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2435. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

. — Ce livre des Confidences, dont il s’agit, est un des livres de poésie les plus substantiels que je connaisse ; l’auteur, malgré la science qu’il déploie, habite véritablement dans sa passion ; il y est, pour ainsi dire, en plein milieu ; mais il y est tantôt dans un brouillard épais, tantôt dans un marais sans rivage, quelquefois comme enchaîné dans un bloc immense ; ce qui lui manque essentiellement, c’est le style, selon l’acception la plus large du mot, le style qui choisit, qui détermine, qui compose, qui figure et qui éclaire. […] Timide et fier, et même un peu sauvage, il ne laissait pas d’en souffrir. « Dans sa droiture et dans sa fierté, » nous dit quelqu’un qui l’a bien connu, « il avait un tel éloignement de tout ce qui ressemble à l’intrigue, qu’il poussait cette aversion jusqu’à se refuser les plus simples démarches et relations qui pouvaient contribuer à la célébrité de son nom et de ses ouvrages.

2436. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

C’était l’heure où l’on allait commencer à sortir de chez soi, non plus pour se combattre, mais pour se connaître. […] Cousin dans ces divers essais de sa jeunesse et qu’on avait l’honneur de le connaître : cet esprit si libre, si étendu, si dégagé des formes, n’était pas de tout point représenté dans ces expositions premières ; je ne sais quel mélange d’école y nuisait.

2437. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Si cette lecture obtenait du succès, tous les seigneurs, tous les riches financiers briguaient l’avantage de faire connaître le nouvel ouvrage à leurs sociétés. […] Nous fourrions en citer plus d’un exemple. » Nous serions certes curieux de connaître ces exemples.

2438. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

L’esprit d’affaires ne peut se faire connaître par des signes certains, avant qu’on ait occupé de grandes places ; les hommes médiocres sont intéressés à persuader qu’ils possèdent seuls ce genre d’esprit ; et pour se l’attribuer, ils se fondent uniquement sur les qualités qui leur manquent : la chaleur qu’ils n’ont pas, les idées qu’ils ne comprennent pas, les succès qu’ils dédaignent ; voilà les garants de leur capacité politique. […] Dans la langue adoptée par la coalition de certains hommes, connaître le cœur humain, c’est ne se laisser jamais guider dans son aversion ni dans ses choix par l’indignation du vice, ni par l’enthousiasme de la vertu ; posséder la science des affaires, c’est ne jamais faire entrer dans ses décisions aucun motif généreux ou philosophique.

2439. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Le hasard a voulu que ce soit vous, Parisiens, qui soyez chargés de faire les réputations littéraires en Europe ; et une femme d’esprit, connue par son enthousiasme pour les beautés de la nature, s’est écrié, pour plaire aux Parisiens : « Le plus beau ruisseau du monde, c’est le ruisseau de la rue du Bac. » Tous les écrivains de bonne compagnie, non seulement de la France, mais de toute l’Europe, vous ont flattés pour obtenir de vous en échange un peu de renom littéraire ; et ce que vous appelez sentiment intérieur, évidence morale, n’est autre chose que l’évidence morale d’un enfant gâté, en d’autres termes, l’habitude de la flatterie. […] Mais un spectateur ordinaire, dans l’instant le plus vif de son plaisir, au moment où il applaudit avec transport Talma-Manlius disant à son ami : « Connais-tu cet écrit ? 

2440. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Il y a dans ce genre une exquise pièce d’un jongleur champenois, Colin Muset, le plus gentil quémandeur que nous connaissions avant Marot : il fait une peinture spirituellement naïve de son ménage à certain comte devant qui il avait « viellé » sans en rien recevoir82. […] Qui veut connaître l’opinion de la bourgeoisie parisienne sur le règne de saint Louis, n’a qu’à le consulter : c’est un témoin qui dépose sans crainte et sans flatterie.

2441. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

Paris attirait les étrangers, qui ne venaient pas seulement en dévorer les beautés extérieures et les plaisirs publics : ils voulaient vivre de sa vie, être admis dans ces salons que toute l’Europe connaissait, et dont ils gardaient toute leur vie l’éblouissement. […] La Correspondance resta secrète, et ne fut connue qu’en 1812, où on en fit une éd.

2442. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

« Je ne connais pas Chicago, dit quelque part M. Cardinal ; mais je suis sûr que Chicago est autrement vivant que Rome. » — Eh bien, moi, je ne connais pas les Védas ; mais je suis presque sûr que la poésie de M. 

2443. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

Son éditeur nous dit très sérieusement : « Nous ne possédons qu’une vingtaine de feuilles volantes qui se rattachent aux conceptions des romans et des nouvelles que Baudelaire porta vingt ans dans sa tête sans en confier rien au papier. » Les chef-d’œuvre qu’on prémédite vingt ans sans en écrire une lignée, je connais cela. […] Malgré mes grands cheveux blancs qui me donnent l’air d’un académicien (à l’étranger), j’ai grand besoin de quelqu’un qui m’aime assez pour m’appeler son enfant… » Il lui demande, un jour, un article sur les Histoires extraordinaires de Poë ; Sainte-Beuve promet l’article, ne l’écrit point, et Baudelaire ne lui en veut pas L’affection de Baudelaire pour le grand critique datait de loin ; les Poésies de Joseph Delorme étaient déjà, au collège, un de ses livres de prédilection ; et à vingt ans, il envoyait des vers (dont quelques-uns assez beaux) à son poète favori… Et, en effet, les poésies de Sainte-Beuve, — si curieuses mais qui ne sont aujourd’hui connues et aimées que d’un petit nombre de lettrés, ressemblent déjà par endroits, sinon à des « fleurs du mal », du moins à des fleurs assez malades.

2444. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Je serais curieux de connaître le credo de plusieurs de ceux qui qualifient M.  […] C’est qu’il les connaît pour les avoir étudiées dans le passé et dans le présent et que, s’il est poète, il est historien  Ou bien parmi de magnifiques paroles sur la vertu, il nous avertit subitement qu’elle n’est que duperie, et cela nous scandalise ; mais ce n’est pourtant qu’une façon de dire que la vertu est à elle-même sa très réelle récompense.

2445. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Si vous ne l’aviez point lu, si vous ne le connaissiez que par le raccourci de drame anonyme où je l’ai résumé en commençant, peut-être hésiteriez-vous sur leur condition sociale. […] Puis, c’est un phénomène connu, que les esprits très compliqués adorent souvent les âmes simples… Toutefois, cette préoccupation impie et affectueuse de la vie mystique commence à devenir singulière, chez M. 

2446. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

« Persuadé qu’Arlequin connaît le meurtrier du commandeur, Pantalon fait sonner bien haut la récompense promise à celui qui le déclarerait. […] Après plusieurs feintes, il persiste à soutenir qu’il ne le connaît point.

2447. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

à quel signe le connaître ? […] je ne connais pas de doctrine plus arbitraire ni plus funeste.

2448. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVIII. Institutions de Jésus. »

Les derniers livres du canon juif connaissent déjà le Saint-Esprit, sorte d’hypostase divine, quelquefois identifiée avec la Sagesse ou le Verbe 846. […] N’est-ce pas là Jésus, le fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère ?

2449. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

La « chère âme » qu’elles chantent est d’ailleurs une des plus dégoûtantes, une des plus répulsives que l’humanité puisse connaître et, malgré les belles cadences, malgré l’éclat coloré ou lumineux de certaines images, les allégories qui expriment cette pourriture folle ne parviennent pas à me séduire. […] Voici comment elle nous définit Lucie Altimare, « l’aventureuse », la plus significative de ses héroïnes : « Au fond, un cœur froid et aride, sans une palpitation d’enthousiasme ; au-dehors une imagination trompeuse qui grandissait toute sensation, qui augmentait toute impression… Au fond, un manque absolu de sentiment ; au-dehors, des rêveries sur les nobles utopies humanitaires, des aspirations flottantes vers un idéal incertain. » Et on nous fait connaître longuement « l’artifice de sa personne, un artifice si naturel, si absolu, si complet, qu’il la trompait elle-même, en lui donnant une fausse sincérité ; en devenant son véritable caractère, son tempérament, son sang, ses nerfs ; en la persuadant de sa propre bonté, de sa propre vertu, de sa propre supériorité ».

2450. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

Non une excellente société, mais Chicard y connaissait tout son monde. […] Du temps de mes dettes, du temps que j’habitais chez un pécheur de l’île Saint-Denis, je reçois une lettre de X… que vous connaissez, une lettre qui me disait : « Viens à ma campagne, j’ai un parc où il y a une balançoire et des jeux de bague. » Je me rends à Courbevoie, et trouve mon ami dans un petit salon, jouant bourgeoisement au loto, avec des haricots pour enjeux, en compagnie d’un monsieur et d’une dame, — mais toutefois au dos une vieille robe de chambre du monsieur, et aux pieds de vieilles pantoufles de la dame.

2451. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

La ballade de Lénore si médiocrement sentimentale chez Burger, se révèle, au contraire, dans sa forme orale, telle qu’une admirable vision fantastique ; et le Plongeur, — une des plus populaires des chansons connues, comme il y a loin de celle de Schiller, qu’apprennent les écoliers, à celles que chantent les vieilles « le soir à la chandelle » ! […] La Triste Noce, assez peu connue, est, dans sa simplicité tragique, une des plus mémorables parmi les grandes ballades françaises et, ce qui est fort rare, elle paraît intacte et complète : J’ai fait l’amour sept ans, Sept ans sans en rien dire, Ô beau rossignolet, J’ai fait l’amour sept ans Sept ans sans en rien dire.

2452. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

Chapitre IV La folie et les lésions du cerveau Dans les sciences physiques et chimiques, lorsque l’on veut connaître les conditions qui déterminent la production des phénomènes, on fait ce que l’on appelle des expériences : on supprime telle ou telle circonstance, on en introduit de nouvelles, on les varie, on les renverse, et, par toute sorte de comparaisons, on cherche à découvrir des effets constants liés à des causes constantes. […] n’est-il pas rationnel de conclure de ces faits, si connus et si positifs, à ceux qui le sont moins ?

2453. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Celui-ci connaît le monde et a bien pris son parti. […] Bref, se trouvant à tout, et n’arrivant à rien… Ce vers-là devrait être la devise de certains vieux courtisans que l’on connaît.

2454. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

D’ailleurs, ajoute-t-il, la chironomie ou l’art du geste est un art connu dès les temps heroïques. […] Mais le geste naturel ne suffit pas même alors pour donner à connoître les circonstances de cette affection.

2455. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XV. Mme la Mise de Blocqueville »

Et en effet, qu’on me passe le mot : Eugénie de Guérin est le talent le plus pieds nus de simplicité et d’ignorance que je connaisse, quoique Mme de Blocqueville qui, si elle n’a pas de talent en paquet, a bien des paquets de lecture dans le talent, l’accuse de prétention quelque part. […] Je le connais, ce catholicisme.

2456. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

C’est une phrase de La Bruyère qui a fait son enfant, à elle ; et cette phrase bien connue, la voici. […] C’est Mme de Girardin, je crois, qui a dit spirituellement et sans crainte de se déshonorer que « le style de la femme, c’était l’homme », mais je n’ai pas reconnu l’homme dans le style de Mme Haller, IV Et maintenant vous connaissez ce livre de Vertu.

2457. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

Cette prolifique, abondante et rapide, ne connaît pas une fatigue qui nous reposerait. […] On ne la hait point ; elle n’ennuie pas, mais elle n’attache pas non plus, et je dirai pourquoi… Elle a la plume légère, mais c’est une plume enlevée à l’aile de cet oiseau que La Fontaine a surnommé « Caquet-bon-bec. » Elle l’a légère et infatigable ; infatigable à effrayer les esprits qui veulent que d’une plume, il tombe quelque chose qui ne soit pas une phrase connue… Les romans de Mme de Chandeneux, qu’on lit sur leurs titres, qui sont séduisants comme le visage d’une jolie femme qui serait sotte, ne sont ni meilleurs ni plus mauvais que tous ces romans de femmes qui se ressemblent, comme les gravures de mode se ressemblent.

2458. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

… Est-il permis de manquer d’intérêt et de vie quand il s’agit du peuple le plus curieux et le moins connu, quoiqu’on en ait immensément parlé, de ce peuple magot et falot qui ressemble aux visions produites par l’opium qu’il fume, et qu’on pourrait appeler le plus fantastique de tous les peuples ? […] Pauthier et Bazin, qui sont d’un temps plus rassis, n’ont point de ces façons de corybante à tympanon et à cymbales ; mais, avec les airs modérés et prudents, le grand uniforme de la philosophie officielle du xixe  siècle, ils glissent en dessous de leurs grosses statistiques bien de petites phrases où perce la préférence marquée d’une tradition qui n’explique aucune des traditions diverses des races aux dépens de la grande Tradition qui les explique toutes, et c’est au point que sans cette tradition anti-chrétienne, chère aux voltairiens de tous les âges, ils n’oseraient peut-être pas, malgré la chinoiserie de leurs manières de voir et de sentir, nous vanter la Chine et ne rien ajouter aux raisons connues que ses plus anciens partisans avaient déjà de l’admirer.

2459. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Qui voudra connaître les derniers jours de la vie arabe lira Daumas, et qui pensera à ce noble peuple, à cette perle de peuple que nos mœurs occidentales vont dissoudre, pensera à ce qu’il en a raconté. […] Car ce dont il s’agit dans ces livres, c’est de l’âpre, fier et religieux ennemi dont les résistances ont développé dans notre armée non seulement les vieilles qualités traditionnelles qui constituent le génie militaire de la France, mais des qualités entièrement nouvelles et qu’on ne lui connaissait pas.

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