On peut dire que ces chapitres de Mme de Staël ont décidé de la forme et des intentions du drame romantique.
On peut fort bien manquer d’assurance à définir un personnage de drame ou de roman, — et ne point manquer de décision à distinguer le bien du mal ; on peut être hésitant dans ses investigations et jugements littéraires, — et ferme sur ses principes de conduite.
Elle a du vrai, si l’on n’use qu’avec à-propos, si l’on n’abuse pas de ce mot raison ; mais il est évident qu’on en abuse, et que si la raison, par exemple, peut se confondre avec le génie poétique et ne faire qu’un avec lui dans une Épître morale, elle ne saurait être la même chose que ce génie si varié et si diversement créateur dans l’expression des passions du drame ou de l’épopée.
Son honneur est de n’avoir à aucun degré laissé la littérature, le roman, le drame, s’introduire dans le sanctuaire, à jamais voilé, de sa douleur.
Thérèse Raquin était un drame bourgeois, sombre et violent, sans nuances, dont j’ai entendu dire par une dame, à cette époque éloignée : « Ce serait bien ennuyeux, si ce n’était pas si triste. » Le don d’apitoyer par l’horreur se montrait déjà.
Enfin celle qui personnifie la mère douloureuse et voilée de ces drames, la créature souillée et candide qui répand sa douleur en pitié, on sait sa physionomie, le détail de sa chambre, les pièces de son costume ; celle qui restaura la paix dans l’âme défaite du criminel et lui rendit, par quelques paroles tremblantes, la joie de posséder des frères, est une pâle petite fille à la figure menue, dont les yeux, sous des cheveux blonds de lin, sont purs.
On ne doit pas lire un drame autrement, et il me semble qu’en vérité on ne le peut pas.
C’était aussi bête que de lui reprocher d’avoir des cheveux noirs… Si Shakespeare, que ces imbéciles admirent par lâcheté de tradition, donnait aujourd’hui son Hamlet, le plus beau de ses drames, ils diraient de la scène du cimetière où Hamlet, de ses mains de prince, joue au bilboquet avec des têtes de mort fraîchement déterrées, ce qu’ils disent des peintures horribles et sépulcrales de l’auteur des Névroses ; car Hamlet et M.
Soit, en effet, qu’il eût compris qu’il faut plus d’art peut-être pour construire un drame ou un récit dans les proportions de Madame Firmiani ou de la Grande Bretèche que dans celle des Mystères de Paris ou de Monte-Cristo, soit qu’il ne se sentit dans l’esprit, pour chacune de ses conceptions, que le cadre étroit d’une nouvelle et qu’il ne voulût pas trop embrasser pour mal étreindre, il n’en a pas moins donné à la Critique le spectacle de deux choses l’une, auxquelles elle est peu accoutumée : — l’amour désintéressé de ce qui est difficile, et l’exacte conscience de soi.
Avant tout, s’il s’agit d’une pièce, il faut au lecteur le procès-verbal de la séance dramatique ; on lui doit le résumé du drame ou de la comédie, la vérité sur l’accueil qui a été fait, et l’opinion du juge ne doit compter que comme une voix. […] C’est comme pour l’accouchement que vous me reprochez, j’estime qu’il y a là un drame aussi saisissant que celui de la mort. […] Il y a là de l’idylle, du drame, une saveur particulière et de l’émotion sincère, chose rare, dans les livres de sèches analyses qui se fabriquent aujourd’hui. […] Marguerite Oger, la belle actrice de drame, dont l’apparition soulève aux quatre coins de la place une longue rumeur, des bousculades curieuses. […] Belot ; c’est du drame, il est vrai, mais les tableaux nous paraissent un peu trop crus pour être ébauchés ici ; la vengeance est égale à l’affront, c’est tout ce que nous pouvons dire.
Le Père Goriot, la Cousine Bette, le Ménage de garçon — je cite au hasard — racontent des drames dont la cause première est un manquement à la loi de la durée et de l’unité dans la famille. […] Il est à la fois très solitaire dans son existence personnelle, et très préoccupé des drames moraux qui peuvent se passer dans la conscience des hommes d’aujourd’hui. […] Ce drame intérieur s’était poursuivi pendant deux cents ans, parmi des conflits sans cesse renouvelés avec les Guelfes. […] Il avait grandi, avant de s’initier aux élégances parisiennes, parmi ces paysages de Normandie dans lesquels il situe si volontiers ses drames. […] Aucun tableau de la société brillante du second Empire ne fut tracé d’une main plus magistrale, et jamais drame de conscience plus fortement noué.
» Le drame commence, Myrrha, ainsi que d’autres chrétiens, va être livrée aux bêtes. […] Quand Auguste Vacquerie fit représenter Tragaldabas, la critique, qui voulait peut-être lui faire payer quelques mots malsonnants employés dans la lutte, pour la défense des drames de Victor Hugo, prit des airs indignés et accéléra la chute du drame. […] C’est là qu’est le drame. […] Je ne veux pourtant pas manquer à mes habitudes et je citerai la fin de la nouvelle intitulée : Baraterie, un drame poignant écrit en quelques pages. […] Des amours, des haines, drames burlesques, farces sinistres.
Cette vie si tranquille et si heureuse eut pourtant ses heures de trouble, on pourrait dire ses drames, mais des drames tout intérieurs, des troubles purement intellectuels, moraux et religieux. […] Ce mariage faillit être dans sa vie l’occasion d’un nouveau drame intime. […] Sa conception générale de l’histoire semble avoir été inspirée par la lutte, le drame qui faisait sa vie. […] On voit naître dans son esprit la conception philosophique qui dirigera tous ses travaux historiques : l’histoire est le drame de la lutte entre la liberté et la fatalité. […] La France était à ses yeux le principal acteur de ce drame de la liberté qui remplissait l’histoire ; et de plus il éprouvait pour le moyen âge le même attrait que la plupart de ses contemporains.
Renan a échafaudé peu à peu, chapitre à chapitre, auquel il a travaillé sans cesse, dans ses recherches historiques, dans ses dialogues et dans ses drames philosophiques, dans ses discours académiques et dans ses toasts à des banquets divers. […] D’autres vont jusqu’à penser que ce but n’a peut-être pas toute l’importance qu’on croit, et que, arrivât-on, à l’aide de drames vertueux ou de romans bien pensés, à préserver quelques ménages, à arracher quelques buveurs aux tavernes pour les conduire aux cafés-chocolats de la tempérance, les hommes n’en seraient pas sensiblement meilleurs. […] Aux spectacles qu’il fréquente par obligation professionnelle, en observant les héros de tragédie, de comédie et de drame qui se sont succédé de Shakespeare et Molière à M. […] Chaque soir, en quelque coin de la terre, la nuit tombe sur un drame qu’il faudrait applaudir à genoux. » Dans sa pensée, il s’agit d’un de ccs drames publics dont les nations sont les protagonistes : c’est le drame interminable — mêlé parfois d’un peu de comédie — qui, depuis plus de mille ans, se joue à Rome, aux pieds du trône pontifical ; c’est celui qui a fixé l’attention du monde sur la double agonie des deux premiers empereurs d’Allemagne ; ou, celui qui ballotte à travers ses péripéties les destinées de l’Asie ou celles de l’Afrique ; et d’autres encore, qui rappellent d’illustres scènes du passé, qui évoquent de grandioses ou tragiques figures. […] Elle est bien de lui et il a mis toute sa philosophie, comme tout son caractère, dans ces quelques lignes la lettre où la supérieure des Sœurs de la Miséricorde raconte la fin du drame, le suicide aux ambulances de Plevna : «… Depuis quelque temps, nous avions remarqué chez elle des symptômes de mélancolie, quelque chose de sombre et d’absorbé.
Moulin, à qui nous devons une autre lettre à Sartine, nous engageait à aller frapper à la porte de M. le marquis de Fiers, et, tout aussitôt, celui-ci mettait sous nos yeux trois lettres à l’abbé Gayet de Sansale, qui forment un véritable petit drame judiciaire. […] Si ce premier drame me procure l’avantage d’entrer avec vous, monsieur, en société de travail, je serai trop flatté pour ne pas la continuer. […] Celui qui oserait intituler son drame Jacques Clément, Henri IV, Richelieu, Damiens, Coligny, risquerait d’obtenir un logement aux dépens de l’État, à la Bastille ou à Bicêtre, et la fantaisie de mon jeune ami serait de mériter cette faveur et de ne pas l’obtenir. […] Tel est le sujet du drame. […] Allusion au Fabricant de Londres, drame en cinq actes et en prose, Paris, 1771, in-8 ; cinq figures de Gravelot.
Prenez Roméo, prenez-le au début de l’admirable drame : il s’était cru jusque-là amoureux sans l’être, il était mélancolique à en mourir ; il s’en allait vague et rêveur, en se disant épris de quelque Rosalinde. […] Comme variété de femmes chez Théocrite, et aussi éloignées du caractère pur de Theugénis que de la nature passionnée de Simétha, il faut placer les Syracusaines, qui sont le sujet de tout un petit drame piquant et satirique.
En lisant un drame comique ou tragique, elle ne consulte pas ce qu’il devait être et l’idée d’après laquelle les philosophes le jugeront, mais ce qu’il est et l’impression qu’elle en reçoit. […] Elle n’avait encore ni observé ni éprouvé les sentiments raffinés qui composent le tissu de ce drame émouvant.
Nous sommes grands et ils sont sages ; nous jouons le drame héroïque, intéressant, instructif, quelquefois lamentable, sur la scène des siècles ; nous emportons les applaudissements de la postérité, mais nous disparaissons, et ils demeurent. […] La France le compense par mille chefs-d’œuvre d’imagination et de raison ; son génie a plutôt les formes du drame, parce que ce génie est surtout en action.
Est-ce que Mozart ou Rossini ne vous chantent pas les drames de votre âme ? […] Le hasard nous a fait connaître personnellement quelques-uns des principaux personnages et quelques-unes des circonstances de ce drame intérieur, si intimement mêlé à la vie, aux œuvres, au génie, à la mort du jeune Robert, ce Werther des peintres.
C’est le moment où les peuples enfantent les plus grands hommes et les plus scélérats, comme pour préparer des acteurs plus sublimes et plus atroces à ces drames tragiques qu’ils donnent à l’histoire. […] Nous avons assisté de nos jours, dans un pays aussi lettré que Rome, dans des temps aussi révolutionnaires que le temps de Cicéron, à des scènes d’éloquence aussi décisives que celle du sénat romain, entre des hommes de bien, des hommes de subversion, des ambitieux, des factieux, des Catilinas, des Clodius, des Cicérons, des Pompées, des Césars modernes ; nous avons assisté, disons-nous, aux drames les plus tumultueux et les plus sanglants de notre époque : mais nous n’avons jamais entendu des accents où la colère et le génie oratoire, le crime ou la vertu vociférés par des lèvres humaines, fussent autant fondus en lave ou en foudre dans des harangues si ardentes d’invectives, si solennelles de vertu et si accomplies de langage !
Nous nommerons son superbe Drame en vers (premier d’une Trilogie), Titane, d’intensité psychique et verbale, créateur d’une sorte d’ambiance de mystère où resurgit modernement le thème de la Fatalité antique C.M. […] Jean Ott, son premier volume l’Effort des Races, à tendance évolutionniste (et qui comprend un admirable et sobre drame en vers : la mort de Zoroastre), atteste une pensée philosophique, très haute, très sûre, en un tempérament poétique vigoureux.
Il nous fait un peu attendre et paraît, nos cinq actes à la main, et passant ses mains dans son toupet d’homme d’affaires, et s’asseyant à la marche d’une estrade, qui est comme la marche de l’autel du drame, dominé par les Mousquetaires de Dumas père, en galvanoplastie, il nous dit : « Je vous ai lu avec beaucoup d’attention… Je vous ai reçus, aussi, soyez tranquilles, c’est convenu… J’ai voulu vous épargner l’émotion… Ma première impression est que la censure ne laissera jamais passer la pièce… Maintenant, vous me permettrez de vous parler au point de vue de mon théâtre… Il n’y a pas de drame dans vos cinq actes… il n’y a pas d’intérêt… C’est la Révolution dans les salons… Ça manque de mouvement… Non, tenez, mon public, il lui faut… il faut, à un moment, qu’il y ait un traître qui enjambe par la fenêtre… Vous verrez, quand vous travaillerez sérieusement pour ici… Vous ne venez pas souvent au Châtelet… Jamais, n’est-ce pas ?
Quand des hommes, lassés des conventions d’une poétique fausse, eurent élargi le théâtre et mesuré le drame à la vie, ils accomplirent, certes, littérairement, une grande chose. […] Le Léon X, avec toute la Renaissance groupée autour de lui, comme un Olympe envahisseur, le Henri VIII, avec l’effroyable drame de ses femmes, que le génie de Shakespeare n’a qu’effleuré, mais comme un tel génie effleure, en laissant dans le marbre qu’il touche l’empreinte du coup de son aile, — ont leurs splendeurs et leurs passions qui rappellent les splendeurs et les passions de Luther avec sa diète de Worms, sa guerre des Paysans, sa solitude de la Wartbourg, toutes ces choses dignes de la grande peinture.
La réalité étant dégoûtante ou indifférente en soi, elle ne pouvait offrir d’intérêt que mise en drame ou en roman d’écriture jolie. […] Nous recommencerions ces œuvres bâtardes qui semblent bien plutôt des monographies extraites des mémoires d’une académie ou d’une gazette médicale que des romans ou des drames.
Il y a, dans ces vastes drames qu’on appelle révolutions, des rôles séparés et soutenus jusqu’au bout pour tous les caractères.