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745. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

André Fontainas L’action, sans surcharges d’inutiles ornements, court rapide et noble, en vers énergiques ou assouplis selon l’hymne qu’ils chantent ; de brutale fureur, de dédain hautain ou d’amour qui s’éveille, le drame est puissant et fort beau, en dépit d’un défaut d’unité trop apparent : de Swanhilde renonciatrice et superbe, de Swanhilde que l’amour attendrit, s’est, brusquement après l’épisode, déplacé l’intérêt pour se fixer au deuil et aux seules douleurs d’une mère.

746. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

quiconque a fait imprimer douze lignes dans sa vie, ne fût-ce qu’une lettre de mariage ou d’enterrement, sentira l’amertume profonde d’une pareille douleur !

747. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

Deux degrés de corruption de plus et un de scepticisme, et ce lymphatique anglais, fils de la Douleur et de l’Obstacle, aurait endormi son génie dans tous les dons que Dieu lui avait faits !

748. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

» Simonide aussi donna l’exemple de cette poésie domestique qui célébrait des victoires dans les jeux publics, ou des joies et des douleurs de famille.

749. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Le plaisir du spectateur égale le ravissement de Rodrigue lorsque celui-ci, caché, entend sa chère amante répondant à Elvire : Par où sera jamais ma douleur apaisée, Si je ne puis haïr la main qui l’a causée ? […] il est vrai, quoique ton ennemie Je ne puis te blâmer d’avoir fui l’infamie ; Et, de quelque façon qu’éclatent mes douleurs, Je ne t’accuse point, je pleure mes malheurs. […] Ils s’exaltent ainsi l’un l’autre à l’envi dans leur héroïsme, qui accroît encore leur amour en même temps que leur douleur. […] Au moment où Don Sanche vaincu apporte, par ordre de Rodrigue, son épée à Chimène en guise d’hommage, celle-ci croyant qu’il revient vainqueur et que Rodrigue est mort, tué par lui, sans vouloir rien entendre, lui ferme la bouche et s’abandonne à sa douleur et à sa colère. […] Qui sait s’il ne trouva pas dans sa douleur même et dans son amour filial, par le besoin d’honorer cette chère mémoire, quelques-uns des beaux traits dont il peignit le vieil Horace ?

750. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Mais ce qu’on aura peine à croire, c’est qu’après une passion aussi déclarée, elle trouve indécente la douleur que je donne à Agamemnon quand il renvoye sa captive sur un de ses vaisseaux. […] de ma maniere d’imiter Homere dans les huit derniers livres. c’est dans ces livres que je donne occasion aux grandes douleurs de Me D. […] Je suis fâché de la voir dans cet état ; et si sa douleur est sincere, je lui en demande pardon, quoique je n’en sois que la cause innocente. […] Ils regardoient de-là le sort douteux de Troye, avec des sentimens de douleur ou de joye ; car malgré leur pouvoir, l’encens et les autels, ils sont des passions les joüets immortels. […] C’en étoit assez sans doute pour Andromaque, qui ne devoit rien dire d’étranger à sa douleur ; mais Homere se mêle indiscretement avec elle, et il veut décrire à quelque prix que ce puisse être.

751. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Les animaux ne manifestent aucune agitation ni aucune expression de douleur. […] Ce moyen sauva l’ânesse ; elle se leva et marcha sans paraître éprouver ni agitation ni douleur. […] Le cœur est quelquefois si sensible chez certains animaux que des excitations très-légères des nerfs sensitifs peuvent amener des réactions, lors même que l’animal ne manifeste aucun signe de douleur. […] Quelquefois un mot, un souvenir, la vue d’un événement, éveillent en nous une douleur profonde. […] Quand on dit que le cœur est brisé par la douleur, il y a des phénomènes réels dans le cœur.

752. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

« Il en sera de même de la douleur ; elle est excitée en nous par le déchirement de quelques fibres de notre corps. L’Auteur de la nature a établi que cette douleur serait plus forte à mesure que le dérangement serait plus grand : or, il est évident que les grands corps et les fibres grossières des peuples du Nord sont moins capables de dérangement que les fibres délicates des peuples des pays chauds ; l’âme y est donc moins sensible à la douleur.

753. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Si donc la poésie ne faisait pas entendre aujourd’hui ce concert de douleur qui annonce le besoin d’une régénération sociale, et si en même temps elle ne jetait pas déjà, dans toutes les âmes capables de la sentir, le germe de cette régénération ; si elle n’y versait pas, avec la douleur de ce qui est, le désir de ce qui doit être ; en un mot si elle n’était pas, ce qu’elle a toujours été, prophétique, nous aurions tort de représenter l’état actuel de la société comme une crise qui doit enfanter une société nouvelle. […] Nous dire cela ne peut être réservé qu’à des poètes sortis directement des trois grands peuples qui se pressent l’un contre l’autre au centre de l’Humanité, la France, l’Allemagne et l’Angleterre ; qu’à des poètes qui auront porté avec douleur les graves pensées de notre âge ; qu’à des poètes qui auront senti l’impulsion des philosophes du Dix-Huitième Siècle, ces prédécesseurs des poètes actuels ; qu’à des poètes, enfin, qui nous montreront leur ligne de parenté avec Rousseau, Diderot et Voltaire, la Révolution Française et Napoléon, soit qu’ils se soient mis en lutte ouverte ou qu’ils vivent en harmonie avec tous ou quelques-uns de ces grands colosses qui avaient dernièrement en eux la vie du monde, et qui, glacés dans leur tombeau, tiennent encore en main le sceptre de l’avenir.

754. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Là, autour du foyer ardent, son épouse inquiète presse contre son sein, ses enfants que, dans sa douleur, elle nomme ses orphelins. […] Tallien, ivre de douleur, pressé d’agir par elle, prépara Thermidor. […] depuis le départ amer qui fera toujours ma douleur, n’ai-je pas assez payé ma jeunesse, n’ai-je pas assez payé mon amour ? […] « Mais son chant, pauvre petite, ressemblait à un chant de douleur : Oh ! […] Dans l’âme humaine ainsi fleurissent les douleurs.

755. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Dans sa méconnaissance haineuse des volontés de la bonne nature, notre saint homme en vient à parler des douleurs de l’enfantement, — douleurs que sa piété devrait estimer saintes et expiatrices, — comme le pourrait faire la plus égoïste et la plus sèche des petites bourgeoises ou des mondaines. « Au commencement, si la nouvelle mariée ne devient enceinte, non seulement elle ne doit pas s’en chagriner, mais elle s’en doit réjouir, car elle est quitte de l’incroyable douleur qu’on a de l’enfantement. » Et il énumère les souffrances, les inconvénients et périls auxquels la femme grosse est exposée. […] j’en aurais, dis-je, une douleur bien grande. […] J’abrège avec douleur. […] Ce serait un hébétement plus qu’une douleur. […] ce mélange de désespoir atroce et de détachement total, ces gestes réflexes, et qu’on sait inutiles, de la colère et de la vengeance dans l’anéantissement de toute l’âme par la douleur ?

756. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Avec Diderot et Rousseau, deux sources nouvelles pénètrent dans la littérature française : c’est l’enthousiasme et la douleur. […] On lui en voulait pour ses nuageuses rêveries, pour ses aspirations vers l’infini, pour ses douleurs incomprises et souvent, il est vrai, incompréhensibles, pour ses interminables déclamations, pour sa passion de l’élégie et, disons le mot, de l’idéal. […] Chez George Sand, Amédée Achard, Alexandre Weill, l’idylle reste idéale : ce qui y domine c’est l’âme humaine avec ses combats, ses douleurs et ses joies, et la description réaliste ne sert que de cadre au tableau. […] Le poème de Rolla, c’était le premier grand cri de douleur de ce poète ardent et désenchanté, avide d’amour et sans croyance. […] Heine, lui aussi, est mort dans la douleur, mais il ne s’est pas rendu.

757. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Ses chants de douleur se terminaient par des hymnes, et le scepticisme s’agenouillait et priait à la fin de ses Méditations, en frappant sa poitrine devant Dieu74. […] Cette poésie, j’essayais quelquefois de l’exprimer dans des vers ; mais ces vers, je n’avais personne à qui les faire entendre ; je me les lisais quelques jours à moi-même, je trouvais avec étonnement, avec douleur, qu’ils ne ressemblaient pas à tous ceux que je lisais, dans les recueils ou dans les volumes du jour. […] Ne cherchez plus la passion ardente et emportée comme elle l’est dans Catulle, voluptueuse et épicurienne comme elle l’est dans Horace, naïve et soupirant sans cesse ses douleurs et les cruautés de Délie, comme dans l’élégiaque Tibulle. […] Le scepticisme, devenu triste et méditatif et retournant à la croyance par la douleur, la vie de la pensée succédant à la vie d’action, le désenchantement qui suit tous les naufrages, le goût de la solitude et des grands spectacles de la nature qui vient après les longues agitations, le retour aux idées et aux sentiments religieux : voilà les caractères de son talent poétique. […] C’est ainsi qu’une de ses Méditations est consacrée à chanter la naissance du duc de Bordeaux, l’Enfant du miracle, comme il le nomme lui-même, qui vient raviver les espérances de cette antique race, et consoler les douleurs de la patrie inclinée sur la tombe récemment ouverte du duc de Berry86.

758. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Les théories sont les beaux songes des hommes de bien ; il est glorieux d’être successivement trompé par elles ; ces déceptions sont les douleurs sans doute, mais non les remords de l’esprit. […] « J’emploierai donc, disais-je à ces amis, ma première jeunesse à la poésie, cette rosée de l’aurore au lever d’un sentiment dans l’âme matinale ; je ferai des vers, parce que les vers, langue indécise entre ciel et terre, moitié songe moitié réalité, moitié musique moitié pensée, sont l’idiome de l’espérance qui colore le matin de la vie, de l’amour qui enivre, du bonheur qui enchante, de la douleur qui pleure, de l’enthousiasme qui prie. […] — Votre Majesté, répondis-je avec une vraie douleur de ne pouvoir céder, m’a vivement ému, m’a convaincu de son éloquence ; elle serait aussi élevée à la tribune que sur son trône ; mais l’admiration n’est pas de la conversion, et je la supplie de trouver bon que je sorte de sa présence comme j’y suis entré, nullement hostile, mais libre de tout lien avec sa dynastie. » Il lâcha le bouton de mon habit, qu’il tenait encore, avec un mouvement saccadé de mécontentement visible sur ses traits, et je sortis triste mais résolu de sa présence. […] » Un murmure d’étonnement et de douleur courut à cette nouvelle inattendue sur toutes les lèvres.

759. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

La douleur et ces émotions complexes qui constituent pour ainsi dire la pénombre de la joie ne se pourraient pas rendre par des consonances ou des rythmes réguliers et simples. […] Aussi la douleur intérieure d’un héros pourra-t-elle, traduite en langage psychologique, nous émouvoir plus que si on se contente de nous dire : « Il éclata en sanglots. » Cependant rien de plus contagieux que les larmes, mais à condition qu’on soit déjà dans une certaine disposition à la tristesse : les larmes sont la conséquence ultime de l’émotion, et ne peuvent à elles seules la produire si on ne devine pas la série de causes qui les ont amenées, ou si ces causes ne nous paraissent pas suffisantes. […] Ces plaisirs, avec les douleurs qui les compensent, semblent remplir tout le passé, tandis qu’en réalité la trame de notre vie a été bien plutôt indifférente et neutre, ni très agréable ni très douloureuse, sans grande valeur esthétique. […] Nous pouvons le constater mieux que jamais aujourd’hui, où notre littérature est alimentée en grande partie par des souffrants, des demi-détraqués, aboutissant parfois à la folie, mais qui ont un point commun avec l’éternelle réalité : le déchirement de la douleur (Shelley, Edgard Poë, Baudelaire, Gérard de Nerval, Sénancourt, peut-être Tolstoï).

760. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Tandis que je détaille ma douleur, les mots se pressent, pittoresques, imagés, sans ordre, très expressifs. […] Bientôt je vois mon virus dans vos yeux ; je vous injecte mon émotion ; ma douleur est vôtre, vous vous traînez sur mes pas. […] À force, vous cédez et finissez par consentir à communier ma douleur. […] Encore que la représentation adéquate de l’Être suprême pour nous, êtres contingents, soit impossible, et que le symboliste le sache jusqu’à la douleur, celui-ci, à la manière de mystiques dont le mode de connaissance intuitif diffère des procédés habituels de la dialectique discursive, s’applique, non plus avec son entendement seul, mais avec son tout moi 42, à penser l’Absolu directement, à rendre « Dieu sensible au cœur ».

761. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

il avait ce qui aurait pu consoler, l’estime de tous, la chaleureuse amitié de quelques-uns ; rattaché en qualité de médecin à cette École normale dont le seul nom lui était cher, il y retrouvait les souvenirs qu’il affectionnait ; honoré d’une distinction tardive, mais si méritée, qu’il avait gagnée aussi sur ses champs de bataille à lui, il y avait été sensible de la part d’un Gouvernement qui réalisait l’un des vœux de son cœur national et qui réparait la douleur de 1814.

762. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Certes c’eût été là pour la douleur et la louange humaines, dans les amitiés ordinaires, une magnifique occasion de s’étendre en ces détails privés auxquels se prennent encore la curiosité et le désœuvrement de nos jours.

763. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Si vous remontez de la douleur au plaisir, comme dans la scène d’Homère, vous serez plus touchant, plus mélancolique, parce que l’âme ne fait que rêver au passé et se repose dans le présent ; si vous descendez au contraire de la prospérité aux larmes, comme dans la peinture de Milton, vous serez plus triste, plus poignant, parce que le cœur s’arrête à peine dans le présent, et anticipe les maux qui le menacent.

764. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Mais la passion d’une religieuse pour un homme, si elle est possible, doit être quelque chose de terrible, d’inouï, de tragique à faire pâlir Phèdre, et le livre qui l’exprime, s’il est éloquent comme vous le prétendez, doit porter un caractère de désordre, de fatalité, de folie, de douleur à la fois abjecte et sublime, auquel, dans l’histoire des littératures, il n’y a rien à comparer.

765. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Louis Wihl »

Un des jours de sa lente agonie, il entendit quelqu’un s’approcher du lit où le clouait la douleur.

766. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

IV Et cela serait réellement insupportable s’il n’y avait pas, au fond de cet ennui et de tous ces impuissants efforts pour le tromper, un peu de douleur qui fait plus pour relever le livre que le talent même.

767. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

Ses pleurs ne passèrent que pour un outrage, et sa douleur pour une hypocrisie barbare.

768. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIII. Éloges donnés aux empereurs, depuis Auguste jusqu’à Trajan. »

Humain et bienfaisant envers tous les hommes, je ne doute point qu’il n’ait déjà employé les plus fortes consolations pour guérir votre blessure et charmer vos douleurs : mais quand il n’en aurait rien fait, voir Claude, ou penser seulement à lui, c’est déjà une consolation bien douce.

769. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

Que sur le visage coulent des larmes douces enfin, et que la douleur, devenue triomphale, adore maintenant tout ce qu’elle avait pleuré ! 

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