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266. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VIII. Des Anges. »

On découvre ensuite dans la hiérarchie des anges, doctrine aussi ancienne que le monde, mille tableaux pour le poète.

267. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Challe  » pp. 141-142

C’est que le choix du moment est vicieux ; il fallait prendre celui où cette femme altière déterminée à tromper l’orgueil romain qui la destinait à orner un triomphe, se découvre la gorge, sourit au serpent, mais de ce souris dédaigneux qui retombe sur le vainqueur auquel elle va échapper et se fait mordre le sein.

268. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Découvrir des rapports entre des objets très éloignés, démêler des analogies très délicates, constater des traits communs entre des choses très dissemblables, former des idées très générales, isoler des qualités très abstraites, toutes ces expressions sont équivalentes, et toutes ces opérations se ramènent à l’évocation du même nom par des perceptions ou représentations dont les ressemblances sont très minces, à l’éveil du signe par un stimulant presque imperceptible, à la comparution mentale du mot sous un minimum d’appel. […] L’enfant invente et découvre incessamment et de lui-même ; il n’y a pas d’époque dans sa vie où son intelligence soit si créatrice. […] Mais il est clair que les caractères propres au corps humain sont infiniment plus nombreux ; une telle notion en représente cinq ou six, et des plus extérieurs ; accroissons-la de tous ceux que l’observation prolongée et variée pourra découvrir. — L’anatomiste arrive avec l’envie de voir le détail et le dedans ; il dissèque, note, décrit et dessine. […] Ici encore, le procédé qui forme l’idée correspondante est le même. — L’expérience vulgaire a découvert quelque propriété d’un corps, par exemple le pouvoir qu’a l’ambre d’attirer à lui les petits objets très légers. […] Soit un corps en mouvement ; il va d’un point à un autre en décrivant une ligne ; nous avons beaucoup d’occasions de remarquer que, selon les circonstances, cette même ligne est décrite en plus ou moins de temps, et nous tirons de là une nouvelle idée élémentaire, celle de vitesse. — Soit un corps qui passe du repos au mouvement ; la plupart du temps, nous découvrons que quelque autre chose a changé en lui ou dans ses alentours, et, après un certain nombre d’expériences, nous constatons ou nous croyons constater que ce changement interne ou externe est toujours suivi par le mouvement du corps.

269. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

On se gardait de changer, de corriger un mot aux manuscrits ; on n’osait contredire des assertions infaillibles ; il semblait qu’il n’y eût plus rien à découvrir après lui et qu’on fût réduit pour jamais à coudre des commentaires admiratifs à cet Évangile philosophique. […] Qu’on embrasse les vérités nouvelles, qui, observées à l’aide d’un nouvel instrument, sont sorties de la nuit et entrées pour toujours dans notre champ visuel comme les étoiles que l’astronome découvre en se servant d’un télescope perfectionné  ! […] Les écrivains qui appellent ainsi sur eux, à visage découvert, l’attention de l’Académie, ont été souvent accueillis ou repoussés pour des raisons qui n’avaient qu’un rapport lointain avec la littérature ; bien des fois leurs opinions politiques, religieuses, philosophiques, ou les recommandations de quelque puissant protecteur ont beaucoup plus que leur talent, déterminé les sentences du savant, mais partial aréopage. […] S’il est critique, il découvrira des beautés cachées dans le livre ou la pièce de l’éminent confrère dont il espère la voix ; il ménagera l’opinion de tel salon qui est une antichambre connue de la docte assemblée parmi laquelle il désire siéger. […] Quand Pierre de Ronsard a construit laborieusement une ode, on déclare que les anciens sont égalés (ce qui est l’éloge le plus hyperbolique pour les hommes de la Renaissance), et un faiseur d’anagrammes découvre dans les lettres qui composent son nom ces trois mots prophétiques : Rose de Pindare.

270. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Je découvre qu’il est autre que je ne suis et que pourtant il est le même que je suis. […] Il ne demande qu’à se dévouer au service des faibles et des opprimés, à faire respecter la justice, à découvrir et à soulager l’infortune. […] Voilà le vrai Werther que l’on découvre aisément sous le nuage de rêverie dont il s’enveloppe. […] Goethe, lui, ne découvre en elle ni imperfections ni lacunes d’aucun genre. […] Nous n’avons mis à découvert qu’une partie de leur être intime, celle qu’on peut appeler leur génie proprement dit.

271. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Seulement cette illusion, les volontaires la découvrent selon des points de vue différents. […] Maître Phantasm et l’Ermite découvrent un pays autour de la montagne. […] monter vers elles, découvrir les mondes qu’elles échauffent et qu’elles éclairent, — boire à même la source des soleils ! […] Le requin se donne aussi beaucoup de mouvements pour découvrir sa proie. […] Malbardé ce qu’on n’y découvre pas.

272. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

découvrir le recueillement indispensable pour écrire de bonnes œuvres dans cette immense potinière toujours bourdonnante ? […] Celui qui découvre le germe n’est ordinairement pas celui qui le développe. […] Mais c’est à présent qu’il y aurait intérêt à découvrir la mystérieuse semence d’une forme d’art qui englobera bientôt tous les genres. […] Il n’a pas dirigé l’opinion, il n’a pas découvert de talent, il n’a donné la mesure exacte d’aucun écrivain de son époque. […] Voyez, le temps qu’il a fallu à l’auteur d’Eugénie Grandet pour découvrir sa voie.

273. (1899) Arabesques pp. 1-223

Je découvris le néant de l’art pour lequel j’avais jadis combattu : je m’évadai de l’artifice. […] Ce fut à l’aube de la Renaissance que les peintres les découvrirent ces ressources. […] J’ai découvert des sentiers ignorés, bordés de campanules, jonchés des feuilles mortes de l’an dernier. […] Et, de là-haut, il découvre des ensembles. […] Guérin découvre de gracieuses correspondances entre son âme et les choses.

274. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Et cela dans le moment même où, si on venait lui annoncer qu’il doit renoncer à ses espoirs ou qu’il est trompé, il se découvrirait peut-être tout près du crime. […] Mais songez à ce que peut découvrir un psychologue sans prévention (ni freudienne, ni antifreudienne) et qui simplement est résolu à ne pas ignorer ce que je voudrais appeler la situation sexuelle des êtres qu’il étudie. […] Plus loin Swann procède de la même façon, suivant la même méthode que Proust compare lui-même à la méthode historique et à la critique des textes, pour découvrir — bien tardivement, il est vrai — les goûts pervers d’Odette. […] Vous pensez bien qu’il n’a pas commencé à exister du jour seulement où on l’a découvert. […] Ce sont en effet comme des Idées du monde sensible, comme des archétypes de chaque objet ou de chaque être que Proust au début semble vouloir à tout prix découvrir.

275. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Lenormant, qui les a découverts. […] Je ne découvre guère que M.  […] Une nuit il y découvrit les magies d’un clair de lune thessalien. […] Mais il croit découvrir qu’elle est criminelle. […] Je ne l’ai point découvert.

276. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Préface »

Ayant constaté, il y a déjà bien des années, le tort que fait à notre langue l’emploi inconsidéré des mots exotiques ou grecs, des mots barbares de toute origine, de toute fabrique, je fus amené à raisonner mes impressions et à découvrir que ces intrus étaient laids exactement comme une faute de ton dans un tableau, comme une fausse note dans une phrase musicale.

277. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1823 »

L’auteur de ce recueil, en réfléchissant sur cet obstacle, a cru découvrir que cette froideur n’était point dans l’essence de l’Ode, mais seulement dans la forme que lui ont jusqu’ici donnée les poètes lyriques.

278. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Bellengé » p. 204

Pour les découvrir, il faudrait partir des phénomènes les plus grossiers, par exemple, des serpens, des oiseaux, des arbres, des maisons, des papillons ; il est certain qu’un serpent, qu’un arbre, qu’une maison serait ridicule sur le dos d’une femme.

279. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Préface »

Je suis persuadé que son ouvrage rencontrera le succès auquel il a droit : les spécialistes, comme je l’indiquais à l’instant, y trouveront matière à compléter leurs connaissances et sans doute à découvrir des aperçus nouveaux ; la masse du public, elle aussi, voudra lire ce livre et ceux qui le suivront, car, aujourd’hui comme au temps de La Fontaine, nous aimons tous et toujours à nous faire conter l’histoire de Peau d’Ane ; notre plaisir se double même d’une piquante sensation de curiosité lorsque c’est un nègre qui nous la conte, pourvu que ce nègre ait trouvé un interprète aussi averti que l’est M. 

280. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Tout au plus, çà et là, une déchirure nous laisse soupçonner les beautés cachées derrière les monotones enveloppes ; mais ces enveloppes, le poëte les lève toutes et voit un tableau là où nous ne découvrions qu’un surtout. […] L’un d’eux, Charles Lamb, comme Sainte-Beuve, avait découvert et restauré le seizième siècle. […] Comment pourrait-il découvrir ou oserait-il montrer la structure des âmes barbares ? Cette structure est trop difficile à découvrir et trop peu agréable à montrer. […] Voilà le monde tout moderne et réel, illuminé par le lointain soleil couchant de la chevalerie, que Walter Scott a découvert, comme un peintre qui, au sortir des grands tableaux d’apparat, aperçoit un intérêt et une beauté dans les maisons bourgeoises de quelque bicoque provinciale, ou dans une ferme encadrée par ses carrés de betteraves et de navets.

281. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Et comment, par exemple, n’appellerait-on point précieux un observateur qui vous dit, en voyant dans une foule les figures laides faire assaut de coquetterie avec les figures plus jolies (la page est curieuse et dispense d’en lire beaucoup d’autres ; mais, à côté du bon Marivaux, il faut bien qu’on sache où est le mauvais) : J’examinais donc tous ces porteurs de visages, hommes et femmes ; je tâchais de démêler ce que chacun pensait de son lot, comment il s’en trouvait : par exemple, s’il y en avait quelqu’un qui prît le sien en patience, faute de pouvoir faire mieux ; mais je n’en découvris pas un dont la contenance ne me dît : « Je m’y tiens. » J’en voyais cependant, surtout des femmes, qui n’auraient pas dû être contentes, et qui auraient pu se plaindre de leur partage, sans passer pour trop difficiles ; il me semblait même qu’à la rencontre de certains visages mieux traités, elles avaient peur d’être obligées d’estimer moins le leur ; l’âme souffrait : aussi l’occasion était-elle chaude. […] La pauvre enfant seule a été sauvée sans qu’on pût découvrir trace de son origine ; elle a été déposée dans le pays chez un curé dont la sœur l’a élevée. […] Nul ne sait aussi bien que Marivaux le monde de l’amour-propre ; il en a fait le tour et l’a traversé dans tous les sens, et, remplissant la maxime de La Rochefoucauld, il y a peut-être découvert quelques terres inconnues.

282. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Celui-ci a donc découvert et imaginé que toute la veine satirique, railleuse, irrévérente et sensuelle de Villon lui venait de son père, et que la veine tendre et religieuse qu’on lui suppose par moments, ses velléités du moins et ses retours de mélancolie venaient de sa mère. […] Passa-t-il ses derniers jours en Poitou, comme on peut l’inférer de l’anecdote qu’on lit dans Rabelais et qui nous découvre un dernier tour pendable de l’incorrigible mauvais sujet ? […] Villon a dit quelque part que quand nous aimons ordure, elle nous aime (c’est le sens), et que quand nous fuyons honneur, il nous fuit ; mais il m’est impos^ sible de découvrir là-dedans un cri de damné.

283. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Pour nous, Français, c’eût été un grand avantage qu’il se fît voir dès lors, et qu’on le connût comme tant d’illustres étrangers devenus nôtres : on n’aurait pas eu à le découvrir plus tard à travers Mme de Staël et à l’étudier, à l’épeler graduellement ; il aurait eu son brevet à temps, à son heure. […] J’étais conduit, grâce à lui, à une observation plus précise dans les deux voies ; et l’idée de l’unité, ce qu’a d’harmonieux et de complet chaque être individuel considéré en lui-même, le sens enfin des mille apparitions de la nature et de l’art, se découvraient à moi chaque jour de plus en plus. […] Ne déracinez pas les pensées sous prétexte de les montrer plus nettes et plus dégagées ; elles y perdent de leur sève et de leur fraîcheur. — Je reviens à la poésie d’après Gœthe, et à ce qui la fait naître et l’alimente : « Que l’on ne dise pas, ajoutait-il, que l’intérêt poétique manque à la vie réelle, car justement on prouve que l’on est poëte lorsque l’on a l’esprit de découvrir un aspect intéressant dans un objet vulgaire.

284. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Quand je dis : le phosphore fond à 44°, je crois énoncer une loi ; en réalité c’est la définition même du phosphore ; si l’on venait à découvrir un corps qui, jouissant d’ailleurs de toutes les propriétés du phosphore ne fondrait pas à 44°, on lui donnerait un autre nom, voilà tout, et la loi resterait vraie. […] Sans doute, on pourra découvrir que la loi est fausse. […] Je suppose que les astronomes viennent de découvrir que les astres n’obéissent pas exactement à la loi de Newton.

285. (1890) L’avenir de la science « II »

Il semble naturel de croire que la grâce vient d’en haut ; ce n’est que bien tard qu’on arrive à découvrir qu’elle sort du fond de la conscience. […] On découvre sans peine que la société moderne lui est redevable de ses principales améliorations. […] On ne prouvera jamais la marche de l’humanité à celui qui n’est point arrivé à la découvrir.

286. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Il a découvert sous ces traits obscurs quelque chose qui ressemble à de la beauté ; il a frappé sur cet esprit engourdi et il en a fait sortir de vives étincelles ; bref, le chevalier est amoureux, autant qu’il peut l’être, et le voilà qui se jette aux pieds de la délaissée en lui proposant d’être… sa maîtresse. […] Restée seule avec sa soeur Julie, Philiberte lui raconte comme quoi elle vient de se découvrir un attrait, un charme, la possibilité d’être aimée ; puis les paroles du chevalier reviennent à sa mémoire, et elle s’étonne de rougir si tard de cette impudence. […] — à Frantz Wagner, le grand artiste qu’il a découvert et auquel il veut faire des loisirs dignes de son génie !

287. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Mais les filles de sa suite découvrent une folle enfermée dans un cachot : vite elles appellent Mademoiselle pour la divertir du spectacle de ses extravagances : « Je pris ma course vers ce cachot, dit-elle, et n’en sortis que pour souper. » Le second jour, l’abbesse, voyant qu’elle y avait pris goût, la régala d’une seconde folle : « Comme il n’y en avait plus pour un autre jour, ajoute-t-elle plaisamment, l’ennui me prit ; je m’en allai malgré les instances de ma tantej. » C’est de ce ton que les misères humaines sont traitées, et de la part de quelqu’un qui avait de la bonté au fond, mais personne, encore une fois, pour l’éclairer et l’avertir. […] Elle se plaisait à découvrir en lui toutes sortes de distinctions, une élévation d’âme au-dessus du commun, et un million de singularités qui la charmaient. […] C’est un triste jour que celui où l’on découvre que ce quelqu’un qu’on s’était plu à parer de toutes les perfections et à combler de tous les dons n’était que si peu de chose.

288. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Pour cette nouvelle histoire, il nous a fallu découvrir les nouvelles sources du Vrai, demander nos documents aux journaux, aux brochures, à tout ce monde de papier mort et méprisé jusqu’ici, aux autographes, aux gravures, aux dessins, aux tableaux, à tous les monuments intimes qu’une époque laisse derrière elle pour être sa confession et sa résurrection. […]découvrir les images privées ? […] J’avais espéré découvrir dans les Papiers de Bélanger, acquis par le Musée de la Ville de Paris, à la vente Dubrunfaut, quelques nouvelles copies de lettres d’Adanson, de Noverre, de Beaumarchais, etc., donnant des détails circonstanciés sur la chanteuse ; mais, sauf quatre lignes d’une lettre de « l’ami Moyreau », je n’ai rien trouvé que les éléments d’une curieuse biographie de Bélanger, et des réflexions, des projets, des mémoires de l’amant de Sophie sur le goût, sur l’établissement d’échaudoirs, sur le prix du cuivre, sur les enterrements des condamnés révolutionnaires.

289. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Dans le discours du colporteur boiteux, on trouve encore quelques traces du vieux burlesque ; dans certains tomes modernes offerts aux loisirs démocratiques, on ne découvrira rien qui émerge au-dessus de la platitude. […] J’en ai pris l’exemple dans un vieux journal et j’estime que, de telles phrases ayant, sous leurs diverses variantes syntaxiques, été imprimées, depuis quarante ans, des centaines de fois, il est à peu près impossible de découvrir le feuilleton où je les ai copiées. […] Ni le style de Stendhal, ni celui de Mérimée, ni le style même du Code ne sont exempts d’images ; seulement ces images sont tellement usées, elles ont si longtemps roulé dans les vagues de la parole que voilà des galets unis et ronds où il semble que nul regard mental ne puisse découvrir les linéaments du paysage ancien. « Tout condamné à mort, dit le Code, aura la tête tranchée » ; cela est net, sec et froid ; cela ne laisse à l’entendement aucune alternative ; ce n’est plus une image, c’est une idée, mais une idée qui, à peine comprise, redevient l’image que les mots, sans le savoir, ont tracée avec du sang.

290. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

S’il y a une vérité, quel autre moyen de la découvrir que de la chercher, que d’examiner si c’est bien elle, la dégager des nuages qui la couvrent, et pour cela écarter les illusions de l’imagination, de la passion, de la routine, en un mot penser librement ? […] L’un voit un côté des choses, l’autre en voit un autre ; l’un découvre un fait, l’autre une loi, un autre un sentiment : c’est pourquoi il est bon que tout le monde puisse dire son avis ; c’est de tous ces avis particuliers contrôlés les uns par les autres, c’est de tous ces laborieux efforts des raisons individuelles, que se forme la raison commune. […] Non, dira-t-on, il ne s’agit pas de chercher ni de découvrir la vérité, elle est toute trouvée ; il ne s’agit que de la conserver et de la transmettre.

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