En France, les musiciens manquent de conscience et de science, mais sont brillants, agréables, flatteurs ; ils amusent. […] Mais si ç’a été la profonde pensée de Wagner, faire des œuvres de pure musique avec le commentaire de paroles et de gestes, tardivement est-il arrivé à la conscience de cette idée ; de là les erreurs éparses, parmi tant de géniales réalisations, dans l’œuvre qu’il institua et qui commence à l’ère glorieuse du printemps de 1849. […] il s’arrêtait ; il s’en allait en une œuvre nouvelle ; et libre là, libre de se livrer tout au démon musical qui l’affolait, il se précipitait, comme lui-même en un jour de conscience le déclara, dans cette mer de passion exclusive et infinie de la musique. […] Richard Wagner, après une jeunesse adonnée aux erreurs des recherches incertaines, après une maturité féconde d’un progrès continu, entrant dans la sérénité d’une vieillesse vive de conscience, alors tout en le resplendissement des triomphes assurés et en l’expérience des efforts aboutis, parmi le calme d’un élargissement prodigieux de ciel, sous le ciel calme de son Bayreuth, avec la placidité grandiloquente de son âme fortifiée, instituait l’œuvre de longtemps songée ; dès les temps obscurs de ses erreurs, l’apparence était née en lui de cette œuvre du Parsifal, et pendant qu’il peinait en les ambitions de sa Tétralogie, de son Tristan, il suivait lointainement la grandissante image de son œuvre parfaite, enrichie chaque fois et muettement des trésors spirituels nouvellement acquis. […] » dans l’âme s’éveillent les consciences sommeillantes ; et le désir se fait conscient : Beauté !
Il y joint une conscience scrupuleuse jusqu’à en être timorée, si bien qu’elle a fini par faire de la pensée du poète une timide ; — une timide vraiment, car elle n’ose parfois se porter en avant plutôt qu’en arrière ; pour chercher le bonheur, pour chercher l’idéal, elle s’arrête hésitante entre le passé lointain — incompris peut-être — et l’avenir indéterminé ; elle s’oublie volontiers dans l’un et se perd dans l’autre à la recherche de « l’étoile suprême », De celle qu’on n’aperçoit pas, Mais dont la lumière voyage Et doit venir jusqu’ici-bas Enchanter les yeux d’un autre âge. […] Rien n’égale l’ingéniosité, l’habileté, la conscience déployées dans ce travail, où mots et idées finissent par se caser comme en une mosaïque très compliquée. […] La grande société vivante et souffrante n’embrasse pas seulement l’humanité, mais aussi les animaux, dont Leconte de Lisle s’est plu à peindre les vagues pensées, la conscience obscure et les rêves, comme pour y mieux saisir, dans ses premières manifestations, le sens de la vie universelle. […] Est-ce vraiment pénétrer dans la réalité que de s’arracher à soi-même, comme si la réalité n’était pas en nous, et nous en elle, comme si elle ne prenait pas en nous conscience de soi, jouissant et souffrant, désirant et aimant ? […] Quelle que soient l’origine de la conscience et de la sensibilité, la souffrance est toujours la souffrance, la joie est toujours la joie, l’amour est toujours l’amour.
Ainsi la conscience et l’intelligence humaines étaient satisfaites. […] Je le veux bien néanmoins, mais à condition que vous me montrerez ceux à qui je puis légitimement obéir, obéir sans me dégrader, sans mentir à ma conscience, sans honte enfin et sans infamie. […] Vainement vous reculez, Matérialistes, devant vos propres conceptions ; vainement, devenus lâches à force d’avoir été audacieux, vous essayez de rassurer la conscience ébranlée du juge et du bourreau. […] Nous avons donc encore conscience en nous-mêmes du Christianisme et de sa valeur, puisque nous parlons ainsi. […] Les Chrétiens faisaient, avec raison, descendre le pardon céleste sur le pécheur qui examinait sa conscience.
Un « cas de conscience » y est débattu — comme dans la plupart des tragédies de Corneille. […] Tout en traitant Desgenais sans charité, je faisais tout bas mon examen de conscience. […] Il a confusément conscience d’un vague devoir, et il le remplit dans la mesure ou il en a conscience. […] Son état d’esprit est si paradoxal qu’elle ne doit pas en avoir bien clairement conscience. […] C’est, en conscience, la seule critique queje puis hasarder.
Comment mettre la conscience plus à l’aise ? […] Là, le libertinage a un air d’innocence et d’ingénuité qui ferait presque douter si la conscience dit vrai. […] N’est-ce pas là insulter à la conscience, et donner raison à l’égoïsme ? […] Et la conscience publique n’a pas élevé contre de tels outrages le cri de son indignation ! […] Nous avons perdu cette susceptibilité de conscience qui est comme la pudeur de l’âme.
Je dirai même que la question n’intéresse qu’un directeur de conscience. […] C’est une querelle de directeurs de conscience. […] Faites votre examen de conscience. […] Le vrai examen de conscience, c’est de pénétrer dans l’inconscient. […] Il a manqué et à la conscience et à la fidélité dynastique.
Conscience. — 1888. […] Non pas qu’il nie la conscience, au contraire ; mais il reconnaît avec Montaigne que « les lois de la conscience naissent, non pas de la nature, mais de la coutume. […] Alors cette conscience à laquelle il ne croyait pas le somme, la torture, s’impose à lui avec une force irrésistible. […] Oui, l’auteur de Conscience est aussi un analyste et doit être accepté comme tel. […] L’éclatant succès de Conscience, qui a paru chez Charpentier, en est une preuve nouvelle.
Voltaire, en qui nous trouverons plus loin un partisan décidé de l’Etat directeur de conscience, n’a pas songé à demander que l’Etat fût directeur de l’enseignement. […] Pour ce qui est de la liberté de conscience, il en est chez Voltaire comme de la liberté de penser, de parler et d’écrire. […] Dans la pratique, dans l’application et dans le détail il apporte tant de limitations et de correctifs que la liberté de conscience codifiée par Voltaire serait une liberté de conscience extrêmement entravée. […] Aussi, quand il s’agit, non plus de prêcher la liberté de conscience, mais de l’établir dans l’Etat, Voltaire devient tout aussitôt très, réservé. […] De nos jours même, n’est-il pas à remarquer que les peuples les plus durs et impitoyables dans la conquête sont les peuples les plus rudes par leur nature même, sans doute ; mais aussi ceux qui ont avec la Bible un commerce quotidien et invétéré et qui s’en font comme une conscience personnelle et une conscience héréditaire ?
Les arbres sont des sages ; ils gardent les secrets de la terre et ne consentent à les révéler qu’au Simple dont la conscience s’épanouit comme un cytise en fleurs. […] C’est qu’après avoir subi, en guise d’épreuve où se trempa sa conscience, le nihilisme schopenhauérien et wagnériste, il avait enfin conquis sa propre volonté. […] S’ils répondent : « Au nom de notre conscience », on leur rit au nez. « La conscience, leur dit-on, commande au bon citoyen de payer ses contributions, de croire au gendarme et au code, d’obéir à son caporal sans discuter. […] Mais ils n’ont tout de même pas la conscience en repos, sentant bien que l’homme n’est pas réellement libre si son semblant d’indépendance résulte de l’oppression d’autrui. […] Pour l’homme, c’est la conscience.
Le récit complet et sincère de notre vie, pourvu que nous sachions voiler ce qui doit rester entre Dieu et notre conscience, n’a rien d’impie, rien de sacrilège. […] N’est-ce pas profaner le sanctuaire de la conscience que de l’ouvrir, comme un bazar, à tous les esprits indifférents qui cherchent dans nos souvenirs une distraction pour leur oisiveté ? […] L’étude austère, l’étude exclusive du monde visible ne voit dans la pudeur, comme dans la conscience qu’un rêve d’enfant. […] Que sa parole soit portée aux quatre coins du monde, plus elle retentira, plus sa conscience sera tranquille. […] Il est bon que le mérite ait conscience de soi-même et n’hésite pas à se proclamer.
Il avait conscience que sa raison pratique, pour parler le langage des philosophes, se suffisait à elle seule. […] Comprenez bien qu’il s’agit ici non pas de la conscience morale, mais de la conscience sans épithète, au sens métaphysique de ce mot. […] Mais il est grand encore, par cette conviction, si profonde en lui, que les drames les plus émouvants de la vie sont des drames de conscience. […] Vous admirerez avec quelle vigueur Balzac fait jaillir d’un accident le problème de conscience qui s’y cache. […] Jusqu’à quel point le grand talent producteur doit-il avoir la conscience de ses pouvoirs ?
Ma seule vanité est d’avoir eu conscience de ma médiocrité de poète et de m’être courageusement mis à la besogne du siècle, avec le rude outil de la prose.
Oui, être heureux, autrement que de façon très passagère, aiguë et fugitive c’est là un état qui ne peut entrer dans la conscience ni même se concevoir extérieurement. […] En d’autres termes, la conscience que nous avons d’avoir généralement progressé en civilisation est-elle justifiée ou n’est-elle qu’une illusion ? […] Mériterait-il son nom et quelle joie serait compatible avec la conscience de l’erreur ? […] C’est cela qui rend supportable la conscience d’être. […] La pluie est le seul spectacle dont ils se rendent compte et peut-être le seul où ils aient conscience d’eux-mêmes.
En effet, nous avons besoin, pour faire cette analyse en toute conscience, d’écarter pour un temps les questions littéraires qu’il soulève. […] Non, Amaury ; vous calomniez votre âme, vous diffamez votre conscience. […] J’ai cherché avec conscience, je l’avoue, en étudiant le style de M. […] Pourtant, à l’instant de finir, ma conscience de critique me reproche d’avoir écourté cette piquante relation. […] Si, malgré tous ces dehors, une femme est sage, elle peut braver l’opinion du haut de sa conscience et de sa vertu.
Je voudrais lui laisser cette consolation ; mais, en conscience, je ne le puis. […] Se sent-elle aussi la conscience complètement légère à ce point de vue ? […] Serait-ce pour éviter le reproche de sa conscience, le remords ? […] La délicatesse s’émousse, le flambeau de la conscience pâlit, et l’asphyxie morale et intellectuelle commence. […] Il voudrait que cette conscience, jusque-là fermée, s’ouvrît devant lui.
Il continua, dans toute la durée de cet épisode de sa vie publique, de tout communiquer à M. de La Fayette, à l’homme que, disait-il, il aimait à consulter comme sa conscience. […] On a sa conscience à soi et pas chez les autres, quand on en a ; on a son jugement après information suffisante, et son indépendance. […] Il y trouvait non-seulement une conscience, mais une caution du côté de la popularité.
Je ne réponds point toutefois qu’il soit allé jusqu’au bout dans cet examen de conscience, car rien ne l’indique, et le cœur humain est bizarre et peu logique en soi ; il a des habiletés et des adresses sans pareilles pour oublier ou pour sembler ignorer ce qui l’importune. Je ne répondrais donc point que Jean-Bon soit allé, par exemple, jusqu’à se demander, au milieu de ces détentions atroces et immondes qu’il nous décrit et qui le révoltent, si la Convention dont il était solidaire avait bien eu le droit elle-même d’infliger, — je ne dis plus à Louis XVI, ni à la reine, — mais à leur malheureux fils, mourant au Temple, une telle peine à mauvaise fin et de lui faire subir une détention également horrible, la plus pourrissante et la plus dégradante de toutes… Je m’arrête, nous sommes ici au seuil le plus secret des consciences. […] Vos vues, Citoyen ministre, seront remplies, vos instructions seront suivies avec toute l’exactitude de la bonne volonté, et dans la place de préfet, comme dans celle de commissaire, je n’aurai qu’un but, celui de coopérer au bonheur de mes administrés et de mériter, avec le suffrage des chefs de l’État, l’approbation d’une conscience sans reproche.
Surtout en ce temps de réflexion et de conscience croissante, il y a, à côté des hommes de génie, des artistes qui sans eux n’existeraient pas, qui jouissent d’eux et en profitent, mais qui, beaucoup moins puissants, se trouvent être en somme plus intelligents que ces monstres divins, ont une science et une sagesse plus complètes, une conception plus raffinée de l’art et de la vie. […] Je sens son œuvre toute pleine de tout ce qui l’a précédée ; j’y découvre, avec les traits qui constituent son caractère et son tempérament particulier, le dernier état d’esprit, le plus récent état de conscience où l’humanité soit parvenue. […] Mais cette ironie, n’étant en somme que la conscience toujours présente du mystère des choses et de la fragilité des destinées humaines, implique la bonté, la pitié, la tendresse — une tendresse pleine de pensée et d’autant plus profonde.
En somme, on ne peut dire que ce soient les croyances chrétiennes ou spiritualistes qui créent, et conservent seules la conscience morale : on dirait plus justement que c’est la conscience qui se crée ces appuis extérieurs. Et il ne m’est même pas prouvé que toutes les consciences aient besoin de ces appuis.
Rien n’est annoncé d’avance ; il aime mieux, pour l’efficacité de la leçon, surprendre nos consciences tandis qu’elles sont occupées des autres, et les faire revenir par comparaison sur elles-mêmes, que de les attaquer dogmatiquement, au risque de les trouver en défense derrière des préjugés ou des intérêts auxquels se brisent la vérité impérieuse de La Rochefoucauld et la vérité impitoyable de Pascal. […] Cette morale prend toutes les formes : elle analyse, elle décrit, elle discute ; elle dogmatise aussi, mais plus rarement, car elle craint d’ennuyer ; elle aime mieux captiver l’esprit qu’attaquer la conscience. […] Pourvu qu’il réussisse, soit à nous amuser aux dépens des autres, soit à nous rendre plus curieux de nous-mêmes, peu lui importe que nous devenions meilleurs ou qu’il suscite dans notre conscience un trouble salutaire.
J’ai été vingt-cinq ans sans entrer dans sa maison, hors une fois que j’allai la voir pour la préparer à son voyage de l’éternité (c’est-à-dire pour la faire confesser)… Elle m’a pourtant conservé son estime et son amitié jusqu’à la fin… Elle venait me voir et m’écrivait de temps en temps : mes réponses tiraient toujours sur sa conscience. […] Elle est aussi l’un des premiers moralistes qui, au sortir du xviie siècle, soient revenus à l’idée très peu janséniste que le cœur humain est assez naturellement droit, et que la conscience, si on sait la consulter, est le meilleur témoin et le meilleur juge : « Par le mot conscience, j’entends, dit-elle à son fils, ce sentiment intérieur d’un honneur délicat, qui vous assure que vous n’avez rien à vous reprocher. » Elle donne, à sa manière, le signal que Vauvenargues, à son tour, reprendra, et qui, aux mains de Jean-Jacques, deviendra un instrument de révolution universelle.
Ce n’est pas à nous qui avons la conscience si large, et sur bien des points si indifférente, de venir aujourd’hui porter notre mesure et notre balance commode dans ces scrupules que connurent ces vies irréprochables et ces âmes rigoureuses : Rollin était naturellement de cette morale chrétienne que préféraient et pratiquaient les Despréaux, les Racine, les Du Guet ; mais cela le conduisit à prendre parti pour le père Quesnel, et bien au-delà ; à se prononcer même pour le diacre Pâris et pour les prétendus miracles du cimetière de Saint-Médard. […] Nommé de nouveau recteur de l’Université en 1720, il ne resta que trois mois dans cette charge, toujours à cause de sa profession trop déclarée dans l’affaire de la bulle Unigenitus ; il y croyait sa conscience intéressée, et il y sacrifiait ses goûts et ses autres devoirs les plus chers. […] Le vertueux et entêté Soanen, évêque de Senez, lui écrivait à ce propos : « Votre nom, monsieur, si cher à la France, se lira avec distinction parmi les braves d’Israël. » Cela dit, et ce coin de conscience rétive excepté, on ne voyait en lui que paix, douceur, humilité, la charité même.
Enfin, vers la fin du siècle, Haller introduisit avec conscience et d’une manière régulière l’expérimentation physiologique. […] L’observation extérieure ne vous donne que des phénomènes ; dans la conscience, il y a tout à la fois le sentiment d’une activité productrice et des phénomènes produits ; c’est le sentiment de cette activité productrice continue qui nous fournit les idées appelées métaphysiques, les idées de cause, de substance, d’existence, d’unité, etc. […] En même temps que l’expérience subjective nous atteste notre liberté avec une évidence éclatante, la conscience morale nous en démontre la nécessité, et Kant n’a pas eu besoin d’autre preuve que celle-là ; car, s’il est un ordre de choses auquel nous devons coopérer par nos actions, il est de toute évidence qu’un tel devoir suppose le pouvoir, nul n’étant tenu à l’impossible.
Mais c’est un critique qui sait ce dont il parle, qui connaît sa langue et l’histoire de sa langue, qui a du bon sens, et une conscience très haute de sa beauté, de son influence civilisatrice, et qui se lamente à regarder l’anarchie actuelle, la décadence prochaine. […] Jules Bertaut à la Revue Hebdomadaire fait preuve d’une conscience sans défaillance, d’un jugement sain dont on nous avait déshabitués. […] Les notices dont il a précédé ses rééditions suffisent à prouver que sa sensibilité n’est pas moindre que sa conscience d’érudit et qu’en plus de la patience, de la subtilité, de la méthode, il possède aussi les qualités du créateur.
Le poète qui se plaint et qui veut exciter la sympathie, est entraîné malgré lui à dépasser la réalité ; le poète qui veut infliger le ridicule aux vices de son temps, est amené au même résultat, et il a conscience de ce qu’il fait. […] Dumas se rangeraient de notre côté, s’ils voulaient descendre dans leur conscience et se rendre compte de leur approbation ; car ils ne trouveraient dans leurs souvenirs que le trouble des sens et jamais l’émotion poétique. […] N’est-ce pas la contemplation assidue de la conscience et le dédain constant de tous les mouvements extérieurs ? […] Aussi ne prétend-elle pas comprendre dans ses tableaux la conscience humaine tout entière. […] Il réunit dans une chaîne unique les anneaux dispersés de la conscience humaine : en d’autres termes, il se propose l’étude et la peinture de la totalité de l’âme.