avons pas même à demander excuse ; nous ne faisons qu’user du droit de l’histoire. […] L’histoire peut faire aisément la digne et la fière en se tenant aux documents et pièces d’État dont elle dispose ; mais la littérature anecdotique, quand elle s’appuie sur des faits circonstanciés et des particularités prises sur le vif, a aussi ses droits devant l’histoire. […] C’est donc comme homme trompé, comme ami abusé par un ami ingrat, que Saint-Simon s’est cru en droit de se plaindre ensuite du duc de Noailles et de le démasquer. […] C’est le droit et la revanche du moraliste.

514. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Chatel lorsqu’il dit : « Le séjour de La Bruyère en Normandie dut être de bien courte durée, et pourtant il lui parut assez long pour exciter sa mauvaise humeur, au point de le faire manquer à la politesse et au bon goût, lui qui avait, avec un vif sentiment des convenances, le secret de ces deux qualités essentielles à l’homme de lettres : « La ville dégoûte de la province », écrit-il… « Les provinciaux et les sots sont toujours prêts « à se fâcher. » La Bruyère était dans son droit quand il faisait ses observations de moraliste, et c’est vraiment trop de susceptibilité que de venir défendre la province, uniquement parce que soi-même on l’habite. […] Il aurait droit de nous dire que La Bruyère est un de ces écrivains chez qui il faut faire attention à tout, car lui-même il mettait à tout de l’intention. […] Voici, faute de mieux, quelques passages de ses lettres, dans lesquelles il maintient vivement son système de conjectures et semble attribuer à l’histoire littéraire, moins grave, un droit de licence et d’induction que n’autoriserait point la grande histoire, plus sévère. […] Pourquoi en histoire littéraire, chose plus vivante, plus mobile, plus capricieuse, n’aurait-on pas le même droit de fantaisie ?

515. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Puis la lutte des partis, après la Restauration, profita aux études historiques : les libéraux s’efforcèrent de fonder leurs revendications et les droits nouveaux sur le développement antérieur de la nation ; ils allèrent chercher jusqu’aux temps féodaux et aux invasions barbares les germes de l’état contemporain, ou les titres de la souveraineté populaire et surtout de la suprématie bourgeoise. […] L’Histoire de la Révolution d’Angleterre 827, l’Histoire de la Civilisation en Europe, l’Histoire de la Civilisation en France, ces grandes œuvres froides et fortes, sont la démonstration, impartiale et scientifique eu apparence, systématique et passionnée au fond, de ces deux vérités : qu’une royauté même légitime n’a pas de droits contre les représentants de la nation ; et que le gouvernement doit appartenir aux classes moyennes qui ont la richesse et les lumières, qui, par intérêt et par capacité, assureront la prospérité du corps social. […] Il a observé partout, dans les idées, dans les mœurs, et dans le gouvernement, la plus étrange confusion : les législateurs occupés à détruire ou neutraliser les effets de la Révolution, à restreindre la liberté, borner l’égalité ; l’autorité méprisée et redoutée, l’administration centralisée et oppressive ; le riche et le pauvre en face l’un de l’autre, se haïssant, ne croyant plus au droit, mais à la force ; les chrétiens épouvantés de la démocratie, qui est selon l’Évangile ; les libéraux hostiles à la religion, qui est essentiellement libérale ; les honnêtes gens en guerre contre la civilisation dont ils devraient diriger la marche : dans tout cela, le progrès évident, irrésistible, de l’égalité, partant de la démocratie. […] Mais les orléanistes faisaient servir leur vue de l’histoire aux intérêts d’un parti : Tocqueville, plus philosophe en restant strictement historien, se contente d’établir la continuité du développement de nos institutions et de nos mœurs : la Révolution s’est faite en 1789, parce qu’elle était déjà à demi faite, et que, depuis des siècles, tout tendait à l’égalité et à la centralisation ; les dernières entraves des droits féodaux et de la royauté absolue parurent plus gênantes, parce qu’elles étaient les dernières.

516. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Les Institutes sont un livre excellent et le seul que je voudrais que l’on conservât du droit romain : car, hors ce livre qui est très bon pour fortifier le sens commun, hors les ordonnances et les coutumes qu’il serait utile de réduire à une seule pour toute la France, si cela se pouvait, de même que les poids et les mesures, je crois qu’il faudrait brûler tous les autres livres de jurisprudence, Digestes, Codes avec leurs commentaires, et particulièrement tous les livres d’arrêts, n’y ayant point de meilleur moyen au monde pour diminuer le nombre des procès. […] Il est un pur amateur qui dit son avis ; c’est son droit et son plaisir : L’agréable dispute où nous amusons Passera, sans finir, jusqu’aux races futures ;      Nous dirons toujours des raisons,      Ils diront toujours des injures45. […] En ce sens, Perrault applique expressément la méthode de Descartes à l’examen de la littérature et des arts ; il la proclame hardiment un des premiers, et avec pleine conscience de ce qu’il fait : L’autorité, dit-il, n’a de force présentement et n’en doit avoir que dans la théologie et la jurisprudence… Partout ailleurs la raison peut agir en souveraine et user de ses droits. […] Quand il parle de Versailles, Perrault a toute la fierté légitime de celui qui fut le bras droit de Colbert dans les bâtiments ; c’est à Versailles qu’il place la scène de ses dialogues ; c’est sur le grand escalier qu’il croit mieux démontrer l’irrésistible triomphe de son opinion.

517. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Mais il en est ainsi de presque tous les honneurs : la justice les institue, la politique les conserve quelque temps au mérite, bientôt la vanité les réclame comme un droit, le vice les usurpe par l’intrigue : au lieu d’honorer ceux à qui on les accorde, quelquefois ceux qui les obtiennent les déshonorent ; et ce qui devait être glorieux et rare, finit par être prodigué et avili. […] Il entrevit ces principes étouffés tour à tour par l’ignorance et par l’orgueil, qu’il n’y a ni législation, ni politique sans lumières ; que ceux qui éclairent l’humanité, sont les bienfaiteurs des rois comme des peuples ; que l’autorité de ceux qui commandent n’est jamais plus forte que lorsqu’elle est unie à l’autorité de ceux qui pensent ; que le défaut de lumière, en obscurcissant tout, a quelquefois rendu tous les droits douteux, et même les plus sacrés, ceux des souverains ; qu’un peuple ignorant devient nécessairement ou un peuple vil et sans ressort, destiné à être la proie du premier qui daignera le vaincre ; ou un peuple inquiet et d’une activité féroce ; que des esclaves qui servent un bandeau sur les yeux, en sont bien plus terribles, si leur main vient à s’armer, et frappe au hasard ; qu’enfin, tous les princes qui avant lui avaient obtenu l’estime de leur siècle et les regards de la postérité, depuis Alexandre jusqu’à Charlemagne, depuis Auguste jusqu’à Tamerlan, né Tartare et fondateur d’une académie à Samarcande, tous dédaignant une gloire vile et distribuée par des esclaves ignorants, avaient voulu avoir pour témoins de leurs actions des hommes de génie, et relever partout la gloire du trône par celle des arts. […] Il fut précipité dans l’avilissement et le malheur, et par ses amis et par ses ennemis, et par la force des événements, et par sa propre faiblesse, et parce qu’il ne sut presque jamais s’arrêter ni dans l’abandon, ni dans l’usage de ses droits. […] Égarée par l’amour, et poursuivie par l’intérêt et la vengeance, elle trouva une prison dans un pays où elle avait cherché un asile, et fut décapitée par la politique barbare de cette Elisabeth, qui n’était que son égale et n’avait pas le droit d’être son juge.

518. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Est-ce que nous n’avons pas fait respecter, au péril de notre popularité et de notre vie, à la porte des journaux menacés, le droit de nous injurier nous-même ? […] qu’il n’y avait que la France appartenant du même droit à tous ses enfants ? […] Il m’y reprochait aussi mes prétendus trésors ; il y refusait, lui poète, à un poète son droit de citoyen !

519. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Quels sont nos droits, quels sont nos intérêts et notre politique dans la coopération sans titre et sans but que nous apportons à la destruction de cette antique, vénérable et civilisatrice unité humaine du plus vaste et du plus inoffensif empire que la terre ait jamais porté ? […] Qu’est-ce que cette Italie, enfin, que vous avez héroïquement purgée de ses envahisseurs étrangers, par deux victoires, mais que vous laissez conquérir aujourd’hui par des envahisseurs d’un autre sang qui l’incorporent à une monarchie ambitieuse et précaire, au lieu de l’affranchir dans la liberté, et de la fortifier par une confédération, république de puissances, où chaque nationalité garde son nom et prête sa main à la ligue universelle des races diverses et des droits égaux ? […] Géographie sacrée des Hébreux, géographie maritime des Phéniciens, géographie d’Alexandre qui efface les limites sous les pas de ses Grecs et de ses phalanges, de ses Ptolémée ; géographie des Romains, qui font l’Europe et qui refont une Afrique et une Asie Mineure avec Strabon ; géographie de Charlemagne, qui refait la moitié du globe chrétien avec les décombres du paganisme ; géographie de l’Angleterre, qui fait une monarchie navale et commerciale avec les pavillons de ses vaisseaux ; géographie de Napoléon, qui promène ses bataillons de Memphis à Madrid et à Moscou, conquérant tout sans rien retenir, et qui, de cette géographie napoléonienne de la conquête sans but, ne conserve pas même une île (Sainte-Hélène) pour mourir chez lui, après tant d’empires parcourus, en ne laissant partout que des traces de sang français versé pour la gloire ; géographie actuelle, qui se limite par l’équilibre des droits et des intérêts, qui élève contre l’ambition d’un seul la résistance pacifique de tous, et qui ne se dérange un moment par une ou deux batailles que pour se rétablir bien vite par la réaction naturelle de la liberté et de la paix.

520. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

Ou bien c’est une propriété littéraire aux mains de l’ayant droit, descendant ou acquéreur, qui s’oppose à la publication ou réclame le tripatouillage des documents. […] L’extension de la propriété littéraire, telle que l’entend la jurisprudence des tribunaux français, telle surtout que la désire imprudemment, et contre le véritable intérêt de la littérature, un certain nombre de gens de lettres, voilà ce qui menace de resserrer à l’excès notre droit de citation et interdire à nos études pour de très longues années l’usage des sources manuscrites. […] Nous nous sommes trop crus en droit de faire la vérité littéraire avec nos sympathies et nos antipathies, avec nos préférences et nos dogmes, avec nos désirs et nos rêves.

521. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

De quel droit voulons-nous les faire entrer dans un même moule, les mesurer avec la même toise ? […] De deux horloges, nous n’avons pas le droit de dire que l’une marche bien et que l’autre marche mal ; nous pouvons dire seulement qu’on a avantage à s’en rapporter aux indications de la première. […] XI Autre difficulté ; avons-nous bien le droit de parler de la cause d’un phénomène ?

522. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Soucieux d’accroître la beauté de la race dont nous nous sentons les gardiens, convaincus de l’importance de l’esthétique considérée comme science vivante, ayant pris conscience de nos droits qui sont ceux de tous les hommes, nous nous sommes imposé une grande et haute mission. […] Il n’est pas un homme parmi nous qui laisse amoindrir son type en abandonnant ses droits ; il n’en est pas un seul non plus qui se diminue de lui-même en ne remplissant pas sa tâche. […] Quand les poètes subissent les charges que j’ai décrites, ils ont des droits imprescriptibles et magnifiques.

523. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Il me semble, en chaque question, le voir marcher tout droit devant lui contre l’adversaire, glaive en main et cuirasse au soleil. […] Pour mieux constater le droit, il ouvrit une école gratuite avec deux de ses amis, M. de Coux et l’abbé Lacordaire. […] Lorsqu’il reparut, quatre ans après, dans cette même Chambre, pour y siéger avec voix délibérative, il eut le droit de tout dire, de tout oser, moyennant cette élégance de parole et de débit qui ne l’abandonne jamais.

524. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Après un long silence d’une résignation presque dédaigneuse, le capitaine d’Arpentigny réimprime son livre oublié et le présente de nouveau au public, avec le calme d’un homme qui sait ce qu’on lui a refusé une première fois et qui a le droit d’insister pour qu’enfin on le prenne ! […] Ils n’eurent pour la poésie qu’un goût passager et de reflet, pour les beaux-arts qu’un goût de vanité, méprisant les idées spéculatives et n’ayant d’estime que pour la guerre, l’histoire, l’éloquence politique, la science du droit et les plaisirs sensuels. […] Comme le principe de la vitalité est dans les nerfs, Chopin est mort jeune. » Dans l’impossibilité de citer tout ce qui peut donner l’idée de ce talent inconnu qui a bien le droit d’une place au soleil, nous avons choisi ces lignes pénétrantes sur Chopin ; mais ceux qui liront, après nos citations, le capitaine d’Arpentigny, auront seuls la mesure de ce talent, qui peint Chopin avec cette profondeur nuancée et qui, du même pinceau, nous peint si différemment des natures différentes, — par exemple le général Rapp et le prince Jules de Polignac.

525. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

… Si le coup d’œil, le courage, le dévouement, le bon droit, le droit de l’intelligence et du juste (car l’aventurier n’avait rien du flibustier en lui, quoiqu’on l’ait tué comme un pirate), oui ! […] Il ne conspira contre Santa-Anna que quand le général, comme il l’écrit lui-même, l’eut mis au nombre de ses ennemis : « Conspirer avec eux, m’unir à eux pour le renverser, c’est mon droit !

526. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

Quand on voit des choses si nouvelles, on est donc en droit de se demander quel but le P.  […] Alors, nous qui le jugeons maintenant comme il a jugé Clément XIV, nous aurions le droit de lui dire l’immense : Vous l’avez voulu ! […] Circonvenue par des gouvernements lâchement et doctement impies, lesquels n’osaient ni ne voulaient s’opposer à l’impiété audacieuse de leurs peuples, la papauté, en supprimant l’Ordre de Jésus, avait non seulement coupé son bras droit victorieux, mais elle avait par cette mutilation, qui, sans la grande parole du Sauveur, eût été peut-être un suicide, donné courage et foi en eux-mêmes aux ennemis de l’autorité divine, et prêté les deux flancs du monde aux révolutions.

527. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Il gouverna et sauva Rome, fut vertueux dans un siècle de crimes, défenseur des lois dans l’anarchie, républicain parmi des grands qui se disputaient le droit d’être oppresseurs ; il eut cette gloire, que tous les ennemis de l’État furent les siens ; il vécut dans les orages, les travaux, les succès et le malheur ; enfin, après avoir soixante ans défendu les particuliers et l’État, lutté contre les tyrans, cultivé au milieu des affaires la philosophie, l’éloquence et les lettres, il périt. […] Pardonnons-lui pourtant, et surtout après son exil : songeons qu’il eut sans cesse à combattre la jalousie et la haine ; un grand homme persécuté a des droits que n’a pas le reste des hommes. […] Le plus juste aujourd’hui, même en accordant son estime, veut conserver le droit de la refuser.

528. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

La richesse que donnent les dieux demeure stable, des fondements jusqu’au faite ; celle que convoitent les hommes s’enlève par la force, sans égard au droit. […] Mais que chacun marche droit, l’épée haute et le bouclier ct tendu sur la poitrine, quand la mêlée commence. […] Vieillissant, il est illustre parmi les citoyens ; et personne ne veut le blesser ni dans sa dignité ni dans son droit.

529. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

On n’a pas le droit, quand on est libéral, de montrer une cornette à un mourant. […] Il n’est rien de plus légitime, ni même de plus auguste, que la propriété ; et ce droit de propriété fait partie du droit primordial du sédentaire, comme de celui du nomade fixé. […] Il y a incompatibilité absolue entre les Droits de l’Homme et la discipline de l’autorité militaire. […] La déjection et l’excrément vont réclamer leur droit à la vie littéraire. […] Je veux dire de la gloire à laquelle il avait droit, au même titre que Balzac.

530. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

Autour des trois ou quatre points de droit qui constituaient la jurisprudence gallicane, il s’était formé, à l’abri des parlements et de l’ancienne Université, une sorte d’esprit religieux modéré, assez libre, tout à fait tempéré, dans lequel de beaux génies avaient pu vivre et qui convenait aux raisons droites et modestes.

531. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

Nous avons eu, comme l’Angleterre, une Révolution soulevée par les classes moyennes et inférieures de la société contre le haut clergé, la haute aristocratie et la royauté, un roi mort sur l’échafaud, des excès et des folies après des commencements justes et glorieux, une dictature militaire, une Restauration monarchique, une race incorrigible et antipathique à la nation, enfin une délivrance heureuse qui assure nos droits et nous rouvre un libre avenir. […] Ce prince avait des droits assez légitimes par sa femme, mais cela n’eût pas suffi.

532. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

, le devoir des générations nouvelles, leur piété bien entendue envers les mânes de ces hommes dont la grandeur et les vrais bienfaits ont racheté les faiblesses, consiste, au défaut du génie que Dieu seul dispense, à ne pas s’endormir dans un lâche sommeil ni dans des intérêts étroits et vulgaires, à ne pas s’égarer dans de chétives ambitions, à ne pas croupir au giron de quelque pouvoir corrompu et corrupteur, mais à marcher avec constance, développant leur pensée, défendant leur droit, n’abdiquant aucune portion de la vérité, la cherchant dans la méditation et l’étude, la répandant par la parole, et fidèles à tout ce qui relève l’homme et l’honore. […] Né à Édimbourg, le 15 août 1771, d’un père, homme de loi (writer of the signet), et d’une mère un peu poëte, à laquelle surtout il paraît avoir dû ses brillantes qualités, qualités naturelles, le jeune Scott fut destiné de bonne heure à l’étude du droit et au barreau.

533. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

Or, il n’est pas inutile de savoir même les rêves et les cauchemars d’une époque, comme disait Chapelain (en cela plus spirituel que de droit), de même que les médecins s’inquiètent quelquefois des rêves de leurs malades pour les mieux connaître. […] Sainte-Beuve à ces mots. « Ce dernier point nous mène assez droit à la récente publication de M. de Balzac… » Il se relie donc naturellement à l’article qu’on va lire. — Nous avons éprouvé néanmoins quelque hésitation à le reproduire, ainsi que les trois autres, qui viennent en ces mêmes mois (novembre 1838 et février 1839), car la Table de la Revue des Deux Mondes, publiée en 1857, met les divers Mouvements littéraires de ce temps-là sous le nom de Charles Labitte.

534. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé  Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile  Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social  Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue  Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion  À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.

535. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Pour encourager les riches. » pp. 168-175

Et cela, je le répète, est admirable, puisque enfin notre conception, toute romaine et toute païenne, de la propriété lui conférait le droit strict de capitaliser indéfiniment tout son revenu et de n’en pas détourner pour les autres un rouge liard. […] Je n’ai pas nié un instant le rare mérite de la dame dont j’examine, comme j’en ai le droit, les actes publics.

536. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de l’édition originale »

L’auteur de ce recueil n’est pas de ceux qui reconnaissent à la critique le droit de questionner le poëte sur sa fantaisie, et de lui demander pourquoi il a choisi tel sujet, broyé telle couleur, cueilli à tel arbre, puisé à telle source. […] D’ailleurs, tout est sujet ; tout relève de l’art ; tout a droit de cité en poésie.

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